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Le
nid Les graisses du lait : amies ou ennemies ?
Robert A. Gibson
Foodplus Research Centre, University of Adelaide, Adelaide, SA, Australia.
E-Mail : robert.gibson@adelaide.edu.au
Message clé
Les produits laitiers sont une excel-
lente source de calcium, de protéines et
de vitamines liposolubles et font partie
d’une alimentation équilibrée, en particu-
lier chez les enfants et les jeunes adultes.
Ils ne représentent pas un facteur de
risque de maladie cardiovasculaire
(MCV).
Les produits laitiers sont largement
recommandés dans le cadre d’une
alimentation saine, parce qu’ils apportent
un calcium biodisponible, mais aussi des
protéines, des minéraux et des vitamines
liposolubles. Pourtant, beaucoup s’en
sont méfiés à cause de leurs graisses
contenant des acides gras saturés et du
cholestérol. Ainsi, il a été suggéré, princi-
palement par les consommateurs, que
les graisses du lait augmentaient le
risque de maladies coronariennes en
raison de leur contenu en acides gras
saturés. Cependant, elles sont égale-
ment composées de molécules bioac-
tives (acides gras ω3, gangliosides, acide
linoléique conjugué) qui peuvent contre-
carrer l’effet des acides gras saturés au
sein d’une alimentation équilibrée. Éton-
namment, peu d’études ont abordé cette
question.
C’est la quantité de graisses saturées
contenue dans les produits laitiers qui a
attiré le plus l’attention car elle contribue
à l’apport total en graisses saturées de
nombreuses personnes vivant dans les
sociétés occidentales. Or, la quantité
totale consommée de graisses saturées
a été considérée comme un facteur de
risque important de maladies cardio-
vasculaires (MCV), au même titre qu’une
concentration élevée en cholestérol plas-
matique. Cependant, les acides gras
saturés présents dans le lait ne sont pas
tous hypercholestérolémiants [1] et
certains, comme l’acide stéarique, sont
si mal absorbés au niveau intestinal qu’ils
ne sont même pas considérés comme
hypercholestérolémiants. Les graisses
riches en stéarate ont d’ailleurs été
proposées comme substituts d’acides
gras trans et autres graisses hypercho-
lestérolémiantes [2].
Les lipides du lait contiennent du
cholestérol et certains stérols végétaux
mais, là encore, l’effet du cholestérol
alimentaire est controversé. Alors qu’il
est scientifiquement admis que le
cholestérol alimentaire a peu d’influence
laitiers sur les maladies coronariennes
[3], sur 12 études, correspondant à plus
de 215 000 sujets recrutés, 8 d’entre
elles ont conclu qu’il n’y a pas de lien
entre consommation de produits laitiers
et incidence de maladies cardiovascu-
laires. Cependant, les produits laitiers ne
contribuent qu’à hauteur de 15% de la
consommation totale des acides gras
saturés et leur impact sur les facteurs de
risque cardiovasculaires reste indéter-
miné. Nous restons donc sur la conclu-
sion qu’il n’y a pas suffisamment de
données permettant d’affirmer que la
consommation de produits laitiers au
sein d’un régime alimentaire équilibré est
associée à une augmentation du risque
cardiovasculaire.
La raison pour laquelle les graisses
du lait ont meilleure réputation qu’avant
réside probablement dans la présence
d’autres types d’acides gras. Ainsi, les
matières grasses du lait sont également
riches en acides gras monoinsaturés. Or,
il est bien connu que le remplacement,
dans notre alimentation, de graisses
saturées par des graisses monoinsatu-
rées est aussi efficace pour abaisser les
facteurs de risque cardiovasculaires que
la consommation d’acides gras polyinsa-
turés [4-5]. L’efficacité des régimes où
sur la cholestérolémie, les aliments
contenant du cholestérol sont toujours
considérés comme présentant un risque
pour la santé. Pourtant, le cholestérol est
présent dans le lait maternel et, au regard
de récentes données suggérant que le
cholestérol alimentaire peut avoir des
effets bénéfiques sur la croissance et le
développement des nourrissons,
certains fabricants ajoutent du choles-
térol dans leurs préparations infantiles.
Dans ce contexte, le rôle des produits
laitiers, au sein d’une alimentation
complète, a été étudié. Ainsi, dans une
revue systématique regroupant toutes
les études prospectives de cohortes, et
réalisée pour évaluer l’effet des produits
l’huile principale utilisée est l’huile d’olive,
riche en acides gras monoinsaturés,
associée à d’autres aliments sains, a été
clairement démontrée dans l’Étude de
Lyon [6]. Il est encore méconnu que les
lipides du lait contiennent également de
faibles quantité d’acides gras ω3 à longue
chaîne, tels que l’EPA et le DPA, qui
pourraient contribuer à antagoniser les
effets indésirables de certaines graisses
saturées.
Les effets bénéfiques de ces acides
gras ω3 peuvent être observés chez les
nourrissons alimentés avec du lait de
vache, présentant des taux d’acides gras
ω3 toujours plus élevés que ceux nourris
avec des laits infantiles dépourvus
d’acides gras ω3 polyinsaturés à longue
chaîne [7-8].
Par ailleurs, il est important de noter
que les graisses du lait contiennent de
très faibles quantités d’acide linoléique
ω6 et n’interfèrent donc pas avec l’incor-
poration des acides gras ω3 dans nos
cellules. Ceci est la raison pour laquelle il
est plus sain de faire cuire du poisson
dans une noisette de beurre plutôt que
d’utiliser certaines huiles végétales
riches en acide linoléique.
Références
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of semi-synthetic fats in determining effects
of specific dietary fatty acids on serum lipids
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and unsaturated fatty acids: a systematic
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and polyunsaturated fatty acids on plasma
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8 Courage ML, McCloy UR, Herzberg GR et
al. Visual development and fatty acid
composition of erythrocytes in full term
infants fed breast milk, commercial formula,
or evaporated milk. J Dev Behav Pediatr
1998;19:9–17.
6
5
4
3
Graisse
Végétale
EPA
DHA
Graisse Lait Sein
2
1
0
Pourcentage d‘AGPI-LC parmi
les Acides Gras circulants
Effets des laits infantiles riches (Graisse Veg) ou pauvres (Graiss
Lait) en acide linoléique
ω
6 sur les concentrations érythrocytaires
en acides gras polyinsaturés à longues chaînes (AGPILC, acide
eicosapentaénoïque, EPA, et acide docosahexaénoïque, DHA)
comparés au lait maternel. D’après Sanders et Naismith [7] ;
Courage et al. [8].
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