11 décembre 2011 - Il y a fidélité et fidélité – Michel Bourgault Paru sur le site « eau du rocher » le 3 octobre 2011 J’ai lu dans Le Devoir, édition du 26 septembre, ceci: Le pape Benoît XVI a appelé les catholiques allemands à lui rester fidèles, critiquant les divisions au sein de l’Église hier, au quatrième et dernier jour d’une visite dans son pays natal. Dans son sermon, le pape a appelé les fidèles à dépasser leurs querelles internes et à rester obéissants envers l’Église, «en ces temps de péril et de changement radical» et de «crise de la foi». Ma première pensée est que la fidélité des catholiques va en premier au Christ. Il n’est pas sûr qu’il faille absolument être fidèle au pape. On me dira que Jésus a confié à Pierre la direction de la première communauté des croyants en la venue du royaume de Dieu et que son successeur mérite l’obéissance. Au risque d’être accusé de lèse-majesté, est-il sûr que cette phrase de l’Évangile «Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église…» a bel et bien été dite par Jésus? N’aurait-elle pas été écrite après coup pour asseoir l’autorité de Pierre ou de son successeur? Obéir au successeur de Pierre: mais quel successeur? Ils ont été si nombreux et, au regard de l’histoire, pas tous dignes d’être suivis! Et aujourd’hui, ils sont si loin de nous, déconnectés du monde ordinaire et séparés par tout un appareil hiérarchique dans lequel on a peine à reconnaître le leader charismatique que fut Jésus. Et quelle est la capacité de comprendre dans toute leur diversité les joies, les espoirs, les tristesses et les angoisses humaines, d’un pape choisi par des cardinaux, désignés en majorité par son prédécesseur, donc appartenant au siècle passé? Un pape qui a imposé le silence aux évêques – ou a lui-même gardé le silence - sur les abus des prêtres abuseurs, fait-il partie de ceux qui méritent ma fidélité? On me dira que Jésus a prié pour l’unité des fils et des filles de Dieu. C’est que justement cette unité sera un des fruits du salut annoncé par Jésus. L’unité visible de tous les chrétiens ne se fera pas dans ce monde-ci, mais elle commencera à briller dans le cœur de chaque catholique quand les successeurs de Pierre et des apôtres commenceront par mettre fin à l’injustice de refuser aux femmes la reconnaissance de leur appel à servir, elles aussi, comme pasteurs des communautés de croyants. L’appel de Benoît XVI à rester unis sera crédible le jour où les successeurs de Pierre et des apôtres admettront qu’ils ne possèdent pas la vérité, mais doivent la rechercher avec le peuple de tous les baptisés. Si le pape croit vraiment que nous devons faire l’unité avec les Églises séparées, croit-il que cela aide ou nuit à l’unité que d’ouvrir la porte de l’Église catholique à des transfuges des Églises séparées? Non, je n’aurais jamais cru que le premier Serviteur de l’Église demande qu’on lui soit fidèle. Oui, je m’attends qu’il nous invite, catholiques et croyants des autres Églises, à dire avec lui l’unique prière: «Père, que Ton Nom soit sanctifié, que Ton Règne arrive…». Oui, je m’attends qu’il nous montre, nous qui vivons au XXIe siècle, à discerner la Volonté du Père par l’Esprit qu’il nous a donné au baptême. Oui, je m’attends qu’il respecte l’intelligence et la conscience de tous ceux et celles qui, dans l’Église – laïcs, prêtres, évêques – demandent de plus en plus une réforme de l’Église catholique.