liens protestants JOURNAL DES PAROISSES DE L''ÉGLISE PROTESTANTE UNIE : N ° 261 - JANVIER 2017 MÉTROPOLE-NORD ~ BASSIN-MINIER ~ LITTORAL ~ ARTOIS ~ HAINAUT ~ AVESNOIS 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 12345678901234567890123456789012123456789012345678901234567890121234567890123456789012345678901212345 Le pape François réformateur de son Église ? 1 D O S S I E R LE PAPE FRANÇOIS RÉFORMATEUR DE SON ÉGLISE ? LE PAPE FRANÇOIS : UN REFORMATEUR ? En 2013, le pape François accède au siège de saint Pierre. Mais sa manière d'assumer, d'habiter le ministère pontifical tranche avec celle de ses prédécesseurs. Par des touches successives et hautement symboliques, il se construit l'image d'un homme simple, humble et recherchant la réconciliation. Il révolutionne la fonction pontificale mais pas forcément l'Église… Après sa première messe dominicale, le pape François s'adonne à un bain de foule, sans doute pas totalement improvisé mais inédit. Alors qu'elle scande son nom et crie Viva il papa !, François prend le temps de saluer et de discuter avec les fidèles. Tout cela, bien entendu, sous l'œil avisé des caméras. Car, comme le pense Franck Bergeron, pasteur de l'Église protestante unie, le pape est un communiquant, pas un réformateur. L'Église catholique a changé de stratégie pour atteindre les foules : à l'inverse du passé, le pape arrondit les angles, fait de la "com", tandis que les évêques font la loi. Quoi qu'il en soit, les chaînes de télévision et les radios propagent aussitôt l'image d'un pape brisant les barrières, les frontières qui le séparent de l'ensemble du peuple. Un pape accessible, simple, humain. Des gestes symboliques Le pape François a posé de multiples gestes confortant cette symbolique de l'accessibilité. D'abord, il renonce aux mules papales, de la couleur du pouvoir : rouges. Il préfère porter des chaussures noires, une couleur des plus traditionnelles, commune à la plupart des hommes de la planète. Ensuite, le véhicule auquel il recourt lors de ses déplacements est très souvent celui de la marque du pays. Ainsi, il s'affiche dans une Fiat 500L aux États-Unis (une marque italo-américaine) et dans une Ibuzu aux Philippines… La papamobile devient la voiture de monsieur tout le monde ! Enfin, le pape François n'habite pas le palais pontifical mais la maison Sainte-Marthe. Même si les appartements de cet hôtel n'ont rien de la rugosité d'une auberge de jeunesse, ils n'ont pas non plus le faste du palais pontifical ! Des paroles fortes… Mais ce pape n'en reste pas aux gestes symboliques ! Il sait prononcer des paroles fortes. Ainsi, en pleine crise migratoire, il dit aux catholiques : Chers frères et sœurs migrants et réfugiés ! À la racine de l'Évangile de la miséricorde, la rencontre et l'accueil de l'autre se relient à la rencontre et à l'accueil de Dieu : accueillir l'autre, c'est accueillir Dieu en personne ! Une parole forte, courageuse et fraternelle qui, malheureusement, n'a pas eu d'effet. François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, analyse cela ainsi : Un qui parle pour tous fait croire qu'un peut tout faire mais c'est un pieux 2 mensonge. L'appel à la responsabilité individuelle, telle que la conçoit le protestantisme, à l ' e n g a g e m e n t communautaire, cet appel s'en trouve conforté et renforcé. …et œcuméniques Ensuite, après sa publication d'Amoris Laetitia, (La joie de l'Amour), et l'établissement par les évêques argentins d'un certain nombre de critères pour l'accueil des divorcés-remariés à la table eucharistique, le pape a dit : Leur projet exprime pleinement le sens du chapitre 8 d'Amoris Laetitia. Et d'ajouter : Il n'y a pas d'autres interprétations ! Comme le souligne Jane Stranz, responsable du service des relations œcuméniques au sein de la Fédération protestante de France, le pape aurait pu passer sous silence ce projet argentin mais en le louant il valorise la démarche. Il montre la voie vers laquelle les autres conférences épiscopales doivent aller. Dans un autre domaine, celui de l'unité de l'Église, l'actuel pape prononce des paroles hautement significatives. Au patriarche Cyrille de Russie, par exemple, il dit : Nous voici enfin frères ! Et, lors de sa visite à Turin, il n'hésite pas à demander humblement pardon aux protestants vaudois. Comme le fait remarquer François Clavairoly, c'est sans doute ce qui change aujourd'hui : L'Église catholique romaine est aujourd'hui en dialogue avec tous les partenaires. Elle a conscience qu'elle ne peut pas être seule : elle est une parmi d'autres. Elle a probablement un rôle particulier à jouer mais avec d'autres. C'est la conséquence de la conscience de la mondialisation. Des écrits qui marquent et… Peu de commentateurs ont relevé, comme le souligne Jane Stranz, que dans la première exhortation papale, Evangelii Gaudium, (La joie de l'Évangile), le mot réforme et le verbe réformer reviennent sans cesse. C'est le signe que François veut changer, pousser l'Église vers quelque chose de nouveau. C'est le symbole de sa volonté de faire redécouvrir à l'Église catholique romaine sa mission initiale, évangélique. De même, sous l'impulsion du pape François, l'Église catholique se dote d'un écrit sur la sauvegarde de la création, Laudate si, (Sois loué) [Seigneur], remarqué et encensé dans l'Église et endehors de celle-ci. Enfin, dans Misericordiae vultus, (Le visage de la miséricorde), le pape François semble porter un autre regard sur les indulgences. Xavier Gué, dans un article récent, souligne qu'il n'est plus question de " gagner " ou "d'obtenir " des indulgences, que la distinction entre plénières et partielles a été abandonnée, que le " trésor des mérites " n'est plus évoqué et que le pape n'emploie plus le pluriel mais le singulier. Dans son esprit, il s'agit d'être au bénéfice de la Miséricorde du Père. L'indulgence de Dieu libère l'homme et le fait entrer dans une dynamique de changement. Si cette " réforme " langagière du pape reste pour le moins ambivalente, elle rappelle certaines intuitions de Luther, fondatrices de la Réforme. … des écrits qui manquent ! Mais au-delà des gestes symboliques, des paroles fortes, des écrits exhortatifs, quelles réformes de l'Église le pape a-t-il initiées ? Les synodes sur la famille ? Ils ont accouché d'une souris. Comme le souligne Michel Barlow, théologien de l'Église protestante unie de France, les grands dossiers sont au point mort. Comme par le passé, on a l'impression que l'Église catholique est soucieuse de ne pas bouger. Comme dit un personnage