Infections materno-fœtales : difficultés

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Synthèse
Ann Biol Clin 2013 ; 71 (spécial 1) : 5-18
Infections materno-fœtales : difficultés diagnostiques
et prise en charge maternelle
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017.
Infections transmitted from the mother to the fetus: diagnostic issues
and management of pregnancy
Christelle Vauloup-Fellous
Elise Bouthry
Liliane Grangeot-Keros
Laboratoire de virologie du GH
Paris-Sud, Centre national de référence
des infections rubéoleuses
materno-fœtales, AP-HP, Hôpital
Paul Brousse, Villejuif, France
<[email protected]>
Résumé. Les infections materno-fœtales sont fréquentes et posent de délicats
problèmes de diagnostic et de conduite thérapeutique. Au cours de la grossesse,
la transmission de l’agent infectieux (virus, bactéries et parasites) au fœtus et
son retentissement embryofœtal sont très variables selon l’agent causal, le terme
de la grossesse et l’état immunitaire de la mère. Les conséquences délétères pour
le fœtus sont majoritairement observées au cours des primo-infections maternelles : avortement prématuré, mort in utero, embryopathies, fœtopathies mais
également atteintes du nouveau-né ou conséquences apparaissant plus tardivement. Les circonstances du diagnostic de l’infection maternelle et/ou fœtales
sont variables selon l’agent infectieux. Certaines pathologies infectieuses : la
toxoplasmose, la rubéole, la syphilis et l’hépatite B font l’objet de programmes
de dépistage prénatal. D’autres infections sont souvent diagnostiquées à la suite
d’anomalies échographiques évocatrices (en particulier le cytomégalovirus et
le parvovirus B19) ou de signes cliniques maternels (varicelle). Couplée aux
données cliniques et à l’imagerie, la biologie occupe une place essentielle dans
la prise en charge et le suivi de ces femmes et de leurs nouveau-nés. L’objectif
de cet article est de faire le point sur le diagnostic des différentes infections
materno-fœtales pour lesquelles la stratégie diagnostique biologique est spécifique à la grossesse : la rubéole, la varicelle, la syphilis, la toxoplasmose,
l’hépatite B, et les infections à cytomégalovirus et à parvovirus B19.
Mots clés : infections materno-fœtales, diagnostic biologique, prise charge,
prévention
doi:10.1684/abc.2013.0897
Abstract. Some infections are considered as feared risks during pregnancy.
These infections may lead to severe damage of the fetus or the newborn depending on the infectious agent and the term of pregnancy where the infection
occurred. Antenatal screening (in France it concerns toxoplasmosis, rubella,
syphilis and hepatitis B) play an important role in prevention and management of
vertically transmissible infections. However, biological diagnosis is also essential when maternal/neo-natal clinical symptoms or abnormal ultrasound findings
are observed. In this article we chose to focus on rubella, varicella, syphilis,
toxoplasmosis, hepatitis B and cytomegalovirus and parvovirus infections.
Key words: materno-fetal infections, biological diagnosis, management, prevention
Tirés à part : C. Vauloup-Fellous
Pour citer cet article : Vauloup-Fellous C, Bouthry E, Grangeot-Keros L. Infections materno-fœtales : difficultés diagnostiques et prise en charge maternelle. Ann Biol Clin
2013 ; 71(spécial 1) : 5-18 doi:10.1684/abc.2013.0897
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Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017.
Synthèse
Les infections materno-fœtales sont fréquentes et posent
de délicats problèmes de diagnostic et de conduite thérapeutique. Différents virus, bactéries et parasites peuvent
être transmis d’une femme enceinte à son fœtus, et être
à l’origine (selon l’agent responsable et la période de
contamination) : d’un avortement spontané, d’une embryopathie (malformation congénitale), de pathologies fœtales,
d’atteintes du nouveau-né (naissance d’un enfant mort-né
ou maladie néonatale clinique), ou avoir des conséquences post-natales différées de quelques mois à quelques
années alors que l’infection était inapparente à la naissance. Le retentissement embryo-fœtal d’une infection
verticale est variable selon le micro-organisme en cause,
mais également selon le terme de la grossesse où survient
l’infection.
Les circonstances du diagnostic de l’infection maternelle
et/ou fœtale sont variables selon l’agent infectieux : dépistage systématique obligatoire ou recommandé, constatation
de signes cliniques maternels évocateurs ou d’anomalies
échographiques. À l’occasion de cet article, nous proposons
un focus sur le diagnostic des infections materno-fœtales
pour lesquelles le biologiste est particulièrement sollicité en
termes d’interprétation des examens sérologiques et moléculaires en raison d’une stratégie diagnostique spécifique
à la grossesse : la syphilis, la toxoplasmose, la rubéole, la
varicelle, l’hépatite B et les infections à cytomégalovirus
(CMV) et à parvovirus B19.
