M ini-revue Pathogénie des douleurs de la pancréatite chronique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Pathophysiology of pain in chronic pancreatitis Laurent Bucchini, Vinciane Rebours, vy Philippe Le ^pital Beaujon, Ho 100, boulevard du general Leclerc, 92110 Clichy Cedex, France e-mail : <laurent.bucchini@wanadoo. fr> sume Re Les m ecanismes de la douleur de la pancr eatite chronique (PC) sont encore mal compris et l’origine de la douleur d’un patient donn e est difficile a d eterminer. Il en r esulte que le traitement est souvent empirique et peu efficace. Classiquement, la douleur est reli ee a des anomalies morphologiques, trouv ees a l’imagerie. Pourtant, sauf en pr esence de complications, il n’existe pas de corr elation entre les modifications morphologiques et la s ev erit e de la douleur. La litt erature montre que la douleur de PC est multifactorielle et implique des facteurs p eriph eriques et centraux. En particulier, les modifications neuronales ^le important. Aussi, il semble important de changer de semblent jouer un ro paradigme pour am eliorer la prise en charge de la douleur et opter pour une vision plus neurobiologique que li ee aux modifications anatomiques. s : douleur, pression, ischemie, cholecystokinine, inflammation, pancreatic neuritis, n Mots cle ^ les descendants, douleur neuropathique sensibilisation centrale, contro Abstract The pain mechanisms of chronic pancreatic (CP) are poorly understood and in most patients, the source of the pain remains unknown. Hence, the treatment is often insufficient and empirical. Traditional theories on the pain in CP have invoked obvious anatomical changes of the pancreas. However, except in cases of complication, no significant correlation has been found between the degree of morphological changes and the severity of pain. According to our current knowledge, pain in CP involves a variety of factors, both central and peripheral. In particular, neural remodelling and changes in the central nervous system seems to play an important role in the pain in CP. Hence, we should change of paradigm to improve the management of pain of CP and focus on neurobiological changes rather than anatomic changes. n Key words: pain, pressure, ischemia, cholecystokinin, inflammation, pancreatic neuritis, central sensititization, descending control, neuropathic pain y HEPATO GASTRO et Oncologie digestive malnutrition et de probl emes socio economiques majeurs [1] Contrairement a d’autres douleurs chroniques, le caract ere intermittent (type A) ou permanent (type B) de la douleur semble impacter davantage sur la qualit e de vie que son intensit e. Les patients qui ont une douleur continue auraient une moins bonne qualit e de vie, plus d’invalidit e, et auraient davantage recours au syst eme de sant e que ceux qui ont Tir es a part : L. Bucchini 288 Pour citer cet article : Bucchini L, Rebours V, Levy P. Pathogenie des douleurs de la pancreatite chronique. Hepato Gastro 2014 ; 21 : 288-302. doi : 10.1684/hpg.2014.1003 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 doi: 10.1684/hpg.2014.1003 ien que la douleur soit le ^me le plus fr sympto equent de la pancr eatite chronique (PC), son traitement reste empirique notamment parce que ses m ecanismes sont multifactoriels et mal connus [1]. Pr es de 90 % des patients sont doulou^me est la principale reux et ce sympto cause d’hospitalisation. En outre, la douleur peut notamment ^ etre source d’invalidit e, d’addiction aux opioı̈des, d’alt eration de la qualit e de vie [2], de B Douleurs et pancreatite chronique ‘‘ ’’ ve rit une douleur intermittente [3]. Le type, la se e de la douleur ainsi que la r eponse a la th erapeutique peuvent varier dans le temps [4]. ‘‘ La douleur de la pancréatite chronique ne saurait se résumer à des problèmes d’hyperpression Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Le caractère, intermittent ou permanent, de la douleur impacte davantage sur la qualité de vie que son intensité Les limites d’une théorie purement « mécanistique » ’’ ories expliquant la douleur Nous exposons ici les the de la PC avant d’envisager dans une seconde revue a paraı̂tre les moyens th erapeutiques nouveaux qui en d ecoulent ‘‘ Les patients qui ont une douleur continue ont une moins bonne qualité de vie que ceux qui ont une douleur intermittente ’’ Théorie « mécanistique » de la douleur Auparavant, il etait suppos e que la douleur chronique de la PC resultait principalement de l’hyperpression parenchymateuse, secondaire a l’obstruction canalaire par la fibrose ou des calculs. Une etude ancienne montrait chez l’homme une forte correlation entre la pression et la douleur, suggerant que l’hyperpression parenchymateuse serait a l’origine de l’activation des nocicepteurs intrapancreatiques [5]. Les stimuli de ces nocicepteurs sont, notamment, l’ischemie, l’inflammation, la chaleur, la tryspine [4]. Par contre, le lien entre l’hyperpression et la douleur reste incertain [6]. Plusieurs hypoth eses, non mutuellement exclusives, ont ete emises pour tenter d’expliciter cette relation. Il a ete suppos e que l’obstruction canalaire pourrait entraı̂ner la sortie d’enzymes pancr eatiques par le bord latero-basal de la cellule acinaire, et non apicale [7]. Il en resulterait une extravasation d’enzymes pancr eatiques dans l’interstitium cellulaire qui induirait une inflammation [8] et activerait les nocicepteurs. Il a egalement ete pr esum e que l’activation des nocicepteurs passerait par la survenue d’une isch emie du tissu pancreatique qui entraı̂nerait la production de radicaux libres. D’autres hypotheses ont et e emises, telle que la survenue de l’equivalent d’un « syndrome compartimental ». Ce syndrome surviendrait en raison de la fibrose du paren l’image du chyme et de la capsule p eripancr eatique. A syndrome de loge musculaire, une acidose pourrait survenir et activer les nocicepteurs. Cette hypoth ese ne repose que sur des mod eles animaux et n’a jamais et e reproduite chez l’homme [6]. vidence une Des etudes plus r ecentes ont mis en e augmentation de la pression parenchymateuse chez les sujets ayant une PC, par rapport a celles de sujets t emoins, mais elles n’ont pas montr e de relation entre la pression et la douleur [7]. De plus, il n’existe pas de corr elation entre les modifications morphologiques (dilatations, obstacles, ou strictions canalaires) et la s ev erit e de la douleur [9]. Les nouvelles techniques d’imagerie (IRM de diffusion) ne permettent pas davantage de corr eler l’intensit e de la douleur avec le degr e de fibrose ou d’atrophie de la glande [10]. Une imagerie pancr eatique quasi normale (« minimal change ») ne permet donc pas de remettre en cause la pr esence et la s ev erit e des douleurs chroniques ressenties [7]. Ces constatations ont conduit a chercher d’autres origines a la douleur chronique que les modifications canalaires et l’hyperpression. [2]. Par ailleurs, les r esultats de ces derni eres etudes devraient aussi amener le clinicien a s’interroger sur la pertinence de traitements principalement fond es sur les seules anomalies anatomiques [10]. Cette attitude pourrait conduire a des approches trop invasives [2]. ‘‘ Hormis en cas de complications, il n’existe pas de corrélation entre les anomalies morphologiques du pancréas, retrouvées à l’imagerie, et l’intensité de la douleur. Des changements minimes, à l’imagerie, ne permettent pas de remettre en cause l’intensité de la douleur ressentie ’’ L’abandon partiel de la théorique mécanistique nie de la douleur Les th eories actuelles de la pathoge chronique s’appuient davantage sur une vision « neurobiologique » qui n’est pas incompatible avec l’ancienne conception « m ecanistique » [2]. Au contraire, une meilleure compr ehension de la pathog enie de la douleur pourrait faire le lien entre la « neuropathie pancr eatique » (voir plus loin) et les th eories purement m ecaniques. Toutefois, les donn ees neurobiologiques disponibles pr esentent plusieurs limitations. De nombreux travaux HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 289 sont issus de la pancr eatite aigu€ e (PA) et ont et e extrapol es la PC. En outre, les a etudes chez l’animal s’appuient fr equemment sur des mesures indirectes de la nociception, telles que l’hyperalg esie pari etale (douleur r ef er ee) ou des changements non sp ecifiques du comportement de l’animal [2]. ‘‘ Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Nos connaissances sur la physiopathologie de la douleur de la pancréatite chronique sont issues de travaux dont certains sont difficiles à extrapoler en clinique humaine ’’ Rappel sur la transmission de l’information douloureuse Pour mieux comprendre les th eories actuelles, il est n ecessaire de faire un rapide rappel sur l’innervation nociceptive du pancr eas. Un stimulus nociceptif intrapancreatique va stimuler un r ecepteur a la douleur, ou nocicepteur. Le plus etudi e, et le plus important, est le transient receptor potential vanilloid 1 (TRPV1). Un autre nocicepteur, le protease-activated receptor-2 (PAR-2), a ^le important. egalement un ro Apres integration et transduction du stimulus douloureux par le nocicepteur, il se produit une d epolarisation si l’intensite du stimulus est suffisante. Le signal est ensuite vehicule dans les fibres peu, ou pas, my elinis ees (fibres-C et fibres A-delta) du premier neurone (dit de premier ordre) qui vehicule la nociception jusqu’au plexus cœliaque sans qu’il y ait de synapse a ce niveau. Puis, le signal nociceptif gagne le corps cellulaire de ce premier neurone qui est dans le ganglion spinal situ e entre T5 et T9. Ensuite, ce premier neurone fait synapse au niveau de la corne dorsale m edullaire [7]. Les neuromediateurs impliqu es dans la transmission synaptique sont notamment, le glutamate, la substance P (SP), la calcitonin gene-related peptide (CGRP) et le brain derived neurotrophic factor (BDNF). Leurs principaux r ecepteurs sont respectivement, le N-methyl-D-aspartate (NMDA), le NK-1, la calcitonin receptor-like receptor (CRLR), le tropomyosin receptor kinase B (TrkB). Ces recepteurs sont exprim es au niveau post-synaptique sur les neurones medullaires (dit de second ordre) comme le montre la figure 1. Nous verrons plus loin les implications therapeutiques de ces connaissances sur ces neuecepteurs. romediateurs et leurs r Tres schematiquement, le neurone de second ordre se projette, via les voies spinothalamiques, sur le thalamus. ce niveau, un troisi A eme neurone se projette en particulier sur le cortex somato-sensoriel et le syst eme 290 limbique, produisant respectivement, la sensation physique de douleur et la r eponse emotionnelle (la souffrance) [4]. Il est a noter que les aff erences nociceptives du pancr eas se projettent egalement sur des neurones, dits convergents, qui reçoivent egalement des aff erences sensitives provenant de zones somatiques pr ecises. Il s’agit du principe de convergence viscero-somatique. En particulier, les aff erences sensitives du dermatome Th10 se projettent sur les m^ emes « neurones m edullaires convergents » que les aff erences nociceptives pancr eatiques. Ce ph enom ene de convergence explique le ph enom ene de douleur visc erale projet ee (ou r ef er ee). En raison de la convergence sur des neurones m edullaires communs, la douleur visc erale est perçue par le cortex comme si elle provenait de la zone pari etale. Nous verrons plus loin que cette convergence viscero-somatique a et e utilis ee pour explorer l’excitabilit e des neurones centraux (neurones de second et de troisi eme ordre) La figure 2 illustre ce ph enom ene. Par ailleurs, il existe au niveau m edullaire une superposition des projections sensitives de visc eres voisins. Sur la figure 2, des neurones convergents m edullaires reçoivent, a la fois, des aff erences provenant du pancr eas et de l’œsophage. On parle de convergence visc ero-visc erale entre ces deux visc eres voisins [12]. Nous verrons plus loin une application de cette notion. Il existe egalement une projection des neurones de premier ordre sur les neurones du syst eme sympathique [13]. ‘‘ Le phénomène de douleur référée (projetée) est lié à la convergence sur des neurones médullaires identiques (« neurones convergents »), d’afférences nociceptives provenant à la fois, d’un viscère donné et d’un territoire somatique précis ’’ Rôle de la cholécystokinine (CCK) dans la douleur sulter d’obstacles canalaires L’hyperpression pourrait re mais aussi d’une el evation de la CCK qui est fr equente en cas de PC. La s ecr etion de CCK est stimul ee par le « CCKreleasing peptide », qui est une prot eine intraluminale, d egrad ee par la s erine prot ease. En cas de PC, la baisse d’activit e de la prot ease induit une moindre d egradation de la CCK-releasing peptide, ce qui va augmenter le taux de CCK. Il pourrait en r esulter une hyperstimulation du pancr eas par la CCK, conduisant a une el evation des pressions tissulaires [14]. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 Douleurs et pancreatite chronique B Partie présynaptique du neurone de premier ordre Ganglion spinal Corne dorsale médullaire TrkB Ca2+ Src BDNF PKC Ca2+ Glutamate Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. SP NMDA NK1 CGRP Relais A Médiateurs de l'inflammation 5-HT PGE2 BK B1/B2 EP CRLR Transduction du signal ATP NGF P2X3 TrkA Moelle épinière PKC PLC Ca2+ TTXr PKA Na+ H+ TRPV1 Chaleur Pancréas Activation d'un nocicepteur du pancréas partir du pancreas, le signal nociceptif est vehicule jusque dans le ganglion spinal qui contient le corps du premier neurone, dit « de Figure 1. A se trouve la premiere synapse avec le second neurone, dit « de premier ordre ». Ce neurone va rejoindre la corne dorsale de la moelle epiniere ou second ordre ». Au niveau de la synapse, les neuromediateurs impliques sont notamment, le glutamate, la substance P (SP), la calcitonin generelated peptide (CGRP) et le brain derived neurotrophic factor (BDNF). Leurs principaux recepteurs sont respectivement, le N-methyl-D-aspartate (NMDA), le NK-1, la calcitonin receptor-like receptor (CRLR), le tropomyosin receptor kinase B (TrkB). Ces recepteurs sont exprimes au niveau post^ le essentiel dans la sensibilisation centrale. synaptique sur les neurones medullaires (de second ordre). Le couple glutamate/NMDA joue un ro Permission obtained for panel a from Nature Publishing Group# Marchand, F. et al. Nat Rev Neurosci 2005 ; 6 : 521-32. La douleur induite par la CCK pourrait aussi ^ etre secondaire a son « action centrale ». En effet, la CCK poss ede un recepteur dans le syst eme nerveux central, situ e au niveau de l’area postrema (plus connu sous le nom de centre de vomissement). En raison de l’absence de barri ere h emato-encephalique, la CCK peut se lier facilement a son r ecepteur et exercer une action pro-nociceptive pouvant majorer la perception douloureuse [7] L’hypothetique action antalgique des enzymes pancr eatiques, en dehors de toute insuffisance pancr eatique exocrine, passerait par une d egradation plus importante de la CCK-releasing peptide, diminuant ainsi la production de CCK. En raison de ce m ecanisme suppos e, seules les enzymes pancreatiques non gastro-prot eg ees pourraient poss eder une action antalgique car elles peuvent agir au niveau du duod enum sur la CCK-releasing peptide et abaisser le taux de CCK. A contrario, les enzymes pancr eatiques gastro-prot eg ees peuvent agir seulement au niveau du j ejunum, voire de l’il eon et ne peuvent avoir une action sur la CCK-releasing peptide. Les seuls essais ^ l randomis es contro es, et de qualit e, ayant montr e une action antalgique, utilisaient des enzymes non gastro-prot eg ees [14]. Toutefois, l’effet antalgique des eme non gastro-prot eg ees, enzymes pancreatiques, m^ reste hypoth etique. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 291 ‘‘ L’action antalgique, hypothétique, des enzymes pancréatiques sous forme non gastro-protégées, en dehors de toute insuffisance pancréatique, passerait par l’abaissement de la cholécystokinine L’inflammation chronique au cours des pancréatites chroniques VAS Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. 0.1 Hz Physiopathologie de l’inflammation chronique VAS 0.3 Hz Figure 2. Convergence viscero-somatique et convergence viscerovisc erale. Douleur r eferee (projetee) : les fibres en gris fonce sont les aff erences sensitives provenant de la zone somatique referee, correspondant a la paroi abdominale haute. Ces fibres se projettent sur les m^ emes « neurones convergents » medullaires que les fibres aff erentes, en noir, provenant du pancreas. Les influx nociceptifs du pancr eas seront interpretes par le cortex comme s’ils provenaient de la zone somatique. Hyperalgesie viscero-viscerale et somato-viscerale : en cas de sensibilisation centrale spinale, secondaire a une pancreatite chronique, il existe une hyperexcitabilite des neurones qui sont situes, sur le sch ema, dans la zone etoilee blanche medullaire. Cette zone correspond a la projection des influx nociceptifs pancreatique. (NB : Comme il est pr ecise dans le texte, cette hyperexcitabilite peut se gen eraliser aux diff erents niveaux medullaires en cas de sensibilisation des neurones, dits « de troisieme ordre », supra-spinaux, conduisant a une sensibilisation centrale supra-spinale ou corticale). Dans cette illustration, les aff erences d’autres organes, comme l’œsophage, ont des terminaisons communes avec les afferences du pancreas sur des « neurones convergents » medullaires, situes, sur l’illustration, au niveau de la zone etoilee blanche. On peut supposer que la sensibilisation centrale d’origine pancreatique se refletera dans les r eponses aux stimulations œsophagiennes. De m^eme, sur le schema, l’hyperexcitabilit e neuronale, liee a la sensibilisation centrale induite par la pancr eatite chronique, se traduit par une augmentation de la surface de la zone somatique referee dont les afferences sont coloriees en blanc et gris clair sur la zone abdominale haute. En bas a gauche, le ph enom ene de sommation temporelle (« wind-up » chez l’animal) est illustr e par la r ep etition de stimulations d’intensite identiques qui induit une int egration corticale de la douleur avec une augmentation de la douleur, repr esent ee, en noir, par les resultats de la mesure de l’echelle visuelle analogique (VAS). Source : Drewes AM, Krarup AL, Detlefsen S, et al. Pain in chronic pancreatitis: the role of neuropathic pain mechanisms. Gut 2008 ; 57 : 1616-27. L’action antalgique de l’octr eotide passerait egalement par la diminution des taux de CCK mais les r esultats des essais sont contradictoires et cette mol ecule reste peu utilis ee [7]. Plusieurs etudes montrent une action de la CCK dans la douleur. Chez le rat, des antagonistes des r ecepteurs de la €e (PA). CCK diminuent la douleur de la pancr eatite aigu Chez l’homme, un antagoniste (loxiglumide) a egalement montre une efficacit e dose-d ependante dans les acces douloureux de PC et dans la PA, lors d’un essai ^l multicentrique randomis e contro e [7]. 292 ’’ Au sein de la cellule acinaire, les enzymes pancreatiques sont sous forme de pro-enzymes (zymog ene), inactives. Une fois secr et e, le trypsinog ene (une zymog ene) est transform e dans le duod enum en trypsine active par l’ent erokinase duod enale. Ce m ecanisme d’activation extra-pancr eatique prot ege la glande du risque « d’autodigestion ». Le concept, qui pr evaut actuellement, postule que cette « autodigestion », ou activation pr ematur ee du trypsinog ene intra-acinaire, constituerait la premi ere etape de la pancr eatite aigu€ e (PA) et de l’inflammation (figure 3). Cette activation pr ematur ee du trypsinog ene a et e mise en evidence par de multiples etudes mais il n’a jamais et e prouve qu’il s’agissait d’un mecanisme causal de la pancr eatite. Par analogie avec la PA, l’activation intrapancr eatique du trypsinog ene a egalement et e consid er ee comme le mecanisme causal, initial, de la PC et de l’inflammation chronique de la glande. Cependant, de r ecents travaux chez des souris, g en etiquement d epourvues de la possibilit e d’activer pr ematur ement le trypsinog ene, sugg erent que la r eponse inflammatoire, en particulier l’activation de la voie du nuclear factor kappa b (NF-kb), pourrait ^ etre d eclench ee par diff erents stimuli (alcool, tabac, auto-immunit e. . .), ind ependamment de l’activation intra-acinaire du trypsinog ene (figure 4). La permanence de l’exposition au stimulus conduirait a la chronicisation de l’inflammation et a l’obtention d’une PC. Il d ecoule de cette hypoth ese que l’arr^ et du stimulus causal (tabac, alcool, hyperpression canalaire, exposition a la bile, etc.) pourrait entraı̂ner une r eversion des l esions pancr eatiques, au moins aux stades pr ecoces, comme cela a et e montr e chez le rat expos e a l’alcool. Cependant, l’exposition a un stimulus ne peut suffire a induire une inflammation chronique du pancr eas. La survenue d’une PC implique egalement de complexes inter-relations entre des facteurs environnementaux et g en etiques. La persistance de l’activation de la voie du NF-Kb a egalement et e retrouv ee chez l’homme. Au-del a d’une HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 Douleurs et pancreatite chronique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Agression pathologique Activation du trypsinogène Induction de l'auto-digestion Recrutement de cellules inflammatoires Inflammation locale et systémique Autres événements pathologiques Cellule acinaire ^le causal de l’activation prematuree du trypsinogene dans la genese de l’inflammation chronique du Figure 3. Th eorie communement admise du ro as. Selon cette theorie, « l’autodigestion » est l’evenement central dont decoulent les autres. Source : Sah RP, Dawra RK, Saluja AK. New pancre insights into the pathogenesis of pancreatitis. Curr Opin Gastroenterol 2013 ; 29 : 523-30. meilleure comprehension de l’inflammation chronique, la confirmation de ces travaux constituerait un v eritable changement de paradigme sur la pathog enie de la PC qui ne serait plus centr ee sur l’activation pr ematur ee se, l’activation du trypsinog ene. Selon cette hypothe pr ematur ee du trypsinog ene serait effective mais conduirait uniquement a la mort cellulaire sans d eclencher de PC [15, 16]. Pancréatite aiguë Lésions pancréatiques précoces Pancréatite chronique