du roman "Le guépard" : on doit donner l'impression que tout bouge pour que rien ne bouge ! L'accueil des divorcés-remariés, par exemple, est sur une voie de garage, tout comme la place des femmes dans l'Église, sans parler du ministère féminin et du célibat des prêtres. Comme beaucoup de protestants, François Clavairoly, attend des textes et non des paroles ou des images. Ou plus exactement : l'Église catholique est en droit d'attendre des textes et pas seulement du son ou de l'image. Jean Paul II avait tenté d'ouvrir une brèche sur la compréhension du ministère de communion et cela n'a pas été suivi d'effet. Il en va de même pour l'accord de 1999 sur la justification. Le champ des accords œcuméniques est en jachère depuis quinze ans. La véritable réforme, comme le pense Michel Barlow, serait de revenir à Vatican II et d'appliquer les mesures du Concile. Autrement dit : la réforme de l'Église catholique n'est incarnée qu'en apparence par le pape François. Elle aurait pu déjà advenir mais reste pleinement à venir… Christophe Jacon, pasteur Journal "Ensemble" Jorge Mario Bergoglio en visite dans le bidonville Buenos Aires QUELQUES REPÈRES 1936 : Naissance le 17 décembre de Jorge Mario à Buenos Aires. 1936 : Jorge Mario est baptisé le 25 décembre dans une basilique du quartier d'Almagro à Buenos Aires. 1953 : Il fait l'expérience de " la miséricorde divine " et se sent appelé par Dieu à entrer dans les ordres. 1957 : Il décide de devenir prêtre. 1958 : Il entre au séminaire puis au noviciat de la Compagnie de Jésus. 1958-62 : Il poursuit sa formation au Chili. 1963 : Il revient en Argentine pour des études de philosophie. 1967-69 : Après diverses expériences, dont une dans l'enseignement, il étudie la théologie. 1969 : Il est ordonné prêtre. Il poursuit ses études en théologie et philosophie. 1972 : Il est nommé maître des novices du Colegio Máximo San José, institution jésuite. 1973 : Le 31 juillet, âgé d'à peine trente-six ans, il est nommé Provincial des jésuites du pays. 1980 : À la fin de sa charge de Provincial, il est nommé recteur de la faculté de théologie et de philosophie de San Miguel (l'ancien Colegio Maximo). 1986 : Après un séjour en Allemagne pour terminer sa thèse, il est nommé prêtre dans un quartier pauvre de l'Argentine. 1992 : Jean-Paul II le nomme évêque auxiliaire de Buenos Aires. Il quitte ainsi "l'exil" de Cordoba. 1997 : Il est nommé coadjuteur du même archidiocèse. 1998 : À la mort du cardinal, il devient archevêque de Buenos Aires. 2001 : Il est nommé cardinal. 2005 : Il est l'un des concurrents de Joseph Ratzinger lors du conclave. 2013 : Il est élu pape. Christophe Jacon, pasteur Journal "Ensemble" 3 DES PAROLES FORTES Le discours du pape François, lors de la présentation des vœux de Noël à la Curie romaine, lundi 22 décembre 2014 au Vatican, a suscité un écho considérable. Cela tient à la liste des quinze " maladies " pouvant affecter les collaborateurs du SaintSiège dont le pape François a fait une liste détaillée et argumentée, qu'il égrène très simplement et courageusement. Ces quinze maladies et tentations qui affaiblissent le service de l'Évangile n'étant pas la spécificité de la Curie romaine, la méditation de cette dénonciation peut nourrir la réflexion de toute l'Église. 1. La maladie de celui qui se sent immortel, immunisé ou tout à fait indispensable et néglige les contrôles nécessaires et habituels. Une Curie qui ne fait pas son autocritique, ne s'ajuste pas en permanence, ne cherche pas à s'améliorer, est un corps malade, infirme. […] C'est la maladie de l'homme riche et insensé de l'Évangile, qui pensait vivre éternellement (cf. Lc 12,13-21), et de tous ceux qui se transforment en maîtres et se sentent supérieurs à tous, et non au service de tous. [… ] L'antidote à cette épidémie est la grâce de se sentir pécheurs et de savoir dire de tout cœur : nous sommes de simples serviteurs : nous n'avons fait que notre devoir (Lc 17, 10). 2. Autre maladie : le marthalisme (qui vient de Marthe) qui concerne ceux qui se noient dans le travail et négligent inévitablement la meilleure part : s'asseoir aux pieds de Jésus (cf. Lc 10,38-42). C'est pourquoi Jésus a demandé à ses disciples de se reposer un peu (cf. Mc 6,31), car négliger le repos nécessaire conduit au stress et à l'agitation. […] Il faut retenir ce qu'enseigne Qohéleth : Il y a un moment pour tout (Qo 3,1-15). 3. Il y a aussi la maladie de la pétrification mentale et spirituelle. Ceux qui en sont atteints possèdent un cœur de pierre et une nuque raide (Ac 7,51-60). Ce sont ceux qui, chemin faisant, perdent leur sérénité intérieure, la vivacité et l'audace, et se cachent derrière leurs dossiers, devenant les rois du formulaire et non des hommes de Dieu (cf. He, 3,12). Il est dangereux de perdre cette sensibilité humaine qui permet de pleurer avec ceux qui pleurent et de se réjouir avec ceux qui 4 se réjouissent ! […] Être chrétien, en fait, signifie avoir les dispositions qui sont dans le Christ Jésus (cf. Ph 2, 5), dispositions à l'humilité et au don, au détachement et à la générosité. 4. La maladie de la planification excessive et du fonctionnarisme est celle de l'apôtre qui planifie tout minutieusement et croit que planifier à la perfection fait réellement avancer les choses. Il se transforme pratiquement en expert-comptable ou en fiscaliste. Tout bien préparer est nécessaire mais il ne faut jamais succomber à la tentation de vouloir enfermer ou piloter la liberté de l'Esprit Saint, qui demeure toujours plus grande, plus généreuse que toute planification humaine (cf. Jn 3,8). […] Domestiquer l'Esprit Saint ! Il est fraîcheur, imagination, nouveauté. 5. La maladie de la mauvaise coordination, advient quand il n'existe plus de communion entre les membres et que le corps est privé de son fonctionnement harmonieux et de sa tempérance en devenant un orchestre qui produit seulement du chahut, parce que ses membres ne collaborent pas et ne vivent pas l'esprit de communion et d'équipe. Lorsque le pied dit au bras : je n'ai pas besoin de toi ou la main à la tête : c'est moi qui commande, provoquant ainsi malaise et scandale. 