Revue
Amylose cardiaque
Gilles Grateau
Hôpital Tenon, Service de médecine interne, Faculté de médecine, Université Paris VI, 4 rue de la Chine, 75970 Paris Cedex 20
Résumé.La cardiopathie amyloïde se manifeste par une insuffisance cardiaque diastolique et des troubles du rythme et de la conduction. Le
diagnostic précoce de l’atteinte cardiaque requiert un haut degré de suspicion et repose sur l’échocardiographie couplée au Doppler. Le
diagnostic de l’amylose requiert un prélèvement histologique et la biopsie de glandes salivaires accessoires est maintenant l’examen de
première intention pour le diagnostic de l’amylose. Un diagnostic précis de la nature de l’amylose est crucial, car le pronostic et le traitement
y sont directement liés. Il est établi après confrontation des données cliniques (incluant l’histoire familiale), biochimiques, hématologiques,
génétiques et immunohistochimiques. Les deux principales variétés d’amylose qui atteignent le cœur sont l’amylose immunoglobulinique ou
amylose AL, et l’amylose de la transthyrétine ou amylose ATTR dans ses deux formes, héréditaire et sénile. Le pronostic de l’amylose cardiaque
reste sombre, particulièrement pour l’amylose AL, parce que les médicaments cardiotropes sont peu efficaces et que le traitement de la maladie
amyloïde sous-jacente, de plus en plus intensif, reste insuffisant, que ce soit dans l’amylose AL ou dans l’amylose ATTR. Divers dépôts
amyloïdes, de nature biochimique variée, existent dans la paroi des vaisseaux et dans les oreillettes. Les mécanismes qui conduisent à la
formation de ces lésions, leur relation avec le vieillissement et leur toxicité éventuelle, restent à préciser.
Mots clés : amylose, cœur, insuffisance cardiaque diastolique, échocardiographie
Abstract. Cardiac amyloidosis. Conduction blocks, arrhythmias and diastolic cardiac failure are the main manifestations of amyloid
cardiomyopathy. An early diagnosis of cardiac involvement requires a high degree of suspicion and is essentially based on Doppler
echocardiography. Labial salivary gland biopsy is now the first way to diagnose amyloidosis. A thorough diagnosis of the detailed nature of the
amyloidosis is needed, as it is directly linked to the prognosis and treatment. It is supported by clinical data, including familial history,
biochemistry, hematology, genetics and immunohistochemistry. Two main varieties of amyloidosis involve the heart: immunoglobulinic or AL
amyloidosis and transthyretin or ATTR amyloidosis, in two modalities: hereditary and senile. The prognosis of cardiac amyloidosis remains poor,
particularly in AL amyloidosis, as cardiovascular drugs are not very efficient, and even toxic, and because treatment of the underlying amyloid
disorders, although more and more intensive, remain disappointing both in AL and ATTR amyloidoses. Various amyloid deposits, of various
biochemical natures, are found in large vessels and atrium. The mechanisms leading to these deposits, their clinical significance and their
relationship with ageing remain to be further characterized.
Key words: amyloid, amyloidosis, diastolic heart failure, echocardiography
L’amylose est la voie finale com-
mune d’un processus d’autoa-
grégation d’une vingtaine de protéines
amyloïdes dans l’espèce humaine,
dont les conséquences sont d’une très
grande diversité sur les organes et leur
fonction (tableau 1) [1]. Nous restrein-
drons ce chapitre aux manifestations
cardiovasculaires des amyloses, qui
restent dominées pour leur localisa-
tion par l’atteinte myocardique et pour
leur nature par l’amylose immunoglo-
bulinique ou amylose AL [2].
Signes de l’amylose
cardiaque
Signes cliniques
Ils sont identiques quelle que soit
la nature biochimique de l’amylose.
Nous nous référerons à l’amylose AL
qui est la plus fréquente, la plus rapi-
dement évolutive, et la plus grave des
variétés d’amyloses multisystémiques
qui se complique d’atteinte cardia-
que. L’amylose cardiaque se révèle le
plus souvent par une insuffisance car-
diaque, qui représente la « partie
émergée de l’iceberg » si ce dernier
représente le processus progressif des
dépôts amyloïdes dans le myocarde.
L’amylose découverte à l’occasion
d’une insuffisance cardiaque est donc
une des formes les plus graves de cette
maladie.