Activation du trypsinogène Cette activation n'est pas nécessaire à la pathogénie de la pancréatite chronique Lésions et inflammation locale SIRS Activation de voies inflammatoires Activation chronique de la voie inflammatoire Persistance du stimulus Stimulus pathologique Facteurs génétiques et environnementaux Pancréatite chronique Différents stimuli pathologiques associés à la PC Alcool • Bile • Obstruction d’un canal • Dysfonction d’un canal (mutations CFTR) • Toxines (tabac par exemple) • Infection virale • Mutations héréditaires • Phénomènes auto-immuns Figure 4. De r ecents travaux chez la souris suggerent que l’activation prematuree du trypsinogene n’est ni la cause de l’inflammation chronique ni ^te gauche, le nouveau de la pathog enie de la pancreatite chronique. La partie concernant la pancreatite aigu€e est coloriee en bleu. Sur le co paradigme, selon lequel, la pathogenie de la pancreatite chronique serait liee au maintien de l’activation des voies de l’inflammation dont la plus importante serait la voie du NF-kB. La chronicite de l’exposition au stimulus conduirait au maintien de l’activation de la voie du NF-kB. Cette activation soutenue de la voie du NF-kB, secondaire a l’exposition chronique a des stimuli, ne conduirait a une pancreatite chronique que dans certains contextes g enetiques et environnementaux. Pour les auteurs de ce schema, les « fleches continues » correspondent a des donnees, soutenues par des preuves experimentales, tandis que les fleches en pointille representent seulement des hypotheses. SIRS: systemic inflammatory response syndrome. Source : Sah RP, Dudeja V, Dawra RK, et al. Cerulein-induced chronic pancreatitis does not require intra-acinar activation of trypsinogen in mice. Gastroenterology 2013 ; 144 : 1076-85. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 293 L’inflammation neurogène ‘‘ Selon de récents travaux chez l’animal l’activation prématurée, intra-acinaire, du trypsinogène (« phénomène d’autodigestion pancréatique ») ne conduirait qu’à la mort des cellules concernées et non à une pancréatite chronique ’’ Facteurs potentialisant l’inflammation Le stress électrophilique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Ce stress resulte d’un d es equilibre entre l’accumulation de radicaux libres et les possibilit es de « d etoxification » par des antioxydants, tels que la m ethionine ou la vitamine C. L’ischemie des tissus pancr eatiques serait l’une des causes de la liberation de radicaux libres en exc es, via l’activation de cellules stellaires [7]. Des mod eles, in vitro, ont en effet montre que l’hyperpression activerait les cellules stellaires, qui, en retour, induiraient un stress oxydatif. L’alcool et le tabac sont egalement des sources de stress oxydatif. Ce stress electrophilique peut g en erer un etat proinflammatoire par le biais de plusieurs ev enements tels que l’activation de cellules immunitaires, l’augmentation de l’expression de cytokines pro-inflammatoires ainsi que l’activation de r ecepteurs aux cytokines. Il pourrait en r esulter, directement ou indirectement, une sensibilisation des nocicepteurs intrapancr eatiques [13]. Il a ete suppose que la correction de ce stress par l’apport d’antioxydants permettrait d’obtenir un effet antalgique sur la PC. Les antioxydants exerceraient une action antalgique en contrebalançant l’effet algog ene des radicaux libres. En faveur de cette th eorie, il a ete montr e un deficit en antioxydant chez les patients ayant une PC [13]. ^ l Deux larges essais randomis es contro es montraient des resultats divergents, en depit d’une augmentation des taux seriques d’antioxydants dans les deux etudes. Dans l’essai negatif, les patients etaient ^ ag es avec une consommation d’alcool et de tabac comme principale cause. Dans l’essai positif, les patients etaient plus jeunes et presentaient surtout des PC d’origine idiopathiques. Les antioxydants pourraient r eduire la douleur mais de nouveaux essais sont n ecessaires afin de d eterminer la population la plus susceptible de r epondre a ce traitement [4]. ‘‘ En dépit d’essais contradictoires, les antioxydants pourraient réduire la douleur. Toutefois, de nouveaux essais sont nécessaires afin de déterminer la population la plus susceptible de répondre à ce traitement 294 ’’ atiques par L’activation des nocicepteurs intrapancre l’inflammation entraı̂ne la s ecr etion par les fibres nerveuses de neurotransmetteurs, tels que le glutamate, la substance P (SP), la calcitonin gene-related peptid (GCRP). Ces diff erentes mol ecules sont v ehicul ees le long de l’axone de façon r etrograde, ou antidromique, jusqu’ a l’extr emit e distale intrapancreatique. Il s’agit du « r eflexe d’axone » (voir la figure 5 qui illustre une s ecr etion antidromique de substances pro-inflammatoires. Le sens de la circulation antidromique est colori e en rouge sur ce sch ema) qui a et e mis en evidence dans la PA. Cependant, son existence est plus difficile a prouver dans la PC en raison de la courte vie des m ediateurs impliqu es. Dans la PC, il a n eanmoins et e montr e que la substance P, trouv ee dans le pancr eas, provient du ganglion spinal. Cette constatation sugg ere que la substance P gagnerait le pancr eas par voie antidromique. Localement, ces m ediateurs vont entraı̂ner une inflammation locale en raison de leurs propri et es vasodilatatrices et chimiotactiles sur les cellules inflammatoires. Il s’agit du ene ». ph enom ene « d’inflammation neurog Chez l’homme, l’expression intrapancr eatique du r ecepteur de la substance P (SP), la neurokin-1 (NK-1), est corr el ee a la s ev erit e de la douleur [5]. Ce lien sugg ere le ^le de la SP et de l’inflammation neurog ro enique dans la douleur. Par ailleurs, l’exp erimentation animale a confirm e ^le de la SP et de son r ce ro ecepteur dans la douleur visc erale [17]. C’est pourquoi il a et e propos e d’ etudier l’action d’antagonistes de la SP, a visee antalgique, dans la PC [13]. La « neuropathie pancréatique » La « pancreatic neuritis » ces de PC et Chez l’homme, l’analyse histologique de pie d’ad enocarcinome du pancr eas montre des nerfs elargis et hypertrophi es. Par ailleurs, ces nerfs sont infiltr es, notamment par des cellules inflammatoires. On parle de « pancreatic neuritis » pour d ecrire cette infiltration dont l’importance est corr el ee a la s ev erit e de la douleur. Cette corr elation sugg ere l’importance de cet infiltrat dans la gen ese de la douleur [18]. Cette infiltration s’expliquerait par l’action de substances telles que la fraktaline [19] qui serait transport ee le long des fibres nerveuses par voie antidromique jusqu’ a l’extr emit e intrapancreatique du nerf. La fraktaline « attirerait » les cellules inflammatoires au sein des nerfs par chimiotactisme [5, 13]. En faveur de cette hypoth ese, il existe une corr elation entre l’augmentation de l’expression de la fraktaline endoneurale et la s ev erit e de la « pancreatic neuritis » ainsi qu’avec la s ev erit e de la douleur [19]. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 Douleurs et pancreatite chronique Mastocytes Substance P K+ Histamine Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. H+ Réflexe d’axone Bradykinine Ganglion rachidien Prostaglandines ATP Corne dorsale Capillaire sanguin Conduction antidromique Substance P Moelle épinière Figure 5. Secondairement a un stimulus nociceptif (etoile coloriee en violet), il se cree un « reflexe d’axone » qui entraı̂ne la secretion par voie antidromique, ou r etrograde, de substance P qui va induire une inflammation locale, dite « inflammation neurogene ». Source : Chiu IM, von Hehn CA, Woolf CJ. Neurogenic inflammation and the peripheral nervous system in host defense and immunopathology. Nat Neurosci 2012 ; 15 : 1063-7. ^le probable de la fraktaline dans la En raison de ce ro douleur, le blocage de son r ecepteur, le CX3CR1, pourrait constituer une option pour traiter la douleur [5, 20]. La « pancreatic neuritis » repr esenterait l’ equivalent de la neuro-inflammation visc erale, rencontr ee dans des affections telles que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, l’appendicite, le syndrome de l’intestin irritable. . . Dans ces dernieres maladies, l’infiltrat inflammatoire est etroitement lie a la douleur. Dans la PC, l’infiltrat est d’autant plus riche en cellules mastocytaires (d’un type particulier : « MCtc-type mast cells ») que la PC est douloureuse. Le lien entre neurones et cellules mastocytaires est activement etudie dans diverses affections : migraines, cystite, etc. La degranulation mastocytaire peut notamment liberer le nerve growth factor (NGF) dont nous ^le-cl verrons plus loin le ro e dans la douleur. Dans le syndrome de l’intestin irritable, le ketotifen, un agent stabilisateur des mastocytes et antihistaminique, entraı̂ne une diminution de l’intensit e de la douleur [19]. Chez l’homme, la quantit e de cellules mastocytaires est 3 a 5 fois plus importante chez les patients pr esentant une PC douloureuse, en comparaison aux quantit es trouv ees chez des patients ayant une PC peu douloureuse. Aussi, les mol ecules stabilisant les mastocytes pourraient egalement poss eder un effet antalgique dans la PC [2]. Lésions nerveuses Dans des tissus provenant de PC, des l esions nerveuses s ev eres sont constat ees avec des ruptures p eri-nerveuses, la p en etration de cellules inflammatoires a l’int erieur des nerfs et un œd eme neural [5]. l’instar de l’infiltration neurale (la « pancreatic neuriA tis »), ces « alt erations neuronales » sont corr el ees avec la s ev erit e de la douleur [18]. ^le majeur des Cette relation renforce l’hypoth ese du ro l esions nerveuses intrapancr eatiques dans la douleur de la PC et permet d’utiliser le terme de « neuropathie pancr eatique » par analogie aux douleurs neuropathiques. Nous verrons qu’il existe d’autres similitudes entre douleur HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 295 de la PC et la douleur neuropathique, justifiant ce concept de « neuropathie pancr eatique ». La plasticité neuronale Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Au niveau du pancr eas, la neuroplasticit e se traduit histologiquement par l’aspect des nerfs qui sont elargis, hypertrophies, et en nombre augment e [21]. Cette neuroplasticite, ou remodelage neuronal, touche plus largement le systeme nerveux p eriph erique et central. Il touche egalement le syst eme nerveux autonome. En comparaison a des tissus provenant de pancr eas sain, on retrouve notamment une diminution de l’innervation sympathique dans des tissus issus de PC. Cette diminution est parallele a l’intensit e de la douleur [22], ce qui sugg ere ^le dans la que le systeme nerveux autonome jouerait un ro nociception [6]. Comme nous l’avons evoqu e, cette neuroplasticit e serait une reponse aux lesions nerveuses intrapancr eatiques. Ces l esions induiraient la prolif eration des cellules de Schwann, indifferenciees, qui entraı̂nerait une repousse axonale et une remyelinisation [5] dans un processus de r eparation des lesions neuronales, intrapancr eatiques. L’expression de marqueurs de neuroplasticit e, tel que le facteur de transcription glial, le SOX-10, est en faveur de cette hypothese. Ainsi, le SOX-10 est continuellement present dans les cellules matures de Schwann. Or, son expression est diminu ee dans des echantillons de PC, en comparaison a des tissus provenant de pancr eas sains [22], Cette diminution du SOX-10 peut s’interpr eter comme une indifferenciation des cellules de Schwann qui proliferent sous l’action des facteurs neurotrophiques (voir plus loin). Les cellules de Schwann, devenues immatures, ne secr etent plus le SOX-10. En outre, un autre marqueur de neuroplasticit e, le growth-associated protein 43 (GAP-43), est bien surexprim e dans la PC, allant dans le sens d’un ph enom ene de neuroplasticit e dans la PC [5]. Cette neuroplasticit e touche egalement le syst eme nerveux central au niveau m edullaire mais aussi supraspinal. Ainsi, des modifications structurales corticales peuvent ^etre mises en evidence par imagerie du tenseur de diffusion. Ces changements sont situ es au niveau des structures corticales impliqu ees dans la douleur (« matrice de la douleur ») et certaines modifications sont correlees avec la s ev erit e de la douleur. De semblables modifications corticales sont observ ees dans d’autres douleurs chroniques [23]. Rôle des facteurs neurotrophiques (figure 6) La famille des facteurs neurotrophiques tient une place importante dans les ph enom enes de nociception de la PC. ^leParmi ces facteurs, le nerve growth factor (NGF) a un ro cl e dans la pathog enie de la douleur [24]. Le NGF est 296 d’ailleurs surexprim e dans les tissus de PC, notamment au niveau des nerfs hypertrophi es [22]. ^le des facteurs neurotrophiques serait double. Ils Le ro induiraient la neuroplasticit e par prolif eration cellulaire, conduisant aux aspects hypertrophi es des nerfs. En outre, ils induiraient la sensibilisation des nocicepteurs et participeraient activement a la gen ese de la douleur. Ces facteurs neurotrophiques seraient transport es dans le pancr eas par voie antidromique, via les fibres nociceptives intrapancr eatiques. Dans la douleur neuropathique, un ph enom ene identique se produit. Une l esion p eriph erique induit une cascade d’ ev enements dont le transport antidromique de facteurs de croissance dans les suites de la d eg en erescence wall erienne. Ces facteurs neurotrophiques (NGF et GDNF) permettent la repousse axonale et la remy elinisation. Comme pour la PC, ces facteurs sensibilisent et activent egalement les nocicepteurs, contribuant a l’initiation de la douleur neuropathique dans les suites de la l esion nerveuse [25]. Au niveau du tissu pancr eatique, ces mol ecules se lient a es au niveau des nerfs intraleurs r ecepteurs, situ pancr eatiques l es es. Cette liaison leur permettrait d’exercer leur effet neurotrophique sur les fibres nerveuses [5] et d’entraı̂ner une prolif eration cellulaire, expliquant l’aspect hypertrophie des nerfs intrapancreatiques. En faveur de cette hypoth ese, la neurturin (NRTN), qui est un facteur neurotrophique surexprim e dans les nefs intrapancr eatiques, a montr e, in vitro, une action neuroplastique sur des extraits tissulaires [22]. D’autres facteurs neurotrophiques comme le brain-derived neurotrophic factor (BDNF) ou l’artemin, qui appartient a la famille des glial cell-line derived neurotrophic factor (GDNF), sont egalement surexprim es dans les tissus de PC. ^le des facteurs neurotrophiques dans l’initiation de la Le ro douleur est montr e par la corr elation existant entre la surexpression du NGF, de l’artemin et du BDNF, et la s ev erit e de la douleur. Chez l’animal ayant une PC exp erimentale, l’usage des antagonistes du BDNF, de NGF, ou de l’artemin, diminue d’ailleurs la douleur. Ces donn ees montrent l’importance des facteurs neurotrophiques dans