Perte totale de la vue latérale sur la Seine : trouble anormal de voisinage
M. et Mme X et M. et Mme Y sont propriétaires de maisons voisines ; M. et Mme X ont fait édifier sur leur parcelle un
abri de jardin le long du mur pignon des époux Y ; se plaignant d'un trouble anormal de voisinage en raison de cette
construction, M. et Mme Y ont assigné M. et Mme X en indemnisation.
Attendu que M. et Mme X ont fait grief à l'arrêt d'appel d'accueillir cette demande.
Mais ayant retenu que le trouble constitué par la perte totale de la vue latérale sur la Seine, du fait de l'imposante
construction réalisée, et au regard du caractère particulier des lieux et de la dépréciation du bien immobilier qu'elle
entraînait, jointe à l'impossibilité pour les époux Y d'accéder à leur mur pignon, dépassait les inconvénients normaux
de voisinage, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé le caractère anormal du trouble qu'elle a constaté
souverainement, a, répondant aux conclusions dont elle était saisie, légalement justifié sa décision.
M. et Mme X faisaient valoir en particulier :
que, d'une part, le trouble de voisinage doit, pour engager la responsabilité de son auteur, être "anormal" ; qu'en
l'espèce, pour retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage, la cour d'appel s'est bornée à relever la perte de
vue latérale dont jouissaient depuis de nombreuses années les époux Y sur la Seine ; qu'en statuant ainsi, sans
s'assurer que cette vue qui, comme le faisaient valoir les époux Y, preuves à l'appui, donnait sur la centrale nucléaire
de Nogent sur Seine, avait un caractère estimable dont la privation pouvait être préjudiciable, la cour d'appel n'a pas
caractérisé l'anormalité du trouble et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'art 544 du Code civil
et du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
d'autre part, que le droit de M. et Mme Y à disposer d'une vue sur la Seine trouvait une limite dans leur propre
droit à interdire toute vue droite sur leur fonds ; qu'en estimant que la construction, parfaitement régulière au regard
des règles d'urbanisme, réalisée par M. et Mme X, qui avait supprimé toute vue droite sur leur fonds, avait
occasionné un trouble anormal de voisinage à M. et Mme Y, qui ne disposaient plus d'une vue latérale sur la Seine,
sans rechercher si le droit de M. et Mme Y à bénéficier d'une vue latérale sur la Seine ne trouvait pas sa limite dans
celui des époux X à interdire toute vue droite sur leur fonds, la cour d'appel a violé l'art. 455 du Code de procédure
civile.
Post-scriptum :
Référence :
Cour de cassation, chambre civile 3, 26 mai 2016 ; N° de pourvoi : 14-24.686, rejet, inédit
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