PETIT ABREGE D’ONTOLOGIE RELATIONNELLE
Toute écriture d’un texte religieux, et par la suite toute lecture
de ce texte par d’autres hommes, qui le considèrent comme
sacré, implique toujours une « philosophie de l’existence »,
c’est-à-dire une conception de l’homme et de ses relations avec
ce qui est, à ses yeux, l’ensemble du Réel et plus
particulièrement avec ce qu’il ressent être une réalité supérieure
et qu’il appelle : le divin, ou la divinité.
On comprend de suite que pour acquérir une bonne
intelligence de ce qu’est la « foi », il soit indispensable d’avoir
une « bonne philosophie de l’existence ». Il faut donc la
rechercher sur un double plan : celui du connaître et celui de
l’être, en leurs implications respectives.
I
L’ORDRE DE LA CONNAISSANCE
I L’acte de questionner et les exigences d’intelligibilité
Pour cela, je commencerai par une première question
philosophique que je vous adresse : « Quel est, selon vous, le
premier acte de l’esprit humain ? » Non pas le premier
chronologiquement dans votre vie ! Encore que l’étonnement du
bébé qui découvre le monde en soit une pratique permanente !
Réponse : C’est l’acte de questionner.
Et qu’est-ce que questionner ? Ce que nous sommes en train
de faire pour le moment !
Réponse : Questionner, c’est chercher une réponse qui soit
une connaissance évidente, une compréhension intégrale, un
savoir cohérent, susceptible d’être acceptée par tous ceux qui se
posent la même question, donc appropriée aux différents types
de questions posées.
a) Prenons bien note des quatre exigences d’intelligibilité
impliquées dans l’acte simple de questionner : Évidence,
intégralité, unité de cohérence, validité universelle. Quatre
exigences spécifiées par la nature de la question posée.
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b) De quelle nature sont nos questions ? Il y a cinq grands
types de questions et de réponses appropriées, c’est-à-dire cinq
méthodes de connaissance ou cinq formes de rationalité.
Répertorions-les. Il n’est pas facile de le faire. Le principal
obstacle culturel réside dans le fait de penser que la connaissance
humaine est uniforme, comme une sorte d’unique organe
intellectuel, comme si l’esprit n’avait qu’un seul sens perceptif
intellectuel. Or, pour notre sensibilité, nous parlons de cinq sens.
(La physiologie montre que nous en avons beaucoup plus, mais
peu importe… Ce n’est qu’une comparaison). De même, notre
conscience se dispose elle-même en elle-même pour connaître la
réalité selon cinq méthodes ou cinq attitudes rationnelles de
l’esprit. Celles-ci se différencient encore par la suite, chacune
selon son orientation propre.
Il en résulte cinq formes fondamentales de vérités et
seulement cinq. Elles ne sont pas les « espèces d’un même
genre ». Donc entre elles il n’y a pas de généralisation, ni de
particularisation possibles. Les types d’erreurs, en revanche sont
plus nombreux. Outre cinq types d’erreurs « matérielles » sur le
contenu des cinq méthodes fondamentales, il y a les types
d’erreurs « formelles » touchant les caractères constitutifs de ces
cinq formes de connaissance et de leurs relations. Ce deuxième
type d’erreurs, méthodologique, est beaucoup plus grave, et leurs
conséquences sont beaucoup plus dramatiques.
II Les cinq méthodes de connaissance
La première méthode est centrée sur le sujet humain selon
toutes ses activités nécessaires et constitutives : entre autres sur
le sujet en tant que connaissant ; donc sur elle-même et sur notre
connaissance intentionnelle du monde et sur les autres formes de
connaissances également, ainsi que sur toutes nos actions envers
autrui dans le monde et envers Dieu. Nous pouvons donc la
qualifier comme réflexive, subjective, transcendantale et enfin
comme philosophique.
Nous venons de la mettre en pratique en posant la question
« Qu’est-ce que questionner ? » et en y répondant en
reconnaissant les exigences d’intelligibilité et les différentes
méthodes de connaissance. La méthode philosophique est la
régulatrice suprême de toute pensée. Ce qui ne veut pas dire que
n’importe quel « système philosophique » ou prétendue
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philosophie puisse prétendre éclairer et genter valablement la
pensée humaine.
La seconde méthode est tournée vers le monde observable,
celui des objets physiques, biologiques, psycho-sociologiques,
etc. On peut qualifier cette méthode comme intentionnelle,
objective, empirique en ses formes simples, expérimentale en ses
formes élaborées et enfin comme scientifique au sens courant et
populaire du terme. Elles permettent le développement
prodigieux de toutes nos techniques modernes.
Selon cette méthode se construisent, en leur fabuleuse
diversité, les sciences de la matière, les sciences de la vie et les
sciences qui ont comme objet l’homme, appelées « sciences
humaines ».
Ces deux premières méthodes placent chaque sujet
connaissant devant une réalité qu’il peut connaître en exerçant
seul son activité intellectuelle, même si plusieurs individus le
font en même temps ou sont d’abord guidés par d’autres ou
collaborent en équipe pour cela. Il en est de même pour la
quatrième méthode logico-mathématique.
