Construction de la mesure de Lebesgue 1 Mesure positive

Construction de la mesure de Lebesgue
28 janvier 2008
Université d’Artois
Faculté des Sciences Jean Perrin
Analyse Fonctionnelle (Licence 3 Mathématiques-Informatique)
Daniel Li
Dans ce chapitre, nous allons voir comment construire la mesure de Lebesgue
sur R, en prolongeant la notion de longueur d’un intervalle.
1 Mesure positive engendrée par une mesure ex-
térieure.
Définition 1 Soit Sun ensemble. On appelle mesure extérieure sur Stoute
application m:P(S)R+telle que :
1) m() = 0 ;
2) m(A)6m(B)si AB(monotonie) ;
3) mS
n>1
An6P
n>1
m(An)pour toute suite (An)n>1de parties de S
(sous σ-additivité).
La différence avec une mesure positive sur S, P(S)est que l’on ne demande
pas qu’il y ait égalité dans le 3) lorsque les parties An,n>1, sont deuxà-deux
disjointes.
Bien sûr, tout mesure positive définie sur P(S)tout entier est une mesure
extérieure sur S. Il est d’autre part facile de voir que toute mesure extérieure
sur Squi est additive, au sens où : m(AB) = m(A) + m(B)lorsque Aet
Bsont disjoints (AB=), est une mesure positive sur S, P(S).
Proposition 2 Soit (S, T, m)un espace mesuré.
Si l’on définit m:P(S)R+par :
m(X) = inf{m(A) ; ATet XA},XS,
alors mest une mesure extérieure sur Set sa restriction à Test égale à m.
Preuve.
1) Il est clair que m() = 0 puisque m() = 0.
1
2) Si Xet Ysont des parties de Stelles que XY, alors, pour toute
AT, on a : YAXA; donc :
inf{m(A) ; ATet XA}6inf{m(A) ; ATet YA},
c’est-à-dire m(X)6m(Y).
3) Soit (Xn)n>1une suite de parties de S. S’il existe un indice n0>1pour
lequel m(Xn0)=+, on a Pn>1m(Xn)=+, de sorte que l’inégalité
mSn>1Xn6Pn>1m(Xn)est évidente.
Supposons donc que m(Xn)<+pour tout n>1. Donnons-nous un
ε > 0arbitraire. Par définition, pour tout n>1, il existe AnTtel que
XnAnet :
m(An)6m(Xn) + ε/2n.
Comme S
n>1
XnS
n>1
Anet que S
n>1
AnT(puisque Test une tribu), on a
mS
n>1
Xn6mS
n>1
An. Comme mest une mesure positive sur (S, T), on
amS
n>1
An6P
n>1
m(An); donc :
m[
n>1
Xn6X
n>1
m(An)6X
n>1m(Xn) + ε/2n=X
n>1
m(Xn) + ε.
Comme ε > 0est arbitraire, cela donne bien mS
n>1
Xn6P
n>1
m(Xn).
Pour terminer, si XT, on a, puisque mest une mesure positive sur
(S, T):m(X)6m(A)pour tout ATtel que XA; donc :
m(X)6m(X)6inf{m(A) ; ATet XA}=m(X),
d’où l’égalité.
Proposition 3 Soit (S, T, m)un espace mesuré et mla mesure extérieure
construite à partir de mcomme dans la Proposition 2. Alors, pour tout AT,
on a :
m(X) = m(XA) + m(XAc)
pour tout XS.
Preuve. La sous σ-additivité de m(Proposition 2) donne l’inégalité m(X)6
m(XA) + m(XAc). Réciproquement, pour tout BTtel que XB,
on a :
1) XABAet BAT; donc m(XA)6m(BA);
2) XAcBAcet BAcT; donc m(XAc)6m(BAc).
Il en résulte que :
m(XA) + m(XAc)6m(BA) + m(BAc).
2
Mais m(BA)+m(BAc) = m(B)puisque mest une mesure positive sur (S, T)
et que A, B T(et (BA)(BAc) = ). Ainsi m(XA) + m(XAc)6
m(B).
Comme c’est vrai pour tout BTtel que XB, on obtient l’inégalité
inverse m(XA) + m(XAc)6m(X).
La Proposition 3 conduit à la définition suivante.
Définition 4 Soit Sun ensemble et mune mesure extérieure sur S.
On dit qu’une partie Ade Sest m-mesurable (ou aussi mesurable au sens
de Carathéodory) si :
m(X) = m(XA) + m(XAc),XS.
Notons qu’en vertu de la sous σ-additivité, l’inégalité m(X)6m(XA)+
m(XAc)est toujours vraie ; pour vérifier qu’une partie Aest m-mesurable,
il suffit donc de vérifier l’inégalité inverse m(X)>m(XA) + m(XAc)
pour tout XS.
