I. La méthode sociologique et le suicide

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Sociologie – Claude Thiaudière
UN CAS D’ECOLE : DURKHEIM ET LE SUICIDE
I.
La méthode sociologique et le suicide
1. Emile Durkheim et le suicide.
2. Le suicide comme objet sociologique : le fait social
3. Les « règles de la méthode sociologique »
4. Quelques résultats clés de la sociologie du suicide
II. Le suicide : un problème sociologique et un problème social
1. Quelques limites aux résultats : questions d’actualité
2. Représentations du suicide et données statistiques
3. Le suicide comme problème social
I. La méthode sociologique et le suicide
1. Emile Durkheim et le suicide
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Emile Durkheim (1858 – 1917) est agrégé de philosophie en 1882 :
o Professeur de pédagogie et de science sociale à l’université de Bordeaux en 1887.
o Thèse de doctorat en 1893 (la division du travail social).
o Nommé professeur à la Sorbonne en 1902.
Publications principales :
o De la division du travail social (1893).
o Les règles de la méthode sociologique (1895).
o Le suicide (1897).
o Les formes élémentaires de la vie religieuses (1917). Une des premières publications
anthropologique française.
o L’évolution pédagogique en France (publication posthume 1938).
Il a formé ses étudiants à faire de la méthode : il voulait que ses étudiants face des réflexions
empiriques en anthropologie et non des réflexions philosophiques.
2. Le suicide comme objet sociologique : le fait social
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Plan de l’ouvrage de Durkheim. Il a construit son plan selon que le suicide est un fait
sociologique.
o Une introduction : définition de l’objet : qu’est ce que le suicide (sociologiquement).
o Partie 1 : Les facteurs extra-sociaux.
o Partie 2 : Causes sociales et types sociaux (de suicide). Repose sur des analyses
statistiques.
o Partie 3 : Du suicide comme phénomène en général (quel est l’élément social du
suicide ?).
Durkheim travail sur le suicide car c’est l’exemple le même d’un acte individuel auquel est
rattaché des causes du monde social. Le suicide est autre chose qu’un acte individuel.
Il veut expliquer sociologiquement le suicide.
Cours d’Inès Masmoudi. PCEM2 2009-2010.
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Il existe à l’époque des données administratives sur le suicide, c’est un acte administrativement
recensé. Il dispose donc de données qu’il utilise comme matériel de sociologue. Il transforme des
données administratives en données sociologiques.
Constance du suicide en France (extraits)
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Année
Nombre absolu de suicides
Suicides pour 1000 habitants
1841
2814
8.2
1850
3595
10.1
1855
3810
10.5
1860
4050
11.9
1865
4956
13.0
1869
5114
13.3
Si le suicide était un acte individuel il devrait y avoir une variation des chiffres. Or il y a une
régularité des chiffres.
Il invente le taux social de suicide : nombre de suicide / population totale.
L’acte individuel de suicide n’est pas un élément social. C’est le taux de suicide qui est un fait
social. La statistique permet de rattaché le suicide à la sociologie.
Définition du suicide pour le sociologue : « on appelle suicide tout cas de mort qui résulte
directement ou indirectement d’un acte positif ou négatif accompli par la victime elle-même et
qu’elle savait devoir produire cet effet, mais statistiquement comptabilisé ».
Il définit des variables statistiques et corrèle ce taux à ses variables.
Il définit trois grands types de suicides :
o Le suicide altruiste : pour l’honneur, le courage. Il considère que les soldats qui accepte
de donné leur vie durant la guerre constituent une forme de suicide.
o Le suicide égoïste : suicide pour éviter des évènements.
o Le suicide amioïque: individus désocialisés.
Il faut observer ces faits sociaux comme des choses pour après pouvoir les expliquer.
La statistique est d’abord un objet d’observation, ce n’est pas un objet d’explication.
La régularité comme fait social.
Quételet (1832) : « Parmi les résultats relatifs à l’homme un des plus curieux me semble être
celui qui concerne la régularité avec laquelle se reproduisent périodiquement des faits de même
nature, de manière qu’on est obligé non seulement d’admettre, comme dans les faits physiques
qui sont entièrement en dehors de l’homme, une dépendance intime entre les effets et les
causes, mais encore de reconnaitre que les causes agissent d’une manière à peu près invariable
d’une année sur l’autre ».
