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Georges Goma-Gakissa
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L’HYPOTHESE D’UN PACTE DE NON-PROGRES DE L’AFRIQUE
UNE PENSEE CRITIQUE
Le progrès social est consubstantiel de la dynamique économique qui elle
même dépend de la clarté de l’agenda politique et surtout de la volonté politique. La
globalisation de l’économie, fait marquant de l’entre-siècle, n’est que la cristallisation
d’un paradigme préexistant à savoir une économie mondiale dominée par la primauté
des superpuissances occidentales. La cessaire régulation de l’ordre mondial par le
truchement des institutions internationales majeures pour la plupart nés au lendemain
de la Dernière Grande Guerre et ayant vocation à répandre le progrès social ne cesse de
montrer ses limites. Les vagues de démocratisation en Afrique, consécutives à la fin de
la guerre froide symbolisée par la chute du mur de Berlin, sont sujet à questionnement.
Cette présentation se propose d’esquisser une critique radicale de l’idée d’une Afrique
qui refuse le progrès économique, social et démocratique et puis la démocratie partant
n’est absolument pas « un luxe pour l’africain » [dixit Jacques Chirac, Président de la
France de 1995 a 2007]. Elle s’efforcera de montrer combien les anciennes théories du
centre et de la périphérie restent d’actualité en dépit, toutefois, des oripeaux d’une
dynamique internationale soit disant branchée sur et préoccupée par le développement
de l’Afrique. Pour comprendre en profondeur, cette présentation s’efforcera de montrer
et de faire saisir les fondamentaux de ce qui se trouve au creux de la dynamique du
commerce transactionnel entre l’Afrique et le reste du monde pour travailler
l’hypothèse d’un pacte de non progrès en Afrique : le progrès de l’occident parait ainsi
être inversement proportionnel au progrès de l’Afrique Subsaharienne. Tel est mon
postulat de départ.
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Docteur en sociologie (Paris 5-René Descartes-Sorbonne), Professeur de Sociologie et du
Travail Social à l’université d’Etat de Californie Baie Est, Membre du GEPECS (Paris 5),
Membre du CEMS (EHESS), Membre du Réseau « Vieillesse, vieillissement et parcours de
vie ».
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ASSUMPTION OF AN EXISTING HIDDEN PACT OF NON-
PROGRESS IN AFRICA
Critical Perspective upon International Relations
Social progress is consubstantial to the economic dynamic which, by itself,
depends on the clarity of the political agenda and, above all, the political will. The
globalization of the economy, turning point at the onset of the 21st century, is nothing
else than the crystallization of a preexisting paradigm that is the world economy set up
to be dominated by the primacy of westerner nations. The necessary regulation of the
world order through international major institutions, most of them born after the
Second World War to “spread out the social progress”, has shown its limits. Waves of
African democratization movements following the fall of the Berlin wall in 1989 ask to
be questioned. This paper aims to sketching a radical critical thinking of the statement
according to which Africa does refuse social, economic, and democratic evolution.
Democracy, in particular, isn’t a “luxury to African peoples as misleadingly and
inappropriately stated by former French president Jacques Chirac. The paper will
reconsider the relevance of well-known core-hinterland theories stressing on how these
perspectives still remain accurate in spite of the flashy cloak of so-called international
dynamic aimed to develop the continent. For the sake of an in-depth understanding,
this presentation will endeavor to demonstrate and let people know the foundations of
what is nestled into the complex relationships between Africa and the rest of the world
by figuring out the assumption of an existing hidden pact of non-progress for sub-
Saharan African countries; thus, the progress in the West seems to be conversely
proportional of the progress in Africa. Such is my departure point of thinking.
LA DEMARCHE DE REFLEXION
Ce texte écrit dans la perspective d’une pensée libre, se voudrait d’abord et
avant tout essentiellement une ébauche de réflexion. Une réflexion en profondeur et
une réflexion décomplexée sur le continent noir ; notamment sur son droit supposé ou
réel au progrès social, économique et démocratique. Ce texte se propose aussi, dans sa
structuration progressive et son élan d’achèvement, un projet articulé à une ambition de
caractère théorisant. Non pas une théorisation spécifique mais plutôt une théorisation,
disons-le, ouverte fondée sur des concepts susceptibles de rendre pertinemment compte
de la complexité même des déterminants majeurs qui constituent le substrat réel du
continent noir aussi bien dans son éthos que dans sa praxis.