Les signes de l’insuffisance cardia-
que de l’amylose peuvent être à pré-
dominance droite ou gauche, comme
le montre le tableau 2. L’asthénie est
fréquente au cours de l’amylose AL et
probablement liée dans la majorité
des cas à l’insuffisance cardiaque.
m
t
c
Correspondance : G. Grateau
mt cardio 2006 ; 2 (2) : 208-14
mt cardio, vol. 2, n° 2, mars-avril 2006
208
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Les autres signes sont plus rares : troubles de la
conduction auriculoventriculaire, fibrillation auriculaire,
participant avec l’hypotension orthostatique à la survenue
de syncopes. Les mécanismes de l’hypotension orthosta-
tique sont souvent mixtes, associant neuropathie végéta-
tive et hypovolémie secondaire à un syndrome néphroti-
Tableau 1.Nomenclature et classification des amyloses
Protéine amyloïde Précurseur Diffusion Syndromes ou tissus atteints
AL chaîne légère d’Ig (j,k) G, L (primitive) isolée ou associée au myélome
AH chaîne lourde d’IgG (c) G, L isolée
AA apoSAA G, L (secondaire) infection, inflammation chronique,
tumeur
ATTR transthyrétine mutée G héréditaire
transthyrétine normale G sénile
Ab2M b2-microglobuline G associée à l’insuffisance rénale chronique
terminale
AApoAI apolipoprotéineAI G héréditaire
L aortique
AApoAII apolipoprotéineAII G héréditaire
AApoAIV apolipoprotéineAIV G sénile
AGel gelsoline G héréditaire
ALys lysozyme G héréditaire
AFib fibrinogène G héréditaire
ACys cystatine C L hémorragie cérébrale héréditaire
AbAbPP L maladie d’Alzheimer
APrP
sc
PrP
C
L encéphalopathies spongiformes
ACal procalcitonine L cancer médullaire de la thyroïde
AANF facteur atrial natriurétique L amylose auriculaire isolée
AIAPP amyline L îlots de Langerhans du diabète de type 2,
insulinome
AIns insuline L iatrogénique
APro prolactine L prolactinome, hypophyse sénile
ABri BRI L démence héréditaire britannique
A? kératoépithéline L dystrophie cornéenne grillagée
A? lactoferrine L dystrophie cornéenne sous-épithéliale
A? séménogéline L vésicule séminale
G : amylose généralisée ; L : amylose localisée ; Préc : précurseur.
Tableau 2.Fréquence des signes cliniques dans l’amylose AL (d’après [5])
Patients
Signes cliniques n = 232 %
Dyspnée à l’effort 146 63
Fatigue ou faiblesse 131 57
Douleur thoracique 59 25
Orthopnée ou dyspnée paroxystique nocturne 51 22
Syncope 47 20
Palpitations 39 17
Thromboses artérielles périphériques 6 3
Hypertension artérielle (définie par PA > 160/90) 9 4
Hypotension (définie PA systolique < 100 mmHg) 33 14
Fibrillation auriculaire 25 11
Tachycardie > 100 bpm 43 19
Œdèmes périphériques 190 82
B3 75 32
Souffle systolique 108 47
Râles crépitants 68 29
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que et/ou au traitement diurétique. Une douleur
angineuse est exceptionnelle, en rapport avec des dépôts
amyloïdes dans les petits vaisseaux myocardiques. La
coronarographie est dans ce cas normale. L’embolie arté-
rielle est considérée comme rare, alors que plusieurs
facteurs la favorisant sont souvent associés : insuffisance
cardiaque avec dilatation de l’oreillette gauche, fibrilla-
tion auriculaire, tendance à l’hypercoagulabilité en cas de
syndrome néphrotique [3]. Les signes cliniques d’épan-
chement péricardique sont rares, alors qu’un discret épan-
chement est fréquent à l’échographie.
Radiographie thoracique
La silhouette cardiaque est le plus souvent normale,
sauf quand il existe une dilatation uni- ou biventriculaire.
Il peut exister un épanchement pleural et un syndrome
interstitiel. Ces anomalies peuvent être liées à la dé-
faillance cardiaque, mais aussi à une atteinte directe de la
plèvre ou du parenchyme pulmonaire, qui peut prendre
de multiples aspects. Elle est probablement sous-estimée
et doit être systématiquement évoquée lorsqu’il existe une
anomalie à la radiographie thoracique [4].
