:UNIVERSITE
DBS
SCIENCES 5OCIALES (GRENOBLE
II)
U.E.R.
DE
PSYCHOLOGIE
ET
DES
SCIENCES
DE
L'EDUCATION
LABORATOIRE
DE
PSYCHOLOGIE
EXPERIMENTALE
j***
6
9tale
47 x
38040
Grenoble
Cedex
_______________
Tel.
(76)
42.57.27
B&timent
sciences
humaines
et
mathematiques
PSYCHOLOGIE
COGNITIVE,
SCIENCE
COGNITIVE
ET
COGNITIVISME
par
Guy
TIBERGHIEN
ERA
CWKS
796
"Ptydiologiz
G&niialz
<Lt
Composite
dm
dive.loppzme.nt
Depuis
une
vingtaine
d'ann^es
aux
USA,
et
depuis
une
dizaine
d'annees
dans
notre
propre
pays,
le
developpement
du
concept
de
"cognition"
s'est
ave-
re
aussi
irresistible
en
psychologie
que
le
concept
de
"behavior"
au
debut
de
ce
siecle.
On
ne
compte
plus
le
nombre
d'equipes
de
recherche,
de
groupes
de
travail,
de
laboratoires,
de
revues
et de
manuels
qui
ont
estime"
necessaire
d'ajouter
un
tel
predicat
&
leur
raison
sociale.
II
n'est
peut-Stre
pas
exagere
de
parler
£
ce
propos
de
"revolution"
et
1'essor
de
la
psychologie
cognitive
n'est
pas
sans
evoquer
1'essor
prodigieux
de
la
psychologie
com-
portementale
au
cours
de
vingt
premieres
annees
du
siecle.
Cette
transfor-
mation
de la
psychologie
souleve
de
nombreux problemes
d'ordre scientifiques,
epistemologiques
et
m§me
socio-politiques.
Nous
voudrions
ici
evoquer
quelques
uns
de
ces
problemes
dont
on
ne
peut
occulter
en
permanence
la
discussion
sans
risque
s£rieux
de
provoquer
a
terme
de
graves
tensions
dans
le
champ
de
la
psychologie.
De
telles
tensions
peuvent
tres
bien.
aboutir,
dans
un
avenir
proche,
£
un
edatement
de
la
psychologie
voire
meme
&
sa
disparition,
de
facto,
en
tant
que
champ
autonome
de
connaissances.
II
serait
difficile
de
pretendre
qu'il
n'y
ait
pas
eu
de
signes
precurseurs
de
cette
crise
majeure
(H.
BLOCH,
FRAISSE,
IMBERTY,
LE
NY,
SPERANDIO,
1978
;
PECHEUX,
1979).
La
comprehension
de
ces
difficult£s
passe
en
partie,
pour
le
secteur
de la
psychologie
exp^rimentale
qui
nous
concerne
ici,
par
une
reflexion
sur
le
concept
de
cognition
et
sur
les
relations parfois ambigues
et
souvent
implicites
entre
la
psychologie
cognitive,
la
science
cognitive
et
le
cogni-
tivisme.
L'objectif
que
nous
poursuivons
en
publiant
ces
quelques reflexions
n'est
evidemment
pas
dlapporter
des
reponses
aux
problemes
difficiles
qui
se
posent
en
ce
moment
& la
psychologie mais
de
tenter
d'en
cerner
plus
precisement
1'origine
et
la
signification.
I
-
DE
LA
PSYCHOLOGIE
DU
COMPORTEMENT
A
LA
PSYCHOLOGIE
COGNITIVE
II
est
classique d'opposer
la
psychologie
cognitive
a
la
psychologie
du
comportement.
Toutefois
une
telle
opposition
n'est
que
partiellement
per-
tinente.
Certes
la
psychologie cognitive
est
fondamentalement
concernee
par
les
activites inobservables
qui
s'intercalent
entre
les
stimulus
et
les
comporte-
* */ *
rnents.
II
est
done
evident
que
la
speficite
de
la
psychologic
cognitive
ne
pro-
vient
pas
de
Voriginalite
particuliere
de
son
objet
d'etude
qui
n'est autre
que
celui
de
la
science
du
comportement.
Son
caractere
specifique
provient
plu-
t6t
d'une
nouvelle
conception
de
la
structure
meme
du
champ
de
la
psycho!
og-ie.
La
psychologic
generale
experimentale
avait
pour
habitude,
suivant
en cela
la
tradition
philosophique,
de
de"couper
son
champ
d'etude
en
un
certain
nombre
d'entit§s
apparemment
bien
d§finies
:
sensation, perception,
memoire,
apprentis-
sage,
etc...
(1).
La
psychologic
cognitive
va
profondement
restructurer
ce
champ
< »
et
elle
va
lui
donner
une
tr§s
forte
unit§
en
1'articulant
autour
du
concept
unificateur
de
"connaissance".
L'objet
de
la
psychologic
cognitive
se
reduit
done
a
la
connaissance
et
il
est
important
de
preciser
qu'il
s'agit
ici
de
connaissance
"vivante".