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L’ethos c’est le caractère intrinsèque de l’homme africain ; ce qu’il fut, ce qu’il
est devenu et certainement aussi ce qu’il préfigure dans un contexte fluctuant de
changement de mentalité. Il y aurait-il une mentalité africaine ou des mentalités
africaines ; et d’ailleurs, ces mots ont-ils réellement un sens ? Je voudrais d’emblée par
ces mots, réaffirmer la démarche critique qui caractérise cet essai. Et donc, le caractère
de l’africain, cet ethos existentiel, tiendra bien aussi de la culture africaine ou des
cultures africaines. La culture est certainement l’une des dimensions fondamentales qui
impact la reconnaissance tangible ou non du continent noir dans ses relations
internationales. La praxis, quant à elle, c’est l’Afrique en pratique. L’Afrique pratiquée
par les africains eux-mêmes dans leur géographie propre mais aussi l’Afrique pratiquée
par des africains hors de l’Afrique dans une mesure mais encore et surtout aussi
l’Afrique pratiquée par les non-africains en Afrique et l’Afrique pratiquée par ces non-
africains dans les périmètres de leurs propres sphères géographiques. Conceptualiser le
progrès social en Afrique suppose, dans cette perspective, de bien articuler les corrélats
de l’ethos et de la praxis. Mais mon ambition d’une théorisation pertinente demeurera
partielle et partant non-opératoire sans prendre en compte une troisième dimension de
l’être africain ou de l’être tout court : l’éthique. Toute pensée et toute pratique de et/ou
sur l’être devrait s’articuler à des principes éthiques, à une culture de l’éthique qui
protège l’être africains plutôt que de le détruire. Ces principes éthiques ont un impact
sur les fondamentaux de l’économie et la globalisation nous offre aujourd’hui un
modèle presqu’achevé de l’interdépendance des économies au niveau supra national
et sur les enjeux politiques qui, en dernière instance, ont vocation à maintenir, soutenir
et entretenir les enjeux économiques.
Après ces quelques préalables sur la filiation de ma pensée, commençons donc
cette ébauche de réflexion par des questions très simples. Qu’est-ce que le progrès
social
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aussi bien à l’échelle des nations dites souveraines qu’à l’échelle des grands
ensembles étatiques ? Et quels sont les facteurs explicatifs des états perçus comme en
situation de réel progrès et d’autres définis comme en absence de progrès voire même
en situation de régression
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? La notion même de progrès social, est-ce un fait de culture
ou un trait universel ? Qu’est ce qui est à l’entrelacs des liens transactionnels entre les
peuples, les nations et les états au fondé de ce même principe du progrès social ? La
première question est de nature définitionnelle quand la deuxième est d’ordre
conceptuel et la troisième d’ordre interactionnel.
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Dans la suite de cet exposé, j’utiliserai progrès social dans un sens plus global englobant aussi bien le
progrès démocratique que le progrès mocratique. Je soulignerai les spécificités liées aussi bien au
progrès social, au progrès économique et au progrès démocratique si nécessaire.
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Certaines comparaisons historiques montrent le recul dans beaucoup de domaines depuis la fin de l’ère
coloniale.
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INSTABILITE SOCIOPOLITIQUE ET POTENTIALITES ECONOMIQUES DE LA
REGION.
L’instabilité sociopolitique est assurément un construit social. Les forces qui
construisent l’instabilité sont bidimensionnelles. Elles sont endogènes et exogènes. Peu
d’instabilité sous les ordres esclavagiste et colonial. Les vagues d’instabilité
apparaissent comme étant des construits sociopolitiques tirant leur sève d’un travail
structurel sur le clivage interethnique voir même intra ethnique. Les forces exogènes
sont structurées et structurantes. Elles sont jalonnées sur une vision et un champ
historiques eux aussi structurés. Les premiers contacts avec l’Afrique au quinzième
siècle, la mise en œuvre des traites négrières, les conquêtes et les exploitations
coloniales, la gestion des ères postcoloniales obéissent à un principe rationnel de
domination et son corrélat le plus puissant qui est l’exploitation des matières premières
incontournables au progrès social du monde occidental. Cette vision des choses, sous
l’œil occidental, s’érige à la dimension d’un paradigme qui traverse les siècles et les
générations. Le progrès de l’humanité dont il se réclame peine aujourd’hui à dissimuler
son vrai visage. Certains peuples semblent, aujourd’hui, plus humains que d’autres
quand ces autres se sont, à lorigine, ingénieusement vus se denier la qualité d’êtres
humains. Cette question tarauda longtemps la philosophie, la théologie et la biologie
européennes des siècles fondateurs.