Électrocardiogramme
Il est anormal dans 90 % des cas de la série de Dubrey
et al. [5]. Les signes les plus évocateurs sont l’aspect de
pseudo-infarctus, essentiellement dans le territoire antéro-
septal, et le microvoltage, ces deux aspects n’ayant en
eux-mêmes aucun caractère spécifique. En revanche l’as-
sociation d’un microvoltage électrocardiographique à une
hypertrophie ventriculaire gauche échocardiographique,
sensibilisée par le rapport de ces deux dimensions, offre
une forte spécificité diagnostique [6].
Échographie Doppler
L’échographie Doppler est le temps essentiel de l’ex-
ploration cardiaque dans l’amylose. L’échographie mon-
tre dans les formes typiques un aspect de granular
sparkling, ou granité et brillant, du myocarde épaissi,
directement lié à la présence de l’infiltration par l’amy-
lose. La taille normale, ou diminuée, des cavités ventricu-
laires, contraste avec l’épaississement des parois et du
septum interventriculaire, l’oreillette gauche est dilatée et
il existe un petit épanchement péricardique (tableau 3).
Dans les formes plus précoces, l’aspect typique est absent
et seul l’épaississement du septum interventriculaire est
présent.
L’examen Doppler montre des indices d’anomalies de
la fonction diastolique du myocarde (stiff heart syndrome)
alors que la fonction systolique est longtemps conservée.
Les anomalies de la fonction diastolique sont variées et
forment un continuum jusqu’à l’aspect de type restrictif en
rapport avec une infiltration avancée de la maladie.
Les techniques les plus récentes obtenues par le Dop-
pler tissulaire et par les mesures de l’étirement régional du
myocarde permettent de déceler des signes de dysfonc-
tionnement myocardique « régional » plus précoce [7].
Ces résultats, qui requièrent un appareillage très pointu et
qui émanent d’équipes très spécialisées dans ce domaine,
ne peuvent actuellement s’appliquer au dépistage de rou-
tine de la cardiopathie amyloïde, qui repose toujours sur
l’échographie Doppler standard.
Diagnostic de l’amylose cardiaque
Diagnostic d’amylose
Le diagnostic d’amylose requiert un prélèvement his-
tologique, comportant le moindre risque pour le malade.
C’est pourquoi on a habituellement recours aux biopsies
de glande salivaire accessoire labiale, rectale ou gastro-
duodénale, ou à l’aspiration de graisse sous-cutanée ab-
dominale, qui sont très souvent le siège de dépôts en
l’absence de symptômes cliniques [8]. Dans un deuxième
temps, on a recours à la biopsie d’un organe cliniquement
atteint : peau, rein, foie, nerf, ganglion, voire cœur. L’at-
teinte cardiaque isolée est exceptionnelle au cours de
l’amylose AL et le recours à la biopsie endomyocardique
est donc limité. Il n’en est pas de même pour les amyloses
de la transthyrétine, que ce soit dans la forme héréditaire
où l’atteinte cardiaque peut être révélatrice ou isolée, ou
dans la forme sénile où l’atteinte cardiaque est pratique-
ment toujours isolée [9].
Tableau 3.Fréquence des signes échocardiographiques
dans l’amylose AL (d’après [5])
Patients
Critères échocardiographiques n = 232 %
Septum interventriculaire épaissi 201 87
Aspect « granité » du myocarde 149 64
Paroi libre du ventricule droit épaissie 102 44
Épanchement péricardique 101 44
Oreillette gauche dilatée 107 46
Dilatation biauriculaire 109 47
Septum interauriculaire épaissi 91 39
Feuillets valvulaires épaissis 154 66
Amylose cardiaque
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Diagnostic de la variété d’amylose
C’est un point crucial car le pronostic et le traitement
sont directement liés à la nature de l’amylose (figure 1).
L’amylose de l’inflammation (amylose AA) se compli-
que tardivement d’amylose cardiaque. Le diagnostic de
l’amylose et sa nature sont alors déjà établis, en présence
le plus souvent d’une atteinte rénale de type glomérulaire
évoluant dans un contexte d’inflammation chronique. Le
diagnostic d’amylose cardiaque repose essentiellement
alors sur les arguments échocardiographiques.
