nourrissons nos microbes de l`intestin pour

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INSTITUT DANONE ‐ PRIX DU MEILLEUR ARTICLE SCIENTIFIQUE À DESTINATION DU GRAND PUBLIC NOURRISSONS NOS MICROBES DE L’INTESTIN POUR COMBATTRE LA PERTE DE POIDS ASSOCIEE AU CANCER. LAURE BINDELS Notre intestin abrite cent mille milliards (100 000 000 000 000 !) de bactéries, ce qui signifie que notre corps est composé à 90% de bactéries. Contrairement à ce que les scientifiques ont pensé pendant des années, ces bactéries jouent un rôle important pour notre santé. En effet, les recherches menées ces dernières années montrent que ces bactéries interagissent avec notre corps pour réguler de nombreux processus physiologiques. Par exemple, ces millions de bactéries présentes dans notre intestin, appelées collectivement « le microbiote intestinal », nous aident à absorber certaines vitamines, permettent de combattre les infections intestinales et influencent notre balance énergétique. De nombreuses études, réalisées chez la souris et chez l’homme, suggèrent un rôle essentiel de ces bactéries intestinales dans différentes maladies telles que la maladie de Crohn, l’obésité, le diabète, la malnutrition et le cancer du colon. Il semblerait que la composition et l’activité de notre microbiote intestinal seraient différentes chez les patients atteints de ces maladies. Pour cette raison, il a été proposé que le microbiote intestinal puisse constituer une cible thérapeutique intéressante. Différent outils sont à présent à notre disposition pour influencer la composition et l’activité de notre microbiote intestinal. Parmi ces outils, les plus répandus actuellement sont les probiotiques et les prébiotiques. Les probiotiques sont des micro‐organismes vivants qui, lorsqu’ils sont administrés en quantité adéquate, confèrent un bénéfice « santé » à la personne qui les consomme. Les prébiotiques sont des composés non digestibles qui sont fermentés par les micro‐
organismes de l’intestin et par là, favorisent la croissance de bactéries qui exercent un effet physiologique bénéfique sur la personne qui les consomme. Puisque le microbiote influence la balance énergétique de son hôte (la personne qui abrite ce microbiote), nous avons posé l’hypothèse que le microbiote pourrait jouer un rôle dans la perte de poids associée au cancer. Il est bien connu que certains cancers sont associés avec une perte de poids, ce qui est d’ailleurs une des raisons qui peut pousser les patients à consulter leur médecin et mener au diagnostic de cancer. Cette perte de poids peut être due à la baisse d’appétit mais aussi au métabolisme perturbé de ces patients cancéreux (perte de masse grasse, fonte musculaire, inflammation). Il faut savoir qu’une perte de poids trop importante peut empêcher les patients de suivre de façon adéquate leur traitement anticancéreux et serait responsable de la mort de 25% d’entre eux. Réduire la perte de poids associée au cancer est donc essentielle, et pourquoi pas en agissant sur les bactéries de l’intestin ? En utilisant un modèle expérimental de leucémie avec perte de poids, nous avons pu mettre en évidence que la composition du microbiote intestinal des souris leucémiques était différente de celle des souris témoins. Spécifiquement, nous avons découvert que le nombre de certaines bactéries, de la famille des lactobacilles, était diminué chez les souris leucémiques. De façon intéressante, nous avons observé que restaurer les taux de lactobacilles en administrant des candidats probiotiques permettait de réduire certaines altérations liées à la perte de poids (inflammation, fonte musculaire). Par la suite, nous nous sommes demandé si l’administration de certains prébiotiques permettrait aussi d’influencer la perte de poids liés au cancer. Nous avons donc testé deux composés : l’inuline (un prébiotique reconnu) et un dérivé de la pectine (un candidat prébiotique). L’inuline peut être isolée de la racine de chicorée et la pectine est présente dans les pommes et la pulpe de betterave. L’administration d’inuline à des souris leucémiques a changé la composition et l’activité du microbiote intestinal et a permis de diminuer la prolifération des cellules leucémiques dans le foie. Nos données montrent que l’inuline exerce ses propriétés anticancéreuses en stimulant la production de composés microbiens capables de passer dans le sang des souris et d’atteindre le foie, où ils diminuent la prolifération des cellules leucémiques. De façon très intéressante, l’administration du dérivé de la pectine a également influencé la composition du microbiote mais de façon complètement différente de l’inuline. De plus, ce composé n’a pas eu les effets anti‐cancer de l’inuline mais a permis de réduire de moitié la perte de masse grasse observée chez les souris leucémiques. Enfin, nos derniers résultats suggèrent que l’administration combinée d’un dérivé de l’inuline et de lactobacilles à des souris leucémiques permet d’augmenter la durée de vie de ces souris. Sur base de ces résultats positifs et novateurs, nous avons lancé récemment une étude clinique visant à étudier les bactéries intestinales chez des patients leucémiques. Notre but est d’évaluer la composition et l’activité du microbiote intestinal chez ces patients, et ce afin de déterminer quels sont les outils (prébiotiques, probiotiques ?) qui seraient à même de conférer un bénéfice aux patients cancéreux en termes de perte de poids, d’inflammation et d’appétit. Les lactobacilles, l’inuline et les dérivés de la pectine sont d’ores et déjà des approches prometteuses dans ce domaine. Référencedesarticlesévoqués
Unrésuméestfourniuniquementpourlesdeuxarticlesprincipaux.
