Patients âgés traités par chimiothérapie
Apports d’une approche
interdisciplinaire*
Rose-Anna Foleya, Claire Ansermetb, Annick Anchisic, Sandro Anchisid
a Dr Anthropologie médicale; b MAS Travail social; c Dr Sociologie – Haute Ecole Santé Vaud (HESAV), Lausanne;
d Oncologue, médecin chef du département de médecine interne et gériatrie du CHVR, Hôpital du Valais
Cette contribution retrace un processus de recherche
ayant amené des chercheur-e-s des sciences sociales
de la HES-SO et des professionnels du service d’onco-
logie du Centre Hospitalier du Valais Romand à colla-
borer. Depuis 2005, deux études nancées par le
Fonds national suisse de la recherche ont été réalisées
par cette équipe interdisciplinaire et une troisième
soutenue par la Fondation Pallium est en cours. Toutes
les études rapportées ici ont été acceptées par la Com-
mission cantonale valaisanne d’éthique médicale.
Nous nous sommes intéressés à la population des
personnes âgées de 70 ans et plus (ci-après: âgées)
atteintes de cancer, en situation curative ou palliative,
et en traitement de chimiothérapie. Jusque dans les
années 2000, année de la création de la SIOG (Société
Internationale d’Oncogériatrie), les personnes âgées
étaient largement exclues des études en oncologie
médicale. Notre hypothèse de départ était que, bien
que cette population puisse être dans une période de
fragilité, elle a une compréhension et un regard sur la
maladie, les traitements, elle organise et aménage son
quotidien autour d’un projet thérapeutique établi avec
le corps médical. Les trois recherches ont en commun
une méthodologie qualitative basée sur des entretiens
approfondis et des observations à domicile. Cette ap-
proche est adaptée aux recherches visant à recueillir
des données sur les perceptions et les expériences
des personnes concernant un objet, sur les comporte-
ments qu’elles adoptent ainsi que sur les attitudes
manifestées. Notre intérêt était donc double: contri-
buer à une meilleure connaissance du champ de l’on-
cogériatrie et élargir la perspective médico-soignante
aux aspects de la sociologie et de l’anthropologie.
Chaque étude a abouti à des résultats qui ont permis
des changements dans la pratique oncologique du ser-
vice partenaire, en démarrant des études connexes ou
en sensibilisant à la perspective de la personne soi-
gnée par le biais de restitutions et d’articles scienti-
ques. Les résultats ont à leur tour permis d’élaborer
de nouveaux questionnements et de monter une suite
cohérente et logique de projets de recherche.
Cancer et vieillesse:
sortir des représentations négatives
L’origine de ces recherches repose sur le constat qu’il
existe d’importants stéréotypes liés au couple théma-
tique «vieillesse et cancer» duquel résultent des réti-
cences tant de la part des professionnels de la santé
à traiter les patients âgés, que des personnes âgées
elles-mêmes renonçant parfois à consulter ou se faire
traiter. Les arguments qui font obstacle aux traite-
ments des personnes âgées atteintes de cancer sont
de trois ordres:
– premièrement, les obstacles relatifs aux profes-
sionnels qui cumulent les représentations néga-
tives de la vieillesse (âgisme) et du cancer [1]*;
– deuxièmement, les obstacles liés aux patients eux-
mêmes [2] qui tendent à attribuer les divers symp-
Résumé
Cet article retrace une recherche qualitative de trois études avec une colla-
boration entre chercheurs des sciences humaines et sociales de la HES-SO
et des professionnels d’un service d’oncologie. La population âgée atteinte
de cancer se situe au centre. Les résultats ont pour but de contribuer à une
meilleure connaissance du champ de l’oncogériatrie et d’élargir la perspec-
tive médico-soignante aux aspects de la sociologie et de l’anthropologie.
Ils ébranlent entre autres les représentations du cancer et de la vieillesse,
et ainsi différents changements dans la pratique oncologique du service
partenaire ont été possibles. Le cancer n’est plus toujours synonyme de
souffrance et de mort. Les patients traités restent actifs et l’autonomie et
l’indépendance sont importantes pour la personne malade. Il s’agit de
maintenir le dialogue entre les approches médico-soignantes et les
sciences sociales pour mieux comprendre les problématiques spécifiques
à cette population.
Des spécialistes en sciences humaines et sociales réalisent, dans des hautes écoles et
des instituts cliniques suisses, des projets de recherche dont les résultats sont impor-
tants pour l’activité médicale. Au printemps 2014, les Académies suisses des sciences
ont lancé un appel d’offres dans le but de démontrer le bénéfice de ces recherches
pour la pratique médicale et de soins et de faire connaître les principaux résultats des
recherches dans le domaine des «Medical Humanities». Les quatre premiers travaux
seront publiés dans le BMS. Informations sur les lauréats sous www.akademien-
schweiz.ch/medhum
* Première place du
«Call for Paper in Medical
Humanities» (cf. cadre)
BULLETIN DES MÉDECINS SUISSES – SCHWEIZERISCHE ÄRZTEZEITUNG – BOLLETTINO DEI MEDICI SVIZZERI 2015;96(4):94–97
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