6. Il y a aussi la maladie d' "Alzheimer spirituelle", c'est-à-dire l'oubli de l'histoire du salut, de l'histoire personnelle avec le Seigneur, du premier amour (Ap 2,4). Il s'agit d'un déclin progressif des facultés spirituelles qui, à plus ou moins long terme, provoque de graves handicaps chez la personne, la rendant incapable d'exercer une activité autonome. Celle-ci vit dans un état de dépendance absolue vis-à-vis de ses vues souvent imaginaires. Nous détectons cette maladie chez ceux qui ont perdu la mémoire de leur rencontre avec le Seigneur ; […] 7. La maladie de la rivalité et de la vanité apparaît quand l'apparence, les couleurs des vêtements, les signes honorifiques deviennent le premier objectif de la vie, et que l'on oublie les paroles de saint Paul : Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d'humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres (Ph 2,3-4). […] (Ph 3, 18-19). 8. La maladie de la schizophrénie existentielle est la maladie de ceux qui ont une double vie, fruit de l'hypocrisie typique du médiocre et du vide spirituel progressif que les diplômes et les titres académiques ne peuvent combler. Une maladie qui frappe souvent ceux qui, abandonnant le service pastoral, se limitent aux tâches bureaucratiques et perdent ainsi le contact avec la réalité, avec les personnes concrètes. Ils créent ainsi un monde parallèle, à eux, où ils mettent de côté tout ce qu'ils enseignent sévèrement aux autres et où ils commencent à vivre une vie cachée et souvent dissolue. La conversion est assez urgente et indispensable pour lutter contre cette maladie extrêmement grave (cf. Lc 15,11-32). 9. La maladie de la rumeur, de la médisance et du commérage est une maladie grave, qui commence simplement, peut-être seulement pour faire un brin de causette et qui s'empare de la personne. Celle-ci se met alors à semer de la zizanie (comme Satan) et, dans beaucoup de cas, à assassiner de sang froid la réputation de ses propres collègues et confrères. […] Frères, gardons-nous du terrorisme des bavardages ! 10. La maladie qui consiste à diviniser les chefs. C'est la maladie de ceux qui courtisent leurs supérieurs en espérant obtenir leur bienveillance. Ils sont victimes du carriérisme et de l'opportunisme, ils honorent les personnes et non Dieu (cf. Mt 23,8-12). […] Cette maladie pourrait frapper aussi les supérieurs quand ils courtisent certains de leurs collaborateurs pour obtenir leur soumission, […]. 11. La maladie de l'indifférence envers les autres qui survient quand chacun ne pense qu'à soi et perd la sincérité et la chaleur des relations humaines. Quand le plus expert ne met pas ses connaissances au service des collègues qui le sont moins. Quand on vient à apprendre quelque chose et qu'on le garde pour soi au lieu de le partager de manière positive avec les autres. Quand, par jalousie ou par ruse, on éprouve de la joie à voir l'autre tomber au lieu de le relever et de l'encourager. 12. La maladie du visage lugubre est celle des personnes bourrues et revêches, qui estiment que pour être sérieux il faut porter le masque de la mélancolie, de la sévérité, et traiter les autres, surtout ceux que l'on considère comme inférieurs, avec rigidité, dureté et arrogance. En réalité, la sévérité théâtrale et le pessimisme stérile sont souvent les symptômes d'un sentiment de peur et d'insécurité. […] Un cœur empli de Dieu est un cœur heureux qui irradie et communique sa joie à tous ceux qui l'entourent : cela se voit tout de suite ! […] Réciter souvent la prière de saint Thomas More nous fera le plus grand bien, je le fais tous les jours, cela me fait du bien 1 . 13. La maladie qui consiste à accumuler. Souffre de celle-ci l'apôtre qui cherche à combler un vide existentiel dans son cœur en accumulant les biens matériels, non pas par nécessité, mais seulement pour se sentir en sécurité. […] À ces personnes, le Seigneur rappelle, Tu dis : 'Je suis riche, je me suis enrichi, je ne manque de rien', et tu ne sais pas que tu es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! […]. Eh bien, sois fervent et convertis-toi (Ap 3, 17-19). […] 14. La maladie des cercles fermés, est fréquente quand l'appartenance à un petit groupe devient plus forte que celle au Corps et, dans certaines situations, au Christ lui-même. Cette maladie, elle aussi, commence toujours par de bonnes intentions mais, au fil du temps, elle asservit ses membres, devient un cancer qui menace l'harmonie du Corps et cause tellement de mal, des scandales. […] C'est le mal qui frappe de l'intérieur et, comme le dit le Christ, tout royaume divisé contre lui-même devient désert (Lc 11, 17). 15. Et la dernière, la maladie du profit mondain, des exhibitionnismes, est celle de l'apôtre qui transforme son service en pouvoir et son pouvoir en marchandise pour obtenir des profits mondains, ou davantage de pouvoir. C'est la maladie des personnes qui cherchent insatiablement à multiplier les pouvoirs et, dans ce but, ils sont capables de calomnier, de diffamer, de discréditer les autres, jusque dans les journaux et les magazines. [… ] Mes amis, seul l'Esprit Saint guérit toute maladie ! Extraits choisis / Nicole Vernet 1 Le 6 juillet 1535, Tomas More était conduit à l'échafaud et décapité après un séjour de quinze mois en captivité dans la Tour de Londres en attendant son jugement. Il avait refusé de prêter le serment exigé par Henri VIII après sa rupture avec Rome. Voici cette prière : " Donne-moi une bonne digestion, Seigneur, et aussi quelque chose à digérer. Donne-moi la santé du corps avec le sens de la garder au mieux. Donne-moi une âme sainte, Seigneur, qui ait les yeux sur la beauté et la pureté, afin qu'elle ne s'épouvante pas en voyant le péché, mais sache redresser la situation. Donne-moi une âme qui ignore l'ennui, le gémissement et le soupir. Ne permets pas que je me fasse trop de souci pour cette chose encombrante que j'appelle " moi ". Seigneur, donne-moi l'humour pour que je tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres. " (Source : site de l'Église catholique en France). 