Le diagnostic d’amylose AL est le plus souvent simple,
car c’est la forme d’amylose qui atteint le plus d’organes et
systèmes. Certaines manifestations sont quasi pathogno-
moniques de l’amylose AL : l’atteinte cutanée avec ses
diverses variétés, la macroglossie, le syndrome hémorra-
gique par déficit acquis en facteur X. D’autres sont com-
munes avec d’autres variétés : l’atteinte du tube digestif,
du foie, de la rate, du rein et du nerf périphérique avec une
composante végétative majeure. Le diagnostic
d’amylose AL est donc le plus souvent évoqué clinique-
ment en présence des signes spécifiques et/ou de la mul-
tiplicité des organes atteints. Il est étayé par la présence
dans le sang et/ou l’urine d’une immunoglobuline ou
d’une chaîne légère d’immunoglobuline monoclonale. En
complément, des anticorps dirigés contre la chaîne légère
monoclonale fixent électivement les dépôts amyloïdes en
immunohistochimie.
Le diagnostic d’amylose de la transthyrétine dans sa
forme héréditaire est facilement évoqué quand il existe
des antécédents familiaux d’amylose touchant le cœur, le
nerf périphérique, parfois l’œil avec sa localisation vi-
tréenne, plus rarement le système nerveux central. L’im-
munochimie peut orienter le diagnostic en montrant la
fixation élective des anticorps anti-transthyrétine par les
dépôts amyloïdes. Le diagnostic doit être confirmé par la
mise en évidence d’une mutation de la transthyrétine, soit
sur la protéine sérique par technique de protéomique, soit
sur l’ADN génomique, plus habituellement [10].
La distinction entre l’amylose AL et l’amylose hérédi-
taire de la transthyrétine peut être difficile, en particulier
lorsque les circonstances suivantes sont réunies : forme
sporadique, début tardif, atteinte limitée au cœur et à une
autre localisation commune aux deux variétés comme le
nerf périphérique, absence de résultat concluant à l’im-
munohistochimie qui est une technique délicate. Le do-
sage des chaînes légères libres dans le sang, mis au point
récemment, permet de mettre en évidence un composant
monoclonal circulant là où les techniques classiques
d’immunoélectrophorèse et d’immunofixation peuvent
être mises en défaut (autour de 5 % des cas). Un résultat
positif apporte alors un élément en faveur de l’amylose AL
[11]. L’utilisation plus large des anticorps anti-
transthyrétine en immunochimie, alors que cette pratique
se limite le plus souvent à la recherche de fixation des
Échographie cardiaque et Doppler évocatrice d’amylose
Maladie inflammatoire
Chaînes légères d’Ig monoclonales
Immuno-histochimie
Signe clinique d’atteinte cardiaque
Diagnostic d’amylose (biopsie des glandes salivaires accessoires)
Amylose AL Amylose ATTR
oui
Amylose ATTR héréditaire Amylose ATTR sénile
Mutation du gène de la TTR ?
non
Amylose AA
Figure 1.Les différents types d’amylose.
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anticorps antiprotéine SAA et anti-chaînes légères d’im-
munoglobulines, pourrait permettre d’évoquer plus le dia-
gnostic d’amylose de la transthyrétine sous toutes ses
formes.
Il faut ajouter qu’une autre difficulté vient du fait qu’à
l’âge de l’amylose AL, autour de 60 ans, la fréquence dans
la population générale d’une immunoglobuline monoclo-
nale de signification indéterminée est de l’ordre de 5 %, et
que son association à une amylose ne signifie pas ipso
facto que l’amylose est de nature immunoglobulinique.
Tout élément qui ne cadre pas avec le diagnostic
d’amylose AL doit être relevé et un autre diagnostic évo-
qué.
En marge de l’amylose de la transthyrétine, qui est de
loin la plus fréquente des formes héréditaires d’amylose de
transmission autosomique dominante, il existe plusieurs
autres variétés dont l’une au moins peut comporter une
cardiopathie amyloïde : l’amylose liée à des mutations de
l’apolipoprotéine AI [12].
En présence d’une amylose cardiaque, lorsqu’il n’y a
pas d’arguments ni pour une amylose AL ni pour une
amylose de la transthyrétine génétiquement déterminée,
on peut évoquer le diagnostic d’amylose cardiaque sénile,
dont les dépôts sont formés de transthyrétine sauvage.
Pronostic
L’atteinte cardiaque est le facteur pronostique majeur
des amyloses. Dans l’amylose AL, en présence d’une in-
suffisance cardiaque, la survie moyenne est nettement
plus courte (4 mois) qu’en son absence (16 mois) [13]. En
l’absence d’insuffisance cardiaque, les données échogra-
phiques et Doppler peuvent contribuer au pronostic, dont
l’indice de Tei, qui combine les intervalles de temps
systolique et diastolique [14]. Mais les marqueurs pronos-
tiques les plus intéressants sont biochimiques. Ainsi la
combinaison des mesures du N-terminal pro-brain natriu-
retic peptide (NT-proBNP) et des troponines cardiaques
cTnT et cTnI, constitue le plus puissant index pronostique
chez les malades atteints d’amylose AL [15, 16].
