Lycée Louis-Le-Grand, Paris Pour le 14/05/2015
MPSI 4 – Mathématiques
A. Troesch
DM no17 : Intégration
Problème 1 Intégrale de Lebesgue
Le but de ce problème est de définir l’intégrale de Lebesgue d’une fonction, et de comparer l’intégrale de Lebesgue à
l’intégrale de Riemann.
On rappelle, ou on définit, les notions suivantes :
Soit Eun ensemble. Une algèbre Asur Eest un sous-ensemble Ade P(E)tel que :
(i) E∈ A
(ii) Aest stable par complémentation : si A∈ A, alors son complémentaire (dans E)Aaussi.
(iii) Aest stable par union finie : si Aet Bsont dans A, alors ABaussi.
Une tribu (ou σ-algèbre) Tsur Eest une algèbre vérifiant de plus la propriété de stabilité par union dénombrable :
pour toute famille dénombrable (An)nNd’éléments de T,[
nN
Anest dans E.
On constate assez facilement que la stabilité par union finie est une conséquence de la stabilité par union dénombrable,
la réciproque étant fausse.
Une mesure (positive) µsur une algèbre Aest une application A −R+telle que :
(i) µ() = 0
(ii) (σ-additivité) pour tout (An)nNd’éléments de A2 à 2 disjoints tels que [
nN
An∈ A, on a
µ [
nN
An!=
+
X
n=0
µ(An).
On remarquera que si Test une tribu, l’hypothèse [
nN
An∈ T est automatiquement satisfaite pour toute suite
(An)nNd’éléments 2 à 2 disjoints de T.
Une mesure est dite finie si σ(E)R.
Une mesure sur une algèbre (ou tribu) Aest dite σ-finie s’il existe une suite (An)nNd’éléments de Atels que
E=[
nN
Anet µ(An)est finie.
Pour tout sous-ensemble Cde P(E), il existe une plus petite tribu sur Econtenant C, notée σ(C), appelée tribu
engendrée par C
La tribu Bdes boréliens est la tribu sur Rengendrée par les intervalle ]− ∞, a],aR.
Soit (E, TE)et (F, TF)deux ensembles muni de tribus, et f:EF. On dit que fest mesurable si pour tout
B∈ TF,f1(B)∈ TE. Si E=F=Ret TE=TF=B, on dira que fest borélienne.
On admettra que si TF=σ(C),fest mesurable si et seulement si f1(B)∈ TEpour tout élément Bde C. Ainsi,
pour montrer que fest borélienne, il suffit de montrer que pour tout aR,f1(] − ∞, a]) ∈ B.
On admettra que le produit et la combinaison linéaire de deux fonctions boréliennes est encore borélienne.
On admettra (cela a été démontré dans un DM antérieur) que si Cest un π-système (donc un sous-ensemble de
P(E)stable par intersection finie) et si deux mesures finies coïncident sur C, alors elles coïncident sur σ(C).
On limite nos définition et notre étude aux cas des fonctions positives. On peut étendre ces notions aux fonctions
quelconques en considérant f+et f.
Partie I – Intégration par rapport à une mesure
Soit Emuni d’une tribu T, et µune mesure sur T. Soit fune fonction mesurable de (E, T)vers (R,B)(on dira
simplement « mesurable »). Le but de cette partie est de contruire l’intégrale (de Lebesgue) de fpar rapport à la mesure
µ, notée ZE
fdµ.
Soit g:ER. On dit que gest une fonction étagée s’il existe une famille finie (Ak)k[[1,n]] d’éléments 2 à 2 disjoints
de la tribu Tet des réels α1,...,αktels que
g=
n
X
k=1
αk1Ak.
1
pour toute fonction fmesurable à valeurs dans R, et positive, on définit :
ZE
fdµ= sup
g6f n
X
k=1
αkµ(Ak)!,
où la borne supérieure est prise sur toutes les fonctions étagées gminorant f, les Akétant 2 à 2 disjoints. Cette
intégrale peut être positive. On dit que fest µ-intégrable si l’intégrale ci-dessus est réelle. On définit alors, pour
A∈ T ,
ZA
fdµ=ZE
1A×fdµ.