5 DES PAROLES FORTES VIVE LE PAPE, A BAS LA CURIE ROMAINE ! Une parole qui n'engage pas beaucoup les dirigeants de l'un des États les plus inégalitaires au monde : Vive le pape, à bas la Curie Romaine ! Tel fut le cri qui se leva après le discours du pape François prononcé lors de la présentation des vœux de Noël à la Curie romaine le 22 décembre 2014. La raison de l'extraordinaire écho suscité dans l'univers médiatique tient à la liste des maladies qui, d'après le pape François, affligent le Saint-Siège et affaiblissent l'annonce et le service de l'Évangile. Dans cette liste, c'est celle que le Pape appelle la maladie de celui qui se sent immortel, qui occupe la première place. Suivent, dans l'ordre, l'activité excessive, la pétrification mentale et spirituelle, la maladie de la planification excessive et du fonctionnarisme, la mauvaise coordination et la maladie d'Alzheimer spirituelle... au total, quinze maladies. La démission de Benoît XVI a souligné cette crise et en a donné l'image la plus profonde que l'Église ait jamais connue dans les dernières décennies. Avec conviction, depuis son élection, le pape François a essayé de séparer son rôle de berger universel de l'Église du Christ de celui de chef d'un État. État minuscule certes (0,44 km² en plein centre de Rome) mais disposant d'un lourd appareil bureaucratique, au carrefour d'un vaste réseau d'intérêts pas toujours limpides. La Curie romaine n'est toutefois pas le fruit du hasard. Elle a été façonnée à l'image des papes qui, un siècle après l'autre, en s'autoproclamant les successeurs de l'apôtre Pierre, ont géré l'Église comme un État absolu, bien loin de cet organisme de service à dimension synodale que le Pape François souhaite. L'effective réforme de la Curie romaine, à laquelle de vastes secteurs du monde catholique aspirent, ne peut que conduire à une nouvelle conception de ce que l'on appelle le ministère pétrinien. Le pape François voudrait sans doute œuvrer dans cette direction. Le tout est de savoir s'il en aura la force et surtout la possibilité. Giovanni Musi, pasteur EPUdF - Antibes Le pape veut réformer la curie romaine HUMOUR ROMAIN Depuis que les pontes et pontifes romains se pavanent dans des grosses cylindrées, certains habitants de Rome qui ont lu l'évangile ( si, si ! il en existe ! ) ont malicieusement traduit les lettres SCV des immatriculations ( officiellement Stato della Città de Vaticano = État de la Cité du Vatican ) en un irrévérencieux " SE CRISTO VEDESSE ", c'est à dire " SI LE CHRIST VOYAIT ÇA "... Il ne faut pas désespérer des catholiques romains ! 6 DES GESTES QUI PARLENT Tête de mules ? Les mules papales sont des chaussures d'extérieur en cuir rouge. À la suite de son élection, en 2013, le pape François refuse de porter ces chaussures d'apparat, symboles de pouvoir. Il opte pour de simples chaussures noires, en veau lisse, plus conformes à la simplicité de son caractère et de son pontificat. La chaussure reflétant souvent le statut social de l'individu et sa place dans la société, le pape François se revendique comme un homme simple : un homme du peuple. Stupéfiant ! Après sa nomination comme pape, François monte au balcon de la Basilique Saint-Pierre, comme ses prédécesseurs. La foule est massée en bas et attend la fameuse et coutumière bénédiction urbi et orbi, une bénédiction à Rome et au monde, aux fidèles de la place Saint-Pierre et aux catholiques du monde entier. François renverse les choses. Au lieu de bénir la foule, il sollicite d'elle une bénédiction et s'incline pour la recevoir. Suivent de longues minutes de silence. Ce n'est qu'après que le nouveau pape prononce sa bénédiction. Pardon Le 22 juin 2015, le pape François, en déplacement à Turin, visite le temple de l'Église vaudoise. Là, il demande officiellement pardon aux Vaudois pour les persécutions qu'ils ont subies de la part de l'Église catholique : De la part de l'Église catholique, je vous demande pardon pour les attitudes et les comportements non chrétiens et même non humains que, au cours de l'Histoire, nous avons eus contre vous. Au nom du Seigneur Jésus-Christ, pardonnez-nous " avait-il dit. Une première ! Des voitures populaires pour un pape populaire Depuis l'attentat du pape Jean-Paul II en 1981, les imposantes papamobiles blanches ont été une imposante bulle protectrice de verre, blindée. Le pape François a innové en ce domaine en renonçant au blindage et en choisissant des marques et des modèles plus populaires que les fameuses et mythiques papamobiles de chez Mercedes, Ford ou GMC. Ainsi, lors de son voyage aux États-Unis, François est à bord d'une Fiat 500L, le m o d è l e familial de la marque italoaméricaine. Le contraste a été pour le moins saisissant de simplicité et d'humilité entre la limousine rallongée et ultra blindée dans laquelle circulait le couple Obama, venu accueillir le pape sur le Tarmac de l'aéroport, et la petite papamobile. Le pape François a maintenu cette simplicité lors de ses déplacements, optant pour une Peugeot lors de son séjour à Cuba, une Kia Soul en Corée, une Izuzu lors de son voyage aux Philippines, une Chevrolet en Équateur… Toutes les marques sont sollicitées. Cette démarche permet à chaque marque de bénéficier en espèces sonnantes et trébuchantes du passage du pape. En 2014, à la vue du Cross-over Kia, les ventes de ce modèle sont montées en flèche… Cyrille, le frère russe Après le rapprochement avec Bartholomée Ier, en 2014, à Jérusalem, le pape François a rencontré le patriarche de Russie, Cyrille à la Havane. Hormis la déclaration commune signée par les deux protagonistes, résultat de vingt ans de travail discret mais constant, la rencontre a été marquée par des paroles fortes, historiques, comme l'enfin, nous voici frères ! Mais même l'histoire a ses zones d'ombre. C'est peutêtre pour ne pas compromettre cette rencontre historique et ce rapprochement symbolique que le pape a observé un silence assourdissant lors de la crise qui a opposé l'Ukraine à la Russie. Quoi qu'il en soit, les deux responsables religieux ont affirmé qu'ils ne sont pas concurrents, mais frères et ont lancé un appel à la communauté internationale : nous appelons la communauté internationale à des actions urgentes pour empêcher que se poursuive l'éviction des chrétiens du ProcheOrient et… pour mettre fin au terrorisme à l'aide d'actions communes, conjointes et coordonnées. Logement ! Après sa nomination comme archevêque en 1998, Jorge Mario Bergoglio refuse de loger dans la résidence destinée aux archevêques. Il opte alors pour un petit appartenant près de la cathédrale. Après son élection comme pape, il agit de manière similaire. Il refuse de résider dans les appartements qui lui sont réservés au troisième étage du palais apostolique. Il préfère rester dans la résidence Sainte-Marthe qu'occupent les cardinaux lors des conclaves. Il s'y sent moins seul et plus à l'aise. Laissant la chambre 207 que le tirage au sort lui avait attribuée à la veille du conclave, il occupe la suite 201, la plus spacieuse, qui compte trois pièces : un bureau, un salon et une chambre. Le choix de la simplicité. Une accolade signifiante ! En 2014, François programme une visite à Jérusalem et annonce que le sommet de celle-ci sera la rencontre avec le patriarche Bartholomée Ier. Cette rencontre se déroule dans la Basilique du Saint-Sépulcre. Les deux responsables religieux se recueillent