Traitement de l’amylose cardiaque
Traitement de la maladie amyloïde
Il est naturellement sous-tendu par la nature de l’amy-
lose. Une question préliminaire mérite toutefois d’être
posée auparavant : celle des mécanismes de toxicité des
dépôts amyloïdes sur les organes et tissus. La vision clas-
sique d’une maladie de surcharge « étouffant » les organes
massivement infiltrés par les dépôts amyloïdes ne peut
plus être retenue aussi simplement. Certains faits suggè-
rent que la toxicité des dépôts n’est pas proportionnée à
leur étendue. On peut légitimement déduire de ces don-
nées simples qu’il existe une sensibilité cellulaire variable
d’un tissu à l’autre et/ou que la toxicité est indépendante
des dépôts et qu’elle s’exerce alors par un autre méca-
nisme. Cette question, qui est au centre du débat sur les
mécanismes de la maladie d’Alzheimer et des autres mala-
dies avec agrégats intracellulaires du système nerveux
central, n’est soulevée que depuis peu pour les amyloses
multisystémiques. Plusieurs résultats suggèrent qu’ici ce
sont des oligomères de fibrilles ou des protofibrilles qui
seraient les effecteurs de la toxicité neuronale et pas les
dépôts amyloïdes qui seraient alors d’innocents agrégats.
Quelques travaux ont été d’ores et déjà été conduits sur les
mécanismes de la toxicité cellulaire des protéines impli-
quées dans les amyloses multisystémiques. Ainsi, les chaî-
nes légères d’immunoglobuline entraînent in vitro une
toxicité sur les cellules myocardiques [17].
Amylose AL
L’amylose AL est une maladie du plasmocyte qui pro-
duit des chaînes légères d’immunoglobulines monoclona-
les dotées d’une capacité d’autoagrégation, ici sous forme
d’amylose. Le traitement actuel de l’amylose AL repose
sur la réduction voire la suppression du clone plasmocy-
taire pourvoyeur de chaînes légères monoclonales amylo-
gènes. Ce principe comporte l’avantage de s’appliquer
quel que soit le mécanisme exact de la toxicité des chaînes
légères. C’est pourquoi le traitement de l’amylose AL est
calqué sur le traitement du myélome, dont il suit la pro-
gression vers des modalités de plus en plus puissantes.
L’association melphalan-prednisone, traitement histori-
que du myélome multiple, est utilisée depuis longtemps
dans l’amylose AL. Plusieurs études ont montré que ce
traitement pouvait entraîner, dans 20 % des cas, une ré-
ponse associée à une régression des signes cliniques de
l’atteinte de plusieurs organes, principalement le rein mais
aussi le foie et le cœur. Cependant, les résultats globaux
restent modestes comme l’a montré en 1997 l’étude de la
Mayo Clinic qui a comparé 3 traitements chez 220 mala-
des : colchicine, melphalan (0,15 mg/kg/j) et prednisone
(0,8 mg/kg/j) pendant 7 jours toutes les 6 semaines, et
l’association des trois médicaments. Les durées médianes
de survie ont été respectivement de 8,5, 18 et 17 mois. Ce
travail a aussi montré que la colchicine n’a pas d’intérêt
dans l’amylose AL [18]. En outre l’utilisation du melpha-
lan comporte un risque leucémogène non négligeable.
Compte tenu de ces résultats médiocres, un traitement
plus agressif du clone plasmocytaire par de fortes doses de
melphalan intraveineux, suivi d’une autogreffe de cellules
souches hématopoïétiques, a été proposé ces dernières
années. L’expérience acquise par l’équipe de Boston sug-
gère l’intérêt de cette stratégie, en même temps que ses
limites, en particulier une sélection des malades les moins
graves. Dans ce travail, 701 malades atteints
d’amylose AL ont été évalués, seuls 394 (56 %) ont été
sélectionnés pour un traitement intensif (melphalan 100 à
200 mg/m
2
) suivi d’autogreffe. Pour les 312 malades qui
ont finalement pu être traités, la médiane de survie a été de
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