La troisième méthode, à la différence des autres, est ouverte
à la connaissance d’une réalité sui generis, c’est-à-dire d’une
réalité bien spécifique, car je ne puis m’y engager en initiative
solitaire. Il est, en effet, nécessaire que d’autres sujets pensant
dont il nous faut préalablement affirmer l’existence : hommes ou
Dieu fasse exister cette réalité pour nous et nous la révèlent,
dans un engagement libre envers nous en vue de notre
accomplissement. Nous pouvons qualifier cette méthode comme,
intersubjective, relationnelle, révélationnelle et enfin comme
fiduciale.
Sans l’initiative d’un autre envers nous, il nous est impossible
de « croire », alors qu’il nous est possible de faire seuls des
mathématiques, des sciences et de la philosophie. Mais sans une
disposition constitutive à croire, organisée selon ses nécessités
rationnelles propres, il nous serait aussi impossible de croire et
de juger de l’authenticité d’une révélation, tout comme sans les
dispositions rationnelles de la pensée scientifique (le principe du
déterminisme), il nous serait impossible de faire de la science.
Le révélateur d’une telle vérité non plus ne peut agir seul. Il
lui faut une conscience fiduciale pour l’accueillir (on ne se
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révèle pas à un arbre), comme c’est le cas dans les relations
interpersonnelles humaines, à moins de la produire comme réelle
et comme fiduciale à la fois. Ce qui est le cas de Dieu en tant que
créateur de l’homme et analogiquement, de la famille, entre les
parents et les enfants. Comme il y a une rationalité
philosophique, et une rationalité scientifique, il y a une
rationalité fiduciale. Nous appelons « fiducialité » notre
disposition constitutive à cette rationalité spécifique de notre
conscience ou raison.
En raison des pouvoirs illimités de chaque méthode ou
rationalité, les hommes produisent des œuvres correspondantes
en lesquelles chaque rationalité prend corps et vie. Aucune
œuvre ne marque une « limite » pour la méthode dont elle
procède et à laquelle elle donne consistance.
L’Ancien Testament est l’œuvre majeure de la prise de
conscience humaine de notre fiducialité envers Dieu. Cette prise
de conscience fut la condition a priori de possibilité pour Dieu
de se révéler en personne. Nous reviendrons sur ces évidences
fondamentales pour le philosophe d’une raison humaine
intégrale et non estropiée.
L’analyse réflexive de cette méthode ouvre sur la profondeur
authentiquement infinie de la révélation évangélique.
Profondeur presque connue par la théologie inspirée des
philosophies substantialistes et phénoménistes classiques et
traditionnelles.
Ces trois méthodes objective, réflexive et fiduciale peuvent
être dites existentielles ou concrètes, en tant qu’elles englobent
chacune un champ du Réel qui est propre à chacune.
La quatrième méthode est abstraite, formelle et constructive.
C’est la méthode logico-mathématique. Les sciences logico-
mathématiques construites, sans pouvoir le savoir, selon les
seules lois de l’esprit, indépendamment de toute expérience
sensible ou de révélation , rejoignent ce qu’il y a de
fondamentalement relationnel dans la alité. Elles sont donc un
instrument performant pour acquérir une intelligibilité profonde
du réel. (Quand je comprends réflexivement ce que je fais quand
je fais des mathématiques, je comprends que j’existe avec autrui
et que je dois aimer mon frère. Inversement, si l’homme n’était
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pas « consciemment » un être familial et interpersonnel, il ne
pourrait pas faire de mathématiques).
La cinquième méthode est synthétique. En vertu d’une
philosophie historiquement donnée, dont les principes et
conclusions sont considérés comme règles et références
d’interprétation, cette méthode réalise une certaine unification,
non des méthodes connaissantes précédentes, mais des savoirs
acquis par elles, c’est-dire par réflexion, par expérimentation,
par construction formelle et par « croyance en des personnes qui
se révèlent à nous effectivement ou qui en ont le pouvoir ».
Cette cinquième méthode est « un savoir de savoirs ». On peut
donc la qualifier comme synthétique, épistémo-logique, et enfin
comme interprétative ou herméneutique.
Les principes de fonctionnement de cette cinquième méthode
sont a posteriori, en tant que dépendants des savoirs acquis,
tandis que les principes des autres méthodes sont a priori en tant
que dépendants directement de la structure de la conscience apte
à se connaître « réflexivement » dans l’exercice même de ses
modes de connaissances.
Ces méthodes, avec leurs formes correspondantes de vérité,
sont différentes et complémentaires. Elles structurent l’esprit
humain dans son unité personnelle et interpersonnelle. Elles
sont, dans leur réalité, en harmonie avec la structure ontologique
de l’homme et, par leur mise en œuvre correcte, elles aident à
découvrir cette structure en sa vraie nature.
III Comment bien user de ces méthodes de
connaissance ?
En respectant à leur sujet les quatre exigences d’intelligibilité.
Évidence : bien les identifier chacune dans leur distinction.
Intégralité : les reconnaître toutes sans en rejeter aucune.
Unité : les comprendre ensemble dans l’unité organique de la
conscience humaine.
Universalité : valables de droit pour tous ceux qui
s’interrogent sur la connaissance humaine.
Autrement dit : en se gardant d’une part de les confondre par
interférences ou amalgames ou assimilation de l’une à l’autre, et
d’autre part, de les réduire en en rejetant explicitement une ou
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