51ème JAND 28 janvier 2011 Connaître les pièges du suivi après chirurgie de l’obésité Christine Poitou Maître de conférence des Universités, Praticien Hospitalier, Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie ; Pole d’Endocrinologie-diabétologie-Métabolisme-NutritionPrévention vasculaire de la Pitié-Salpêtrière. Résumé Au cours du suivi d’un patient obèse opéré d’une chirurgie gastrique, le médecin doit être particulièrement vigilant pour plusieurs raisons : la sémiologie des complications est souvent trompeuse, le médecin considère le patient guéri puisqu’il a perdu du poids et que les complications sont souvent améliorées ou ont disparu, enfin le patient a souvent tendance à minimiser les troubles car il se trouve dans une situation positive par rapport à la perte de poids. Plusieurs tableaux cliniques doivent attirer l’attention et nécessitent une évaluation approfondie. Les douleurs abdominales doivent être un signe d’alerte de certaines complications chirurgicales nécessitant une prise en charge rapide comme l’occlusion intestinale, la hernie interne, la cholécystite. La sémiologie de la douleur doit orienter mais des examens complémentaires comme la Fibroscopie Oeso-gastro-duodenale (FOGD) sont utiles pour diagnostiquer des ulcères anastomotiques, parfois responsables de déglobulisation. Des douleurs postprandiales récurrentes doivent faire évoquer une hernie interne et discuter une coelioscopie exploratrice. Les malaises après chirurgie gastrique et en particulier bypass gastrique sont fréquents et le plus souvent liés à des hypoglycémies hyperinsulinémiques postprandiales. Les signes neuroglycopéniques en font toute la gravité. Il faut impérativement éliminer les causes médicamenteuses, neurologiques ou cardiaques. Devant des hypoglycémies avérées, il convient d’éliminer les rares insulinomes. La mise en place de mesures diététiques (fractionnement des repas, faibles index glycémiques) est nécessaire mais pas toujours suffisante. Il convient alors de discuter les traitements médicamenteux (acarbose, inhibiteurs calciques, diazoxide, octreotide) dont l’efficacité n’est pas encore clairement établie. Il est également proposé parfois par certaines équipes une réintervention sur la poche gastrique ou une pancréatectomie distale. Les carences nutritionnelles sont fréquentes (carence en fer et vitamine D). Les complications neurologiques sont rares mais potentiellement graves (séquelles irréversibles comme dans le Gayet Wernicke par exemple), le plus souvent liées aux carences en vitamines du groupe B. Il faudra être particulièrement vigilant en cas de perte de poids rapide, de complications chirurgicales ou pathologies intercurrentes, de vomissements, de dénutrition protéique, s’alarmer devant des signes neurologiques d’apparition récente et traiter sans retard sans attendre la confirmation biologique de carence vitaminique. La perfusion de glucose après chirurgie doit impérativement être accompagnée d’une supplémentation parentérale de vitamine B1. Enfin le suivi de la courbe de poids est important pour ne pas méconnaître des pathologies intercurrentes (complications chirurgicales, néoplasie) dans le cadre d’une perte de poids inhabituelle. Introduction Selon les recommandations américaines, européennes et françaises (http://www.hassante.fr/portail/jcms/c_765529/obesite-prise-en-charge-chirurgicale-chez-l-adulte), le suivi d’un patient opéré doit être systématique et régulier (cf Chapitre P Ritz Suivi nutritionnel des patients opérés). Néanmoins, certaines situations cliniques nécessitent une attention et une surveillance accrue afin de ne pas méconnaître une complication ou une évolution grave. Nous aborderons ici les pièges du suivi en les illustrant par des cas cliniques : en première partie nous détaillerons les douleurs abdominales, parfois révélatrices de complications chirurgicales et en seconde partie les situations médicales requérant une évaluation approfondie. C. POITOU 3 I. DOULEURS ABDOMINALES I.1. Cas Clinique Mme L, 41 ans, présente une obésité massive (poids 119 kg (IMC=40,2 kg/m²)) compliquée d’un syndrome d’apnées du sommeil modéré et de lombalgies. Un bypass est réalisé. Les