La Lettre du Cardiologue - n° 373 - mars 2004
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MISE AU POINT
(perfusion de 6 heures) chez des patients présentant une insuf-
fisance cardiaque d’origine ischémique (RUSSLAN) (4), le
risque de décès à 14 jours était plus bas dans le groupe levosi-
mendan (RR : 0,56 [IC95 : 0,33-0,95], p = 0,031), cet effet étant
également retrouvé en analyse rétrospective à 180 jours (RR : 0,67
[IC95 : 0,45-1,00], p = 0,053). Il n’y avait pas de relation avec
la dose de levosimendan, et cette baisse était valable quelle que
soit la cause de décès.
Il semble donc qu’il y ait un bénéfice en termes de morbimorta-
lité. Cette différence est peut-être liée à une action délétère de la
dobutamine, mais il est vraisemblable que la durée et le mode
d’action du levosimendan interviennent également comme fac-
teur bénéfique.
Pour confirmer ces données, une grande étude de morbimorta-
lité, la première réalisée à ce jour dans l’insuffisance cardiaque
aiguë, SURVIVE (tableau I), vient d’être lancée en Europe. Elle
vise à comparer une perfusion de 24 heures de levosimendan à
un traitement par dobutamine pendant au moins 24 heures.
Tolérance
Le levosimendan est bien toléré. Les effets indésirables sont dose-
dépendants. Les plus fréquents, du type céphalées et hypoten-
sion, sont liés à l’effet vasodilatateur de la molécule. Dans l’étude
LIDO, il est retrouvé moins de complications rythmiques que
dans le groupe dobutamine (3,9 % versus 13 %, p = 0,023).
Aucune interaction majeure avec les autres traitements de
l’insuffisance cardiaque n’a été signalée (IEC, bêtabloquants,
digitaliques, AVK, etc.).
Quelle voie d’administration et quelle dose ?
Comme pour les inhibiteurs des phosphodiestérases et la dobu-
tamine, seule la voie parentérale intraveineuse existe à l’heure
actuelle pour le levosimendan. La dose usuelle utilisée dans les
différents essais cliniques est de 6-12 µg/kg en dose de charge de
10 minutes, suivie d’une perfusion continue de 0,05 à 0,2 µg/kg/mn.
Il n’y a pas d’adaptation particulière de dose en cas d’insuffisance
rénale ou hépatique légère à modérée. Le début de la réponse
hémodynamique s’observe dès les 5 premières minutes de per-
fusion, avec un pic de réponse entre 10 et 30 minutes. La perfu-
sion peut et doit être arrêtée à la 24eheure, puisque le métabolite
actif fait perdurer l’effet hémodynamique plusieurs jours après
l’arrêt de la perfusion, et il n’existe pas d’amélioration supplé-
mentaire en cas de prolongation de la perfusion sur 48 heures (6).
Du fait de son action vasodilatatrice, le levosimendan ne peut être
administré en cas de choc cardiogénique ou si la PAS est infé-
rieure à 80 mmHg.
Un rapport coût/efficacité intéressant.
Une analyse secondaire de l’étude LIDO (7) a pris en compte la
survie à 6 mois, les thérapeutiques et les hospitalisations durant
cette même période. Malgré son coût élevé (1 024 , versus 41
pour la dobutamine), le levosimendan semble avoir un rapport
coût/efficacité tout à fait comparable à celui de la plupart des
autres stratégies thérapeutiques observées en cardiologie à l’heure
actuelle. Ces données devraient être complétées par celles de
l’étude SURVIVE (tableau I).
Parmi les indications intéressantes du levosimendan comparati-
vement à la dobutamine, on peut citer :
✓l’insuffisance cardiaque aiguë congestive sévère, où l’action sur
la pression capillaire pulmonaire du produit s’avère intéressante,
✓les insuffisances cardiaques (IC) ischémiques, du fait d’un effet
plus favorable sur la balance énergétique myocardique,
✓les IC des patients sous bêtabloquants,
✓les patients en attente de transplantation, chez qui des injec-
tions discontinues de levosimendan pourraient avantageusement
remplacer celles de dobutamine.
Le levosimendan est, depuis quelques années, l’inotrope de pre-
mière intention dans les pays scandinaves. Il n’a pas encore
d’AMM en France.
CONCLUSION
Il est vraisemblable que cette nouvelle classe thérapeutique de
“sensibilisateurs au calcium” devienne, dans un avenir proche,
une véritable alternative au traitement de l’insuffisance car-
diaque aiguë. Le levosimendan améliore la contractilité myo-
cardique sans majorer les besoins en oxygène et diminue paral-
Tableau I. Critères primaire et secondaires de jugement de l’étude SURVIVE
et principaux critères d’inclusion.
CRITÈRES DE JUGEMENT : étude SURVIVE
Primaire Secondaires
PRINCIPAUX CRITÈRES D’INCLUSION
✓Mortalité toutes causes confondues
durant les 180 jours de suivi.
✓Nombre de jours vivant et hors de l’hô-
pital pendant les 180 premiers jours.
✓Mortalité toutes causes durant les
31 premiers jours.
✓Mortalité cardiovasculaire durant
180 jours.
✓État général du patient à 24 heures.
✓Évaluation de la dyspnée à 24 heures.
✓Consentement éclairé du patient.
✓Hospitalisation pour insuffisance car-
diaque aigue.
✓FEVG ≤30 %.
✓Nécessité clinique d’un inotrope
après échec de la thérapeutique habi-
tuelle (diurétique et/ou vasodilata-
teur).
– Oligurie (< 30 ml/h) depuis plus de
6 heures sans hypovolémie.
– Dyspnée stade IV de la NYHA ou
ventilation mécanique.
– Défaillance hémodynamique selon les
critères obtenus par Swan-Ganz.
✓Absence de critères d’exclusion :
– PAS < 85 mmHg.
– FC > 130 bpm (sauf correction*).
– Kaliémie < 3,5 mmol/l*.
– Hémoglobine < 8 g/dl*.
– Créatininémie > 450 µmol/l ou dialyse
– Anomalie hépatique significative
(critère laissé à l’appréciation du
médecin).
– Cardiopathie restrictive, obstructive,
significative ou valvulaire non corrigée.
– Administration d’un inotrope au cours
de l’hospitalisation : dobutamine,
IPDE, épinéphrine, norépinéphrine,
dopamine>2µg/kg/mn.