MÉTAPHYSIQUE GÉNÉTIQUE ET ONTOLOGIE RELATIONNELLE

MÉTAPHYSIQUE GÉNÉTIQUE ET
ONTOLOGIE RELATIONNELLE
Chers amis de Fernando Rielo,
U
NE RENCONTRE RÉCONFORTANTE
Après un pèlerinage philosophique de 50 ans, voici que je
viens de découvrir, il y a six mois, la pensée de Fernando Rielo.
Ce fut un véritable choc intellectuel de rencontrer un penseur
contemporain qui, comme moi, rejetait la conception
monolithique de l’être ébauchée par Parménide et détaillée avec
beaucoup de docilité par les divers courants de la philosophie
occidentale.
Devant la pensée de Fernando Rielo, j’eus l’impression de
reconnaître, comme dans un miroir, l’intuition fondamentale de
mon ontologie relationnelle. Je présentai en 1958 ses premiers
développements dans un mémoire préparatoire au doctorat de
l’Université catholique de Louvain. Le sujet en était « Les formes
transcendantales de l’unité selon saint Thomas ». Mon approche
historique de la question fut acceptée par les examinateurs, mais
ma solution spéculative fut exclue de mon exposé, jugée trop
novatrice. Je dus supprimer le chapitre sur « Le lien de l’un et du
plusieurs dans l’être ». Je quittai donc la Belgique pour la
France. En l’absence d’équivalences de diplômes entre l’État
belge et l’État français, je dus retourner comme un simple
étudiant à l’Université de Bordeaux, afin de repasser de
nouveaux examens et obtenir tous les diplômes indispensables
selon la législation française pour pouvoir enseigner
professionnellement la philosophie. J’eus ainsi une double
formation classique. Je connais donc bien les idées desquelles je
me démarque.
Progressivement mon intuition de jeunesse se développa en un
véritable système, solidement construit, que je présentai au
doctorat de l’Université de Nancy sous le titre : La relationnalité
de l’être ou le pouvoir de faire être. Ses implications dans la
théorie de la connaissance, en ontologie, en éthique et en
religion. (1500 pages).
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Par la suite, j’ai publié aux Éditions du Cerf :
En 1992, L’être de l’Alliance. « Le pouvoir de faire être »
comme lien philosophique et théologique entre le judaïsme et le
christianisme, Cogitatio fidei, n° 170, 3 livres en un seul volume,
988 pages.
En 2005, Comprendre l’homme pour penser Dieu.
Dialogues critiques sur la raison pure croyante dans les
monothéismes, Cogitatio fidei, n° 241, 392 pages.
Je voudrais aussi publier prochainement
:
Les paraboles qui
parlent de Dieu. Essai d’exégèse fiduciale trinitaire.
Sur le plan philosophique, les points d’accord entre la
perspective de Fernando Rielo et la mienne sont si nombreux et
si fondamentaux que j’ai regretté de n’avoir pas rencontré ce
penseur de son vivant afin d’unir mes efforts aux siens pour un
véritable renouveau de la philosophie et si possible aussi de la
théologie et de l’évangélisation de notre monde moderne.
Les différences résultent de convergences inachevées et non de
divergences qui s’aggraveraient en raison d’orientations fonda-
mentales incompatibles. Cet inachèvement dans les
convergences est dû :
a) soit au fait que les points de départ culturels et
psychologiques de nos réflexions sont différents : tradition
thomiste et philosophie transcendantale allemande quant à moi ;
tradition religieuse espagnole et contexte anglo-saxon pour
Rielo, si du moins je ne me trompe pas !
b) soit au fait que notre marche en avant a progressé à des
rythmes différents ; par exemple, en ce qui concerne les consé-
quences théologiques d’une telle conversion philosophique.
c) soit au fait que notre expérience de vie nous rend plus
réceptifs à tel ou tel aspect de la relationnalité de l’être ; par
exemple selon que l’on est célibataire, ou époux, père et grand-
père.
De toute façon, notre commun accord sur le fond, alors que
nous nous ignorions l’un l’autre, est un signe éloquent qui doit
nous conforter dans les idées que nous partageons.
Les convergences inachevées sont principalement des
différences de vocabulaire touchant les notions de sujet absolu,
de complémentarité, de structure relationnelle, de binité,
d’immanence réciproque des sujets, des formes d’unité et de la
nature ternaire de la relationnalité en son aspect de perfection,
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tant selon sa perfection absolue en Dieu qu’en sa perfection
relative en l’homme.
En tant que philosophe de la relationnalité communicative
d’être, je me place maintenant aux côtés de Fernando Rielo pour
situer, défendre et développer nos thèses spéculatives par rapport
aux positions gréco-classiques.
L
ES
FORMES
DE
CONNAISSANCE
CONSTITUTIVES
DE
LA
CONSCIENCE
La connaissance humaine s’épanouit selon cinq méthodes.
La première est tournée vers le monde observable en sa
diversité fabuleuse, celui des objets physiques, biologiques,
psychosociologiques, etc…. On peut la qualifier comme
intentionnelle, objective, empirique en ses formes simples,
expérimentale en ses formes élaborées et enfin comme
scientifique au sens courant du terme.
La seconde méthode est centrée sur le sujet selon toutes ses
activités nécessaires et constitutives : entre autres sur le sujet en
tant que connaissant, et donc sur elle-même et sur notre
connaissance intentionnelle du monde et sur les trois autres
également. Nous pouvons donc la qualifier comme réflexive,
subjective, transcendantale et enfin comme philosophique.