1. Montrer qu’une fonction étagée est mesurable.
2. Montrer les propriétés suivantes, les fonctions fet gétant mesurables positives :
(a) Si 06f6g,06ZE
fdµ6ZE
gdµ.
(b) si AB,ZA
fdµ6ZB
fdµ.
(c) si c>0,ZE
cf dµ=cZE
fdµ.
3. Soit fune fonction mesurable positive telle que REfdµ= 0.
(a) Montrer que pour tout nN,µ(f1([ 1
n,+[) = 0.
(b) En déduire que fest nulle presque partout, dans le sens où l’ensemble A={x|f(x)6= 0}est de mesure
nulle (µ(A) = 0).
4. Soit s=
n
X
i=1
αi1Aiune fonction étagée, et B T .
(a) Justifier que ZB
sdµ=
n
X
i=1
αiµ(AiB).
(b) Montrer que ν:T7→ ZT
sdµest une mesure sur T.
(c) Soit t=
m
X
i=1
βi1Biune autre fonction étagée. En établissant d’abord cette égalité sur les Ei,j =AiBj,
montrer que
ZE
(s+t) dµZE
sdµ+ZE
tdµ.
On admettra que ce résultat reste vrai pour des fonctions mesurables quelconques.
5. Théorème de convergence monotone de Lebesgue
Soit (fn)une suite de fonctions mesurables positives, telles que pour tout xE,(fn(x))nNsoit croissante, et
converge vers f(x).
(a) Justifier que fest mesurable
(b) Justifier que ZE
fndµnN
admet une limite (finie ou infinie), qu’on notera α.
(c) Montrer que α6ZE
fdµ
(d) Soit 06s6fune fonction étagée et c]0,1[. En considérant les ensembles En={x|fn(x)>cs(x)},
montrer que
α>cZE
sdµ.
(e) En déduire que lim ZE
fndµ=ZE
fdµ.
Partie II – Intégrale de Lebesgue et intégrale de Riemann.
On admet dans cette partie l’existence d’une mesure λdéfinie sur B, appelée mesure de Lebesgue, et telle que pour
tout intervalle Id’extrémités aet b, avec a6b, on ait :
λ(I) = ba.
2
Dans les parties III et IV, on donne l’idée générale de la construction de cette mesure, mais la fin de la construction
n’est que suggérée, car un peu délicate à mener.
Ainsi, λmesure la longueur des intervalles dans le sens classique, puis des ensembles plus complexes, intuitivement, en
les découpant en intervalles disjoints, et en sommant toutes les petites longueurs (mais ce n’est que l’idée intuitive...)
L’intégrale de Lebesgue d’une fonction borélienne positive est alors définie par
ZR
f(x) dλ.
On dit que fest Lebesgue-intégrable si cette intégrale est finie. On étend la notion ci-dessus à des fonctions non
cessairement mesurables de la façon suivante : s’il existe un ensemble Ade mesure nulle tel que f=gsur R\A,
gest une fonction mesurable Lebesgue-intégrable, on dira que fest Lebesgue-intégrable, et on définira :
ZR
fdλ=ZR
gdλ.
On remarquera que le choix de An’est pas unique dans cette définition, et on admettra que cette définition est in-
dépendante du choix de A.
1. Montrer que 1Q[0,1] est Lebesgue-intégrable. Ainsi, il existe des fonctions Lebesgue-intégrables, qui ne sont pas
Riemann-intégrables.
2. Montrer que si hest une fonction en escalier sur [a, b],hest Lebesgue intégrable, et on a :
Z[a,b]
fdλ=Zb
a
f(x) dx.
3. Soit fune fonction Riemann-intégrable positive sur [a, b], majorée par M. Montrer qu’il existe une suite (gn)nN
de fonctions en escalier dans Esc(f), positives, croissante pour tout xfixée, et une suite (hn)nNde fonctions
en escalier dans Esc+(f), décroissante pour tout xfixé, majorées par M, telles que
lim
n+Zb
a
gn(x) dx= lim
n+Zg
a
hn(x) dx=Zb
a
f(t) dt.
4. On note pour tout x,g(x)la limite de gn(x)et h(x)la limite de hn(x). Montrer que gh+Mest Lebesgue
intégrable, et que Z[a,b]
(gh+M) dλ= (ba)M.