LA GLOBALISATION DE LECONOMIE
La globalisation de l’économie reste le grand enjeu du vingt et unième siècle.
Disons-le une fois de plus, c’est juste la cristallisation d’un paradigme ancien. L’idée
du progrès est au cœur de la pensée occidentale depuis plus de deux siècles. Toute
l’histoire des rapports entre peuples différents puis, par la suite, entre états différents
s’était fondée sur le paradigme originel du progrès du monde occidental. Mais cette
vision, si elle a été travaillée et pratiquée tout au long de l’histoire, n’est guère absolue
par détermination. Le maintien et la survivance d’une telle perspective n’a été possible
que par l’exercice d’un rapport de force qui, jusque là, ne s’est établi qu’au profit de
l’occident conquérant. Ceci s’est historiquement fait et continue à se faire par le
truchement d’une avance prise par ce monde occidental dans la maitrise d’un certain
nombre de marqueurs de temporalités cristallisantes, des idées fondatrices et des
environnements matériels définis. Les outils concrets de cette maitrise ayant permis la
consolidation de la suprématie occidentale sur le reste du monde et l’Afrique en
particulier sont de quatre ordres principaux. Le pouvoir scientifique, le pouvoir
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économique, le pouvoir socioculturel, le pouvoir théologique et religieux ; le tout
encadré et couronné par le pouvoir militaire. Ce sont les ingrédients qui rentrent
dans l’ordonnancement et le maintien de la suprématie de l’occident. La question de
fond dans cette élaboration devient : quid du monde africain dès lors que l’on connait
désormais les fondamentaux qui constituèrent et qui continuent à faire, de nos jours, le
progrès social du monde occidental mutatis mutandis.
L’Afrique est-elle capable de mutation sociétale dans le sens du progrès
social ? Est-elle capable, elle aussi, de puissance hégémonique ? Une négative à cette
question fondamentale est assurément une impertinence bien que d’apparence
irréaliste. L’histoire de l’humanité regorge pourtant d’exemples qui montrent combien
des modèles de suprématie attribués à des temps précis à certains ensembles politiques
organisés tels que les royaumes, les empires et les états modernes dans le cours de
l’histoire n’ont guère jamais été que des formations relatives. Elles ont eu leurs
conditions d’émergence, ont eu leur temps d’apogée et finalement ont soit péri soit se
sont transformées. C’est la logique même du changement social. Il en fut de l’empire
romain et de l’ancienne Grèce aux temps antiques ; du puissant empire Byzantin au
temps de Justinien au 6e siècle ; du puissant empire du Mali en pays mandingue au 13e
siècle avec des personnages légendaires tel que Soundiata Keïta; des puissances
ibériques espagnole et portugaise autour aux 15e et 16e siècles ; des empires coloniaux
britannique et français des 19e et 20e siècles ; de la montée en puissance des Etats Unis
au lendemain de la dernière Grande Guerre ; de l’essor des puissances asiatiques entre
le Japon d’abord ; la Chine et l’Inde aujourd’hui sans oublier la marche forcenée de
l’Iran vers la puissance nucléaire pour ne retenir que ces cas. Ici et sont mises en
exergue les velléités de puissance et de domination. Et ces attentions velléitaires pour
ces nations qui osent ont en commun la grandeur de la nation concernée et donc son
progrès d’une manière générale. Et, je garde le concept de progrès social fortement
corrélé à l’amélioration des conditions existentielles des personnes pour lesquelles la
nation tire son essence c'est-à-dire les populations. Les états modernes du continent
noir d’une manière globale semblent bien, partant d’un regard synoptique, s’inscrire en
étrangers à ces patterns de dynamique sociétale. Ici est donc une invite à re-
contextualiser pour ainsi re-conceptualiser le continent noir dans la dynamique de la
globalisation devenu substrat de la pratique du monde au vingt et unième siècle. Cette
re-conceptualisation qui se voudra critique devra se vouloir tout aussi décomplexée.
Décomplexée face à l’occident et aux institutions internationales majeures que je pose,
par hypothèse, être au profit structurel des nations occidentales ; mais complexée
également face à une certaine élite politique africaine et pas des moindres responsable
et coupable d’apostasie du progrès social qui, sous d’autres cieux, constitue la valeur
centrale de l’engagement politique.
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