L`immunothérapie concerne, d`abord, certains cancers réputés

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Pr Blaha Larbaoui* à Santé Mag
L’immunothérapie concerne,
d’abord, certains cancers réputés
mauvais répondeurs aux thérapies
usuelles
Comme pour toute nouvelle thérapie, qui donne de plus grands espoirs de guérison de maladies, jusqu’alors, récalcitrantes
aux traitements classiques, le professeur Larbaoui, chef du service d’oncologie médicale, au centre anti-cancer d’Oran, ne
tarit pas d’éloges sur les effets de l’immunothérapie, qu’il présente comme une arme contre les cancers, qui résistent à la
chimiothérapie et radiothérapie combinées.
Propos recueillis par Rania Hamdi
Santé Mag: Plusieurs patients, atteints
de cancer, sont mis sous immunothérapie. Sur quels critères ont-ils été
choisis?
Pr B. Larbaoui: L’immunothérapie est
une nouvelle approche thérapeutique
qui vient renforcer l’arsenal thérapeutique déjà existant ( chimiothérapie et
thérapie ciblée), lequel certes, a prouvé
une certaine efficacité en améliorant
la survie sans progression tumorale
et la survie globale de la majorité des
cancers; mais, qui a, aussi, montré ses
limites, par la résistance, secondaire à
ces traitements et la tolérance (effets
secondaires de la chimiothérapie et la
thérapie ciblée), qui limitent leur utili10
Santé-MAG
N°55 - Octobre 2016
sation, dans le temps.
L’immunothérapie comme toute thérapie innovante concernait, d’abord, certains cancers réputés mauvais répondeurs aux thérapies usuelles (cancer
broncho-pulmonaire, mélanome malin,
cancer du col utérin, cancer de la vessie, cancer du rein…) et aux autres cancers, qui ne répondent plus aux traitements standards, dans le cadre d’essais
thérapeutiques (phase I, II et III), avant
l’obtention d’AMM (autorisation de
mise sur le marché).
Est-ce que l'immunothérapie est indiquée pour tous les patients cancéreux, ou dans des cas précis ? Pour la
seconde option, lesquels ?
Cette
immunothérapie
s’adresse,
comme précisée plus haut, en premier
lieu, aux patients porteurs de cancers
réputés résistants aux autres thérapeutiques et où les résultats des essais thérapeutiques ont été fort encourageants
(cancer du poumon, vessie, col utérin,
mélanome malin…). Le spectre d’action
sera élargi, ensuite, aux autres cancers,
récidivant sous traitements conventionnels.
De quelle manière ce traitement parvient-il à stimuler le système immunitaire des personnes souffrant de
cancer ?
L’immunothérapie est caractérisée,
surtout, par son mécanisme d’action
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différent de celui de la chimiothérapie (destruction directe des cellules
cancéreuses; mais, aussi, des cellules
normales. Ce qui se traduit par des
effets secondaires importants) et de
la thérapie ciblée (anticorps monoclonaux dirigés contre certains récepteurs membranaires, ou non, de la
cellule cancéreuse; mais, qui n’est pas,
non plus, dénuée d’effets secondaires,
étant donné que ces mêmes recteurs
sont, souvent, présents au niveau des
cellules non cancéreuses.
Ce qui explique, aussi, certaines toxicités non négligeables: cardiaques cutanées, rénales …).
L’immunothérapie a un mécanisme
d’action tout à fait original, puisqu’elle
ne s’attaque pas, directement, aux cellules cancéreuses; mais, consiste à mobiliser les propres défenses humaines,
contre les cellules cancéreuses (système immunitaire humain), en facilitant
la reconnaissance des cellules cancéreuses, par le système immunitaire et
en amplifiant ce dernier.
Une des modalités d’immunothérapie est l’inhibition de Checkpoint PD-1
(Programmed Death1)/PD-L1 (Programmed Death Ligand1): le ligand
PD-L1 s’exprime dans les tumeurs, ou
leur microenvironnement, alors que
le récepteur PD-1s’exprime, lui, sur
les cellules du système immunitaire.
La liaison, de ce récepteur, au ligand
inhibe le système immunitaire, qui ne
reconnaît plus les cellules cancéreuses
comme cellules à éliminer: le principe
de l’immunothérapie consiste, donc,
à bloquer cette liaison, ou interaction,
grâce à un anticorps (Immunothérapie
anti-PD-1, ou anti-PDL-1) et déverrouiller, par conséquent, le système immunitaire, qui devient, donc, capable de
reconnaitre et d’éliminer les cellules
cancéreuses.
L'immunothérapie est-elle une meilleure alternative aux schémas thérapeutiques classiques, ou vient-elle en
appoint à la chimiothérapie et radiothérapie ?
