Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
RUDIMENTS DE LOGIQUE
ET VOCABULAIRE ENSEMBLISTE
Nous étudierons ce chapitre en parallèle de l’annexe « Raisonner, rédiger », qui contient à bien des égards les enseigne-
ments les plus importants de l’année.
1CONNECTEURS LOGIQUES ET QUANTIFICATEURS
On appelle proposition toute phrase pau sujet de laquelle on peut poser la question : « pest-elle vraie ? » La plupart
des phrases grammaticalement correctes sont des propositions, mais par exemple, « Dis-le-moi ! », « Bonjour » ou
« Comment vas-tu ? » n’en sont pas, la question « Est-il vrai que bonjour ? » n’a aucun sens.
La valeur de vérité d’une proposition est le vrai (V) ou le faux (F) — mais pas les deux. Deux propositions de même
valeur de vérité sont dites équivalentes. Pour démontrer une proposition p, vous n’êtes pas obligés de démontrer p
elle-même, vous pouvez démontrer n’importe quelle proposition équivalente.
Exemple « Socrate n’est pas immortel » et « Socrate est mortel » sont deux propositions équivalentes. Démontrer l’une,
c’est démontrer l’autre.
À partir des propositions « J’ai faim » et « J’ai soif », on peut construire une nouvelle proposition « J’ai faim ET (j’ai)
soif ». Plus généralement, nous appellerons connecteur logique tout procédé de construction d’une proposition à partir
d’une ou de plusieurs autres propositions. Exemples courants : « et », « ou », « si, alors », « parce que ».. .
p
V
V
F
F
q
V
F
V
F
pet q
V
F
F
F
Un connecteur logique est dit vérifonctionnel si la valeur de vérité d’une proposition construite à l’aide
de ce connecteur dépend seulement de la valeur de rité des propositions utilisées dans la construction.
Pour savoir, par exemple, si la proposition « pet q» est vraie, on n’a pas besoin de savoir exactement
ce que cachent pet q— leur signification — on a juste besoin de connaître leurs valeurs de vérité
respectives. Si les deux sont vraies, « pet q» est vraie, et si l’une est fausse, « pet q» est fausse. On
peut résumer cela comme ci-contre au moyen d’une table de vérité.
En mathématiques, les connecteurs logiques utilisés sont tous vérifonctionnels.
Pour votre culture, remarquez bien que certains connecteurs logiques ne sont pas vérifonctionnels. C’est le cas du
connecteur « parce que ». Imaginez un contexte dans lequel il est vrai que « Je me suis dépêché parce que j’étais en
retard ». Les deux propositions « Je suis en retard » et « Je me suis dépêché » sont vraies. Pourtant, si on remplace
« J’étais en retard » par « La glace est un solide » — proposition également vraie — la nouvelle proposition « Je me
suis dépêché parce que la glace est un solide » est fausse. Or, si « parce que » était vérifonctionnel, cette proposition
serait aussi vraie que celle dont nous sommes partis.
1.1 NÉGATION,CONJONCTION,DISJONCTION
Définition (Négation, conjonction, disjonction)
p
V
F
non p
F
V
p
V
V
F
F
q
V
F
V
F
pet q
V
F
F
F
pou q
V
V
V
F
La proposition « non p» est vraie si pest fausse et fausse si pest vraie.
La proposition « pet q» est vraie si pet qsont vraies toutes les deux et
fausse sinon.
La proposition « pou q» est vraie si l’une AU MOINS des propositions p
et qest vraie (éventuellement les deux, donc) et fausse dans le seul cas
pet qsont fausses toutes les deux.
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$ATTENTION !$Dans le langage usuel, « ou » oppose parfois les termes qu’il relie. Dans l’expression « fromage ou
dessert » des menus des restaurants, « ou » est exclusif car il exclut la possibilité qu’on choisisse les deux — vous pouvez
toujours essayer ! En mathématiques, « ou » est toujours inclusif, « pou q» est vraie même quand pET qsont vraies.
Théorème (Double négation, négation d’une conjonction/disjonction)
Les propositions pet « non (non p) » sont équivalentes.
Les propositions « non (pet q) » et « (non p) ou (non q) » sont équivalentes.
Les propositions « non (pou q) » et « (non p) et (non q) » sont équivalentes.