ensemble et embrassent la pierre de l'onction, comme on l'appelle, cette plaque de marbre où le corps supplicié de Jésus aurait reçu les soins préalables à son ensevelissement des mains de Joseph d'Arimathée. Le pape François et le patriarche Bartholomée restent longuement en prière. Bartholomée Ier a conclu cette rencontre en disant à son homologue : Nous avons engagé un baiser d'amour. Le pape a alors voulu baiser le vêtement de Bartholomée, en signe d'humilité et de dévotion. Ce geste de fraternité s'est terminé dans une accolade fraternelle, symbole fort d'une réconciliation amorcée. Christophe Jacon, pasteur -Journal "Ensemble" 7 DES GESTES QUI PARLENT LE PAPE ET LES MIGRANTS Lavement des pieds de migrants Les étrangers font peur, car on a souvent peur de ce que l'on ne connaît pas. À partir de ces travaux d'ethnologie, Claude Lévi-Strauss rappelle que pour de vastes fractions de l'espèce humaine et pendant des dizaines de millénaires… l'humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village. Ce qui est naturel, c'est de privilégier les proches par rapport aux lointains. Le rôle des autorités, morales et politiques, est de nous élever par rapport à nos sentiments premiers, de nous rappeler que ce que nous possédons n'est pas un dû mais un don, de nous exhorter à la générosité, de nous appeler à l'hospitalité. Dans ce registre, le pape est dans son rôle lorsque son premier déplacement hors de Rome a été à Lampedusa. Lampedusa, ses plages de sable fin et son centre de rétention, ses touristes repus et ses réfugiés affamés, ses estivants avides de soleil et ses migrants en quête d'une vie tout simplement possible. Le pape est encore dans son rôle lorsqu'il fait un voyage dans l'île de Lesbos et qu'il ramène dans son avion une famille de réfugiés : réfugiés musulmans pour montrer qu'il n'agit pas comme le défenseur d'une religion, mais au nom d'un principe universel qui est celui de l'accueil de tout homme, quel qu'il soit. Le pape enfin n'a cessé de rappeler que l'accueil n'est pas qu'un devoir, qu'il peut aussi être une chance : Combien d'invasions l'Europe a connues ! Et elle a toujours su se dépasser elle-même, aller de l'avant pour se trouver ensuite comme agrandie par l'échange entre les cultures. Une façon de nous dire de ne pas craindre l'étranger. Face à cette attitude, nous voulons faire résonner deux évocations bibliques. Devant la question des réfugiés, le pape n'a pas fui, il n'a pas détourné les yeux. Dans l'évangile de Jean, la première fois que Jésus s'est rendu à Jérusalem, il a expulsé les marchands du Temple. La deuxième fois, il est allé au bassin de Bethesda, qui était le lieu où étaient conduits tous les infirmes, les aveugles, les boiteux et les impotents de la ville sainte (Jn 5,1-5). C'est là, dans cette cour des miracles, que se situe le vrai temple, le lieu où Dieu se trouve. Il nous rappelle qu'une société peut se juger par ses succès, ses constructions et ses réussites, mais aussi… par ses poubelles, par ce qu'elle rejette. Le verset du Premier Testament le plus souvent cité dans le Nouveau est celui qui dit : La pierre que les maçons ont rejetée, est devenue la pierre angulaire. (Ps 118,22). Devant Jésus-Christ, la vérité de notre société se joue plus à Lampedusa que dans les usines d'Airbus et les bureaux climatisés des établissements financiers ! Prophète le pape ? Par ses paroles et ses gestes, il nous rappelle quelques vérités essentielles et roboratives. Antoine Nouis, pasteur, Journal "Réforme" LA LEGENDE DOREE DU PAPE FRANÇOIS Dans les dernières années du XIXe siècle, certains catholiques avaient trouvé trop timide la formulation du dogme de l'infaillibilité pontificale : le pape n'est-il pas, en fait, le viceDieu sur la terre ? Depuis des siècles, les catholiques entretiennent une relation fusionnelle avec le pape, qu'ils parent de toutes les vertus : quoi qu'il dise ou fasse, on lui pardonne tout, on le croit en tout, on espère tout de lui ! Aussi faut-il accueillir avec un esprit critique aiguisé la façon dont les médias et l'opinion publique catholiques commentent les faits et gestes pontificaux. L'actuel tenant du titre n'échappe pas à la règle. Aux yeux du bon peuple catholique, François est un artisan convaincu de nouveauté dont les initiatives sont entravées par les cardinaux de la Curie réactionnaires. Pour contourner ces obstacles redoutables, le Saint-Père doit ruser, se montrer comme il le dit lui-même, " furbo " (fourbe, pour ne pas dire jésuite !). La stratégie serpentine qu'on lui prête est une façon de le dédouaner des prises de position traditionalistes qui sont parfois les siennes, mais il faut, comme toujours, juger un 8 responsable sur ses actes et non sur ses intentions réelles ou supposées. De ce point de vue, force est bien de constater que les grands dossiers sur lesquels le pape François est tellement attendu sont tous désespérément au point mort : l'ordination d'hommes mariés et le diaconat féminin notamment. Quant à l'accès à l'eucharistie des divorcés remariés, il est proprement scandaleux de parler de leur nouvelle union comme d'un péché inexpiable puisque les assassins, eux, peuvent communier après confession ! Décidément, plus que jamais, l'œcuménisme doit se parer de patience et d'espérance tout autant que de lucidité ! Michel Barlow 1 - Théologien 1 Michel Barlow, théologien laïc, diplômé de la Faculté de théologie de Lyon, est impliqué depuis de nombreuses années dans le dialogue œcuménique. Il a notamment été le rédacteur en chef de la revue Unité des chrétiens (Lyon) de 2001 à 2006. Il a publié de nombreux ouvrages dont, chez Olivetan : Prier comme Marie, une prière réconciliée ; Le bonheur d'être protestant ; L'évangile en relief : Luc. ŒCUMENISME - ENSEMBLE DANS L'ESPERANCE ŒCUMENISME A 360° Le pontificat du pape François est en train de changer profondément le paysage œcuménique. Non pas qu'il soit véritablement un réformateur dans le sens protestant du terme, mais tout simplement parce qu'il prend vraiment au sérieux ses interlocuteurs, sans faire une hiérarchie entre partenaires de première et deuxième division. En fait, depuis la fameuse déclaration vaticane Dominus Iésus du 6 août 2000, nous avions la sensation, en tant que protestants, d'être cantonnés, du point de vue catholique, à l'échelon le plus bas du " classement œcuménique " : en tête étaient les orthodoxes, suivis par les anglicans et, tout au fond, nous, les " Communautés ecclésiales " protestantes, qui ne sont pas des Églises au sens propre (Dominus