Chapitre V
Int ´egrales
Dans tout le chapitre, Eest un espace vectoriel normé. Dans les sections V.aà V.c,aet bsont des réels,
et fest définie sur [a,b] et à valeurs dans E(f∈ F([a,b],E)).
V.a. Intégrale de Riemann
Définition 53 (intégrale d’une fonction en escalier)
Une fonction fest dite en escalier (ce que l’on notera f∈ E([a,b],E)) s’il existe une subdivision finie (x0,
. . ., xn) de [a,b]adaptée àf, c.-à-d. telle que i~0,n1,x]xi,xi+1[,f(x)=fi, où fiEest une constante.
On appelle intégrale de fet l’on note Rb
afla quantité Pn1
i=0fi(xi+1xi).
Remarque
Cette définition a un sens car toute subdivision adaptée à fdonne le même résultat.
Définition 54 (intégrale de Riemann)
Une fonction f: [a,b]Eest intégrable au sens de Riemann s’il existe une suite de fonctions (cf. § VI.a)
(φn)∈ E([a,b],E) et une suite de fonctions (ψn)∈ E([a,b],R) telles que
1. nN,x[a,b], on ait kf(x)φn(x)k6ψn(x)
et
2. limn→∞ Rb
aψn=0.
On appelle intégrale de Riemann de fet on note Rb
afla quantité limn→∞ Rb
aφn.
Remarques
1. Pour mettre en évidence la variable d’intégration, on écrira souvent Rb
x=af(x) dxau lieu de Rb
af.
Les notations R[a,b]fet Rx[a,b]f(x) dxsont aussi utilisés ; elles présentent l’intérêt d’être généralisables
aux intégrales multiples sur un domaine quelconque.
2. Le nombre Rb
af(avec (a,b)R2et fdéfinie sur [a,b]) est parfois appelé intégrale définie, par opposition,
d’une part, à l’intégrale indéfinie ou primitive de f, qui est la fonction x7→Rx
af, et, d’autre part, à l’intégrale
impropre, où fn’est pas définie en aou b.
3. Il existe d’autres définitions plus générales (mais plus compliquées) de l’intégrale que celle de Riemann,
notamment celle de Lebesgue. Celle-ci permet ainsi d’attribuer une valeur (0 en l’occurrence) à R1
0f
pour la fonction valant f(x)=1 si xQet f(x)=0 si xR\Q. En revanche, cette fonction ne peut
être approchée par une suite de fonctions en escalier et n’est donc pas intégrable au sens de Riemann.
4. Si la fonction fest en escalier, la définition 54 redonne évidemment le même résultat que la définition 53.
Toutes les définitions de l’intégrale (Riemann, Lebesgue, Stieltjes) donnent le même résultat pour les
fonctions en escalier et, plus généralement, pour les fonctions continues par morceaux.
5. La valeur de fest indépendante des suites de fonctions φnet ψn.
Théorème 57
Si f: [a,b]Eest intégrable sur [a,b], alors kfk: [a,b]Rest intégrable sur [a,b] et
Rb
af
6Rb
akfk.
54
Théorème 58
Si fest continue par morceaux sur [a,b], fest intégrable sur [a,b].
Théorème 59
Si fest une fonction à valeurs dans Ret est intégrable sur [a,b],
Zb
a
f=lim
n→∞
n1
X
i=0
Si,Si=f(xi)+f(xi+1)
2
ba
net xi=a+iba
n.
Pour comprendre la signification du terme de droite, supposons fpositive et découpons l’intervalle [a,b] en
nintervalles de largeur identique, (ba)/n:Siest l’aire du trapèze compris entre les droites y=0, x=xi,
x=xi+1et la corde reliant les points (xi,f(xi)) et (xi+1,f(xi+1)). Comme limn0((ba)/n)=0, limn→∞ Pn1
i=0Si
est l’aire de la surface comprise entre le graphe de fet les droites y=0, x=aet x=b.
Pn1
i=0Siest un cas particulier de somme de Riemann. Il en existe d’autres : par exemple
n1
X
i=0
f(xi)ba
nou
n1
X
i=0
fxi+xi+1
2ba
n;
si fest intégrable, toutes convergent vers Rb
af.
Définition 55
Soit fune fonction définie sur [a,b]. Une fonction Fest une primitive de fsur [a,b] si x[a,b], Fest
dérivable en xet F0(x)=f(x).
Théorème 60 (théorème fondamental de l’analyse)
Si fest une fonction continue sur [a,b], la fonction F:x7→ Rx
t=af(t) dtest une primitive de f.
En outre, si Fest une primitive de f, on a Rb
x=af(x) dx=F(b)F(a)ChF(x)ib
x=a.
Remarques
1. Si Fest une primitive de f, les primitives de fsont les fonctions de la forme Φ = F+constante et elles
seules. Quelle que soit la primitive Φde f,Rb
af(x) dx=hΦ(x)ib
a.