la douleur l’instar de la douleur neuropathique, ces facteurs de la PC. A exerceraient leur action nociceptive notamment, par la sensibilisation des nocicepteurs intrapancr eatiques [13]. Chez l’homme, les anticorps monoclonaux anti-NGF (tanezumab) ont d ej a et e utilis es lors d’essais cliniques incluant diff erents types de douleurs chroniques avec de bons r esultats initiaux. Toutefois, la survenue inattendue d’ost eon ecroses a conduit la Food Drug Administration etait pr evu dans les PC [2]. (FDA) a suspendre l’essai qui Les nocicepteurs intrapancréatiques Les deux types de nocicepteurs sont le transit receptor potentiel vanilloid (TRPV1) et le proteinase-activated HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 Douleurs et pancreatite chronique Récepteurs TrkA Inflammation Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Lymphocyte Macrophage Cellules mastocytaires Fibroblastes Cellules de Schwann Neurones Expression des récepteurs NGF Fibres nerveuses sensitives/sympathiques Récepteurs P75 BDNF Prolifération nerveuse et sensibilisation des nocicepteurs Perineurium Artemin Récepteurs GFRα3 Cellules de Schwann ^ les des facteurs neurotrophiques. Ces facteurs induisent une proliferation cellulaire (neuroplasticite) lors de la mise Figure 6. Les deux principaux ro en œuvre d’un processus de « reparation » des lesions nerveuses, a l’instar des douleurs neuropathiques. L’action de ces facteurs neurotrophiques expliquerait, par exemple, l’aspect hypertrophie des nerfs intrapancreatiques, retrouve sur des biopsies de pancreatite chronique. Par ailleurs, ^le essentiel dans la pathogenie de la douleur de pancreatite chronique notamment par le biais d’une sensibilisation ces facteurs jouent un ro des nocicepteurs. Dans les suites d’une lesion nerveuse experimentale, les facteurs sont vehicules vers le pancreas par voie antidromique. Source : Talukdar R, Nageshwar Reddy D. Pain in chronic pancreatitis: Managing beyond the pancreatic duct. World J Gastroenterol 2013 ; 19 : 6319-28. receptor 2 (PAR-2). La tryptase peut directement activer les PAR-2. Un autre recepteur, r ecemment identifi e (le ligandgated cation channel transient receptor potential ankyrin 1), participerait egalement a l’hyperalgie visc erale [13]. Le nocicepteur intrapancr eatique TRPV1 semble particuli erement important et son seuil d’activation peut ^ etre abaisse par differents m ediateurs. Cet abaissement du seuil de declenchement du potentiel d’action pour des stimuli faibles s’appelle la sensibilisation p eriph erique. Dans la PC, il existe un abaissement marqu e de ce seuil sous l’action de differents mediateurs qui restent a identifier avec pr ecision. Comme mentionn e plus haut, le nerve growth factor (NGF) ^le pivot dans cette sensibilisation p aurait un ro eriph erique. C’est notamment par ce biais que la d egranulation des cellules mastocytaires, qui lib ere le NGF, pourrait exercer un effet nociceptif. Les antagonistes du TRPV1 diminuent l’hyperalg esie viscerale chez le rat pr esentant un mod ele de PC. Ces r ecepteurs pourraient constituer une nouvelle cible th erapeutique [2]. ‘‘ Dans la pancréatite chronique, il existe une sensibilisation périphérique. Il en résulte que les récepteurs à la douleur, intrapancréatiques, ^ tre activés par des « stimulations peuvent e minimes », induisant un état d’hyperalgésie Les cellules gliales ’’ riph L’analyse des nerfs pe eriques ne peut se limiter aux composants neuronaux mais doit prendre aussi en consid eration les cellules gliales. Elles sont repr esentees par les oligodentrocytes, les astrocytes et la microglie (ces derniers sont des macrophages). Elles ont longtemps et e consid er ees comme un simple tissu de soutien alors que ^les sont multiples. leurs ro ^le fondamental dans la douleur Les cellules gliales ont un ro neuropathique qu’il s’agisse d’une l esion p eriph erique ou centrale [25]. Ainsi, une l esion nerveuse p eriph erique peut induire une activation gliale, notamment au niveau m edullaire. Un semblable ph enom ene existe dans la PC. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 297 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. s l’induction d’une PC Chez l’animal, trois semaines apre experimentale, il est retrouv e une activation de la microglie (qui se traduit par un changement d’aspect de la cellule) medullaire, plus particuli erement au niveau de la projection des afferences sensitives du pancr eas. Cette activation de ^le majeur dans l’initiation et dans la microglie jouerait un ro le maintien de l’hyperalg esie li ee a la PC. ^le est confirm Ce ro e par l’usage d’inhibiteurs de la microglie, tels que la minocycline. Par voie intrath ecale (la voie systemique est d epourvue d’effet), la minocycline suspend l’hyperalg esie mais uniquement le temps de l’administration du produit. Inversement, la fraktaline est un activateur de la microglie et elle induit une allodynie m ecanique, dose-d ependante, chez le rat « naı̈f ». Par ailleurs, une constriction chronique du nerf sciatique entraı̂ne une surexpression du recepteur de la fraktaline, le CX3CR1, au niveau m edullaire, de façon concomitante avec l’activation de la microglie. Enfin, l’hyperalgesie induite par la fraktaline peut ^ etre pr evenue par l’administration de minocycline intrath ecale. Ces differentes donn ees sugg erent que des facteurs tels ^le de « m que la fraktaline jouerait le ro ediateurs » entre les neurones leses et la microglie [26]. ^le pivot de la microglie dans la douleur visc Ce ro erale chronique en fait une cible th erapeutique potentielle. La mise en évidence d’une hyperexcitabilité neuronale centrale chez l’homme ‘‘ À l’instar de la douleur neuropathique, il existe dans la pancréatite chronique, des modifications structurales du système nerveux périphérique et centrale (neuroplasticité), une activation des cellules gliales et un rôle pivot des facteurs neurotrophiques, en particulier du nerve growth factor (NGF). Ces connaissances ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques potentielles, telles que l’usage des anticorps anti-NGF ou des inhibiteurs de l’activation de la microglie vidence, l’hyperexcitabilit Pour mettre en e e neuronale centrale, la convergence visc ero-somatique et visc erovisc erale peuvent ^ etre utilis ees. Les signes cliniques de cette hyperexcitabilit e centrale sont [5] : fe re e lors d’un – l’augmentation de l’aire de douleur re stimulus nociceptif visc eral ; – la sommation temporelle au niveau du visc ere concern e; – l’hyperalg esie. ’’ La sensibilisation centrale Rôle des neurotransmetteurs dans l’hyperexcitabilité neuronale ou sensibilisation centrale la La sensibilisation centrale fait syst ematiquement suite a sensibilisation p eriph erique [2] comme dans d’autres douleurs chroniques. La sensibilisation p eriph erique induit une augmentation du « flux » nociceptif provenant du pancr eas. Ces influx sont transmis aux neurones de second ordre au niveau de la corne medullaire post erieure. Lors de la transmission synaptique entre neurones de premier et de deuxi eme ordre (figure 1), le glutamate et son r ecepteur, le NMDA, ^le majeur dans la persistance de la douleur et jouent un ro 298 de l’hyperalg esie [17]. L’administration intrath ecale d’antagonistes de neurotransmetteurs, autres que le glutamate, la SP, le CGRP, et le BDNF, diminue la douleur chez le rat ayant une PC exp erimentale [2]. Secondairement au maintien du flux nociceptif, survient