suites opératoires initiales sont simples, 18 mois après l’intervention au poids de 77 kg (-42 kg), elle présente des douleurs abdominales diffuses essentiellement postprandiales évoluant depuis deux semaines, qui cèdent au bout d’une demi heure environ. A l’examen clinique le ventre est souple avec une sensibilité à la palpation de l’épigastre et de l’hypochondre gauche. Le tableau clinique est donc celui de douleurs postprandiales à répétition à distance de l’intervention (favorisée par une perte de poids conséquente). Les examens à réaliser sont un Transit Oeso-gastroduoenal (TOGD) et/ou scanner avec opacification du grêle. Ils peuvent visualiser une hernie des anses grêles dans les brèches, notamment mésocolique, réalisées pendant l’intervention. Ici le TOGD montre des anses dans la brèche mésocolique (flèche blanche). Les pièges de cette situation sont : - de méconnaître une douleur fluctuante, avec une sémiologie peu parlante, qui cède spontanément, que le patient ne rapporte pas obligatoirement si on ne lui pose pas la question et qu’il minimise. - même en cas de normalité des examens morphologiques, il est indispensable de réaliser une coelioscopie exploratrice qui permet d’une part de confirmer le diagnostic (exploration de tous les sièges possibles de hernie interne) et de traiter en suturant les brèches. C. POITOU 4 I.2. Orientation diagnostique et conduite à tenir Devant toute douleur abdominale après chirurgie, l’interrogatoire s’attache à décrire les caractéristiques des douleurs : délai par rapport à l’intervention, facteurs déclenchants (aliments), siège (épigatrique, périombilicale, hypochondre droit), type de douleurs et durée, signes d’accompagnement (arrêt matières et gaz, vomissements, troubles vasomoteurs, troubles du transit). Il faut toujours avoir à l’esprit qu’un patient opéré obèse est un malade extrêmement fragile. De plus, le montage chirurgical lui-même entraîne des complications potentiellement graves avec un risque vital non négligeable (hernie interne, occlusion, nécrose du grêle). Au moindre doute il faut demander l’avis du chirurgien qui a opéré le malade et/ou adresser le patient au centre chirurgical le plus proche pour une prise en charge urgente. Différents tableaux cliniques peuvent être décrits : a) douleurs abdominales persistantes et vomissements avec signes d’occlusion, et/ou altération de l’état général. Ce tableau oriente vers le diagnostic de sténose d’une anse digestive ou occlusion sur brides. La ré intervention chirurgicale s’impose en urgence sans réaliser aucun examen complémentaire. b) douleurs abdominales à répétition postprandiales à distance de l’intervention (> 3 mois) ou douleurs abdominales atypiques. La crainte est celle de la hernie interne. Les examens à réaliser sont TOGD et/ou un scanner avec opacification du grêle et surtout une coelioscopie exploratrice. Si la coelioscopie est « blanche » il est souhaitable de réaliser une Fibroscopie Oeso-gastro-duodénale (FOGD) à la recherche d’un ulcère de l’anastomose (douleurs parfois atypiques). c) douleurs abdominales le plus souvent aigues prédominant dans l’hypochondre droit. L’examen clinique peut mettre en évidence une défense de l’hypochondre droit. La conduite à tenir est de réaliser un bilan biologique (bilan hépatique, lipasémie) ainsi qu’une échographie abdominale à la recherche d’une pathologie biliaire dont le risque est augmenté au cours des amaigrissements importants. De même les douleurs lombaires doivent faire évoquer une lithiase rénale dont la fréquence est accrue au cours d’une perte de poids importante. d) douleurs abdominales épigastriques accompagnées éventuellement de vomissements ou d’intolérance alimentaire. L’examen clinique est strictement normal. L’examen à faire en priorité est une FOGD à la recherche d’un ulcère anastomotique. Celui-ci peut survenir rapidement mais également à distance de l’intervention. Il peut être potentiellement grave avec le risque d’hémorragies digestives. e) crampes intestinales survenant après les repas avec des signes associés abdominaux (nausées, diarrhées, vomissements) et/ou vasomoteurs à type de céphalées, sueurs, besoin de