Démonstration
p
V
F
non p
F
V
non (non p)
V
F
Colonnes identiques
p
V
V
F
F
q
V
F
V
F
non p
F
F
V
V
non q
F
V
F
V
pet q
V
F
F
F
non (pet q)
F
V
V
V
(non p) ou (non q)
F
V
V
V
pou q
V
V
V
F
non (pou q)
F
F
F
V
(non p) et (non q)
F
F
F
V
Colonnes identiques Colonnes identiques
Exemple « On n’a qu’à prendre un pot de vanille et un pot de chocolat, je suppose que
pou q
z}| {
tu aimes l’un des deux parfums ? »
« Justement non, je n’aime ni l’un ni l’autre
|{z }
Négation : (non p) et (non q)
. »
1.2 IMPLICATION,ÉQUIVALENCE
Définition (Implication, équivalence)
p
V
V
F
F
q
V
F
V
F
p=q
V
F
V
V
pq
V
F
F
V
La proposition « p=q», qu’on lit « pimplique q» ou « si p, alors q», est
fausse dans le seul cas où pest vraie et qfausse. On appelle pson antécédent et
qson conséquent.
La proposition « pq», qu’on lit « psi et seulement si q» ou « pet qsont
équivalentes », est vraie si pet qont la même valeur de vérité, et fausse sinon.
Explication Un petit point de vocabulaire.
On dit que qest une condition nécessaire pour que psoit vraie si lorsque pest vraie, ql’est aussi nécessairement,
forcément, obligatoirement — autrement dit si l’implication « p=q» est vraie.
On dit que qest une condition suffisante pour que psoit vraie s’il suffit que qsoit vraie pour que ple soit aussi —
autrement dit si l’implication « q=p» est vraie.
$ATTENTION !$
Affirmer que « p=q» est vraie n’implique ni que pest vraie, ni que qest vraie. Il est parfaitement vrai que « Si
Pinocchio est président de la République, alors il est chef des armées », et pourtant Pinocchio n’est pas plus président
de la République qu’il n’est chef des armées.
Une implication « p=q» peut être vraie alors que pet qn’ont rien de commun, car après tout seules leurs valeurs de
vérité comptent — vérifonctionnalité oblige. Par exemple il est vrai que « Si 0 =0, alors les oiseaux ont des plumes ».
Il en résulte, au contraire de ce que vous croyez sans doute, que l’implication n’a rien à voir avec la causalité du
connecteur « parce que ». Dans « p=q», pn’est pas la cause de q, pas du tout. La proposition « S’il y a de la fumée,
alors il y a du feu » est vraie, par exemple, et pourtant c’est le feu la cause et la fumée l’effet.
L’implication « p=q» est toujours vraie quand pest fausse. Par exemple il est vrai que « Si 0 6=0, alors 0 =0 ».
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p
V
V
F
F
q
V
F
V
F
p=q
V
F
V
V
q
V
F
V
F
pq
V
F
F
V
pet q
V
F
F
F
Explication Les exemples précédents peuvent donner l’impression légi-
time que l’implication a été mal définie ci-dessus, et pourtant non. Avions-nous le
choix en réalité ? Seules les deux dernières lignes « pest fausse » de la table de vérité
de l’implication nous dérangent. Le tableau ci-dessous montre que tout autre choix
pour ces lignes nous aurait ramené à un autre connecteur de sens différent.
Définition (Réciproque, contraposée)
On appelle réciproque de l’implication « p=q» la proposition « q=p».
On appelle contraposée de l’implication « p=q» la proposition « (non q)=(non p) ».
$ATTENTION !$Dans une contraposée, on ajoute certes des négations, mais on PERMUTE aussi les deux propositions.
Théorème (Règles de calcul sur l’implication et l’équivalence)
Les propositions « p=q» et « (non p) ou q» sont équivalentes.
Par négation, les propositions « non (p=q) » et « pet (non q) » sont aussi équivalentes.
Toute implication est équivalente à sa contraposée : les propositions « p=q» et « (non q)=(non p) » sont
équivalentes.
L’équivalence est une double implication : les propositions « pq» et « (p=q) et (q=p) » sont équiva-
lentes.
Explication En vertu du dernier point, au lieu de dire que pet qsont équivalentes, on dit souvent que qest une
condition nécessaire et suffisante pour que psoit vraie.
