certains cancers, comme ceux de la prostate ou du sein, réagissent très peu à cette
approche. «Les progrès de l'immunothérapie sont réels et spectaculaires, mais est-ce que
cela va vraiment permettre de guérir le cancer, au sens où les trithérapies ont permis de
vaincre le sida ?, s'interroge ainsi le Dr Christophe Le Tourneau, responsable des essais
précoces et de la médecine de précision à l'Institut Curie (Paris et Saint-Cloud). Je pense
qu'on en est encore loin car dans la plupart des cas, les traitements ne fonctionnent que sur
20 % des malades.» «J'étais au départ très excité par l'immunothérapie, mais en conditions
réelles, après avoir traité des malades touchés par des cancers du poumon métastatiques
depuis un peu plus d'un an avec du nivolumab, je pense que ce n'est pas le miracle
annoncé, renchérit le Dr Didier Debieuvre, pneumologue à l'hôpital Émile-Muller à Mulhouse.
C'est très positif pour les patients chez qui ça marche, avec des effets qui peuvent durer.
Mais il y a quand même 4 malades sur 5 pour lesquels cela n'a pas d'effets et pour lesquels
on donne un produit très coûteux pour rien.» Le nivolumab, commercialisé sous la marque
Opdivo par Bristol-Myers Squibb, a été autorisé en France mais son prix fait encore l'objet de
négociations avec les autorités de santé. Aux États-Unis, l'utilisation de la molécule dans le
cadre du cancer du poumon coûte aux environs de 150.000 dollars par patient et par an.
Désormais, les combinaisons de molécules ont le vent en poupe. Difficile de savoir combien
d'études cliniques sont en cours, mais pour le seul ipilimumab de BMS, première molécule
d'immunothérapie autorisée contre le mélanome en 2011, plus de 50 essais de
combinaisons sont actuellement menés. Et chaque laboratoire teste des dizaines de
combinaisons possibles en associant entre elles les molécules qu'ils ont dans leur catalogue.
Des effets secondaires globalement bien moins lourds que la chimiothérapie
Preuve de l'efficacité de la démarche, en associant l'ipilimumab avec le nivolumab contre le
mélanome, le nombre de patients réagissant au produit est passé de 19 % à 58 %. Une
progression spectaculaire qui s'est faite au prix d'effets secondaires plus sévères qu'avec les
produits pris isolément. Dans l'ensemble toutefois, les immunothérapies provoquent des
effets secondaires bien moins lourds que la chimiothérapie et offrent aux patients une qualité
de vie bien meilleure, même si elles peuvent parfois déclencher des maladies auto-immunes
que les cancérologues doivent apprendre à traiter.
«Avec les combinaisons, nous entrons directement dans la deuxième génération des
immunothérapies, qui permettront des progrès très sensibles, assure Ira Mellman, vice-
président de l'immunologie et du cancer chez Genentech (filiale du groupe Roche), l'un des
meilleurs spécialistes au monde du fonctionnement du système immunitaire face aux
tumeurs. Et certaines des associations qui semblent fonctionner sont assez surprenantes.
On pensait que les chimiothérapies avaient comme effet d'affecter le système immunitaire,
mais on s'aperçoit qu'en tuant des cellules cancéreuses, une chimiothérapie provoque une
inflammation dans les tumeurs qui améliore l'efficacité de l'immunothérapie. De la même
manière, la combinaison avec la radiothérapie semble être aussi une cible prometteuse.»
Certaines combinaisons recherchent aussi des synergies avec les thérapies ciblées. Ces
molécules qui ciblent des gènes défectueux sur les tumeurs agissent sur un grand nombre
de patients porteurs de ces mutations, mais leur action finit souvent par s'arrêter avec
l'émergence de résistances dans les cellules cancéreuses. Le rêve serait donc de combiner
le meilleur des deux approches, pour toucher un plus grand nombre de patient avec des
effets durant des années, sans signe de retour de la maladie.
Cyrille Vanlerberghe