s’allonger, tachycardie. L’interrogatoire permet de retrouver des facteurs alimentaires déclenchants (sucré ou gras notamment). Il s’agit des manifestations du dumping syndrome précoce, fréquent après bypass et qui s’estompe parfois lors de la deuxième année. Les conseils alimentaires (aliments à faible index glycémique, fractionnement) sont alors nécessaires. Enfin si l’ensemble du bilan morphologique (TOGD, FOGD et coelioscopie) est normal, le diagnostic de douleurs fonctionnelles peut être posé (diagnostic d’élimination). Il s’agit alors souvent de douleurs appartenant au syndrome du colon irritable. Il peut également s’agir d’intolérance au fer ou au lactose. Il semble néanmoins important, ce d’autant que le sujet a plus de 50 ans et/ des antécédents familiaux de cancer du colon, de réaliser une coloscopie, les patients obèses ayant un risque accru de cancer du colon. C. POITOU 5 II. MALAISES APRÈS CHIRURGIE GASTRIQUE II.1. Cas clinique. Mme N 50 ans a un bypass gastrique en 2005 au poids de 147 kg. La perte de poids est maximum en juillet 2007 jusqu’à 78 kg (-68 kg soit 47 % de perte de poids). 3 ans après la chirurgie apparaissent des malaises postprandiaux (1-3h après) avec sueurs, tremblements, céphalées, vertiges, survenant à différents moments de la journée, glycémie capillaire 0.45 g/l, une glycémie à jeun à 0.33 g/l. Les explorations montrent une imagerie pancréatique normale, l’épreuve de jeûne sur 72h est normale. Résultats de l’HGPO (figure ci-dessous): pic de glycémie à plus de 200 mg/dl à 30 mn puis une hypoglycémie à 40 mg/dl au-delà de la 90ième mn ressentie par la patiente, avec un retour spontané à la normale. La sécrétion d’insuline monte très haut rapidement à 30 mn (supérieure à 250 µU/l). II.2 Orientation diagnostique et conduite à tenir. Une étude récente suédoise montre que les hospitalisations pour des malaises après bypass (hypoglycémie, confusion, syncope, épilepsie, agitation) sont deux à sept fois plus fréquents que dans la population de référence (1). Les auteurs constatent qu’il n’existe pas d’augmentation de ces malaises après chirurgie restrictive. Le risque absolu qui découle de cette étude est de 0.2% pour les hypoglycémies documentées et de 1% pour les malaises de type hypoglycémique. Cette prévalence pourrait être plus élevée car elle ne prend en compte dans cette étude que les malaises ayant abouti à une hospitalisation. Un des pièges devant des malaises après chirurgie gastrique est de méconnaître les causes indépendantes de la chirurgie gastrique dont la prise en charge est spécifique : f) médicamenteuses (hypotenseurs, bradycardisants, hypoglycémiants) g) vertige d’origine ORL avec sensation de mouvement giratoire h) épilepsie d’origine neurologique i) syncope vaso-vagale, hypotension orthostatique j) origine cardiovasculaire (troubles du rythme et de conduction, accident ischémique transitoire, dropattack etc…). La recherche d’une cardiopathie est essentielle car elle expose au risque de mort subite. C. POITOU 6 k) hypoglycémies organiques dont l’origine est un insulinome avec sécrétion autonome d’insuline. Il s’agit de malaises de type hypoglycémique avec signes de neuroglycopénie (perte de connaissance, confusion, convulsions) et surviennent à jeun ou après un exercice. Pour cela il faut tout d’abord différencier la perte de connaissance et la lipothymie (malaise subit et passager sans perte de connaissance vraie) en réalisant un interrogatoire minutieux de l’entourage et du patient. Il faut caractériser précisément le malaise, rechercher les prodromes, les signes accompagnateurs, les circonstances de survenue. Les examens complémentaires (neurologique, cardiaque et vasculaire) sont guidés par cette première étape. Des malaises peuvent être liés à la chirurgie gastrique elle même. Il ne faut pas méconnaître un saignement digestif lié à la chirurgie (ulcère de l’anastomose par exemple). Mais il s’agit le plus souvent soit de malaises postprandiaux précoces type Dumping Syndrome, soit postprandiaux tardifs (hypoglycémies postprandiales). a) Le dumping syndrome, complication fréquente notamment après bypass, apparaît rapidement après la chirurgie, dès la reprise d’une