Démonstration
p
V
V
F
F
q
V
F
V
F
non p
F
F
V
V
non q
F
V
F
V
(non p) ou q
V
F
V
V
p=q
V
F
V
V
(non q)
=(non p)
V
F
V
V
q=p
V
V
F
V
(p=q)
et (q=p)
V
F
F
V
pq
V
F
F
V
Colonnes identiques Colonnes identiques
Exemple
Est-il vrai que
p=q
z}| {
si j’ai 18 ans, alors j’ai le droit de vote ? Non, car je peux très bien
pest vraie
z}| {
avoir 18 ans mais un casier judiciaire
tel que le droit de vote m’a été supprimé
|{z }
qest fausse
. Ceci illustre l’équivalence de « non (p=q) » et « pet (non q) ».
Il est équivalent de dire : « S’il pleut, alors il y a des nuages
|{z }
p=q
» et : « S’il n’y a pas de nuages, alors il ne pleut pas
|{z }
(non q)=(non p)
».
1.3 QUANTIFICATEURS
On appelle prédicat toute propriété portant sur un ou plusieurs objets donnés en arguments. Par exemple, « être un
oreiller » est un prédicat, et si nous le notons O, la notation O(x)signifie que « xest un oreiller ». De même, « être plus âgé
que » est un prédicat à deux arguments, et si nous le notons A, la notation A(x,y)pourra signifier « xest plus âgé que
y» et nous aurons peut-être d’ailleurs intérêt à préférer la notation xAy. Les symboles bien connus =,et <sont des
prédicats à deux arguments.
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Définition (Quantificateur universel , quantificateur existentiel )
La proposition « x,P(x)» est vraie si tout objet mathématique a la propriété P, et fausse sinon, c’est-à-dire
si au moins un objet n’a pas la propriété P.
On a plutôt affaire, en pratique, à des propositions de la forme « xE,P(x)» où Eest un ensemble. Une
telle proposition n’est qu’un résumé pour « x,xE= P (x)» et signifie donc que tout élément de Ea la
propriété P.
La proposition « x/P(x)» est vraie si au moins un objet mathématique a la propriété P, et fausse sinon,
c’est-à-dire si aucun objet n’a la propriété P.
On a plutôt affaire, en pratique, à des propositions de la forme « xE/P(x)» où Eest un ensemble. Une
telle proposition n’est qu’un résumé pour « x/xEet P(x)» et signifie donc qu’au moins un élément de
Ea la propriété P.
Exemple Il est vrai que : xR,x26=1 car le carré d’un réel est toujours positif.
Il est vrai également que : zC/z2=1 car, par exemple, i2=1.
Théorème (Négation des quantificateurs)
Les propositions « non xE,P(x)» et « xE/non P(x)» sont équivalentes.
Les propositions « non xE/P(x)» et « xE, non P(x)» sont équivalentes.
Exemple
Il est équivalent de dire : «
non xE,P(x)
z}| {
Il est faux que tout homme a les yeux bleux » et «
xE/non P(x)
z}| {
Certains hommes n’ont pas les yeux bleus ».
Il est équivalent de dire : « Il est faux que certains hommes ont des cornes
|{z }
non xE/P(x)
» et : « Tout homme est sans cornes
|{z }
xE, non P(x)
».
À présent, pour nier une phrase contenant un ou plusieurs quantificateurs, on réécrit cette phrase en remplaçant tous les
«» par des « » et tous les « » par des « », puis on nie le prédicat final.
Exemple La négation de la proposition : ǫ > 0, α > 0/xR,|x1|< α =px1< ǫ
l l l l Négation
est : ǫ > 0/α > 0, xR/|x1|< α et px1¾ǫ.
Autre opération courante, la permutation des quantificateurs. On peut toujours permuter les quantificateurs universels
«»ENTRE EUX, et les quantificateurs existentiels « »ENTRE EUX.
Exemple Les propositions « xR+,yR,x¾y» et « yR,xR+,x¾y» sont équivalentes.
Les propositions « xR+/yR/x¾y» et « yR/xR+/x¾y» sont équivalentes.
$ATTENTION !$La permutation d’un « » et d’un « » n’est pas automatique en revanche.