Iesus, n° 17). Tout cela est en train de changer avec François. Je voudrais donner trois exemples, à partir du point de vue de la minorité protestante en Italie. Le premier est la visite de Bergoglio à l'Église vaudoise de Turin, en juin 2015. Ce n'était pas la première visite d'un pape à une Église protestante en Italie, mais c'était la première visite officielle à une Église protestante " autochtone ". Ses prédécesseurs avaient visité l'Église luthérienne de Rome, de langue allemande et, en juillet 2014, François avait rencontré en privé le pasteur pentecôtiste Giovanni Traettino, qu'il avait connu à Buenos Aires. En plus, c'était la première visite à une Église issue de la " première réformation " du Moyen-Âge : le mouvement vaudois est né de la prédication du lyonnais Pierre Valdo au XIIe siècle. Une visite historique donc, qui a beaucoup changé les relations œcuméniques en Italie. Dans son discours aux Vaudois, j'ai été particulièrement frappé par la demande de pardon pour les persécutions du passé, mais aussi par la réflexion ecclésiologique de François, qui a reconnu l'existence d'une pluralité de formes d'organisation d'Église, à partir du Nouveau Testament : l'unité qui est fruit de l'Esprit-Saint ne signifie pas uniformité, a-t-il dit. Le deuxième exemple est la visite à l'Église luthérienne de Rome (15 novembre 2015), où le pape a répondu avec une grande ouverture à une question sur l'hospitalité eucharistique posée par une femme luthérienne mariée avec un catholique, en faisant appel à la conscience. Une réponse beaucoup plus encourageante que celle du Synode des évêques sur la famille qui, peu de semaines avant, avait repoussé tout progrès dans le domaine du partage de la Cène pour les couples interconfessionnels. Enfin, je voudrais mentionner les mots du pape lors de l'Angelus du dimanche 6 mars 2016. François venait de rencontrer une délégation vaudoise et méthodiste, qui lui avait parlé du projet œcuménique des " couloirs humanitaires " pour les réfugiés de Syrie, organisés par la Fédération protestante d'Italie et la Communauté catholique de Sant'Egidio. Dans son discours dominical, il a salué ce projet comme signe concret d'engagement pour la paix et la vie, en se réjouissant parce que cette initiative est œcuménique. Voilà donc un pape qui fait de l'œcuménisme à 360°, car il ne se borne pas aux seules questions théologiques et dogmatiques, mais met au premier plan l'engagement commun des chrétiens pour la paix, la justice et la sauvegarde de la création. Luca Maria Negro, Pasteur baptiste, président de la FCEI (Fédération protestante d'Italie ). 9 ŒCUMENISME - ENSEMBLE DANS L'ESPERANCE ŒCUMENISME BIEN COMPRIS Le catholicisme a le goût du spectaculaire : cérémonies magnifiques, églises splendides, grands rassemblements, voyages médiatisés des papes. Il marque ainsi sa présence dans le monde. Le protestantisme aime, au contraire, la discrétion, à tel point qu'il disparaît du paysage et devient une église " invisible " en un sens que n'avaient pas prévu les Réformateurs. Le pape se situe dans la ligne de la culture catholique en allant célébrer en Suède les 500 ans de la Réforme. On lui est reconnaissant de ce geste amical, même s'il a choisi le pays où se trouve la moins " protestante " (à nos yeux de réformés) des Églises luthériennes. La déclaration commune publiée à cette occasion, malheureusement rédigée dans la langue de bois familière aux œcuménistes, ne manque pas d'intérêt. Elle évite ces expressions lassantes de repentance et de demandes mutuelles de pardon pour ce qui s'est passé autrefois. Elle ne dénonce pas les différences théologiques, mais les haines qui les ont accompagnées. Elle évoque bien une unité institutionnelle que traduirait une communion sacramentelle, mais sans trop insister. Par contre elle demande avec force qu'on collabore dans le service et qu'on multiplie des rencontres où chacun approfondit ses propres convictions dans l'écoute et le respect de l'autre. Elle n'incite pas à se taire parce que tout aurait été dit " en haut , mais au contraire encourage dialogues et échanges. Est-ce enfin l'amorce d'un œcuménisme bien compris ? Peut-être. André Gounelle, pasteur, professeur honoraire de l'Institut Protestant de Théologie (Montpellier), EN CHEMIN ! Au vu de ce que le pape François a montré durant le début de son pontificat, on peut affirmer qu'il est bel et bien occupé à engager l'Église de Rome sur un chemin qui s'inspire du message de Jésus, non seulement en paroles mais aussi en actes, par des petits gestes qui sont plus que symboliques. Il était temps, car après des scandales à répétitions, l'Église catholique romaine donnait le visage d'une Église enfermée dans un discours répressif et culpabilisant. François n'a pas eu peur de bousculer les habitudes. Ainsi lors du lavement des pieds, un rite traditionnel du Jeudi Saint qui rappelle le même geste posé par Jésus durant son dernier repas, il a choisi douze prisonniers qui, contrairement à la tradition, n'étaient pas tous des hommes, ni des catholiques : il y avait parmi les détenus des jeunes femmes dont une musulmane… Cela fait écho à un thème qui revient souvent dans les interventions du pape quand il invite l'Église à " sortir " d'ellemême, à aller aux " frontières ", dans les périphéries territoriales et spirituelles, au contact des hommes et des femmes, quelles que soient leur situation et leurs convictions religieuses. C'est ainsi qu'on l'a vu, à l'île de Lampedusa, parler avec les immigrés rescapés du naufrage et dénoncer la " mondialisation de l'indifférence ". Autre propos qui a fait le tour du monde : aux journalistes qui l'interrogeaient dans l'avion, lors de son retour du Brésil, à propos des personnes homosexuelles, le pape a répondu Qui suis-je pour les juger ? Il voulait montrer par-là que l'Évangile n'est pas d'abord une morale mais surtout une Bonne Nouvelle qui annonce que Dieu n'est pas un juge mais un libérateur. L'amour qui redresse est plus important que la loi qui condamne. Il est occupé à dessiner une Église catholique romaine plus aimable, plus surprenante, moins figée, plus ouverte ; une 10 Église qui intéresse davantage les chrétiens éloignés et les non-chrétiens, une Église qui met ses forces dans l'annonce de l'Évangile avant tout, plutôt que de faire la morale à tout le monde détentrice de l'unique vérité. Il fait vraiment bouger les choses même dans la gouvernance de l'Église. Ce n'est pas encore une démocratie mais c'est déjà la participation de tous à un projet commun. Sa