une sensibilisation des neurones de second ordre. Cette sensibilisation se traduit par un abaissement de leur seuil d’activation neuronale en raison de modifications de l’excitabilit e membranaire [5]. Il s’agit de la « sensibilisation centrale spinale segmentaire », l’hyperexcitabilit e neuronale touchant uniquement les neurones situ es au niveau de la projection des aff erences pancr eatique. Puis, cette hyperexcitabilit e m edullaire va entraı̂ner un flux nociceptif plus intense vers les neurones de troisi eme ordre, ou neurones corticaux, qui peuvent, a leur tour, ^ etre sensibilis es [4]. On parle alors de sensibilisation centrale supraspinale (ou corticale). Secondairement, des modifications structurales se mettent en place au niveau spinal et supraspinal. Comme nous l’avons mentionn e plus haut, l’imagerie par tenseur de diffusion met en evidence la r eorganisation fonctionnelle corticale en retrouvant des alt erations des microstructures corticales, impliquees dans les processus de traitement de la nociception (« neuromatrix ») [23]. tude pionnie re, Dimcevski et al. ont Au cours d’une e ces diff retrouve erents caract eres en stimulant l’œsophage qui partage des « neurones m edullaires convergents » avec le pancr eas (figure 7). Chez les patients ayant une PC, apr es stimulation visc erale, l’aire de douleur r ef er ee etait sup erieure a celles obtenue chez des t emoins. En outre, les auteurs ont retrouv e le ph enom ene de sommation tempoe constante, relle (des stimulations, r ep et ees et d’intensit entraı̂nent une douleur croissante). Ces r esultats confortent l’hyperexcitabilit e neuronale centrale en cas de PC. Par contre, cette etude a egalement retrouv e une hypoalg esie cutan ee contrastant avec l’hyperalgesie profonde au niveau des masses musculaires, retrouv ee dans d’autres etudes. Cette discordance pourrait ^ etre liee a une ^le inhibiteur de la d eficience des syst emes de contro ^les douleur, dont l’origine est supra-spinale. Ces contro inhibiteurs tentent de contrebalancer l’hyperalg esie, li ee a HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Douleurs et pancreatite chronique ^les descendant pourraient la PC. Par ailleurs, certains contro avoir une action facilitatrice sur la douleur de la PC (syst eme pro-nociceptif). La balance entre les syst emes descendants, inhibiteurs et facilitateurs de la nociception, d eterminerait la perception douloureuse corticale. Enfin, il a ete retrouv e une hyperalg esie recto-sigmoı̈dienne chez les patients ayant une PC. Cette hyperalg esie montre ^les inhibiteurs diffus egalement la deficience des contro ^le est d’inhiber toute autre nociceptifs (CIDN) dont le ro perception douloureuse lors d’une intense stimulation nociceptive [5, 6]. Ces CIDN expliquent en particulier, qu’une douleur intense sur une partie du corps puisse masquer une autre douleur, moins intense, situ ee sur une autre partie du corps. Les processus centraux impliqu es dans la nociception sont donc anormaux chez les patients ayant une PC [6]. Il peut exister un etat d’hyperalg esie li e a la coexistence d’une sensibilisation centrale et d’alt eration des syst emes de ^le de la douleur. En outre, il existe une r contro eorganisation fonctionnelle des aires corticales impliqu ees dans la nociception qui est corr el ee a l’intensit e de la douleur [6]. ‘‘ Chez l’homme ayant une pancréatite chronique, il a été retrouvé une sensibilisation nerveuse périphérique au niveau du pancréas et centrale qui permet à des stimula^ tre ressenties comme tions physiologiques d’e douloureuses ’’ Rôle de la sensibilisation centrale: s’agit-il d’une cause ou d’une conséquence de la douleur ? En d epit de nombreuses etudes, il semble difficile de d eterminer l’importance de la sensibilisation centrale, en tant que facteur ind ependant, dans la gen ese de la douleur de la PC [5]. La sensibilisation centrale, et les modifications c er ebrales observ ees, pourrait simplement refl eter la r eponse aux impulsions nociceptives continues provenant du pancr eas. Toutefois, des etudes men ees dans d’autres douleurs chroniques sugg erent que la r eorganisation centrale (neuroplasticit e) participerait a la douleur. ^me » Une etude sur les douleurs du « membre fanto montre une forte corr elation entre l’importance de la r eorganisation corticale et l’intensit e de la douleur. Cette observation sugg ere que la douleur est une cons equence directe de la r eorganisation. ^le direct de la neuroplasticit Dans une autre etude, le ro e ^mes a dans la persistance de sympto et e d emontr e chez l’animal soumis a des bruits intenses. Cette exposition sonore induit chez l’animal des modifications c er ebrales ^mes auditifs, mis en (neuroplasticit e) et des sympto ^evidence par le comportement de l’animal. Ces sympto mes, lies a la reorganisation centrale, persistent apres l’arr^ et de l’exposition sonore. En outre, la « r eversion » de la r eorganisation corticale induit une att enuation des ^mes auditifs. Ce r ^le direct de la sympto esultat montre un ro r eorganisation neuronale corticale dans la persistance de ^mes, m^ sympto eme apr es disparition du stimulus initial. En Surface de la douleur référée après stimulation électrique Sujets contrôles (surface moyenne = 6,6 cm2) Patients ayant une PC (surface moyenne = 30,2 cm2) Figure 7. Lors de stimulations œsophagiennes, la surface de la douleur referee est plus importante, chez les sujets ayant une pancreatite chronique ( a droite), que chez les temoins (a gauche). Ce resultat est probablement lie a l’hyperexcitabilite neuronale medullaire, induite par la pancreatite chronique. En effet, nous avons vu que le pancreas partage avec l’œsophage (convergence viscero-viscerale) des « neurones medullaires » communs (dit de « second ordre »), devenus hyperexcitables. Cette experience est donc en faveur d’une sensibilisation centrale induite par la pancr eatite chronique. Source : Dimcevski G, Staahl C, Andersen SD, et al. Assessment of experimental pain from skin, muscle, and esophagus in patients with chronic pancreatitis. Pancreas 2007 ; 35 : 22-9. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 299 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. organisation corticale peut outre, le traitement de la re ^mes [27]. ameliorer les sympto Une recente etude pilote a retrouv e chez des patients ayant une PC, une association entre une hyperalg esie diffuse (liee a une sensibilisation supraspinale et non simplement spinale) et un echec de la splanchnicectomie. Les auteurs attribuaient l’ echec de la splanchnicectomie a une autonomisation de la douleur d’origine centrale qui serait devenue ind ependante du pancr eas [6]. Cette possible autonomisation de la douleur centrale expliquerait les echecs de la pancr eatectomie totale [2]. Cette autonomisation serait plus probable en cas de longue evolution de la maladie [28]. Inversement, la r eversibilit e de la sensibilisation centrale est possible apr es suppression du processus nociceptif douloureux. Ainsi, la lib eration chirurgicale d’un nerf peut ^ etre efficace m^ eme en pr esence d’un remodelage neuronal. Cette r eversibilit e serait la cl e du succes de la chirurgie [5]. ‘‘ Dans certains cas, la sensibilisation centrale pourrait devenir autonome et indépendante de l’évolution de la maladie pancréatique ’’ lorsque l’inflammation a cessé, notamment certaines douleurs post-prandiales sans autres causes trouvées ’’ La « neuropathie