Rubéole
La rubéole était, avant l’ère de la vaccination, une maladie
essentiellement infantile et bénigne. Aujourd’hui, malgré les campagnes de vaccination, la rubéole persiste
en France sous forme de cas sporadiques, et on estime
qu’environ 5 % des femmes en âge de procréer ne sont pas
immunisées.
En cas d’infection maternelle avant 12 SA, la fréquence
de l’infection fœtale est de 90 % et le risque d’anomalies
fœtales majeures est très important (de l’ordre de 90 %).
L’atteinte virale au cours de l’embryogenèse se traduit essentiellement par des malformations cardiaques
(persistance du canal artériel, hypoplasie de l’artère pulmonaire), une diminution de l’audition, une atteinte oculaire
(microphtalmie, cataracte, rétinopathie, glaucome, opacités
cornéennes), et peut s’accompagner d’atteintes du système nerveux central (microcéphalie, retard mental). La
fœtopathie peut également comporter une pneumopathie
interstitielle, une encéphalite ou un retard de croissance
intra-utérin. Des phénomènes auto-immuns, tel un diabète,
peuvent survenir dans l’adolescence. Certaines lésions restent longtemps évolutives après la naissance et le pronostic
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à long terme d’une rubéole congénitale malformative est
très réservé, surtout pour ce qui concerne l’avenir psychomoteur.
En cas d’infection maternelle entre 12 et 18 SA, la fréquence
des anomalies est variable et les séquelles le plus souvent
constatées sont auditives (perte d’audition, qui peut se développer tardivement après la naissance). En cas d’infection
maternelle après 18-20 SA, ce risque malformatif est quasi
nul.
La primo-infection rubéoleuse guérit en laissant une immunité durable. Cependant, les réinfections sont possibles. En
général elles sont cliniquement inapparentes, et les malformations congénitales après réinfection maternelle sont
exceptionnelles.
En France, grâce au réseau Rénarub, l’Institut de veille
sanitaire recense chaque année les infections rubéoleuses
survenues pendant la grossesse ainsi que les infections
congénitales. Entre 2006 et 2010, moins de 10 cas de
rubéole ont été rapportés chaque année chez la femme
enceinte et le nombre de cas de rubéoles congénitales malformatives est de 0 à 2 cas par an environ [1]. Le nombre de
cas a tendance à augmenter ces dernières années, notamment en raison d’une couverture vaccinale imparfaite en
France, et à des épidémies importantes de rubéole constatées dans des pays n’ayant pas de politique vaccinale en
population générale (cas importés).
Concernant, la femme enceinte, la Haute autorité de santé
(HAS), en octobre 2009, a émis les recommandations suivantes : « Compte tenu de la situation épidémiologique
actuelle, il est recommandé qu’une sérologie rubéoleuse
soit proposée à l’occasion de la première consultation prénatale (avant la fin du 3e mois de grossesse), en l’absence
de preuve écrite de l’immunité et sauf si deux vaccinations contre la rubéole documentées ont été antérieurement
réalisées, à seule fin de déterminer le statut immunitaire
vis-à-vis de la rubéole. Cette sérologie ne portera que sur
la détection des IgG spécifiques et sera réalisée sur un seul
prélèvement. Chez les femmes enceintes séronégatives, une
nouvelle sérologie rubéoleuse devra être proposée uniquement à 20 semaines d’aménorrhées (SA), à la recherche
d’une éventuelle séroconversion » [2]. Le premier objectif de la sérologie effectuée pendant la grossesse, est donc
de dépister les femmes enceintes séronégatives afin de leur
proposer la vaccination après l’accouchement. Le second
objectif est de dépister une éventuelle primo-infection qui
serait survenue entre le premier dépistage et la 20e SA.
La conduite à tenir et l’interprétation des résultats en cas de
dépistage systématique (en dehors de tout contexte clinique
évocateur) des IgG rubéoleuses au cours de la grossesse sont
détaillées dans la figure 1.
En dehors du dépistage systématique, on peut être amené
à faire le diagnostic d’une primo-infection rubéoleuse
Ann Biol Clin, vol. 71, spécial 1, novembre 2013
Diagnostic et prise en charge des infections materno-fœtales
IgG -
IgG +
2e prélèvement
vers 20 SA
Patiente immunisée
à interpréter en fonction
du contexte clinique
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IgG Vaccination
après l’accouchement
IgG +
IgM +
IgM -
Primo-infection probable
à confirmer
par la mesure de l’avidité des IgG
Primo-infection très peu probable
à confirmer par la mesure de l’avidité
des IgG et la recherche des Ac anti-E1
protecteurs sur le 1er prélèvement
Figure 1. Interprétation de la sérologie rubéole dans le cadre du dépistage systématique.
maternelle dans les circonstances suivantes : contage,
signes cliniques évocateurs, ou sérologies évocatrices d’une
infection active (séroconversion, augmentation du titre des
anticorps). Les signes cliniques sont inconstamment présents et peu spécifiques. Par ailleurs, la rubéole étant
devenue une infection très rare en France, peu de cliniciens
pensent à cette infection lorsqu’une éruption est rapportée
ou observée. Le diagnostic de l’infection maternelle repose
essentiellement sur la sérologie : mise en évidence d’une
séroconversion et/ou détection d’IgG et d’IgM spécifiques.