La proposition « Dans toute cerise il y a un noyau » est vraie — formellement : « ccerise, nnoyau/nest dans c»
— mais la proposition permutée « n/c,nest dans c» est clairement fausse : « Il existe un noyau qui se trouve
dans toutes les cerises ».
Conclusion : quand une proposition « » est vraie, la proposition « » correspondante PEUT être fausse. N’apprenez
pas ce résultat par cœur, vous le retrouverez rapidement au feeling dans chaque cas particulier.
La proposition « Il existe une planète dont tous les Terriens sont originaires » est vraie, bien sûr — formellement :
«pplanète/tTerrien, test originaire de p» — mais la proposition permutée « t,p/test originaire de p»
l’est tout autant : « Chaque Terrien a une planète d’origine », elle a toutefois une signification plus faible car elle n’ex-
clut pas que deux Terriens soient originaires de deux planètes différentes.
Conclusion : quand une proposition « ∃ ∀ » est vraie, la proposition « ∀ ∃ » l’est aussi.
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Définition (Pseudo-quantificateur !)La proposition « !xE/P(x)» est vraie si l’ensemble Econtient EXAC-
TEMENT un élément de propriété P.
Exemple Il est vrai que : !nN/12n3 et l’entier nen question est tout simplement 1.
2VOCABULAIRE ENSEMBLISTE
2.1 APPARTENANCE ET INCLUSION
Les notions intuitives d’ensemble et d’appartenance sont supposées connues, les ensembles sont des sacs de billes dont
les éléments sont les billes. Pour tout ensemble E, la relation « xest un élément de E» ou « xappartient à E» est
notée xE— et sa négation x/E. Lensemble vide — celui qui n’a pas d’élément — est noté .
Un ensemble peut être défini de deux manières — soit en extension, soit en compréhension.
Définir un ensemble en extension, c’est donner la liste complète explicite de tous ses éléments. On note
cette liste entre accolades, l’ordre des éléments listés n’ayant aucune importance. Par exemple, ¦0,1,2©
est un ensemble, le même que ¦2,1,0©. Un ensemble de la forme xest appelé un singleton tandis qu’un
ensemble de la forme ¦x,y©avec x6=yest appelé une paire. Il est bien évident qu’on ne peut définir en
extension que des ensembles FINIS, incapables que nous sommes d’écrire une liste infinie de symboles.
Définir un ensemble en compréhension, c’est le définir par une propriété Pque ses éléments vérifient et sont
seuls à vérifier. On note ¦x/P(x)©l’ensemble des objets qui satisfont la propriété P, mais en pratique,
l’ensemble ¦x/xEet P(x)©des éléments de Equi vérifient Pest plutôt noté ¦xE/P(x)©.
Un ensemble du genre ¦x/nN/x=2n©, composé des entiers 20,21,22,23.. . , est aussi noté
¦2n©nN. Plus généralement, si Iest un ensemble, l’ensemble des objets xiqu’on obtient en faisant défiler
idans I, est noté ¦xi©iI.
Soyons bien clairs, il n’y a pas deux sortes d’ensembles en mathématiques, seulement deux manières de les définir. Un
même ensemble peut être présenté en extension ou en compréhension. Par exemple : ¦0,1©=¦nN/n2=n©.
Définition (Égalité et inclusion) Soient Eet Fdeux ensembles.
Les ensembles Eet Fsont égaux s’ils ont exactement les mêmes éléments, i.e. si : x,xExF.
On dit que Eest inclus dans F, ou que F contient E, ou que Eest une partie de F, ce qu’on note EFsi tout
élément de Eest élément de F, i.e. si : x,xE=xF, ou encore, en résumé : xE,xF.
Clairement : E=FEFet FE.
F
E
x
$ATTENTION !$Les notions d’appartenance et d’inclusion se ressemblent, prenez soin de ne pas les
confondre. Ci-contre, il est vrai que xE, que EFet que xF, mais en revanche, E/F,x6⊂ Eet x6⊂ F.
Exemple NZmais N/Z. Par rapport à Z,Nest donc un sac dans un sac et non une bille dans un sac.
1Zmais 16⊂ Z. Par rapport à Z,1 est donc une bille dans un sac et non un sac dans un sac.
Définition (Ensemble des parties d’un ensemble ) Soit Eun ensemble. L’ensemble des parties de Eest noté P(E).
Ainsi, pour tout ensemble A:A∈ P (E)AE.
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