La Tribune.fr 01 juin 2015 Cancer : l`immunothérapie fait courir gros

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La Tribune.fr
01 juin 2015
Cancer : l'immunothérapie fait courir gros labos et startups
Les 30.000 chercheurs du congrès international de la cancérologie qui se tient à Chicago l’affirment :
l’immunothérapie est une révolution dans le traitement anti-cancer. Mais le premier médicament sur le
marché coûte 40 fois plus cher qu’une chimiothérapie…
"Immunothérapie", voilà le mot qui résonne dans toutes les conversations à la conférence américaine
annuelle sur le cancer de l'American Society of Clinical Oncology (Asco) Chicago.
Pour un grand nombre de chercheurs, cette nouvelle arme est une révolution dans la guerre contre le
cancer. Cette année comme les précédentes, cette thérapie présente de nombreux résultats d'études
cliniques encourageants pour des cancers difficiles à soigner.
L'aire de l'immunothérapie
L'immunothérapie rompt radicalement avec le principe de la chimiothérapie : si celle-ci attaque les
tumeurs avec des produits toxiques, la nouvelle arme compte, elle, sur le système immunitaire du
patient pour y parvenir. Mais comme ledit système immunitaire n'y arrive pas tout seul, l'immunothérapie
va l'aider avec différentes techniques.
Pour une grande majorité des molécules en développement, le principe immunothérapeutique est le
suivant : il s'agit de déjouer les mécanismes qui permettent aux tumeurs cancéreuses de ne pas être
repérées par nos fenses immunitaires ou qui les empêchent de faire leur travail. Une idée innovante
qui a succédé à des années d'échecs immunologiques.
Les médecins ont longtemps cherché à booster les défenses immunitaires pour détruire les cancers.
Mais les premières tentatives des années 1990 n'étaient pas concluantes. Elles avaient peu de résultats
sur les cancers, mais beaucoup d'effets secondaires.
Comme l'explique le Dr Olivier Mir, oncologue dans l'un des centres français de cancérologie, Gustave
Roussy, les immunologues étaient alors surnommés les « loosers magnifiques ». Il a fallu attendre les
années 2000 pour trouver une solution.
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« Comme le système immunitaire ne détruit pas les cellules cancéreuses comme il le devrait, nous
avons fini par imaginer que celles-ci étaient capables de l'induire en erreur. Nous avons identifié la
manière dont ces tumeurs trompent nos défenses avec différentes protéines. Et nous avons dévelop
des anticorps qui empêchent cette méprise moléculaire en bloquant l'action de ces protéines sur le
système immunitaire. »
D'autres technologies immunologiques permettent aussi de booster le système immunitaire comme dans
les années 1990. Mais aujourd'hui, l'innovation permet de lui apprendre à cibler les cellules cancéreuses
qu'il doit détruire sans ennuyer les cellules saines et provoquer des réactions inflammatoires et
allergiques.
Des biotechnologies très élaborées et complexes à mettre en œuvre. Mais pour lesquelles on constate
des résultats enthousiasmants pour les cancers résistant aux chimiothérapies et sans solution de
traitement.
Quatre gros laboratoires sur les rangs
Dans les années 2000, les premiers tests d'immunothérapie ont été lancés. Et depuis 2010, certains
laboratoires ont compris que la discipline aurait une grande importance dans l'avenir du traitement
contre le cancer.
Quatre grands groupes pharmaceutiques ont largement investi dans cette nouvelle façon de soigner :
les Américains BMS (Bristol-Myers Squibb) et Merck ainsi que les groupes Roche et Astra Zeneca.
Aujourd'hui, les molécules sur le marché sont le Yervoy® de BMS et le Keytruda de Merck pour le
traitement du mélanome ainsi que l'Opdivo® (BMS) pour le cancer avancé du poumon. Mais de
nombreuses autres sont prêtes à sortir du pipeline. Sur le même cancer, Merck mise sur son Keytruda
aux résultats plus probants que ceux de son concurrent.
