Quels sont les données, les indicateurs macro et micro et les techniques acceptables qui
tentent de quantifier et d’utiliser ces mots du développement qui sont de plus en plus non
économiques depuis le « tout institutionnaliste », et dont la dimension est fortement
qualitative (potentialisation, capabilité, démocratie, effectivité du droit, confiance) ?
Comment en projeter à travers un modèle pertinent les effets dans les PED ? La gageure tient
à la difficulté de trouver un consensus sur des notions dont les enjeux de pouvoir sont
importants. Comment comparer économiquement (statistiquement) des pays qui sont
extrêmement différents d’un point de vue structurel (géographie et histoire longue),
sociologique, politique et institutionnel ? Enfin, plus généralement, comment les processus
politiques décisionnaires et administratifs de gestion (nationaux et internationaux) peuvent-ils
prendre en compte les résultats académiques de la recherche et de l’évaluation sans
incompréhension, trahison ou manipulation ? Cela, sachant que l’utilisation, réelle et non
rhétorique ou stratégique, de ces résultats par les décideurs reste très faible car les politiques
économiques mises en œuvre se fondent sur un savoir non savant et des croyances
suffisamment simples pour permettre aux opinions et aux leaders de se confronter et de
trancher (par vote démocratique selon la norme démocratique).
… pour un discours scientiste…
Deux formes de mesures et de production des chiffres et de données démonstratives (de
vérification empirique) me semblent être valorisées dans la recherche sur le développement
actuellement et vont retenir notre attention.
La première est issue des améliorations techniques de la recherche macro économétrique
explorant le rôle des institutions et cherchant des causalités entres celles-ci (mesurées par des
indicateurs composites) et les performances des pays grâce à des variables instrumentales.
L’objectif est de démontrer que les causalités ne s’exercent pas dans les deux sens.
La seconde est l’évaluation d’impact par assignation aléatoire (EIAA)
utilisant des méthodes
micro économétriques pour traiter des données d’enquêtes de terrain et démontrer la présence
de causalités claires et indiscutables entre une intervention et ses effets attendus sur une
population.
La méthodologie me semble dans les deux cas scientiste dans le sens où elle affirme la
possibilité d’une conclusion scientifique, selon le critère des sciences exactes
(l’unicité
méthodologique) et refuse l’hypothèse du dualisme méthodologique. L’unicité de la méthode
affirme qu’il faut copier le processus de la recherche dans les sciences sociales (sociologie,
économie, anthropologie) sur celui des sciences de la nature (physique et biologie), alors que
Un terme équivalent est essai clinique randomisé, ou en anglais randomized controlled trials
(RCTs) ou encore randomized field trials (RFTs).
F. von Hayek (1952) est un des premiers à critiquer l’influence méthodologique que les
sciences de la nature triomphantes, car innovantes, ont exercées sur les sciences de l’homme à
la suite de la fascination que ces premières suscitaient chez les économistes de la seconde
moitié du XIXème. Le scientisme est pour lui « l’imitation servile de la méthode et du
langage de la Science et une application mécanique et sans discernement de certaines
habitudes de pensée à des domaines différents de ceux dans lesquels elles ont été formées
pour construire la Science » (la physique et la biologie) ». Sa critique de la mentalité des
« ingénieurs économistes » cherchant à organiser scientifiquement en expert l’humanité se
construit sur le caractère subjectif des données dans les sciences sociales qui ne concernent
pas les rapports mécaniques entre des objets (ou des cellules), mais le rapport des hommes
aux objets ou des hommes entre eux.