Bhdg – 1, 2011 ISSN 2034-7189
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Ludwig Curtius et Gerhard Ritter3. Mais celui qui a joué un rôle décisif dans le
développement intellectuel de Heidegger est avant tout le médiéviste et
spécialiste de la Renaissance de confession catholique Heinrich Finke (1855-
1938) qui, entre 1898 et 1928, a détenu la fameuse « chaire concordataire » à
l’Université Albert-Ludwig et qui était alors une personnalité très influente à
Fribourg-en-Brisgau4.
Martin Heidegger et Heinrich Finke. Pour la plupart d’entre nous
aujourd’hui, ce sujet peut sonner de manière étrange, comme si l’on
s’interrogeait sur « Humboldt et Forster ». Certes, nous savons que, dans les
deux cas, les hommes en question étaient des contemporains, qu’ils se
connaissaient, s’appréciaient ou s’influençaient mutuellement. Pourtant, dans
l’ombre du plus célèbre à l’intérieur de ces tandems, l’autre apparaît
nécessairement comme une figure un peu fade, dont le prénom est loin de
nous venir spontanément à l’esprit. De tels personnages, au rôle prétendument
ou effectivement secondaire, dont l’œuvre et la personnalité sont souvent
tombés dans l’oubli, on en rencontre un nombre important, qui ont joué un
rôle non négligeable sur le chemin heideggérien de pensée qui précède 1919. La
plupart ne font qu’une très courte apparition sur la scène de la recherche
actuelle : ils sont à l’image des ombres du royaume souterrain qui, dans
l’Odyssée, ne font que renseigner sur le voyage du « grand héros » et
disparaissent aussitôt. Pour le cas qui nous occupe, on compte au rang de ces
personnages des noms comme Carl Braig, Gottfried Hoberg, Josef Sauer,
Arthur Schneider, Engelbert Krebs, Ernst Laslowski, Heinrich Ochsner et,
bien sûr, Heinrich Finke – la liste n’est pas exhaustive. Quoi qu’il en soit, tout
cela semble en dire davantage sur notre propre propension à l’oubli que sur
l’insignifiance des personnes citées.
Entre 1913 et 1916, c’est-à-dire entre le départ d’Arthur Schneider, le
directeur de thèse de Heidegger, et l’arrivée de Husserl à Fribourg, Finke
devient le premier mécène protecteur du jeune et talentueux philosophe. Si l’on
en croît Hugo Ott, l’appel de Schneider à reprendre la chaire laissée vacante
3 Cf. l’introduction des éditeurs Achim Aurnhammer et Hans-Jochen Schiewer à l’ouvrage
collectif Poeten und Professoren. Eine Literaturgeschichte Freiburgs in Porträts,
Fribourg/Berlin/Vienne, Rombach, 2009, p. 99. Curtius, qui n’a exercé qu’un an à
Fribourg, n’est pas cité par les auteurs.
4 Principalement en tant que Doyen de la Faculté de Philosophie, Prorecteur de
l’Université et Président de la puissante Görres-Gesellschaft, mais aussi en tant que fondateur
des Instituts historiques de Rome et de Madrid relevant de cette société, de la revue
Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und für Kirchengeschichte et de la collection
Vorreformationsgeschichtliche Forschungen.