5. En adaptant l’argument de la question I-3, en déduire que fest Lebesgue-intégrable au sens généralisé donné
ci-dessus, et que
Z[a,b]
fdλ=Zb
a
f(x) dx.
Ainsi, toute fonction Riemann-intégrable est aussi Lebesgue-intégrable, et dans ce cas, les intégrales sont égales.
Partie III Théorème de Carathéodory
On appelle mesure extérieure sur un ensemble Sune application m:P(S)R+telle que :
(i) m() = 0
(ii) si AB,m(A)m(B)(monotonie)
(iii) m +
[
n=1
An!6
+
X
n=1
m(An)(sous-σ-additivité).
Soit A∈ P(S). On dit que Aest m-mesurable, ou mesurable au sens de Carathéodory, si pour tout X∈ P(S), on a :
m(X) = m(AX) + m(AX).
On note Ml’ensemble des parties mmesurables de S. On va montrer que Mest une σ-algèbre sur Set que mse
restreint en une mesure positive ˜msur M(théorème de Carathéodory).
1. Montrer que ∈ M et que Mest stable par complémentation.
2. Soit Aet Bdans M
(a) Montrer que pour tout X∈ P(S),X(AB) = (XA)(XBA).
(b) En déduire que m(X(AB)) + m(X(AB)) 6m(X)
3
(c) Monter que Mest stable par union finie et par intersection finie.
3. Soit (Ak)kNune famille d’éléments de Mdeux à deux disjoints.
(a) Exprimer plus simplement n+1
[
k=1
Ak!An+1 et n+1
[
k=1
Ak!An+1.
(b) Montrer que pour tout X∈ P(S)et tout nN, on a :
m X n
[
k=1
Ak!!=
n
X
k=1
m(XAk).
(c) Par un choix judicieux de X, en déduire que
m n
[
k=1
Ak!=
n
X
k=1
m(Ak).
Ainsi, mest (finiment) additive.
4. Les notations étant les mêmes que dans la question précédente, on pose A=
+
[
k=1
Aket pour tout nN,
Bn=
n
[
k=1
Ak.
(a) Montrer que pour tout X∈ P(S),
m(X)>
n
X
k=1
m(XAk) + m(XA).
(b) En déduire que m(X)>m(XA) + m(XA), puis que m +
[
k=1
Ak!=
+
X
k=1
m(Ak).
5. Montrer que Mest une tribu et que la restriction ˜mde màMest une mesure sur M.
Partie IV Théorème de prolongement de Hahn
On se donne Aune algèbre sur un ensemble S, et µune mesure positive σ-finie sur A. On veut montrer que µse
prolonge de façon unique en une mesure positive µsur σ(A). On définit, pour tout X∈ P(S):
µ(X) = inf{
+
X
n=1
µ(An)nN, An∈ A et X
+
[
n=1
Ak}.
1. Montrer que µest une mesure extérieure.
2. En déduire l’existence d’un prolongement µtel que souhaité.
3. On montre dans cette question l’unicité. Soit µ1et µ2deux prolongements de µsur σ(A). On définit C={A
A, µ(A)<+∞}
(a) Montrer que Cest un π-système.
(b) En utilisant le fait que µest σ-finie, montrer que A ⊂ σ(C), puis que σ(A) = σ(C).
(c) En déduire que µ1=µ2.
La mesure de Lebesgue est alors construite ainsi :
On commençe par définir λ(I)pour les intervalles Ipar leur longueur.
Ceci se prolonge assez naturellement aux unions disjointes finies d’intervalles, en faisant tout de même attention au
fait qu’un tel ensemble peut s’écrire de plusieurs façons différentes comme union finie d’intervalles 2 à 2 disjoints :
il faut donc montrer l’invariance vis-à-vis de cette décomposition.
On montre que l’ensemble Ades éléments de P(R)s’écrivant comme union finie d’intervalles disjoints est une
algèbre, et que λainsi définie est une mesure sur cette algèbre (c’est là le point délicat, notamment pour montrer la
σ-additivité). On peut d’ailleurs noter que c’est pour cette preuve précisément que Borel a énoncé le fameux théorème
de Borel-Lebesgue pour les compacts en 1895.
On définit alors λsur B=σ(A)par le théorème de prolongement de Hahn.
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