Une
telle
restructuration
s'est
operee
principalement
en
reaction
aux
innombrables
difficultes
rencontrees
par
la
psychologie
du
comportement
quand
elle
a
voulu
rendre
compte
theoriquement
de
la
complexite
du
langage
humain.
Get
objet
particulier
etait
sans
doute
le
plus
apte
a
demon-
trer
la
subtile
interaction entre
perception,
memoire, apprentissage
et
intel-
ligence.
La
psychologie
cognitive
rfcsulte
done
incontestablement
de
la
conver-
gence
entre
les
progr§s
de
la
linguistique
et
les
d§boires
de
la
psychologie
orthodoxe
du
comportement
(2).
Nous
reviendrons
ulterieurement
sur
cette
genese
linguistique
de
la
psychologie
cognitive
$t
sur
ses
consequences
actuelles.
Mais
il
convient
prSalablement
de
porter
notre
attention
au
concept
de
"cogni-
tion"
qui
n'est
peut-etre
pas
seulement
un
concept
unificateur.
Le
concept
de
connaissances
est
certainement
le
concept
le
plus
fon-
damental
de
la
reflexion
philosophique
mais
c'est
aussi
le
plus
complexe
et
le
plus
ambigii.
Certains
philosophes
reconnaissant
meme
qu'il
est
"indSfinissable"
(Piguet,
1960).
C'est
cependant
cet
objet
insaisissable
que
la
psychologie
co-
gnitive
se
propose
non
seulement
de
d§finir
mais
aussi
d'y.
e'efeemer
tout
le
psychologique.
La
cognition
de
la
psychologie
cognitive
se
reduit
a"
la
connais-
sance
"sensible"
et
"rationnelle".
La
psychologie
cognitive
a
done
volontaire-
ment
choisi
d'exclure,
provisoirement
ou
definitivement,
de
son
champ
d
1
inves-
tigation
Taspect
motivationnel
des
conduites.
Certes
d'autres
psychologies
ont
effectue
le
choix
oppose
mais
ceci
n'excuse
pas
cela
et
une
telle
option
•(I)
II
est
tout
a
fait
instructif
a
ce
sujet
de
comparer
la
table
des
matieres
du
manuel
de
psychologie
experimentale
d'Osgood
(1953),a
celle
du
traits
de
psychologie
de
Lindsay
et
Norman
(1980).
(2)
Les
origines
du
"Journal
of
Verbal
Learning
and
Verbal
Behavior"
constituent
sans
doute
1'un
des
meilleurs
reySlateurs
des
conditions scientifiques
et
sociales
qui
ont
entour^es
la
naissance
de
la
psychologie cognitive
(Cofer,
1978).
epistemologique
est
evidemment
lourde
de
consequences
pour
1'avenir
de
la
psy-
chologie
et
pour
son
unite.
La
psychologic cognitive
a
done;
de
ce
point
de
vue,
limite
le
domaine
de
la
psychologic
et
redouble
incontestablement
1'opposition
methodologique
ancienne entre
psychologic
clinique
et
psychologic
experimentale.
II
s'agit
la
d'un
probleme
lancinant
de
Thistoire
de
la
psychologie
et
1'on
peut
se
demander
si
cette
schizophrenic
epistemologique
dont
sont
frappes
de
nombreux psychologues,
experimentalistes
ou
cliniciens,
ne
constitue
pas
1'obsta-
cle
essential
au
developpement
d'une psychologie
autbentiquement
scientifique.
En
definitive
ce
qui
caracterise
la
psychologie
cognitive
n'est
certai-
nement
pas
la
methode
d
1
investigation
qu'elle
preconise
(jusqu'S preuve
du
contraire
elle
se
reclame
toujours
de
la
methodologie
experimentale)
;
ce
n'est
certainement
pas
non
plus
1'abandon
de
Tune
des
references
essentielles
de
la
psychologie
du
comportement
(la
psychologie
cognitude
est
toujours
fondSe
sur
1'etude
des
relations
fonctionnelles
entre
observables).
Qu'est-ce
done
qui
caracterise
vraiment
la
psychologie
cognitive
?
A
notre
avis
ce
qui
caracterise
essentiellement
la
psychologie
cognitive
c'est
la
nouvelle
forme
de
synthese
theorique
qu'elle preconise
entre
les
anciennes
facultes
et
la
restriction,
vo-
lontaire
ou
non,
de
ses
fecherches
3
la
dimension
rationnelle
de
1'activite
psychologique
humaine.
Cette
remise
en
cause
de
la
definition
du
psychologique
subit
d'ailleurs
une
nouyeHle
mutation
dont
1'origine
peut
etre localisee,
tout
au
mo
ins
aux USA,
vers
le
milieu
des
annees
soixante.
Avant
de
s'interesser
S
cette
mutation
il
convient
d'accorder
quel-
qu'importance
a
1'un
de
ses
determinants
majeurs
:
le
developpement
de
la
tech-
nologic
informatique.
