1
23 juin 2008
Médecine générale et santé publique
Le système de santé ne peut pas se passer de la médecine générale. Mais la médecine
générale, ne peut pas, ne pas évoluer. L’hyper spécialisation de la médecine, l’évolution de
la démographie médicale, la concentration des moyens humains et matériels, le poids de
l’institution hospitalière, la complexification des circuits de prise en charge, et la volonté de
maîtrise des budgets de la santé ont fragilisé la médecine de premier recours. Ces
déterminants doivent être contre balancés par la structuration d’une offre de biens de santé
et de soins de proximité, de premier recours et par l’intégration de nouvelles fonctions : des
missions de santé publique pour les médecins généralistes.
Selon la définition européenne de la médecine générale (Wonca Europe 2002, actualisée
en 2005), comme pour les recommandations de l’OMS Europe 1998
1
, la santé publique fait
partie intégrante de son exercice : La médecine générale « […] a une responsabilité
spécifique de santé publique dans la communauté ».
La médecine générale dispose de nombreux atouts : sa proximité géographique avec la
population, sa connaissance de l’environnement, sa répartition encore homogène sur les
territoires, son accessibilité temporelle et financière, sa plasticité et son adaptabilité, etc.
Elle permet d’offrir au plus grand nombre l’accès aux soins, de guider le patient dans le
maquis du système de santé et participe à la prévention au travers d’activités de pratiques
cliniques préventives et de promotion de la santé. L’intégration et la reconnaissance de
missions de santé publique dans le métier des généralistes est susceptible de contribuer à
l’amélioration de l’état de santé des français : amélioration de la qualité des soins, de la
gestion des risques, développement de pratiques cliniques préventives organisées
(vaccinations, dépistages, éducation thérapeutique) et d’activités d’éducation et de
promotion de la santé au plus près des populations.
Placé au centre du système par la réforme du médecin traitant, le médecin généraliste a
un atout majeur : celui de pouvoir assurer le lien entre l’individuel et le collectif par sa
connaissance des individus, ses possibilités d’apprécier l’état de santé d’une population
(dont le plus petit dénominateur commun est sa patientèle) pour laquelle il travaille. Il
relaie, contextualise et personnalise les messages de santé publique de dimension collective
(nationale ou locorégionale) en des messages individualisés, audibles par chacun car émis
dans le langage de chacun. De par cette position d’interlocuteur de confiance, il donne ainsi
à ces messages la meilleure chance d’être reçus et appliqués.
1
Cadre pour le développement professionnel et administratif de la médecine générale médecine de famille- en Europe. OMS Bureau
pour la région Europe, 1998 (EUR/ICP/DL VR 04 01 01 publiée dans Documents de Recherches en médecine générale SFMG, N°54,
septembre 1999 : 28-54
2
Pour que les généralistes développent leur pratique de santé publique, il s’agit de :
- leur permettre de continuer à pouvoir exercer une médecine fondée sur leur savoir-
faire clinique et de dialogue avec leurs patients ;
- les aider à apporter des réponses à leurs patients ;
- les amener à mieux connaître et à mieux structurer leur activité. C’est leur permettre
d’avoir un regard sur l’état de santé de leur patientèle, sur leur pratique, sur la
situation sanitaire du territoire de santé dans lequel ils travaillent, sur leur
environnement. C’est aussi leur permettre de travailler sur un territoire donné en
coordination et d’agir de concert avec les autres acteurs de santé et avec ceux du
champ social ;
- leur donner les moyens de mettre en place des programmes coordonnés de
recherche en santé publique en médecine générale ;
- veiller à ce que la culture « santé publique » fasse partie intégrante des objectifs de la
formation initiale et continue.
Le médecin traitant doit intégrer des attitudes de santé publique d’abord dans sa
patientèle, puis en agrégeant les données issues des actions sur les patientèles de ses
associés voire voisins. Progressivement, il sortira de son cabinet pour intégrer une unité de
santé de proximité qu’il créera de facto avec ses confrères sur un territoire au bénéfice de la
population. Il s’alliera à son rythme et au rythme des nécessités découvertes ensemble aux
autres acteurs de santé publique médicaux et non médicaux.