alimentation. Cette lipothymie survient dans les minutes qui suivent le repas. Le malaise associe des signes vasomoteurs et abdominaux (cf paragraphe précédent). Il est lié à l’arrivée rapide d’aliments osmotiques (sucrés ou gras) dans la lumière intestinale. Un des signes quasi constant décrits par les patients est le besoin de s’allonger. Même s’il est parfois spectaculaire, il n’est jamais associé à une perte de connaissance et n’a pas de gravité. Le traitement est l’éviction du ou des aliments en cause. β) Les malaises postprandiaux (1-3h après le repas) apparaissent souvent à distance de la chirurgie (après la première année). Ils se manifestent par des signes d’hypoglycémie, certains patients développent des signes neuroglycopéniques, qui font toute la gravité du tableau. Le profil de la glycémie et de l’insulinémie après charge en glucose (HGPO) montre une élévation importante de la glycémie avec une sécrétion réactionnelle inhabituelle d’insuline puis une diminution de la glycémie pouvant descendre en dessous de 0.6 g/l, définissant alors l’hypoglycémie réactionnelle (cf cas clinique). Ceci peut également être confirmé par des repas tests riches en glucides (revue dans (2)). Lorsque l’on constate une hyperinsulinémie concomitante à l’hypoglycémie supérieure à 4 µUI/l, donc inadaptée, celle-ci pourrait être liée à trois mécanismes (revue dans (2)): nésidioblastose observée avec une fréquence accrue après bypass (3, 4) hyperplasie des cellules β-pancréatiques préexistante à la chirurgie et sécrétion accrue d’incrétines en particulier le GLP1 après chirurgie (5 , 6) La conduite à tenir devant des malaises après chirurgie gastrique est : l) d’éliminer une cause médicamenteuse, neurologique ou cardiovasculaire, une insuffisance surrénalienne ou corticotrope (dosage du cortisol), un saignement digestif. m) demander au patient une auto surveillance avec lecteur de glycémie lors des malaises en notant l’horaire, la composition du repas, les signes associés. n) en cas de signes neuroglycopéniques et/ou hypoglycémies survenant à jeun ou rebelles au traitement diététique, il faut réaliser un scanner pancréatique et une épreuve de jeûne afin d’éliminer un insulinome. o) réaliser une HGPO sur au moins 3 heures et/ou un repas test en mesurant la glycémie et l’insulinémie. Le holter glycémique peut également être utile car il permet de suivre le profil glycémique au cours de l’alimentation habituelle du patient (7). Le dosage du GLP1 au cours de l’HGPO ou d’un repas test pourrait avoir un intérêt, cependant les dosages en routine se heurtent à des difficultés de prélèvement et au coût. C. POITOU 7 La prise en charge des malaises hypoglycémiques, notamment ceux avec signes neuroglycopéniques est parfois difficile. La première étape est le fractionnement des repas en privilégiant les index glycémiques bas. Les traitements médicamenteux proposés sont l’acarbose ou les inhibiteurs calciques voire le diazoxide (utilisé dans les insulinomes) ou l’octreotide. Aucun à ce jour n’a réellement fait l’objet d’essai clinique portant sur l’efficacité et la tolérance. Une équipe suisse a proposé récemment de réduire la poche gastrique à l’aide d’un anneau (8). Mc Laughlin et al ont montré l’efficacité d’une alimentation par gastrostomie sur la normalisation de la sécrétion d’insuline et GLP1 en comparaison avec la voie orale, suggérant qu’une alimentation entérale pourrait être efficace dans les cas rebelles (9). Certaines équipes proposent en dernier recours une pancréatectomie partielle après repérage de la zone d’hypersécrétion insulinique au cours d’une injection intra-artérielle de calcium. III. CARENCES NUTRITIONNELLES ET COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES III.1. Cas clinique. Mme M 39 ans, bypass en 2006 réalisé au poids de 110 kg dans une clinique. Une supplémentation vitaminique est prescrite après bypass mais non prise dans un contexte de dysphagie importante. La perte de poids est rapide, 35 kg en 3 mois (-32% du poids). Des troubles neurologiques apparaissent 4 mois après bypass (confusion) et conduisent la patiente aux urgences. Elle est hospitalisée en psychiatrie devant une suspicion de « dépression » dans un contexte de fragilité psychologique préalable à la chirurgie. Un mois plus tard le tableau neurologique s’aggrave avec l’apparition d’un nystagmus et de troubles de la marche. Une carence en vitamine B1 est alors évoquée par un neurologue, un traitement vitaminique est mis en place. Elle est hospitalisée dans notre service en 2007 : le poids est stable à 53 kg, les suppléments vitaminiques sont pris mais les troubles de l’équilibre persistent malgré une rééducation intensive et des troubles de mémoire semblent irréversibles. III.2. Orientation diagnostique et conduite à tenir. Le cas clinique illustre certains pièges : p) le chirurgien a au départ probablement méconnu une sténose devant la dysphagie et la perte de poids très (trop) rapide, il disait à la patiente « vous devez être contente de perdre du poids », considérant la patiente « guérie » de son obésité. La patiente dans l’euphorie de la perte de poids, minimisait elle même les symptômes. q) d’une part la sémiologie au départ pouvait être trompeuse compte tenu du contexte psychologique et d’autre part il existe souvent une difficulté à croire que le patient obèse puisse être dénutri. Les médecins des urgences n’ont pas été assez vigilants sur les risques nutritionnels. r) le diagnostic biologique de carence est difficile, il ne faut se fier qu’à la clinique dans ce cas et traiter au moindre doute. Une fois installée, les signes de carence peuvent être définitifs. Le déficit en vitamine B1 est rare mais potentiellement très grave car responsable de troubles neurologiques pouvant entraîner des séquelles irréversibles. Des polyneuropathies parfois irréversibles, et des encéphalopathies de Gayet Wernicke, comme dans le cas clinique ci-dessus, ont en effet été rapportées (10). Ces carences sont précipitées par les perfusions de sérum glucosé souvent prescrits en cas de vomissements à répétitions eux-mêmes causes de carences. Toute perfusion de glucose chez un patient opéré d’une chirurgie bariatrique malabsorptive doit être associée à un apport en vitamine du groupe B. Ces complications peuvent survenir précocement après C. POITOU 8 la chirurgie et sont favorisées par une perte de poids rapide, des symptômes gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhées), une dénutrition protéique. Un des pièges est qu’elles peuvent également apparaître plusieurs années après la chirurgie. Il est donc important : s) de prévenir l’apparition de carence avec des suppléments adaptés (11). t) d’informer les patients sur la nécessité de consulter à l’apparition de signes neurologiques même mineurs (troubles de la marche, troubles oculaires avec nystagmus, anomalies des fonctions supérieures) u) de traiter rapidement dès l’apparition de symptômes v) de réaliser annuellement un examen neurologique complet et de renforcer la supplémentation au moindre doute. Certaines revues récentes imputent aux carences en vitamine B12 des conséquences neurologiques notamment des scléroses combinées de moelle survenant à distance d’un bypass et des polyneuropathies (10, 12) Des troubles de la sensibilité profonde, de l’équilibre, des paresthésies doivent faire penser à cette carence et conduire à la traiter sans retard. Une atteinte neurologique pouvant être également secondaire à un déficit en vitamine B12, B6 et cuivre, il convient également de traiter avec des suppléments spécifiques, même en l’absence de dosages vitaminiques (13). Nous rappellerons enfin la nécessité de suivre les patients pour les autres déficits nutritionnels fréquents notamment la vitamine D avec les risques osseux et le fer, les anémies étant très fréquentes notamment chez les femmes en âge de procréer (11). IV. SURVEILLANCE DE LA COURBE DE POIDS IV.1. Cas Clinique Mme M. 56 ans. Un bypass gastrique est réalisé en juillet 2007 au poids de 156 kg. La courbe de poids (figure ci-dessous) montre une ré-augmentation du poids entre 2 et 3 ans puis une nouvelle perte de poids depuis les 6 derniers mois avec un poids minimum atteint à 96 kg en 2010. L’interrogatoire retrouve une altération de l’état général avec une diminution de l’appétit. Le contexte est celui d’une femme ayant une histoire de vie