L’hypothèse de l’époque : s’il y a des régularités c’est qu’il y a des lois sociales qui ne sont pas
liée à l’activité des individus par eux-mêmes, qui les dépassent.
Deux types de statistiques sont marqués par cette régularité :
o La fécondité.
o Le suicide.
Liste des régularités affectant le taux de suicide.
Quatre variables principales (1895) et une cinquième (le taux de suicide) :
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o Age.
o Sexe.
o Lieu de résidence (Paris, province).
o Etat civil (marié, célibataire, veuf).
Il ne retient que les relations vérifiées :
o Taux social croît avec l’âge.
o Corrélation plus forte chez les hommes que les femmes.
o Corrélation plus forte pour les célibataires et veufs que les personnes mariées.
o Le taux de suicide est plus important à Paris qu’en Province.
o Lien avec religion : taux plus important chez les individus d’origine protestante et athées
que chez les individus d’origine catholique ou juive.
Attention il n’appelle pas cela des causes mais des corrélations : cela influe par sur le suicide mais
sur le taux de suicide.
Il construit son travail sociologique à partir de ces corrélations : si on avait à faire à une simple
additions de ces suicides de manières individuelle et aléatoires, Durkheim ne pourrait pas trouvé
de corrélations entre faits sociaux et taux de suicide.
Taux de suicide et intégration sociale.
Le taux de suicide varie selon le niveau d’intégration des individus dans une société.
Intégration : unité sociale dans laquelle l’individu est insérées (famille, religion, politique, vie
professionnelle, etc.).
A l’inverse, pour Emile Durkheim, l’anomie, la perte de règles collectives, crée les conditions
d’une dérégulation (individualisation) : divorce, célibat, sans religion, etc.
3. Les règles de la méthode sociologique
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One ne doit expliquer un fait social que par d’autres fais sociaux.
Ou méthodologiquement : on ne peut corréler des variables que si et seulement si elles sont de
même nature.
Exemple : on peut très facilement corréler un caractère psychologique à un fait social. Cependant
ce ne sont pas des caractères de même nature. Il faut utiliser que des variables qui restent dans
le même espace disciplinaire.
4. Quelques constantes contemporaines sur le taux social de suicide
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Un phénomène plus urbain que rural.
Le suicide épargne plus les catégories socioprofessionnelles les plus aidées et concerne plus
sociologiquement les catégories socioprofessionnelles rurales.
Le taux de suicide actuel varie avec la situation familiale.
Plus fréquent avec l’âge. Il y aune augmentation plus importante du taux social de suicide chez
les jeunes.
Plus fréquent chez les hommes et moins marqué sociologiquement chez les femmes.
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Quelques évolutions historiques des statistiques sur le suicide.
Le taux de suicide augmente dans les catégories sociales les plus démunies.
Forte augmentation du suicide des plus jeunes.
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Diminution du taux de suicide chez les plus âgés.
o Les écarts entre les âges tendent à se creuser chez les femmes.
o Les différentes statistiques liées aux classes d’âges diminuent chez les hommes.
Il n’y a pas un type de suicide, il y a des suicides socio-culturellement différents. La signification
du suicide peut être différente. Sous le terme taux suicide on met des significations de suicides
complètement différente.
En d’autres termes, il n’y as pas une catégorie de suicide mais il y a des pratiques de suicides qui
sont liées à des moralités et des modalités différentes. La notion de suicide est elle-même
culturellement interprétable.
Taux de suicide des hommes et femmes âgés de 25 ans à 49ans suivant la catégorie
socioprofessionnelle (taux pour 100000) (années 1989-1994)
Inactifs
Employés
Ouvriers qualifiés
Commerçants/artisans
Profession intermédiaire
Profession libérale
Cadres supérieurs
Cadres d’entreprises
agriculteurs
-
Hommes
179.3
68.4
34.7
32.9
33.4
29.5
12.1
23.8
34
femmes
20.2
9.9
6.4
10.5
14.1
22.4
5.1
6.9
10.2
La relation à la catégorie socioprofessionnelle est très forte statistiquement. Elle n’était pas
utilisée par Durkheim à l’époque cependant elle est encore plus forte que l’âge.
