Libérale Nutrition Prescrire les fibres alimentaires Constituants des parois cellulaires, les fibres alimentaires, polysaccharides d’origine végétale, sont des composants alimentaires qui ne sont pas, chez l’homme, digérés par les enzymes digestives. Seule une dégradation bactérienne les atteint. L a fonction essentielle des fibres alimentaires est d’améliorer le transit intestinal. Car leur rôle préventif sur le cancer colorectal est plus discuté. Définitions Polysaccharides d’origine végétale, les fibres sont caractérisées en fonction de leur solubilité. Les fibres solubles (pectine, gomme, alginates) augmentent la viscosité du bol alimentaire, ralentissent la vidange gastrique et intestinale. Les fibres insolubles (cellulose, lignine) restent en suspension et augmentent le volume du bol fécal en se gorgeant d’eau. Les principales sources de fibres alimentaires sont les céréales, les fruits, les légumes. Chimiquement, ce sont des molécules volumineuses issues d’une polymérisation ou d’un enchaînement complexe de glucides. Les fibres sont digérées dans l’intestin grêle, parviennent dans le côlon où elles sont partiellement dégradées sous l’effet d’une fermentation bactérienne. Les céréales en contiennent 7 à 15 %, concentrées dans l’enveloppe du grain et le germe. L’affinement des céréales diminue leur teneur en fibres : plus une farine est affinée, moins elle contient de fibres. Les légumes secs, avec plus de 25 % de fibres, sont (ou du moins ont été) une source alimentaire importante liée à leur concentration mais aussi à leur constitution. Apportées par l’alimentation, les fibres représentent aujourd’hui en moyenne 15 à 17 g par jour de la ration alimentaire (ce qui est insuffisant), soit à peine la moitié de la consommation des années 1900, alors que les recommandations fixent l’apport quotidien de fibres à 20-25 g. En effet, la consommation de légumes secs est en chute libre, les farines sont toujours plus raf- 38 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 42 - décembre 2002 finées (notamment pour le pain), et la consommation plus importante de fruits ne permet pas de compenser le déficit. Rôles sur la santé Leur capacité à se gorger d’eau fait que l’utilisation alimentaire des fibres donne une impression de satiété pour un volume peu calorique. L’absorption de certaines molécules comme les sels biliaires, le cholestérol, mais aussi certains carcinogènes, est également facilitée, notamment par les pectines et la lignine. D’autres fibres sont capables d’échanger des cathions (calcium, fer, zinc). Les fibres jouent un rôle important dans la digestibilité colique par la flore bactérienne © D.A. des glucides comme des acides gras à chaîne libre courte (acides acétique, propionique et butyrique), absorbés par la muqueuse colique ainsi que par les gaz (méthane, gaz carbonique). Leur important pouvoir viscosifiant agit sur la digestion et permet de ralentir la vidange gastrique et intestinale. Cette diminution de débit permet d’étaler l’absorption des glucides, avec l’augmentation de la glycémie qui en résulte. Ralentir la vidange intestinale engage aussi une meilleure absorption à ce niveau des éléments nutritifs, comme les oligo-éléments par exemple. L’augmentation du bol fécal améliore le transit colique. Ainsi, chez un patient constipé, il suffit souvent d’ajouter à son alimentation du pain complet ou de son pour voir disparaître la constipation. Un supplément de son de blé mélangé à un yaourt ou en association avec une préparation à base de mucilage est très efficace. En cas de colopathies, de côlon irritable, l’amélioration de la constipation a souvent un effet spectaculaire. Favorisée par une alimentation pauvre en fibres, la diverticulose colique, en dehors des Libérale crises aiguës, profite d’une supplémentation en fibres. Par contre, l’action anticancéreuse fait l’objet de nombreuses études, pas toujours concordantes. Dans ce dernier cas, le rôle des fibres serait de trois ordres : – l’augmentation du bol fécal et l’accélération du transit qui