b) Un tourbillon de sensations :
Plutôt qu’à l’alcool, l’ivresse du jeune homme est due à une profusion de
sensations remarquable dès le 3ème vers comme le soulignent les
polyptotes du verbe « sentir » et de l’adjectif/adverbe « bon » (utilisés
dans plusieurs sens justement) :
- « sentent bon v 5 = dégagent une odeur agréable, « on se sent aux
lèvres un baiser » = on a la sensation tactile d’un baiser
- « Sentent bon » (agréablement) vs « bons ( = tièdes) soirs de juin »
Toutes les catégories de perceptions sensorielles sont convoquées, :
- auditive « tapageurs » v 2, « vent chargé de bruits » v 7, allitération en t des
« petites bottines » de la jeune fille v 22
- olfactive : « parfums » de la végétation ( « les tilleuls sentent bon » v 5 ,
anaphore et parallélisme insistant sur le mots « parfums » v 8),
- tactile : « si doux » v 6, « frissons »12, v 15/16 « on se sent aux lèvres un
baiser/ Qui palpite là… »
- visuelle : adjectifs de couleur :« verts » v 4, « azur sombre » v 10,
« blanche » v 12
-
Parfois il y a même synesthésie, confusion, mélange des sensations, comme
dans les vers 7et 8 où le vent mêle sons « bruits « et « parfums ».
Ces sensations sont provoquées par le cadre de la rencontre, mais aussi
par la présence de la jeune fille rencontrée. Elles envahissent un jeune
homme dont le corps et l’imagination s’éveillent à l’amour .
Le corps du jeune homme est si ouvert aux sensations que même l’invisible et
l’impalpable vent prend consistance (métaphore « le vent chargé de bruits » v 7)
Les sensations physiques sont décuplées par l’imagination : elles
accompagnent les fantasmes d’un baiser et d’une rencontre amoureuse (
métaphore v 14 : « la sève (double sens végétal et sexuel) est du champagne et
vous monte à la tête » v 14 )
c) Une ivresse d’amour servie par une imagination débridée :
L’imagination du garçon de dix-sept ans, stimulée par ce tourbillon de
sensations, métamorphose la réalité et participe de son ivresse.
Pour mieux goûter les plaisirs que lui offrent « les bons soirs de juin », le
jeune homme « ferme la paupière » v 5 et se coupe de la réalité ; celle-ci,
a priori banale, se pare grâce alors de poésie ; les triviales « vigne » et
« bière » s’auréolent de « parfums » annonçant une présence féminine et
révélant le rêve d’amour du jeune homme .
Cette imagination suit les caprices d’un jeune homme qui change
brutalement d’avis ou de centre d’intérêts ; ces sautes d’humeur sont
mimées par les ruptures opérées par les tirets : v3-4, le tiret marque le
changement de lieu, vers 9 : changement de sensation, on passe aussi
d’une impression générale (la ville) à un détail « un tout petit chiffon »