II
est
vraisemblable
que
c'est
essentiellement
1'introduc-
tion
du
concept
"d
1
information"
dans
le
champ
de
la
psychologie
qui
a
rendu
pos-
sible
la
remise
en
cause
de
la
classification
universellement
reconnue
des
gran-
des
fonctions
psychiques.
La
psychologie
cognitive
a
largement
contribue
a
la
reduction
metaphorique
du
psychisme
a
un
systeme
complexe
de
traitement
cyber-
netique
operant
sur
des
representations
mentales
assimilees
a
des
informations
decomposables.
L'un
des
prototypes
les
plus
fameux
de
cette
operation
est
le
modele
propose
par
Atkinson
et
Shiffnin
(1968)
afin
de:eendre
compte
de
la
me-
memoire
humaine
5
partir
d'une
architecture
resolument
informatique
(1).
Et
cependant
il
est
5
craindre
que,
sorti
de
sa
definition
strictement
electronique,
le
concept
d
1
information
soit
victime
de
sa
popularite
et du
degre
d'extension
(1)
Les
metaphores
informatiques
ont
litteralement
envahi
la
psychologie
experi-
mentale.
II
est
classique
maintenant
de
parler
de
"traitement
de
1'informa-
tion"
mais
certains
chercheurs
n'hesitent
plus
a
parler
de
software
ou
d
1
hardware
humain
(Blackmore,
1981).
qu'il
doit
sublr
(Watkins,
1981).
Ce
qui
differencie
1'information
electronique
de
1'information
neurologique,
genetique
ou
mnesique
est
sans
doute
plus
impor-
tant
que
ce
qui
les
rapproche
semantiquement.
Le
concept
d'information
a
paf-
fois des
connotations typement
empiro-criticistes
et
il
n'est
pas
sans
rappeler
ces
"
complexes
de
-qualites"
dont Mach
considerait
que
la
realite
materielle
ou
immaterielle
dependait
du
point
de
vue
de
1'observateur
(Lenine
1909
;
Kolanows
ki,
1966)
1
Cette
importation
massive
du
mode
de
pensee
et
de
la
technologic
informatique
ne se
limite
d'ailleurs
pas
a
la
psychologic
etid'autres
secteurs
sont
largement
influences
comme
la
logique
ou
la
linguistique
par
example
.
C'est d'ailleurs
cette
redoutable
efficacite
technique-,
dont
les
retombees
econ
miques
sous
forme
de
marches
et
de
contrats
sont
evidents,
qui
rend
compte
en
derniere
analyse
de
la
destabilisation
d'une
partie
importante
du
secteur
des
sciences
dites
humaines.
Une
nouvelle
"science"
est-elle
en
train
de
voir
le
jour
ou
ne
s'agit-il
que
de
perip§ties
dominies
bien
plus
par des
rapports
de
force
economiques
que
par
de
strictes
considerations scientifiques
?
-
DE
LA
PSYCHOLOGIE
COGNITIVE
A
LA
SCIENCE
COGNITIVE
L'objet
de
la
Science
Cognitive
(computer
science
?
Intellective'?
Cogitologie
!....)
n'est
pas
encore
facile
a
delimiter
roais,
en
premiere
approxi
mation,
on
peut
considerer
que
son
programme
de
recherche
consiste
a
etujdi'er.
1'organisation
et
le
traitement
de
1'information
quels que
soient
les_systemes
materiels
consider^s.
L'ambition
de
la
Science
cognitive
est
d'elaborer
tiee
veritable
systemique
ou,
si
1'on
prefere,
une
Science
des
systemes
fondee
sur
les
possibilites
offertes
par
la
technologic informatique
et
permettant
de
defi
nir
une
veritable
"competence
cognitive"
subsumant
les
realisations
cognitives
nature!les
ou
artificielles.
En
d'autres
termes
il
s'agit
peut-etre
d'utiliser
1'outil
et
la
logique
informatiques
comme
modele
ultime
de
1'intelligence
dans
ses
manifestations
les
plus
diverses
(Boden,
1977,p.
17).
Cette
intelligence
artificielle"
serait informee
par
une
epistemo-logique
que
1'on
peut
concevoir
comme
une
veritable
meta-cognition
et
elle
permettrait
d'expliquer
et
de
pro-
»
duire
les
"performances
cognitives"
dans
divers
systdmes
materiels.
De
telles
performances
de
perception,
comprehension,
production
et
resolution
de
problemei
pourraient
se
realiser
dans
les
systemes
psycho
ou
socio-biologiques
(etudies
par
les
neuro-sciences,
la
linguistique,
la
psychologie,
la
sociologie)
ou
dans
les
systemes physiques
construits
et
etudies
par
les
sciences
de
Tingenieur
(robotique,
automatique,
dialogue
en
langage
naturel
ou
quasi-nature!,
bases
de
donnees,
systemes
d'aide
a
la
creation,
systemes-experts).
II
s'agtt
done
d'une
|
science
dont
la
structure est
loin
d'etre
stable
et
repose
sur
de
multiples
inter-relations
entre
diverses
disciplines
(Kelemen,
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