II. Le suicide comme problème sociologique et comme problème social
1. Quelques limites aux résultats : questions d’actualité
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L’existence de ces statistiques à pour vocation de surveiller la situation sanitaire d’une
population. C’est une activité non pas d’abord d’analyse mais de surveillance.
En d’autres termes comment on peut avoir un raisonnement de type sociologique sur des
données qui ne sont pas sociologiques mais administratives ?
La procédure administration d’enregistrement statistique d’un décès
1. Déclaration en mairie dans les 24heures.
2. Acte de décès délivré par l’officier d’état civil de la commune (du lieu de décès).
3. Document administratif (acte de décès) contient uniquement des informations d’état civil.
4. L’officier d’état civil donne délégation à un médecin de constater le décès et d’en détermine
les causes.
5. Le médecin constitue un certificat de décès imprimé du ministère de la santé.
6. Le certificat de décès comporte 2 volets :
o Administratif (permis d’inhumer).
o Sanitaire (cause du décès).
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7. Avec deux parcours :
o Administratif (mairie).
o DDASS (service de l’Etat).
8. Les 2 volets sont regroupés à l’INSERM (unité de recherche) pour traitement statistique.
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Hypothèse théorique et méthodologique.
Le suicide est un phénomène social dont la comptabilité dépend de considérations morales et de
procédures matérielles d’enregistrement :
o Le document administratif.
o La normalisation des critères statistiques.
o La chaine d’enregistrement statistique.
Certains sociologues ont suivit des corolaires des médecins légiste pour voir comment ils
interpréter les actes. Par exemple : l’acte était moins acceptable dans la religion catholique donc
il était moins déclaré.
Londres (1987) un sociologue suit un corolaire d’un légiste qui doit interpréter un décès.
Le suicide est un phénomène social qui dépend des comptabilités morales de ceux qui
interviennent dans la chaine d’enregistrement administratif d’un suicide.
Cette chaine d’enregistrement statistique donne le résultat de ce qui est finalement accepté
comme acte social.
2. Représentations du suicide et données statistiques
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Représentations du suicide et données statistiques : 3 questions méthodologiques.
1. La définition universelle du suicide n’existe pas : les conceptions juridiques, administratives,
techniques peuvent être socialement différentes.
On modifie les taux lors de l’étude statistique pour contrer ces variations de conceptions.
2. Le suicide est un acte qui a un sens moral et culturel différent selon les sociétés, les groupes
sociaux, les individus.
3. Les conditions de recensement (constat), acte de décès, etc.) peuvent variées d’un système
administratif à un autre.
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La double réalité sociale du « suicide » :
o Une réalité « objective » : les propriétés attribuées au fait statistique (état civil,
sociodémographique, etc.).
o Une réalité « subjective » : les représentations du phénomène (définitions techniques,
jugement moraux, etc.).
3. Le suicide comme fait social
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Le suicide se constitue comme fait social à partir des représentations que les membres d’une
société s’en font.
Les statistiques du suicide sont des représentations « stabilisées » de ces actes individuels.
Le taux social du suicide est un fait qui reflète des tendances collectives (et non individuelles).
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Par exemple à l’époque de Durkheim les actes de suicides étaient juridiquement sanctionnés, ils
étaient considérés comme des délits. Les représentations sont des actes normalisés : le droit,
l’administration, etc. nous imposent des représentations.
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Jack D. Douglas est le sociologue anglais qui a fait une enquête importante sur les médecins
legistes.
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Le suicide fait parti des objets qui pose un autre problème sociologique : représentation
politiques non pas seulement politique ami aussi des organisations institutionnelles qui sont
chargées de trouver des solutions. Les solutions sont souvent le résultat de leur interprétation
morale du suicide, elles s’imposent à nous de manière subjectives (Rémi Lenoir).
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