difficile, marquée par des épisodes dépressifs qui n’avaient cependant pas contre-indiqués la chirurgie après évaluation psychologique. La symptomatologie dépressive est à nouveau présente depuis 18 mois. C. POITOU 9 Un bilan biologique standard réalisé devant cette perte de poids inhabituelle, retrouve sur la Numération Formule Sanguine une hyperlymphocytose évocatrice de Leucémie Lymphoide Chronique. Le piège dans cette situation est de mettre sur le compte de la dépression la symptomatologie présentée. Celle-ci doit restée un diagnostic d’élimination. IV.2 CONDUITE À TENIR ET ORIENTATION DIAGNOSTIQUE Nous souhaitons attirer l’attention sur la surveillance de la courbe de poids après chirurgie gastrique. Une perte de poids rapide dans les semaines après la chirurgie doit faire rechercher une complication chirurgicale (sténose par exemple), ce d’autant qu’il existe des signes associés (vomissements, dysphagie). Elle expose à des carences nutritionnelles graves, protéiques et vitaminiques (11), comme les complications neurologiques décrites ci-dessus. Les risques de dénutrition protéique majeure existent dans les semaines suivant la chirurgie notamment s’il existe des pathologies intercurrentes (complications de la chirurgie infectieuses comme les fistules, abcès). Un sujet obèse peut être un patient dénutri ! La courbe de poids habituelle d’un patient opéré est caractérisée par un point minimum atteint en général au cours de la deuxième année, puis à une stabilisation du poids. Une perte de poids qui se poursuit au-delà de 2 ans, excessive (il est habituel de voir une perte de poids de l’ordre de 30-40 % après bypass), et/ou réapparaissant à distance de la chirurgie après une stabilisation pondérale, doit faire rechercher une pathologie sous jacente comme : - hyperthyroïdie - néoplasie - dépression - anorexie Un examen clinique complet ainsi qu’un bilan biologique de base minimum (comprenant NFS, CRP, bilan hépatique, TSH). Les examens complémentaires sont ensuite orientés en fonction du contexte. Une évaluation psychologique peut être requise si aucune étiologie organique n’est retrouvée. A l’inverse les hypoglycémies décrites ci-dessus peuvent conduire à des reprises de poids qu’il convient également d’analyser rigoureusement. V. AUTRES PIÈGES À CONNAÎTRE Même si les données manquent dans la littérature médicale, il faut tenir compte dans le suivi des possibilités de malabsorption ou de modification de la pharmaco de certains médicaments (AVK, antiépileptiques, contraception orale) et adapter les traitements Enfin il faut être vigilant des possibilités de grossesse, contre-indiquée dans les mois qui suivent la chirurgie), chez une patiente dont la fertilité augmente après la chirurgie (dystrophie ovarienne qui s’améliore avec la perte de poids, efficacité des contraceptifs notamment minidosés dans le cadre de la malabsorption). Il est pour cela indispensable de discuter avant la chirurgie des moyens contraceptifs et d’en informer la patiente. Conclusion Le suivi après chirurgie est un exercice médical différent du suivi du patient obèse avant la chirurgie. Certes le suivi comportemental (diététique, activité physique) garde toute son importante. Mais la prise en charge des complications qui s’améliorent avec la perte de poids s’allège tandis que d’autres C. POITOU 10 complications liées à la chirurgie apparaissent. Ces complications décrites ici nécessitent souvent des investigations complémentaires, des hospitalisations, des traitements. Plusieurs pièges existent car : -les signes peuvent être trompeurs, notamment chez le sujet obèse. Les carences nutritionnelles peuvent être progressives. - les patients minimisent les signes et le médecin ne pense pas forcément à l’interroger car les bons résultats de la perte de poids sont au premier plan. - ces complications peuvent apparaître à distance de la chirurgie. Le médecin doit être prêt à diagnostiquer ces complications parfois graves et à les prendre en charge. Le patient quant à lui, doit également en être informé avant la chirurgie, ceci permet de consulter et de traiter sans retard. Bibliographie 1. 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