
4 IGAS, RAPPORT N°RM2012-044P
¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯
[7] Au plan économique, on ne dispose pas de bilan global du dispositif. Et, si la croissance des
dépenses s’est atténuée, elle reste supérieure à celle de l’ONDAM. Aussi, au-delà des améliorations
à apporter au bon fonctionnement et à la régulation du dispositif, la mission s’est-elle interrogée sur
les fondements mêmes du dispositif de la « liste « en sus », un dispositif conçu pour financer des
médicaments innovants et très onéreux. Les médicaments en question sont-ils réellement innovants
et cela justifie t’il leur niveau de prix ?
[8] Le constat fait par la mission est sévère et l’a conduit à une réflexion plus générale sur les
modalités d’évaluation, de fixation des prix et de régulation de ces médicaments particulièrement
onéreux.
[9] La manière dont l’innovation se définit est loin d’être univoque. L’expérience étrangère en
atteste. Pour autant, la façon dont elle est prise en compte dans notre pays est fixée
réglementairement, essentiellement via le service médical rendu (SMR) par le médicament et
l’amélioration du service rendu (ASMR). Sous ce prisme d’analyse, de très nombreux médicaments
figurant sur la liste en sus ne présentent pas ou plus de progrès thérapeutique significatif. Mais les
règles suivies pour fixer leur prix ne prennent pas assez en compte ce constat et aboutissent à des
résultats très discutables. Les éléments actuellement pris en compte pour fixer le prix des
médicaments sont multiples (ASMR, volumes de vente, conditions d’utilisation, prix des
médicaments à même visée thérapeutique, alignement sur les prix européens) et suivent des
rationalités différentes. La pratique aboutit à des résultats souvent irrationnels au regard du progrès
apporté réellement.
[10] La politique publique conduite pour favoriser l’innovation médicamenteuse, notamment en
matière d’anticancéreux, apparait favorable à l’excès aux entreprises pharmaceutiques. La France
est un des, sinon le pays le plus ouvert aux médicaments anticancéreux. Sans méconnaitre l’intérêt
des nouveaux médicaments et le progrès, souvent incrémental, qu’ils apportent, la question se pose
en fait de savoir si ce ne sont pas les entreprises qui influencent trop les prix, aboutissant à des
niveaux de prix de plus en plus élevés et, de l’avis de tous, de plus en plus insupportables.
[11] Aussi, est-ce une refonte en profondeur de la politique de financement de ces médicaments qui
est proposée.
[12] La décision de prendre en charge tout nouveau médicament a priori très onéreux, devrait tenir
compte de 3 critères majeurs pour apprécier l’apport du médicament et mettre en perspective le
gain pour la santé et le coût prévisible.
[13] L’évaluation de l’apport du médicament devrait se fonder essentiellement sur trois critères :
1) le bénéfice thérapeutique jugé essentiellement sur l’amélioration de l’efficacité et/ou de la
tolérance du médicament par rapport à l’existant de référence ; 2) la quantité de bénéfice
thérapeutique rapportée aux besoins exprimée en termes d’apport vis à vis du but à atteindre :
guérison, survie, prévention, réduction des manifestations les plus graves de la maladie ; 3) la
quantité de bénéfice thérapeutique exprimée en termes d’apport pour la population concernée.
[14] La gravité de la maladie (ou du handicap), les différents aspects du bénéfice collectif, la rareté
et la place dans la stratégie thérapeutique au regard des autres thérapies disponibles peuvent
également entrer en ligne de compte.
[15] Trois conditions devraient être requises pour attribuer à un médicament un prix
particulièrement élevé : (1) l’affection traitée doit engager le pronostic vital ou présenter un haut
degré de gravité, (2) le bénéfice thérapeutique doit être majeur ou important. Le médicament doit à
la fois constituer une amélioration très nette en termes de ratio efficacité/toxicité par rapport aux
alternatives existantes et apporter une réponse thérapeutique majeure ou importante par rapport aux
besoins thérapeutiques pour lesquels les réponses restent inexistantes ou très insuffisantes, (3) la
fixation d’un prix très élevé devrait obligatoirement se fonder sur une analyse coût/utilité.
[16] La politique d’alignement systématique des prix au niveau des prix de nos voisins européens
devrait être abandonnée.