 BindelsLB,NeyrinckAM,SalazarN,TaminiauB,DruartC,MuccioliGG,Francois
E,BleckerC,RichelA,DaubeG,MahillonJ,delosReyes‐GavilanCG,CaniPD,
DelzenneNM.NonDigestibleOligosaccharidesModulatetheGutMicrobiota
toControltheDevelopmentofLeukemiaandAssociatedCachexiainMice,
PLoSOne,2015.(Publiéle22juin2015).
Nos travaux de recherche précédents ont mis en évidence des changements de la
compositiondumicrobioteintestinaldansun modèlemurindeleucémie,caractérisé pardela
cachexie(pertedepoids,atrophiemusculaire,pertedemassegrasses,anorexie).
Danscetarticle,nousmettonsenévidencel’intérêtd’unemodulationdelacomposition
dumicrobiotevialaconsommationd’oligosaccharidesnondigestibles(dérivésdelapectineet
inuline) dans ce modèle de leucémie et cachexie. En utilisant des méthodes de pointe (e.g.
séquencage, HPLC‐MS/MS, GC‐FID), nous montrons que ces composés modulent de façon
différentiellelacompositionetl’activitédumicrobiote,etlaphysiologiedel’hôte.
(i)
Les dérivés de la pectine favorisent la croissance d’une bactérie (Bacteroides
dorei)etcontrentlapertedemassegrasse.
(ii)
L’inuline réduit la prolifération des cellules leucémiques dans le foie. Nos
données démontrent que l’administration d’inuline mène à l’augmentation des
tauxdepropionateetbutyratedanslesangmenantaufoie,oùilsexercenttous
deuxuneffetdirectsurlaproliférationdescellulesleucémiques.

BindelsLB,DelzenneNM,CaniPD,WalterJ.Towardsamorecomprehensive
conceptforprebiotics,NatRevGastroenterolHepatol,2015.(Publiéle31mars
2015).
Leconceptdeprébiotiqueaétédéfiniilyatoutjuste20ansparlesProfesseursMarcel
Roberfroid(Professeuréméritedansmonlaboratoire)etGlennGibson.
Dans cet article d’opinion, mes collègues et moi‐même partageons nos interrogations
quant à la pertinence de la définition actuelle des prébiotiques. Sur base des dernières
découvertesmenéesauseindenoslaboratoiresetdeparlemonde,nousproposonsd’élargirce
concept de prébiotiques afin qu’il puisse accommoder au mieux les dernières découvertes
scientifiquesetfournirunespacedetravailauseinduquellepotentiel«santé»desprébiotiques
peutêtreexploitédefaçonoptimale.
BindelsLB,PorporatoP,DewulfEM,VerraxJ,NeyrinckAM,MartinJC,ScottKP,BucCP,
FeronO,MuccioliGG,SonveauxP,CaniPD,DelzenneNM.Gutmicrobiota‐derived
propionatereducescancercellproliferationintheliver,BrJCancer,2012:1337‐
1344.
BindelsLB,BeckR,SchakmanO,MartinJC,DeBackerFC,SohetFM,DewulfEM,
PachikianBD,NeyrinckAM,ThissenJP,VerraxJ,CalderonPB,PotB,GrangetteC,Cani
PD,DelzenneNM.RestoringSpecificLactobacilliLevelsDecreasesInflammation
andMuscleAtrophyMarkersinanAcuteLeukemiaMouseModel,PLoSOne,2012.
Laure Bindels, PharmD, PhD FNRS Post‐Doctoral Researcher Université catholique de Louvain [email protected] http://www.uclouvain.be/en‐269734.html 
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