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Delphine Lemonnier-Texier
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terms. It is, therefore, not a valid question. Beckett gives the actors problems
of performance, not of interpretation. »
L’étude du corps dans Endgame montre que « le corps du personnage becket-
tien répond […] à une triple logique : il est aussi anonyme que possible, avec un
visage grimé et un regard fi gé ou absent, il expose sa difformité et ses dysfonc-
tionnements – souvent répugnants – et il souligne le caractère artifi ciel, théâtra-
lisé, de son existence sur la scène, par l’absence de toute apparence possible
de naturel ». Alors qu’il constitue un élément central du plateau, c’est parado-
xalement par le récit que le corps se donne à voir « dans une dialectique de la
présence et de l’absence : en bonne partie caché, sur scène, par les vêtements
ou les poubelles, le corps du personnage est complété par le récit ». Du corps
montré au corps raconté, c’est en tant qu’instrument à mesurer le temps, au fi l
de sa déchéance, que s’inscrit le corps dans l’univers des personnages.
Le mouvement dans Endgame est à tel point codifi é qu’il ne laisse aucune
place à la spontanéité du comédien, comme le montre Charlotta Palmstierna
Einarsson, ce qui pose un certain nombre de problèmes de mise en scène :
« Among the diffi culties that the interpreter of the written script of Endgame
must face is the fact that the play is meant to be experienced, not read, and
within the structure of the performance, signifi cances and meanings come
to bear on each other through elliptic patterns. » C’est ainsi que tout ce qui
est relatif aux déplacements acquiert, dans la pièce, une fonction spécifi que :
« Immobility and mobility are foregrounded to be perceived as anomalies
which the spectator cannot but notice and speculate about. » Cette façon
de défamiliariser le mouvement est au cœur même de la stratégie de Beckett
consistant à inciter le spectateur à utiliser d’autres ressources dans son proces-
sus de réception, dans sa quête de sens.
Herbert Blau revient sur son expérience de première main dans la mise en
scène d’Endgame pour souligner le contraste structurel avec Godot : « Only
Beckett is Beckett, but not all Beckett is the same, within the dramaturgical
spectrum of universal grayness. There are improvisational appearances in all
his texts, but not all improvisation is alike either, being a function of the
psychic mechanisms at work. » C’est par le biais de Shakespeare qu’il éclaire le
fonctionnement de Clov : « [he] functions like a kind of extension or exacerba-
tion of the “ratiocinative meditativeness” that Coleridge attributed to Hamlet,
an impacted fi gure (as a tooth is impacted) of the Hamletic condition. As when
Hamlet fi nally kills the king, he does so out of maximum indecisiveness, as a
refl ex against the near-crippling inability to act. No wonder Clov lurches when
he walks, as if he were impelled only by stasis itself. » C’est le performatif qui
fait sens, en tant que tel : « Things make sense, if you want to make sense,
but they also have to have a performative sense. »
[« Lectures de Endgame / Fin de partie de Samuel Beckett », D. Lemonnier-Texier, B. Prost et G. Chevallier (dir.)]
[Presses universitaires de Rennes, 2009, www.pur-editions.fr]