en résulte diminueraient le temps de contact entre la paroi intestinale et les carcinogènes ; – l’augmentation de l’élimination fécale des sels biliaires ralentirait le développement tumoral ; – la protection de la muqueuse colique se ferait grâce à la production d’acides gras à chaîne courte, résultats de la fermentation intestinale. Ces acides gras ont eux-mêmes un rôle anticarcinogenèse. Toutes les études ne montrent pas une réelle efficacité dans la prévention des cancers colorectaux car la grande hétérogénéité des fibres, comme la multiplicité des protocoles alimentaires, ne permettent pas toujours d’établir une comparaison fiable. Il paraît justifié, cependant, de conseiller une alimentation plus riche en fibres et moins riche en graisses animales. Effets métaboliques En augmentant la viscosité alimentaire, les fibres diminuent le pic glycémique postprandial nécessitant une moindre production insulinique. Cet effet est particulièrement bénéfique chez les patients atteints de diabète de type II non insulinodépendant : une supplémentation en fibres alimentaires de 50 g par jour pendant six semaines suffit à entraîner à elle seule une baisse significative de la glycémie. Cette baisse liée aux fibres solubles et insolubles est due à une double action sur le métabolisme hépatique des sucres et sur un accroissement de la sensibilité à l’insuline. Conseil infirmier En postopératoire pour tous les actes touchant l’estomac, la vidange gastrique est fréquemment accélérée, jusqu’à créer un dumping syndrome en cas de gastrectomie. Dans ce cas, l’adjonction alimentaire de fibres solubles, comme la pectine (pomme), ralentit le transit, diminue le pic hyperglycémique et évite les “coups de pompe” postprandiaux. En cas de diabète de type I insulinodépendant, les fibres diminuent la fréquence des hypoglycémies. Sur le métabolisme lipidique, l’adjonction de fibres alimentaires entraîne une diminution plasmatique de la concentration en cholestérol, surtout de sa fraction LDL, celle qui se fixe sur les plaques d’athérome. Cette action est surtout le fait des fibres solubles. Sa physiologie est complexe, car liée à la fois à une diminution de la réponse insulinique et à l’étalement de l’absorption des sucres. Moins de production d’insuline signifie moins de synthèse hépatique de triglycérides et de cholestérol. Action amplifiée par l’élimination fécale accrue des acides biliaires. Parallèlement aux traitements médicamenteux, l’emploi des fibres alimentaires présente donc un intérêt métabolique certain. Les résultats de nombreuses études d’intervention confortent les recommandations et incitent à prescrire certaines fibres en prévention ou comme adjuvant thérapeutique. Comment “prescrire” des fibres alimentaires Enrichir l’alimentation est le premier moyen simple et efficace “de prescription” des fibres alimentaires. Il s’agit d’informer et de conseiller d’enrichir son régime en légumes et en fruits, et de consommer des aliments enrichis en fibres, comme le pain ou les gressins au son. A défaut, des fibres spécifiques telles que la pectine ou la gomme guar peuvent être des compléments alimentaires agissant efficacement sur la vidange gastrique et la motricité intestinale. D’autres fibres, comme la parapsyllum, obtenue à partir d’une graine de psyllum, permettent à la fois de lutter contre la constipation et de contribuer à l’amélioration de l’équilibre métabolique d’un diabète. Les données épidémiologiques ont démontré que l’augmentation de la consommation des fibres accompagnée d’une diminution de celle des graisses animales est une réponse intéressante à apporter à la prévention de nombreuses affections : pour les cancers colorectaux, éventuellement, mais, pour les affections cardiovasculaires, assurément. Il faut pourtant déjouer la pression du marché, qui propose des aliments riches en glucides raffinés et en graisse, et par ailleurs “enrichis” en fibres. J.B. Entretiens de Bichat, septembre 2002, Paris. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 42 - décembre 2002 39