décision d'envoyer un questionnaire sur les évolutions de la famille aux catholiques du monde avant la tenue d'un synode (une réunion d'évêques) montre sa volonté de prendre le pouls de l'Église. Ce qui fait son originalité, c'est aussi la manière simple de s'exprimer, un peu comme Jésus qui utilisait des paraboles, des images pour mieux se faire comprendre. On est loin de la langue de bois théologique pour initiés. C'est ainsi que pour décrire la mission de l'Église, il la compare à un hôpital de campagne après la bataille. Autrement dit l'évangélisation, pour lui, passe d'abord par l'amour du prochain, la compassion pour les plus démunis et la bienveillance pour tous. On en revient toujours au message évangélique qui fait passer l'amour avant la loi, le service avant le pouvoir et la pauvreté avant la richesse. Pour quelqu'un comme moi qui ait connu les bienfaits de Vatican II, je lui sais gré de reprendre la formule qui résume bien d'esprit de ce concile : Une Église servante et pauvre, non pas en paroles seulement mais dans le concret, en mettant de l'ordre dans les richesses du Vatican et le train de vie de la Curie romaine. Il est possible que certaines personnes risquent d'être déstabilisées mais l'important est que ce pape fasse du bien à l'humanité tout entière, pas uniquement à l'Église. Or quelque chose de sa bienveillance semble communicatif ! Jean-Marie Delcourt, Membre du comité de rédaction du journal " LE CEP " ŒCUMENISME - ENSEMBLE DANS L'ESPERANCE UN JOUR TU VERRAS, ON SE RENCONTRERA… Rencontre historique entre le pape-francois et le patriarche orthodoxe russe Kirill Sans doute pressentez-vous, vous aussi, que l'année qui vient va être riche d'événements importants pour le monde tout entier… aux États-Unis, en France, en Europe, au ProcheOrient… pour le meilleur ou pour le pire… ? Je me souviens : il y a huit ans, j'avais le fort désir qu'Obama gagne l'élection américaine : " Yes, we can ! " Je croyais que cet homme-miracle allait, à lui seul, insuffler une ère nouvelle qui se diffuserait dans le monde entier, surmontant par son charisme les oppositions du Congrès… et autres avanies de ses ennemis ; mais ça ne s'est pas passé ainsi et ce grand homme n'a pu faire que de (relatives) petites choses… Pour notre Église, cinq ans plus tard, c'est un homme de cette trempe que je souhaitais pour succéder à Benoît XVI, insufflant un esprit nouveau ! n'aille pas jusqu'à remettre en cause la théologie de l'Église catholique telle que la définit le Catéchisme édité en France en 1992, qui mériterait sans doute d'être " rafraîchi ". Le grand mérite de notre pape est de renoncer très clairement à l'orgueil et au sentiment de supériorité qu'avait notre Église, volontiers condescendante vis-à-vis des autres Églises chrétiennes. Son grand mérite est de vouloir que nous, chrétiens, soyons d'abord vraiment accueillants, sans préjugés, ouverts à toute personne quelle qu'elle soit : nous sommes tous enfants de Dieu, aimés de Dieu… Mais l'Unité, un rapprochement entre Églises chrétiennes, n'est pas à l'ordre du jour, même avec l'Église anglicane, pourtant présente aux JMJ, avec qui nous avons de grands liens et d'excellentes relations. Avec un certain nombre de chrétiens d'ici, et au nom de notre foi chrétienne commune, nous voudrions plus de proximité avec les autres Églises, pouvoir célébrer ensemble. Cependant pour le pape François, jésuite et prudent, ce n'est pas son affaire mais celle des théologiens. Cette position habile mais frustrante pour ceux qui souhaiteraient que soit davantage célébré ensemble Celui qui nous unit, plus nourrissant que l'exploration des points de désaccord (si ténus à côté de l'Essentiel !). Alors j'essaie de me trouver des raisons d'être patient. La Bible chante la patience de Dieu et non l'impatience des mortels !... Rappelez-vous Mouloudji qui chantait : Un jour tu verras, On se rencontrera, Quelque part, n'importe où, Guidés par le hasard Nous nous regarderons Et nous nous sourirons Nous danserons l'amour ! Yves Lasbleis, chrétien catholique, Membre de l'association œcuménique " Bible & Culture " Valenciennes Le Pape et le partriarche Bartholomée Le pape François nous a été donné, suscitant un fol espoir, ressenti même par les adversaires les plus coriaces de l'Église catholique ! Avec une évidente naïveté, j'ai cru que les montagnes allaient reculer jusqu'à la mer et que les membres les plus réticents de la Curie s'inclineraient au Souffle de l'Esprit… Mais non, l'opposition à la pensée du pape François pour être discrète n'en est pas moins virulente. De fait, il apparaît bien que l'audace papale soit prudente et Pasteur Jean Martin Kruse et Pape François 11 TRADITION ET INNOVATION UN SYNODE ENTRE TRADITION ET INNOVATION Si pour certains le synode sur la famille a accouché d'une souris, pour d'autres l'attention du pape François à la situation des divorcés remariés ou des homosexuels est signe d'un renouveau du côté du Vatican. Bertrand Dumas préfère, lui, insister sur la tension entre ces deux pôles : tradition et innovation. Le pape François entouré de cardinaux, en arrivant sur le lieu du synode. Bertrand Dumas, est directeur et professeur de théologie systématique au Centre théologique de Meylan - Grenoble (diocèse de Grenoble Vienne). Il est par ailleurs conseiller conjugal 1 . Il souligne l'aspect novateur de la démarche synodale mise en œuvre par le pape François pour traiter du thème de la famille : une consultation large du peuple de l'Église à deux reprises, avant chacune des sessions du synode. Pour autant, il aime à rappeler que cette démarche est inscrite dans la tradition de l'Église catholique romaine : Ce qui concerne tout le monde doit être travaillé par tout le monde, même si les derniers siècles avaient rompu avec cette méthodologie. Cette sollicitation a donc été accueillie avec surprise et avec joie. Mais dans le diocèse de Grenoble comme dans la plupart des diocèses, nous avons été pris de court par les délais nécessaires à l'organisation de cette réflexion dans les paroisses… Nous n'avons pas cette habitude de la consultation… Dans l'univers médiatique qui est le nôtre, c'était sans doute également la première fois qu'une démarche synodale était ainsi mise sur le devant de la scène. Quelques cardinaux bien en vue ont ainsi fait étalage de leur point de vue dans les librairies alors même que la consultation était en cours. Les débats lors des deux sessions synodales se sont 12 également retrouvés mis en ligne sur les réseaux sociaux au fur et à