viscérale » de la PC et la douleur neuropathique Comme nous l’avons vu, la douleur de la PC partage de nombreux points communs avec la douleur neuropathique. Toutefois, des auteurs estiment qu’il serait impr ecis d’assimiler les douleurs de PC, li ees aux alt erations neuronales, a des douleurs neuropathiques. En effet, le terme de douleur neuropathique est fr equemment utilis e pour d esigner des l esions nerveuses sans l esions du tissu environnant. Dans la PC, les l esions nerveuses surviennent dans un contexte inflammatoire et il est difficile de s eparer les composantes inflammatoires et neuropathiques [2] D’un point de vue clinique, il r esulte de cette similitude que les traitements de la douleur neuropathique pourraient ^ etre essay es dans la PC [1]. La pregababline a d’ailleurs montr e son efficacit e dans la PC au cours d’un essai ^ l randomis e contro e. De m^ eme, les premiers essais randomis es sur la stimulation magn etique transcr^ anienne, qui cible la r eorganisation corticale, sont encourageants [5]. Traduction clinique de la sensibilisation périphérique et centrale Dans ce systeme globalement sensibilis e, de simples stimulations physiologiques peuvent ^ etre perçues comme douloureuses. La sensibilisation rendrait compte de la ^mes de la PC lorsque l’inflammation a majorite des sympto cesse. Cette sensibilisation expliquerait certaines douleurs postprandiales qui resulteraient d’un ph enom ene « d’allodynie viscerale » (l’allodynie est une r eponse douloureuse a une stimulation normalement non algique). Chez le patient ayant une PC, « l’allodynie viscerale » peut se traduire par certaines douleurs post-prandiales, secondaires a la minime augmentation de la pression intrapancreatique, liee a l’expansion de l’estomac, et/ou a l’augmentation des secr etions pancr eatiques. Bien evidemment, les autres causes de douleurs post-prandiales doivent ^etre elimin ees notamment une st enose du duodenum, un ulcere, etc. [1]. Une approche conceptuelle permettrait de r econcilier les theories « mecanistiques » et neurobiologiques. Des modifications minimes de pression ou d’inflammation peuvent servir de « d eclencheur de douleurs » si ces minimes stimulations surviennent dans un syst eme globalement sensibilise [24]. ‘‘ 300 La notion de sensibilisation rendrait compte de la majorité des symptômes de la PC ‘‘ En raison des similitudes entre douleur neuropathiques et douleurs de PC, des traitements de la douleur neuropathique ^ tre essayés dans la PC. La pregabaline pourraient e a d’ailleurs montré son efficacité dans la pancréatite chronique ’’ La neuropathie viscérale et les autres troubles gastro-intestinaux Il est possible que des alt erations semblables existent dans d’autres affections digestives (par exemple, dans la maladie de Crohn). La PC repr esenterait simplement un prototype de cette neuropathie visc erale, ce qui aurait des implications majeures pour le traitement de ces autres maladies digestives. ^ tre un « prototype » La PC représente peut-e de neuropathie viscérale, qui existerait dans d’autres pathologies digestives ‘‘ ’’ Causes additionnelles de douleur Il existe de nombreuses autres causes de douleurs dans la PC, telles que les douleurs li ees aux complications (par HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 Douleurs et pancreatite chronique Anomalies du système nerveux central Réorganisation corticale fonctionnelle Sensibilisation centrale corticale Anomalies du système nerveux central Dysfonctionnement des systèmes de modulation de la douleur Autres causes Elévation de la CCK Augmentation du taux de norépinéphrine Neuropathie diabétique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Anomalies du système nerveux central Sensibilisation centrale médullaire Anomalie du système nerveux périphérique « Neuropathie pancréatique » et neuroplasticité Problèmes « mécaniques » Hyperpression d'un canal pancréatique Hyperpression du parenchyme pancréatique Morphologie pancréatique Effets secondaires du traitement « Opioid induced bowel dysfunction » Complications liées à la chirurgie ou l'endoscopie Pullulation bactérienne liée au ralentissement de la motricité intestinale Complications pancréatiques et extrapancréatiques Pseudokyste Obstruction duodénale ou des voies biliaires Ulcère gastro-duodénal Thrombose des veines spléniques Figure 8. Les diff erentes causes possibles de douleur dans la pancreatite chronique. CCK: Cholecystokinin. Source : Poulsen JL, Olesen SS, Malver LP, et al. Pain and chronic pancreatitis: A complex interplay of multiple mechanisms. World J Gastroenterol. 2013. une cause pari exemple, un pseudo-kyste) [4], a etale (notamment, s’il y a eu des cicatrices chirurgicales [8] ou une inflammation extensive, s’ etendant au-del a du pancreas, et atteignant la paroi [29]). Les douleurs peuvent egalement ^etre d’origine iatrog ene [4], etc. La figure 8 synthetise les differentes causes de douleurs de façon, non exhaustive. ‘‘ La douleur de la pancréatite chronique a une origine multifactorielle et il est nécessaire d’adopter une attitude systématique en recherchant notamment, la survenue de complications de la maladie, tels qu’un cancer, un pseudo-kyste, etc. ’’ Conclusion Les theories neurobiologiques ouvrent de nouvelles perspectives therapeutiques. Tout d’abord, le parall ele avec la douleur neuropathique permet d’essayer certains traitements de la douleur neuropathique, tels que la pregabaline, qui a d ej a montr e son efficacit e, ou les tricycliques [1]. En outre, les connaissances r ecemment acquises sur la douleur de la PC montrent qu’il s’agit d’un processus complexe et dynamique. De r ecents travaux sur la sensibilisation centrale soulignent egalement que la douleur de la PC n’est pas n ecessairement circonscrite a l’organe malade. Les modifications du syst eme nerveux central y tiennent un ^le important et insuffisamment ro elucid e. Ces douleurs centrales pourraient s’autonomiser et n ecessiter le d eveloppement de traitements ciblant plus sp ecifiquement la r eorganisation corticale, telle que la stimulation magn etique transcr^ anienne. Enfin, une meilleure connaissance des m ecanismes pr ecis de la pathog enie de la douleur permettra peut^ etre le d eveloppement chez l’homme, d’antagonistes de mol ecules qui sont impliqu ees dans le processus douloureux, tels que, le NGF, la SP, le BDNF, le TRPV1. . . [13]. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 21 n8 4, avril 2014 301 7. Lieb JG 2nd, Forsmark CE. Review article: pain and chronic pancreatitis. Aliment Pharmacol Ther 2009 ; 29 : 706-19. T ake home messages 8. Braganza JM, Lee SH, McCloy RF, et al. Chronic pancreatitis. Lancet 2011 ; 377 : 1184-97. €chler M, Stanescu A, Ditschuneit H. Pancreatic 9. Malfertheiner P, Bu morphology and function in relationship to pain in chronic pancreatitis. Int J Pancreatol 1987 ; 2 : 59-66. ^me le plus fr La douleur est le sympto equent de la pancreatite chronique. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. & & Les m ecanismes de la douleur sont multifactoriels et sont encore mal connus. 10. Frøkjær JB, Olesen SS, Drewes AM. Fibrosis, atrophy, and ductal pathology in chronic pancreatitis are associated with pancreatic function but independent of symptoms. Pancreas 2013 ; 42 : 1182-7. & Le caract ere, intermittent ou permanent, de la douleur impacte davantage sur la qualit e de vie que son intensite. 11. 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