La troisième méthode est ouverte à la connaissance de ce Réel
sui generis que d’autres sujets dont il nous est nécessaire
affirmer réflexivement l’existence : hommes ou Dieu font
exister pour nous et nous révèlent, parce qu’ils s’engagent
librement envers nous pour notre accomplissement. Nous
pouvons qualifier cette méthode comme révélationnelle,
intersubjective, relationnelle et enfin comme fiduciale.
Ces trois méthodes objective, réflexive et fiduciale peuvent
être dites existentielles ou concrètes, en tant qu’elles englobent
chacune un champ du Réel qui leur est propre.
La quatrième méthode est abstraite, formelle et constructive.
C’est la méthode logico-mathématique.
La cinquième méthode est synthétique. En vertu d’une
philosophie historiquement donnée, dont les principes et
conclusions sont considérés comme règles et références
d’interprétation, cette méthode réalise une certaine unification,
non des méthodes connaissantes précédentes, mais des savoirs
acquis par elles, c’est-à-dire par expérimentation, par réflexion,
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par construction formelle et par « croyance en une révélation ».
Cette méthode est savoir de savoirs. On peut donc la qualifier
comme synthétique, épistémo-logique, et enfin comme
interprétative ou herméneutique. La théologie relève de cette
méthode et est toujours dépendante d’une philosophie histori-
quement donnée, explicite ou implicite.
Il y a donc cinq formes différentes de vérité.
Ces méthodes, avec leurs formes correspondantes de vérité,
sont différentes et complémentaires. Négliger, voire méconnaître
l’une des cinq méthodes, c’est mutiler notre conscience du Réel
ou de l’être et rendre la raison humaine dépendante des méthodes
retenues ainsi « irrationnellement ». Les savoirs qui en résultent
deviennent alors « passionnels » et « agressifs », car ils se
veulent exclusifs et ne supportent pas la présence des autres
savoirs. Pour apprécier les services de l’œil ou du toucher,
rejettera-t-on les services de l’oreille ? Ce serait insensé, il faut à
notre corps tous ses sens ! Ainsi, il faut à notre conscience toutes
ses voies de connaissances.
Faire interférer telle ou telle méthode dans les autres, c’est
produire une connaissance confuse et erronée, procédant par
amalgames superficiels. Il ne faut pas dans la mise en œuvre de
nos différentes formes de connaissance, anticiper sur le travail
synthétique de la méthode herméneutique.
D
IFFÉRENCIATION HISTORIQUE DES MÉTHODES DE CONNAISSANCE
Les exigences de la vie ordinaire orientent d’abord les
hommes vers la connaissance du monde extérieur. Le passé et le
présent de l’histoire humaine sont marqués par un
développement merveilleux et bien utile des sciences et des
techniques. Lorsque l’homme commence à s’intéresser à ce qui
est humain, c’est d’abord aussi en tant que son semblable peut
lui être utile, c’est-à-dire en tant qu’objet privilégié parmi les
objets. Pour se connaître vraiment comme « sujet de ses actes
avec autrui dans le monde », il doit accéder à une façon de
penser différente de celle de ses connaissances empiriques
objectives.
Pour pouvoir nous servir des choses, en conversant à leur
propos, il suffit que nous les désignons par un mot, selon leurs
propriétés communes, autant de fois que nous le voulons, que
nous établissions semblablement des liens entre elles, sans avoir
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besoin de signifier que c’est nous qui, en permanence, effectuons
ces opérations. Les aspects relationnels de notre intentionnalité et
les situations de dialogue ne sont donc pas exprimés. Ce fait
culturel, qui occulte notre agir et nous focalise sur ses objets,
conduit la réflexion philosophique, en ses origines, à mimer, par
le biais du langage, notre connaissance des choses.
En conséquence, les propriétés de notre connaissance
intentionnelle et empirique s’imposent, comme par atavisme, à la
connaissance réflexive vécue que nous avons de nous-mêmes.
Au lieu de se reconnaître réflexivement en son mouvement
intentionnel vers les choses et vers ses semblables, la conscience
humaine se conçoit comme si elle était « isolable devant elle-
même », comme un « objet indivis pour elle-même », un objet
sur lequel elle projette sa propre identité individuelle avec elle-
même, un objet juxtaposé aux autres. Le sujet conscient est
pensé de ce fait comme pouvant rester solitaire, privée de toute
relationnalité constitutive. Voyez le « cogito » cartésien !
L’homme parle aussi à propos de lui-même comme il parle à
propos des choses selon une identité de nature, « identité » qu’il
projette aussi sur les choses à partir de la sienne.
Ainsi se forma la première orientation de la philosophie,
d’allure objectiviste et substantialiste, dans le milieu culturel
grec, à partir du 7
me
siècle avant notre ère.
À la même époque en Israël, plus précisément dans le petit
royaume de Juda aux confins des influences assyriennes et
égyptiennes, se formula une compréhension narrative du monde
et de l’homme plus ouverte aux relations que les hommes ont
entre eux et avec la divinité, que ne le fut celle des Grecs. La
dimension fiduciale de la conscience s’exprimait sous forme
d’une « histoire » ; histoire « sainte » pour cette raison.
Toutefois, cet aspect relationnel de la conscience humaine
restait aussi en ses débuts largement tributaire des
représentations unitaires et identicistes des choses. Un Dieu
identique à lui-même en son unité individuelle, projection dans
l’absolu de l’unité personnelle que chacun éprouve en lui-même.
Pourtant ce Dieu unique est pensé en relation de création avec le
monde et en relation d’alliance avec son peuple, Israël, considéré
dans son unité collective. Certes les prophètes et les sages en
Israël n’ont pas été jusqu’à se demander si leur idée de Dieu
s’accordait philosophiquement avec l’action de création et
l’engagement d’alliance, en vertu desquels ils l’adoraient et
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