Des cahiers des charges construits nationalement entre la profession, les autorités de
santé et les experts de santé publique, doivent fixer les cadres « à géométrie variable » de
l’engagement sur les territoires des médecins traitants. Au niveau régional, la création d’un
pôle prévention au sein des agences régionales de santé peut permettre d’y envisager une
gouvernance du pan des activités en santé publique des généralistes.
Ce pragmatisme et cette évolution sur mesure sont les caractéristiques essentielles de la
méthode qui permettra à tous d’intégrer les changements de pratique sans créer des rejets,
au pas de chacun et en respectant les situations locales, pour forger durablement et
efficacement une participation effective de la Médecine Générale à la santé publique.
3
De la patientèle au cabinet à la population sur un territoire
La SFSP recommande, pour que la Médecine Générale s’engage dans des démarches
de santé publique :
I/ Des outils
Une inscription dans la loi des missions de santé publique dévolues au médecin
généraliste.
Un Cahier des charges pour la mise en œuvre de ces missions discuté au niveau
national avec des représentants des généralistes et des experts de santé publique et de
l’organisation des soins définissant la politique publique.
Des cahiers des charges régionaux complémentaires intégrant les spécificités de
chacune des régions : effondrement de la démographie des professionnels de santé,
repérage précoce et interventions brèves face aux comportements à risque, VIH,
toxicomanie, saturnisme…
Un cahier des charges de logiciels médicaux donnant la possibilité aux généralistes
de suivre les principaux indicateurs définis et de participer à la production des
connaissances sur l’état de santé des populations.
La mise à disposition des données existantes provenant de l’assurance-maladie, des
observatoires régionaux de santé, des réseaux de santé, etc.
II/ Une méthode pour favoriser l’engagement des médecins généralistes en santé
publique, fondée sur la possibilité de participer à des actions de façon volontaire et
progressive, grâce à des cahiers des charges souples, modulables et variés.
1/ La progressivité
Le médecin doit pouvoir inscrire son action seulement dans sa patientèle voire dans
une partie de celle-ci. Progressivement, alors qu'il aura pris confiance et aura intégré les
premiers éléments de la démarche en sanpublique, il pourra élargir le périmètre de
son action à une part plus importante de sa patientèle, voire associer son action à celles
d'autres généralistes de son cabinet puis de son territoire, voire à d'autres professionnels
de santé, voire à d'autres acteurs de santé publique.
Il sera passé d'un champ d'observation de sa patientèle à une population et d'un
périmètre limité à une patientèle, pour embrasser une population sur un territoire
(quartier, bassin de vie, territoire de santé…).
Les premiers modèles simples peuvent être constitués par des actions dans le champ
biomédical, pour des pathologies fréquentes, ayant des marges d’amélioration réelle et
reposant sur des recommandations établies, un système d’évaluation simple et des
4
résultats facilement appréciables pour les pouvoirs publics et les généralistes. Les
objectifs doivent être clairs et réalisables, facilement quantifiables et évaluables.
La montée en charge des activités de santé publique doit être progressive. Il convient
d’être attentif à ne pas « charger la barque » des activités des généralistes par
l’introduction de nouvelles tâches trop lourdes. Ces nouvelles tâches doivent prendre en
compte les différents niveaux d’exercice et être vécues comme une amorce du
changement de système susceptible de redonner pour l’avenir, une nouvelle attractivité
au métier de généraliste.
2/ Le volontariat
La prise de conscience d’un problème de santé publique dans une unité de santé de
proximité (un cabinet de groupe, plusieurs cabinets individuels ou de groupe, ou des
cabinets sur une unité géographique donnée proposant des soins et des prestations de
santé à une population), doit au mieux, partir des médecins de base, pour qu’ils
s’approprient la démarche. Si les médecins généralistes prennent conscience qu’il existe
une ou des questions de sanpublique auxquelles les réponses ne sont pas apportées
ou suffisamment prises en charge, l’envie d’y répondre apparaîtra. Cet investissement
sur des missions de santé publique ne peut se faire que sur une base volontaire et
incitative. Il faut montrer aux généralistes, dès leur formation initiale, l’intérêt du regard
de santé publique sur sa patientèle et rendre cette mission comme le métier de
généraliste, attractifs.
