R. LOUIS. S. NAZAR1AN, C. LOU1S
ment, avec très peu de complications graves et d'excellents
résultats fonctionnels et morphologiques, permet donc de
justifier cette technique. Mais il faut bien avouer qu'il
s'agit d'une technique délicate dépassant le cadre de
l'orthopédie ou de la neurochirurgie habituelles. Il faut en
effet maitriser les abords antérieurs et être sufffisamment
raisonnable pour savoir quand il faut d'une part contre-indi-
quer la technique pour les rachis rigides et stopper la réduc-
tion lorsque les parties molles présacrées sont trop tendues.
La voie antérieure se justifie-t-elle encore étant donnée la
possibilité par voie postérieure d'introduire des cages ou
des greffons inter-somatiques? En effet, la première
manœuvre qui vient à l'esprit pour réduire un spondyJolis-
thésis est d'utiliser des vis pédiculaires qui ramènent vers
l'arrière la vertèbre olisthéstique. Mais pour ce faire, on est
obligé de prendre un appui sur le sacrum et un appui sus-
jacent sur L4, ce qui entraîne le plus souvent la fusion d'un
segment mobile sus-jacent sain. C'est la raison pour laquelle
nous avons préféré opter pour le repoussement vers l'arrière
du corps vertébral de L5, ce qui permet un appui beaucoup
plus résistant d'une surface métallique plane contre le corps
vertébral plus solide qu'un pédicule. Le double abord se
justifie donc par la nécessité de réaliser la reconstruction
des trois piliers lombo-sacrés, le gros pilier antérieur et les
deux piliers postérieurs. Sans cela, le montage est trop fra-
gile, ce qui explique d'ailleurs qu'entre les deux temps opé-
ratoires on puisse avoir avec une vis trans-osseuse trop
faible des incurvations immédiatement après la réduction.
Etant donnée l'importance de la musculature lombo-pel-
vienne, on ne peut concevoir après réduction que des mon-
tages extrêmement solides. Le problème de la voie anté-
rieure est le problème de toute la chirurgie abdominale,
pouvant donc entraîner des complications d'occlusion,
immédiates ou tardives. Ces complications peuvent être
évitées par des précautions peropératoires, manipulations
douces des anses intestinales avec des champs humides et
repositionnement correct des anses au moment de la ferme-
ture. De même, la reprise de l'alimentation per-os ne doit se
faire qu'après le rétablissement certain du transit. Ces voies
antérieures nécessitent obligatoirement l'adjonction d'anti-
coagulants pour éviter les phlébites iliaques.
Le seul problème réel de ces techniques de réduction de
spondylolisthésis sévère est celui des lésions radiculaires de
la queue de cheval. Nous avons vu que ces lésions peuvent
être compressives lorsqu'il existe par exemple des ossicules
dans l'aire des défects isthmiques: la réduction tasse ces
osselets dans le foramen, créant ainsi une compression radi-
culaire L5 bilatérale. Donc, toutes les fois que les radiogra-
phies pré-opératoires montreront l'existence de tels ossi-
cules, un temps préalable postérieur de libération sera
nécessaire. De même, les lésions radiculaires peuvent être
dues à un mécanisme d'étirement. Depuis plus de dix ans,
nous avons bien compris le mécanisme de ces étirements.
En effet, un spondylolisthésis sévère allonge progressive-
ment les racines sacrées dont les orifices passent en arrière
du disque L5-S 1. Par contre, les racines L5 ou L4 qui pas-
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sent au devant du sacrum se trouvent raccourcies lorsque le
corps vertébral de L5 se situe plus en avant, raccourcissant
ainsi la distance du pédicule de L5 à la face antérieure du
sacrum. De même, les parties molles présacrées - psoas,
vaisseaux et nerfs fémoraux - se trouvent également rac-
courcies. Lorsqu'on désirera réaliser la réduction du spon-
dylolistésis, on va donc allonger les formations présacrées
raccourcies, ce qui aboutira à un étirement. C'est la raison
pour laquelle actuellement lors du temps antérieur transpé-
ritonéal nous explorons au cours de la réduction progressive
la tension d'abord des muscles psoas, des vaisseaux
iliaques, du nerf crural et surtout de chaque côté du pro-
montoire la tension des racines L5. Toute tension excessive
doit nécessiter l'arrêt de la réduction, voire un léger relâ-
chement. A cette condition on peut éviter toute complica-
tion radiculaire postopératoire.
Bien entendu, devant un tel mécanisme de raccourcisse-
ment préopératoire et d'étirement peropératoire des racines
lombosacrées, on peut souhaiter modifier la technique en
réalisant, comme certains l'ont fait (Bradford), une traction
continue progressive de quelques semaines à quelques mois
avant l'intervention. Cette méthode semble en effet beau-
coup plus sûre, mais elle est très contraignante pour les
malades. Que la voie soit postérieure ou antérieure, cela ne
change rien au mécanisme d'étirement.
CONCLUSION
La chirurgie avec réduction des spondylolisthésis sévères
peut menacer les racines lombosacrées de compression et
d'étirement. Ces deux complications peuvent être évitées par
une bonne étude pré-opératoire des osselets inter-isthmiques
et par des manœuvres peropératoires lors du temps anté-
rieur, raisonnables, évitant de dépasser la limite de tension
des racines L5. Il faut récuser pour cette technique les
spondylolisthésis rigides et les sujets obèses. Le chirurgien
doit être entraîné à la chirurgie antérieure transabdomiriale.
Ces conditions étant respectées, il s'agit d'une chirurgie
très satisfaisante sur tous les plans, fonctionnel, morpholo-
gique et douloureux.
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