
S.
Beaulieu-Bonneau,
É.
Fortier-Brochu,
C.
M.
Morin
L'insomnie est un problème de santé fort commun.
Plus
de
30
%
des
adultes présentent
des
problèmes de sommeil occasionnels
et près de
10
%souffrent d'insomnie chronique
(1,
2).
Or,
l'insomnie chronique est souvent associée àune détresse
psychologique accrue, à
des
problèmes de santé plus fréquents,
àune moindre qualité de vie, à
un
taux d'absentéisme plus élevé
ainsi qu'à une utilisation plus importante
des
services de santé
(3-5).
La
persistance
des
troubles de sommeil est également
associée àune augmentation du risque de développer
un
épisode de dépression majeure
(6).
Malgré une prévalence
élevée et
des
conséquences significatives
au
quotidien, peu de
patients consultent spécifiquement pour leurs difficultés de
sommeil
(1).
Lorsqu'une consultation est initiée auprès du
médecin de famille,
le
traitement de première intention est
habituellement de nature pharmacologique. Malgré l'efficacité
des médicaments hypnotiques
pour
traiter
les
problèmes
d'insomnie aiguë,
la
pharmacothérapie est plus controversée
pour l'insomnie chronique
en
raison
des
risques accrus de
tolérance, de dépendance et d'effets indésirables.
La
thérapie
cognitivo-comportementale
(TeC)
représente une alternative
non pharmacologique à
la
fois efficace et
sûre
qui peut s'avérer
très utile pour
le
médecin praticien confronté àune plainte
d'insomnie chronique (7,8).
Dans
ce
contexte, cet article
se
veut
une introduction aux différents aspects de
la
prise
en
charge
de l'insomnie chronique selon l'approche cognitivo-
comportementale. Après un survol
des
éléments centraux de
l'évaluation de
la
plainte d'insomnie,
les
principes fondamentaux
et
les
différentes composantes de
la
TeC
seront détaillés, et une
méthode visant àfaciliter
le
sevrage
des
hypnotiques
sera
brièvement présentée.
En
guise de conclusion, quelques
considérations cliniques et pratiques
dont
le
clinicien
doit
tenir
compte afin de favoriser
le
succès thérapeutique seront
discutées.
ÉVALUATION
DE
L'INSOMNIE
Selon
le
Manuel
diagnostique
et
statistique
des
troubles
mentaux
(DSM-IV-TR)
(9),
le
diagnostic d'insomnie repose sur une plainte
de difficultés d'endormissement, de maintien du sommeil ou de
sommeil non réparateur, difficultés qui persistent pendant
au
moins un mois.
Les
perturbations du sommeil ou
les
conséquences diurnes qui ysont associées doivent être à
l'origine
d'une
détresse marquée ou
d'une
altération du
fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines
importants.
Compte tenu du taux peu élevé de consultations spontanées
pour
les
problèmes de sommeil,
il
est souhaitable qu'une brève
évaluation du sommeil soit incluse d'emblée dans l'examen de
routine effectué par
le
médecin
(10).
Lorsqu'une difficulté de
sommeil est ainsi mise
en
évidence, certaines questions-clés
doivent
permettre d'en
obtenir
un tableau plus détaillé.
L'entretien clinique
doit
notamment
être posées afin de
caractériser
la
nature de
la
plainte d'insomnie (par
ex.,
problème
d'initiation et/ou de maintien du sommeil), l'horaire veille-
sommeil du patient (par
ex.,
heure d'endormissement, heure du
MEDECINE
DU
SOMMEIL
-
Année
4-
Janvier
-
Février
-
Mars
2007
Prise
en
charge comportementale de l'insomnie chronique
dernier réveil,
siestes),
les
conséquences de l'insomnie (par
ex.,
difficultés de concentration, fatigue, irritabilité), de même que
l'évolution temporelle de l'insomnie (par
ex.,
élément
déclencheur, durée, caractère persistant ou épisodique).
Insomnie
primaire
ou
co
morbide
Une fois
la
présence d'insomnie établie,
le
praticien devra
évaluer
s'il
s'agit d'une insomnie primaire ou associée àune
autre condition.
Le
diagnostic d'insomnie primaire peut être
posé lorsque
la
perturbation du sommeil
ne
survient
pas
exclusivement dans
le
contexte d'une autre pathologie du
sommeil, d'un autre trouble mental ou d'une affection médicale,
et
n'est
pas
liée aux effets physiologiques directs d'une
substance.
Dans
une perspective de diagnostic différentiel,
le
clinicien devra également rechercher
la
présence de symptômes
d'autres pathologies du sommeil (par
ex.,
apnée du sommeil,
mouvements périodiques
des
jambes), ainsi que
les
antécédents
médicaux et psychiatriques.
La
prise de médicaments pour
favoriser
le
sommeil, l'utilisation de substances (par
ex.,
alcool),
ainsi que
les
habitudes de vie (par
ex.,
exercice physique) doivent
également être évaluées
(11).
Agenda
du
sommeil
En
plus de l'entretien clinique du patient,
le
recours àl'agenda
du sommeil s'avère indispensable afin de caractériser l'horaire
veille-sommeil
du
patient, ainsi que
les
variations de
son
sommeil d'une nuit àl'autre. Àl'aide de cet agenda,
le
patient
doit
noter
quotidiennement
les
informations suivantes,
idéalement pendant une période d'une àdeux semaines avant
d'initier
le
traitement et pendant toute
la
durée du traitement:
heures et durées
des
siestes,
usage de médicaments ou d'alcool,
heure du coucher, estimation du temps nécessaire
pour
s'endormir, nombre et durée
des
éveils nocturnes, heure du
réveil et du lever, estimation de
la
qualité subjective du sommeil.
Ces
données pourront par
la
suite être utilisées pour établir un
niveau de
base
et évaluer
les
progrès du patient
au
cours du
traitement. Cet outil permettra également d'effectuer
l'ajustement hebdomadaire
des
procédures de restriction du
temps
au
lit
décrites plus loin. L'évaluation polysomno-
graphique peut être utile pour objectiver
la
plainte du
patient;
toutefois, cette évaluation est habituellement indiquée
uniquement lorsque l'entretien clinique
laisse
soupçonner
la
présence d'un autre trouble du sommeil
(12).
THERAPIE
COGNITIVO-COMPORTEMENTALE
Principes,
indications
et
objectifs
thérapeutiques
Le
déclenchement et l'évolution de l'insomnie dans
le
temps
reposent sur l'interaction de facteurs prédisposants, précipitants
et de maintien
(13).
Initialement, l'insomnie apparaît souvent
en
réaction àun événement de vie stressant (par
ex.,
deuil,
problèmes familiaux, difficultés
au
travail, etc). Pour
la
plupart
des
sujets,
le
sommeil retourne à
la
normale
avec
la
disparition
de l'événement précipitant ou
avec
l'adaptation à
la
situation
perturbatrice.
Or,
chez certaines personnes, particulièrement
5