2. La primitive d’une fonction fest aussi appelée intégrale indéfinie et est souvent notée Rxf(t) dt, sans
préciser la borne inférieure de l’intégrale, puisque changer celle-ci revient à ajouter une constante. La
notation Rf(x) dxest en revanche à éviter.
V.b. Propriétés de l’intégrale définie
L’intégration est une opération linéaire :
Théorème 61
Soient Eun K-espace vectoriel, λK, et fet gdeux applications à valeurs dans Eet intégrables sur [a,b].
Alors les intégrales ci-dessous existent,
Zb
a
(f+g)=Zb
a
f+Zb
a
g
et
Zb
a
(λf)=λZb
a
f.
Par extension, on peut donc intégrer une somme finie de fonctions terme à terme.
Théorème 62
Soient fet gdeux applications à valeurs dans Ret intégrables sur [a,b].
Si x[a,b],f(x)6g(x), alors Rb
af6Rb
ag.
L’inverse est évidemment faux.
55
Théorème 63 (relation de Chasles)
Si c[a,b], Rb
af=Rc
af+Rb
cf.
Définition 56
Si b<a, on pose Rb
afBRa
bf.
Cette définition est cohérente avec la relation de Chasles, puisque Ra
af=Rb
af+Ra
bf=Ra
bf+Ra
bf=0. En
revanche, R[a,b]f=R[b,a]fBRa
bfsi b<a.
Inégalité de (Cauchy-)Schwarz
Soient fet gdeux fonctions intégrables sur [a,b]. Pour tout réel λ, on peut écrire l’inégalité triviale
Rb
af(x)+λg(x)2dx>0, soit
λ2Zb
a
(g(x))2dx+2λZb
a
f(x)g(x) dx+Zb
a
(f(x))2dx>0.(1)
Le trinôme du second degré en λest positif ou nul pour tout λréel si et seulement si son discriminant
est négatif ou nul. En eet, si le discriminant est strictement positif, le trinôme admet deux racines réelles
distinctes et est négatif entre celles-ci puisque Rg2>0. On a donc
Zb
a
f(x)g(x) dx
6sZb
a
(f(x))2dxsZb
a
(g(x))2dx,(2)
une inégalité parfois très utile.
On peut généraliser ceci au cas de fonctions à valeurs complexes :
Théorème 64 (inégalité de (Cauchy-)Schwarz)
Soient fet gdeux applications intégrables de [a,b] dans C.
On a
Zb
a
f g
6sZb
a|f|2sZb
a|g|2.
Cette inégalité rappelle l’inégalité sur le produit scalaire de deux vecteurs de Rn,
|~
u·~
v|6k~
uk k~
vk,
et il y a de bonnes raisons à cela : Rb
af g définit en eet un produit scalaire (hermitien) entre des fonctions
fet gcontinues sur [a,b], et Rb
af f =Rb
a|f|2est le carré de la norme associée. On a d’ailleurs l’inégalité
triangulaire (dite aussi de Minkowski dans ce cas)
sZb
a|f+g|26sZb
a|f|2+sZb
a|g|2.
V.c. Méthodes d’intégration
En pratique, pour calculer eectivement une intégrale, il est indispensable de bien connaître les formules
de dérivation des fonctions simples (voir appendice IV.2) et de les combiner avec quelques astuces.
V.c.1. Intégration par parties
Théorème 65
Soient ( f,g)(C1([a,b],K))2.
Alors, Zx
f0g=f g Zx
f g0
et
Zb
a
f0g=hf gib
aZb
a
f g0.
56
Ceci découle de ( f g)0=f0g+f g0.
Ce théorème permet donc de calculer la primitive d’une fonction hde la forme h=f0gsi l’on connaît la
primitive de f g0. Ça ne présente d’intérêt que si cette dernière est plus simple à calculer !
Exemple 50
Zx
ln ξdξ=Zxdξ
dξln ξdξ=xln xZx
ξd(ln ξ)
dξdξ=xln xZx
ξ1
ξdξ=x(ln x1).(3)
Exercice
Calculer de même Rxξln ξdξ.
V.c.2. Changement de variable
Théorème 66
Soient (a,b)R2(avec a6b), Iun intervalle de R,g∈ C1([a,b],I) et f∈ C0(I,R).
Alors,
Zb
t=a
f(g(t)) g0(t) dt=Zg(b)
x=g(a)
f(x) dx.(4)
Remarques
On a cette fois utilisé la propriété de dérivation d’une fonction composée, (Fg)0=g0×F0g, et on
l’a appliquée à f=F0.
Pour se souvenir de cette formule, le plus simple est de remplacer xpar g(t) partout :
dans la fonction f;
dans la diérentielle, ce qui donne dx=(dx/dt) dt=g0(t) dt;
dans les bornes. Donc, si tvarie de aàb,xdoit varier de g(a) à g(b).