3/ Les incitations
Les moyens d’incitation sont de plusieurs ordres :
- des cadres de références associées à des stratégies centrées sur la pratique des
médecins généralistes ;
- l’accès aux données, listings de patients, tableaux de bord de l’état de santé local,
régional ou national ;
- l’allégement des démarches administratives chronophages ;
- une rémunération à « gérer la qualité » sur des critères intégrant des éléments
d’organisation, de procédures et d’efficacité ;
- une rémunération des fonctions de service public (veille sanitaire, gestion des
risques, expertises, concertation avec les instances loco régionales…) ;
- des appels d’offre pour faire émerger des projets locaux permettant de créer et
d’entretenir une dynamique, adaptée à chaque situation et problème de santé ;
- une formation médicale continue fonctionnelle priorisée en national, en régional
mais aussi en local, indemnisée et validante.
- une formation initiale des spécialistes de médecine générale intégrant le champ de la
santé publique et l’utilisation des outils ;
- des appels à projet de recherche en médecine générale / santé publique.
5
4/ Un système de financement mixte : rémunération par forfait plus rémunération à
l’acte permettant la prise en compte et la mise en œuvre des activités de santé
publique des généralistes
L'activité de santé publique du généraliste se fait en partie face au patient (recueil de
données dans le temps, proposition de participation à une action de prévention par
exemple) et, en plus grande partie, hors la présence du patient (analyse des données,
comparaison aux référentiels, aux données collectives, réflexion avec autres acteurs,
etc.). Il s’agit de libérer du temps médecin hors la présence du patient pour qu’il puisse
réaliser les tâches médico-administratives, analytiques, de confrontation avec les autres
partenaires internes et externes, d’évaluation, de recherche, de formation,
d’enseignement, de représentation, etc. Ce temps doit être rémunéré.
La loi de financement de la sécurité sociale de 2008 prévoit des expérimentations en
matière de mode de rémunération. Les médecins doivent pouvoir bénéficier de
rémunérations qui indemnisent leur entrée dans un processus de santé publique, par
leur signature et acceptation d'un niveau minimum d'entrée dans la logique d'un volet
du cahier des charges ou de l'un de ceux possibles. Cette rémunération peut augmenter
en fonction de la complexité des engagements prévus au cahier des charges. La
rémunération peut aussi être proportionnelle au niveau d'engagement quantitatif et aux
résultats de l'action entreprise. Ces propositions de contrats individuels sont les
prémices d’une logique de paiement à la performance.
III/ Un changement de gouvernance régional et national avec :
- au niveau régional, la création d’un pôle prévention au sein des agences régionales
de santé, peut permettre d’y envisager une gouvernance du pan des activités en santé
publique des généralistes. Il est souhaitable que les pôles universitaires de médecine
générale soient pleinement associés à ce dispositif afin d’intégrer les fonctions de
recherche et d’enseignement, clés de l’avenir.
Il convient d’articuler deux logiques : celle du médecin généraliste et de sa patientèle,
premier échelon de ses activités de santé publique inscrites dans le cadre strict du soin,
et celle de programmes de santé publique qui eux s’inscrivent dans une logique de
territoire impliquant de multiples professionnels du champ sanitaire et social. Les ARS
auront à piloter ces deux dimensions.
La mise en place des ARS représente une opportunité pour essayer de réduire le nombre
de territoires institutionnels qui entravent de nombreuses dynamiques de programmes.
- au niveau national, la création d’une mission soins primaires au ministère de la Santé
afin de velopper une organisation des soins et l’utilisation des services de manière
plus rationnelle.
Le budget consacré par la Nation pour munérer les activités de santé publique des
généralistes, devrait être regroupé au sein d’une seule enveloppe pérenne, votée au
Parlement favorisant ainsi la lisibilité de l’effort national, la cohérence des engagements,
leur optimisation et facilitant l’évaluation des mesures cidées, de même que leur
réorientation pertinente.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!