On a alors :
Théorème 5 (Théorème de Carathéodory (1918)) Soit Sun ensem-
ble et mune mesure extérieure sur S. Alors :
1) l’ensemble Mdes parties m-mesurables est une tribu de parties de S;
2) la restriction ˜mde màMest une mesure positive sur (S, M).
De plus, l’espace mesuré (S, M,˜m)est complet.
Preuve. a) Il est clair que ∅ ∈ M et aussi que Ac∈ M si A∈ M, puisque la
définition est symétrique par rapport à Aet Ac.
b) Montrons maintenant que Mest stable par réunion, c’est-à-dire que si
A, B ∈ M, alors AB∈ M.
Avant de passer à la preuve, notons qu’avec la stabilité par complémentation
cela entraîne la stabilité de Mpar intersection.
Pour tout XS, on a, par sous σ-additivité :
m(X)6m[X(AB)] + m[X(AB)c]
=m[(XA)(XB)] + m(XAcBc).
Comme
(XA)(XB) = (XA)[(XBA)(XBAc)] = (XA)(XBAc)
3
(car XBAXA), on obtient :
m(X)6m(XA) + m(XBAc) + m(XAcBc)
=m(XA) + m(XAc)car Best m-mesurable
=m(X)car Aest m-mesurable.
Par conséquent :
m(X) = m[X(AB)] + m[(X(AB)c]
et donc ABest m-mesurable, puisque c’est vrai pour toute partie Xde S.
c) Nous allons montrer simultanément que Mest une tribu et que ˜mest une
mesure positive.
1`ere étape. Pour tout ensemble fini {A1, . . . , An}d’éléments de Mdeux-
à-deux disjoints, on a :
mhXn
[
k=1
Aki=
n
X
k=1
m(XAk),XS.
La preuve se fait par récurrence sur n. La propriété est évidemment vraie pour
n= 1. Supposons qu’elle le soit pour n. Alors :
mhXn+1
[
k=1
Aki
=mhXn+1
[
k=1
AkAn+1i+mhXn+1
[
k=1
AkAc
n+1i
(car An+1 est m-mesurable)
=m(XAn+1) + mhXn
[
k=1
Aki
(car A1, . . . , An, An+1 sont deux-à-deux disjoints)
=m(XAn+1) +
n
X
k=1
m(XAk)
(hypothèse de récurrence)
=
n+1
X
k=1
m(XAk).
En particulier, en prenant X=Sn
k=1 Ak, on obtient :
Pour toute famille finie {A1, . . . , An}d’éléments de Mdeux-à-deux dis-
joints, on a :
mn
[
k=1
Ak=
n
X
k=1
m(Ak).
4
2`eme étape. Si (An)n>1est une suite (infinie) d’éléments de Mdeux-à-
deux disjoints, alors :
(i)S
n>1
An M ;
(ii)mS
n>1
An=P
n>1
m(An).
Posons A=Sk>1Aket Bn=Sn
k=1 Ak.
D’après l’étape 1, nous savons que Bn∈ M. Donc, pour tout XS, nous
avons :
m(X) = m(XBn) + m(XBc
n)
=
n
X
k=1
m(XAk) + m(XBc
n)
>
n
X
k=1
m(XAk) + m(XAc),car AcBc
n.
Ceci étant vrai pour tout n>1, nous obtenons :
()m(X)>X
k>1
m(XAk) + m(XAc) ;
d’où, en utilisant la sous σ-additivité de m:
m(X)>m(XA) + m(XAc).
Cela prouve que A∈ M.
De plus, en prenant X=Adans l’inégalité (), nous obtenons :
m[
k>1
Ak>X
k>1
m(Ak),
et en fait l’égalité mSk>1Ak=Pk>1m(Ak), puisque l’inégalité inverse est
toujours vraie, par sous σ-additivité.
3`eme étape. Mest une tribu.
Soit (An)n>1une suite quelconque d’éléments de M. Posons B1=A1, et,
pour n>2,Bn=AnSn1
k=1 Akc. Comme Mest stable par intersection et
par complémentation, les Bnsont m-mesurables. Ils sont deux-à-deux disjoints
car BnAnpour tout n>1, mais BkAc
npour k > n. Par conséquent
Sn>1Bn∈ M, en vertu de l’étape 2. Il en résulte que Sn>1An∈ M puisque
Sn>1An=Sn>1Bn. En effet, il est clair que Sn>1BnSn>1Anpuisque
BnAnpour tout n>1. D’autre part, si xSn>1Anet si n0est le plus
petit indice tel que xAn0, on a x /Akpour k < n0, c’est-à-dire xBn0.
d) Prouvons maintenant que l’espace mesuré (S, M,˜m)est complet.
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