Exemple 51
Zxξdξ
1+ξ2=1
2Ztdτ
1+τ=1
2ln(1 +t)=1
2ln(1 +x2),(5)
où on a eectué le changement de variable x7→ t=x2.
Exemple 52
Pour calculer Rxdξ/(1 +ξ2), on pose x=tan t, et l’intégrale devient simplement Rtdτ, donc
Zxdξ
1+ξ2=t=arctan x,(6)
la fonction réciproque de tanx, définie pour tout xet prenant ses valeurs dans ]π/2, π/2[.
De même, Zxdξ
p1ξ2
=arcsin x,(7)
la fonction réciproque de sinx, définie sur [1,1] et prenant ses valeurs dans [π/2, π/2].
L’équation (4) peut aussi s’utiliser de droite à gauche pour calculer Rβ
x=αf(x) dx, où (α, β)I2et f∈ C0(I,R).
Il faut seulement qu’existent (a,b)R2et g∈ C1([a,b],I) tels que g(a)=αet g(b)=β. On a alors
Zβ
x=α
f(x) dx=Zb
t=a
f(g(t)) f0(t) dt.
Il est essentiel que g([a,b]) Iou, ce qui revient au même, que f C0(g([a,b]),R). Or, d’une manière générale,
(g(a)=α, g(b)=β)6=g([a,b]) =[min{α, β},max{α, β}] (I).
C’est le cas en revanche si gest bijective sur [a,b]. On a alors le théorème suivant :
57
Théorème 67
Soient (α, β, a,b)R4(avec α6β), f∈ C0([α, β],R), et gune application bijective et C1de [a,b] (ou [b,a]
si b<a) dans [α, β] telle que g(a)=αet g(b)=β.
Alors,
Zβ
x=α
f(x) dx=Zgh−1i(β)
t=gh−1i(α)
f(g(t)) g0(t) dt.(8)
Remarque
gétant continue, elle est bijective si elle est strictement monotone. Comme elle est même C1, il sut que
t[a,b],g0(t),0.
Si la fonction gn’est pas strictement monotone, il est plus sage de décomposer l’intervalle d’intégration
en sous-intervalles où elle l’est. Faute de quoi, on risque de trouver des absurdités.
V.c.3. Changement de variable pour une intégrale multiple
La théorie des intégrales multiples dépassant le cadre de ce cours, nous allons simplement expliquer
comment procéder à un changement de variable, une technique très utile en physique.
Soit une bijection
g=(g1, . . ., gn): DtDx,
t=(t1, . . ., tn)7−x=(x1, . . ., xn),
Dtet Dxsont les « domaines » de Rnbalayés par tet x, et xi=gi(t). On a
(Dx
f(x) dx1···dxn=(Dt
f(g[t]) |dét J(t)|dt1···dtn,
J(t)=
g1/∂t1. . . g1/∂tn
.
.
.....
.
.
gn/∂t1. . . gn/∂tn
est la matrice jacobienne et dét J(t), son déterminant, porte le nom de jacobien.
Dans le cas où n=1, on retrouve bien le résultat obtenu précédemment : le jacobien vaut alors g/∂t=g0(t)
et RDxf(x) dx=RDtf(g[t]) |g0(t)|dt.
Remarque
Si Dx=[α, β] et que a=gh−1i(α) et b=gh−1i(β), on a Dt=[min{a,b},max{a,b}]. Il ne faut donc pas oublier
la valeur absolue autour du jacobien. En eet, si gest décroissante, Dt=[b,a] et l’on retrouve bien
Zβ
x=α
f(x) dx=Za
t=b
f(g[t]) |g0(t)|dt=Za
t=b
f(g[t]) g0(t) dt=Zb
t=a
f(g[t]) g0(t) dt.
Considérons à titre d’exemple le passage des coordonnées polaires (t1=ρ, t2=φ) aux coordonnées
cartésiennes (x1=x,x2=y)1,
g= g1
g2!: ρ
φ!7→ x=g1(ρ, φ)=ρcos φ
y=g2(ρ, φ)=ρsin φ!.(9)
La matrice jacobienne est
J=
(ρcos φ)
∂ρ =cos φ(ρcos φ)
∂φ =ρsin φ
(ρsin φ)
∂ρ =sin φ(ρsin φ)
∂φ =ρcos φ
,
donc dét J=ρet
"D(x,y)
f(x,y) dxdy="D(ρ, φ)
f(ρcos φ, ρ sin φ)ρdρdφ.
Remarque : dxdyet ρdρdφsont respectivement les éléments de surface en coordonnées cartésiennes et
polaires.
1. xreprésente ici l’abscisse x1et non le couple (x1,x2).
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