Pour le Suisse Roche, un des candidats prometteurs est l'Atezolizumab (anti PDL-1) pour le cancer du
poumon ainsi que celui de la vessie. Le groupe espère soumettre un dossier de demande
d'enregistrement pour ces deux indications courant 2016
Avec l'immunothérapie, les groupes pharmaceutiques ont intégrer une nouvelle spécialité car c'est la
biotechnologie qui a permis ces premières innovations. Ainsi, BMS a misé sur ImClone et Astra Zeneca
sur MedImmune. Pour Roche, le rachat de Genentech en 2009 a permis de prendre le virage des
biotechs et cette approche est devenue un axe stratégique de sa recherche en oncologie. Le groupe
suisse possède actuellement une vingtaine de molécules d'immunothérapie à l'étude, dont sept font déjà
l'objet d'études cliniques.
Le Dr Yannick Plétan, directeur médical de Roche Pharma France, détaille la stratégie immuno de son
groupe.
« L'une des voies qui intéresse fortement Roche est la vaccination antitumorale. Plusieurs collaborations
sont en cours, notamment en France avec des discussions très avancées avec un Institut de
cancérologie ayant une expertise reconnue en immuno-oncologie. Roche a par ailleurs récemment
acquis les droits d'une molécule de la société spécialisée en immuno-oncologie, NewLink. Son
mécanisme d'action est différent et complémentaire de celui de l'Atezolizumab. »
Les pépites de l'immuno
En France de nombreuses startups se créent sur ce secteur. Des startups qui permettent de développer
différents modes d'intervention auprès du système immunitaire. Mais qui nécessitent de lourds
investissements en développement et en essais cliniques.
En Bourse, l'immunothérapie permet parfois de bonnes valorisations comme, par exemple, le joli
parcours d'Innate pharma début 2014 (+ 250% en six mois) plus un bel accord récent avec Astra
Zeneca. Si le potentiel est important, les risques sont nombreux pour une activité qui mise sur des
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candidats qui n'atteignent pas toujours la mise sur le marché. Mais quand ils y parviennent, les
bénéfices peuvent être importants.
Basée à Paris, la startup Ose Pharma a levé 21,1 millions d'euros en Bourse en mars dernier. Elle vient
de signer son premier partenariat pharmaceutique international en Israël avec Rafa Laboratories.
Son Tedopi est une molécule d'immunothérapie indiquée dans le cancer du poumon très avancé avec
métastases. Mais son mode d'intervention est un peu différent de celui des principaux candidats des "big
pharmas". Au congrès de l'ASCO, sa cofondatrice et directrice générale, Dominique Costantini, est
venue rencontrer des cliniciens pour développer les essais du Tedopi.
« Nous apprenons aux cellules immunitaires T des patients à attaquer ces tumeurs de manière
spécifique et efficace. Il s'agit d'une approche différente qui est complémentaire de celle des groupes
pharmaceutiques qui lèvent les freins de l'immunité. Cela nous permet de tenter notre atout sur cette
révolution thérapeutique. »
Alors qu'elle vient de lancer la dernière phase de son étude clinique, la startup mise sur une mise sur le
marché d'ici 2019.
Une thérapie hors de prix
On le voit bien dans les conférences de l'ASCO, l'immunothérapie fait partie des plus grands sujets
actuels de l'oncologie. Reste qu'avec ces molécules très complexes à produire se pose la question de la
prise en charge des traitements, comme le remarque le Dr Olivier Mir, oncologue à Gustave Roussy,
centre hospitalier français réputé pour son service en cancérologie.
« Ces médicaments sont très couteux. Le Yervoy nécessite quatre perfusions au prix de 20.000 euros
l'unité. Si le patient souffrant de mélanome est en rémission complète et peut reprendre une activité
professionnelle, l'intervention aura des impacts économiques bénéfiques en supprimant les retours
réguliers à l'hôpital de la chimio et la prise en charge d'effets secondaires lourds. Reste qu'aujourd'hui, le
prix d'une chimio classique est inférieur à 2.000 euros. »
En juin 2013, l'analyste Andrew Braun chez Citigroup estimait que cette nouvelle génération de
traitement pourrait être utilisée dans 60% des cancers et dégager un chiffre d'affaires annuel de 35
milliards de dollars à l'horizon 2018.
Mais avec 355.000 nouveaux cas de cancers diagnostiqués chaque année sur le territoire français et
face au prix des traitements, les systèmes d'assurance maladie européens se demandent comment ils
vont pouvoir financer ces nouveaux médicaments innovants.
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