L’immunothérapie est une véritable
arme thérapeutique, dont le mécanisme d’action est tout à fait original;
une efficacité thérapeutique jusqu’ici
démontrée par plusieurs études internationales et une toxicité presque
insignifiante, étant donné que c’est le
système immunitaire du patient luimême qui détruit les cellules cancéreuses, une fois activé par les anti-PD-1
et les anti-PDL1.
Les chercheurs ont-ils exploré toutes
les potentialités de l'immunothérapie? Le monde médical est-il en mesure d'attendre de bonnes, comme de
mauvaises, découvertes, sur ce traitement ?
L’immunothérapie n’est, actuellement,
qu’à ses débuts, avec des résultats
spectaculaires inattendus, pour des
cancers jusqu’ici réputés de mauvais
pronostic, ou pour des cancers où
toutes les possibilités thérapeutiques
ont été épuisées (plusieurs lignes de
chimiothérapie et de thérapie ciblée).
D’autres types de tumeurs font, actuellement, l’objet d’essais thérapeutique
avec l’immunothérapie anti-PD-1, antiPDL-1 et anti-CTL-4 (Cytotoxic Tlymphocyte Antigen-4), avec des résultats
très prometteurs; ce qui va, certainement, élargir le spectre d’action de
cette nouvelle approche thérapeutique.
Ainsi, l’ère de l’immunothérapie va
mettre aussi bien la chimiothérapie,
que la thérapie ciblée, en arrière-plan,
dans la prise en charge des cancers,
dans les années à venir.
L'immunothérapie est plus coûteuse
que les traitements relativement classiques. L'Algérie a-t-elle les moyens
de l'introduire, à titre général, en ces
temps de crise économique ?
Comme toute thérapie innovante, l’immunothérapie a un coût très élevé, au
début de sa commercialisation; mais,
ce dernier diminuera certainement,
avec le temps; surtout avec le développement, de plus en plus important, du
monde des biosimilaires.
L’Algérie a toujours mis, à la disposition
des patients, les traitements innovants,
dès leur mise sur le marché, en dépit
des coûts souvent exorbitants (comme
c’était le cas pour les différentes thérapies ciblées, actuellement) et ça sera,
certainement, le cas pour l’immunothérapie (certains médicaments sont,
déjà, en cours d’enregistrement, en
Algérie); surtout que le Plan national
cancer du président de la République
a fait de la prise en charge thérapeutique du cancer l’axe principal.
Pouvez-vous nous parler des nouvelles molécules et éventuellement,
de leurs indications autres que pour le
cancer ?
En cancérologie, nous avons, déjà, certaines molécules validées. C’est le cas
du Pembrolizumab, dans le traitement
du mélanome malin avancé, avec plus
de 40% des patients traités, qui sont,
toujours, en vie, après trois ans de suivi
(Etude KEYNOTE 001). D’autres résultats ont été publiés dans le traitement
du cancer bronchique non à petites cellules (KEYNOTE 010). Pembrolizumab
a amélioré la survie globale et la survie
sans progression; en particulier, dans
le sous-groupe de patients présentant une expression PD-L1 des cellules
tumorales, par rapport à la chimiothérapie. D’autres résultats sont prometteurs, avec la même molécule, dans le
cancer du col utérin (Etude KEYNOTE
028). L’Ipilimumab est un anti CTL-4,
qui a été, aussi, validé dans le traitement du mélanome malin métastatique.
Le Durvalumab, un anti PDL-1, a donné
des résultats significatifs, dans le cancer de vessie avancé inopérable, ou
métastatique, après échec des traitements conventionnels.
Dans le cancer du rein avancé, ou métastatique, le Nivolumab, un anti-PD-1,
a démontré son efficacité, après échec
à plusieurs anti-angiogéniques, avec
un profil de tolérance meilleur (étude
Check Mate 025). Il a, aussi, donné des
résultats encourageants, dans le cancer
bronchique avancé. Plusieurs autres
molécules sont en cours d’évaluation,
dans plusieurs types de cancer et dont
les résultats seront publiés ultérieurement.
La place de l’immunothérapie dans
les pathologies non cancéreuses est
relativement ancienne; mais, pour des
objectifs différents et selon un mécanisme d’action particulier.
Est-ce que l'immunothérapie présente
des effets secondaires? Lesquels?
Les effets secondaires de l’immunothérapie sont relativement minimes,
avec un profil de tolérance meilleur,
par rapport à la chimiothérapie, ou la
thérapie ciblée. Les principaux effets
secondaires de l’immunothérapie sont
les toxicités cutanées, gastro-intestinales, pulmonaires et articulaires; rarement, hépatiques, neurologiques, ou
oculaires.
Ces toxicités sont parfaitement gérables, sans véritable impact sur la
qualité de vie des patients. Elles sont,
beaucoup plus, observées avec les
anti-CTL-4 qu’avec les anti-PD-1 et les
anti-PDL-1
* Professeur Blaha Larbaoui,
chef de Service d’oncologie médicale,
au CAC "Emir Abdelkader" d’Oran.
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