mesure de la tenue des séances, ce qui n'a pas aidé à apaiser les éventuels différends. Un jeu d'équilibre à retrouver Pour Bertrand Dumas, ce jeu de tensions entre innovation et tradition est également à découvrir dans les fruits de ce synode et en particulier dans l'encyclique Amoris Lætitia qui en est issue. Certes, le dogme n'a pas bougé et les règles sont rappelées en vue de l'idéal d'une vie conjugale et familiale catholique. Mais l'encyclique fait en même temps place à l'attention aux réalités vécues par les hommes et les femmes de notre monde et remet en avant la " loi de gradualité ". C'est passionnant, parce qu'on n'est pas dans la simple règle d'un "oui" ou d'un "non" à dire, mais dans l'accompagnement des personnes et des circonstances, en invitant au bien qui est à la portée, un pas à la fois ! En tant que professeur d'éthique, Bertrand Dumas ne peut en effet que se réjouir de ce que l'éthique soit revalorisée face au dogme, l'accompagnement face au rappel des règles. Amoris Lætitia fait place au principe de graduation. L'idéal est certes rappelé, mais chacun doit être accompagné pour faire le bien possible dans sa situation, non pas être confronté à son échec face à l'idéal de la vie chrétienne. Conjuguer les bases et la nouveauté Certes, le chapitre 4 de l'encyclique rappelle les bases traditionnelles du dogme catholique. Mais, la nouveauté était bien présente tout au long de la démarche : par l'attention au contexte et au décalage parfois trop grand avec les situations vécues par les personnes, par la personnalité du pape François et sa liberté de ton héritée de sa tradition jésuite, par la redécouverte d'une tradition théologique éthique longtemps passée au second plan derrière le rappel du dogme. La question de l'équilibre à trouver reste entière dans le temps de la réception de ce texte qui s'ouvre dans les diocèses tout comme la question de l'accompagnement qu'il faudra mettre en œuvre dans les paroisses. Gérald Machabert, Journal Réveil 1 Bertrand Dumas a publié dans "Les cahiers Croire" N° 306 - juillet / août 2016 un sujet d'actualité "Le Pape et les divorcés remariés". TRADITION ET INNOVATION CONSECRATION Une vie à la suite de Christ animée par le souffle de Dieu, voilà comment je comprends le dynamisme de la consécration. Cette exigence évangélique s'impose à tout disciple qu'elle que soit sa forme d'existence. Toute vie chrétienne prend naissance dans un appel de Dieu, relayé par Jésus de Nazareth, à l'aimer en aimant celles et ceux qu'il nous donne comme sœurs et frères. Catholicisme et protestantisme se rejoignent en cela. Tout disciple de Jésus-Christ est appelé à s'attacher à son maître et à servir à son exemple. Cette vocation, bien sûr, ne peut se réaliser et s'épanouir que dans la réalité du monde et réclame un choix de vie quant à sa mise en œuvre. Deux voies sont privilégiées par l'Église catholique : la consécration dans la vie religieuse et l'engagement dans le mariage. Ces voies, qui visent à atteindre la sainteté, demandent un engagement de la part des sujets concernés et les lient soit par des vœux pour ce qui est de la vie religieuse, soit par un sacrement indissoluble en ce qui concerne le mariage. L'engagement est ratifié par l'Église institutionnelle qui agit comme médiatrice et leur donne un caractère définitif. La vie religieuse réclame le célibat donné comme signe d'une consécration totale à Jésus- Christ, d'une union mystique avec le maître. Le mariage, quant à lui, comporte aussi une dimension de signe donné dans le fait qu'il représente l'alliance de Dieu avec son peuple et du Christ avec l'Église. Ainsi donc, la consécration, bien que se vivant dans une dimension dynamique exige un engagement durable. Si le protestantisme connaît des formes de vie de consécration religieuse, surtout féminines, il n'impose pas la dimension sacramentelle à l'union conjugale. Les approches théologiques sur le mariage divergent. En France le mariage civil est préalable. Pour l'Église catholique, c'est un sacrement considéré comme valide par la médiation ecclésiale. Dans le protestantisme, il n'est pas un sacrement mais peut entraîner, chez ceux qui le vivent, le désir de le placer sous la bénédiction de Dieu. Le " viens et suis-moi " de Christ concerne, je le crois, chaque être humain. Seule la réponse libre de l'appelé en fera un disciple et un apôtre ; il découvrira ce que Dieu attend de lui. L'Église prendra acte de sa vocation sans cependant se substituer à Dieu qui peut susciter chez l'appelé des évolutions au cours de son existence. Jean-François Blancheton, pasteur EPUdF de Sens et environs 13 Journal ‘‘Liens Protestants’’ Dispensé de timbrage LESQUIN LILLE PIC 15. rue Jeanne d’Arc - 59000 LILLE * ISSN 1151-3152 * CPPAP 1019G86883 * PRESSE DÉPOSÉ LE 27 DÉCEMBRE 2016 DISTRIBUÉE PAR LA POSTE Toutes les mains Fais, Seigneur, se joindre toutes les mains, pour rendre plus humain le sol où tu insufflas la vie à un homme que tu modelas. Que nous prenions ta main noire, Seigneur, pour que la terre porte les fruits de l'espoir. Que nous prenions ta main jaune, Seigneur, pour que le monde reste jeune et que chacun gagne dignement son pain. Que nous prenions ta main blanche, Seigneur, pour que les bourgeons qui portent joie et justice éclosent sur toutes les branches. Que nous prenions ta main rouge, Seigneur, à la croisée des chemins, pour que les hommes de l'Afrique, de l'Asie, de l'Europe, de l'Amérique, de tous les temps, de tous les cieux, cultivent ensemble sur tous les continents, des chemins de développement, des champs de prière et de dévouement. Nabil Mouanès, in Paroles lointaines… paroles si proches Journal Liens Protestants - Association loi 1901 déclarée le 1er août 1997 - J.O. du 23 août 1997 n°1349 SIÈGE SOCIAL : 15 rue Jeanne d’Arc - 59000 Lille Directeur de publication : Désignation en cours : Pasteur Frédéric Verspeeten Rédacteur en chef : Nicole Vernet - 37 rue du château, 59273 Péronne en M. 06 64 93 42 54. - e-mail : [email protected] Comité de rédaction : Pierre Coester - Jean-Paul Roelly - Nicole Vernet - André Wacrenier - Sigrid Delaye 14 Secrétaire : Frédéric Verspeeten 5 bis, rue Ferrand - 59300 Valenciennes - 03.27.30.03.17 Trésorier : Olivier Walbaum - 94 rue de l’herrengrie 59700 Marcq en Baroeul - 06.75.10.55.15 Maquette : Holy Valisoa - 07.77.28.08.40 - [email protected] Régie publicitaire nationale - Contact : Franck SEIGNOL 06 14 35 50 02 – [email protected] Imprimerie : I.P.N.S. - 331, rue Pierre Legrand - 59000 Lille Dépôt légal : à parution