Toutefois, en l’absence de contexte clinique évocateur de
rubéole, la séroconversion et/ou la présence d’IgM spécifiques doit être interprétée et annoncée avec prudence, et
la réalisation d’examens complémentaires dans des laboratoires spécialisés (avidité des IgG spécifiques et/ou western
blot/immunoblot à la recherche d’anticorps protecteurs)
peut être justifiée.
Les IgM spécifiques apparaissent dans les 3 jours qui
suivent l’éruption et disparaissent en général en 4 à 10
semaines, selon les sujets et les techniques utilisées. Attention : le premier jour de l’éruption, les IgM sont très
fréquemment absentes. Les IgG, détectés par Elisa, apparaissent, en général, un peu plus tardivement (environ 5-8
jours après le début de l’éruption). Le titre maximal des
anticorps au plateau, ainsi que le titre résiduel, est extrêmement variable selon le patient et la technique utilisée.
Un titre élevé d’anticorps n’est pas en soi un marqueur de
primo-infection récente.
À l’occasion d’un contage datant de moins de 15 jours,
seule une recherche des IgG doit être prescrite et leur
positivité permettra de rassurer la patiente. En cas de négativité des IgG, il est préconisé une sérologie de contrôle 3
Ann Biol Clin, vol. 71, spécial 1, novembre 2013
semaines après contage avec dosage des IgG et des IgM afin
d’exclure une primo-infection rubéoleuse asymptomatique
(figure 2).
Lorsqu’il existe un contexte clinique évocateur, ou un
contage datant de plus de 15 jours, le diagnostic de
l’infection rubéoleuse est confirmé biologiquement par
l’observation d’une séroconversion et/ou la détection
conjointe des IgG et des IgM spécifiques, souvent complétées par la mesure de l’avidité des IgG rubéoleuse (figure 3).
En effet, il est aujourd’hui clairement établi que si les
IgM spécifiques sont pratiquement toujours détectées au
cours des primo-infections récentes (< 2 mois), lorsque
l’on utilise des techniques suffisamment sensibles, elles
peuvent aussi être mises en évidence dans des situations
beaucoup plus fréquentes que la primo-infection : plusieurs
mois/années après vaccination, au cours des réinfections,
et surtout en raison de stimulations polyclonales non
spécifiques du système immunitaire. Lorsque des IgM spécifiques sont présentes, il est recommandé d’avoir recours
à la mesure de l’avidité des IgG pour infirmer ou confirmer une primo-infection. Une faible avidité correspond
généralement à une primo-infection récente (< 1-3 mois),
une forte avidité correspond à une primo-infection datant
en général de plus de 3 mois. Il est à noter qu’après
vaccination, l’avidité « mature » plus lentement qu’après
infection naturelle et se stabilise souvent à des niveaux
d’indice moyen [3]. Attention : souvent l’observation de
titres stables d’anticorps est considérée comme rassurante.
En fait, selon les sujets testés et surtout la technique utilisée, les anticorps peuvent atteindre un plateau en quelques
jours ou en quelques semaines après le début de l’infection.
Il existe des différences importantes de sensibilité entre les
7
Synthèse
Sérum précoce < 15 j
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IgG +
Immunité antérieure
IgG 2e prélèvement 3 semaines plus tard
IgM IgG -
IgM IgG +
IgM +
IgG +
IgM +
IgG -
Absence
d’infection
Stimulation polyclonale
du système immunitaire
Primo-infection
possible
Primo-infection
probable
À confirmer éventuellement
par la mesure de l’avidité des IgG (rubéole)
À confirmer
par l’apparition des IgG
sur un nouveau prélèvement
dans 5-10 jours
Figure 2. Interprétation de la sérologie en cas de contage récent (< 15 jours) pour une infection possiblement asymptomatique (rubéole,
infection à parvovirus B19).
Sérologie IgG/IgM
IgM IgG -
IgM +
IgG +
IgM IgG +
IgM +
IgG -
Prélèvement
trop précoce
ou
Absence d’infection
Primo-infection
possible
Primo-infection
peu probable
Primo-infection
probable
À confirmer
par la mesure de l’avidité des IgG (rubéole/CMV)
ou par une PCR dans le sang maternel (parvovirus B19)
À confirmer
par l’apparition des IgG
sur un nouveau
prélèvement
dans 5-10 jours
Figure 3. Interprétation de la sérologie en cas de signes cliniques ou de contage > 15 jours (rubéole, infection à parvovirus B19).
techniques de dosages des IgG malgré l’utilisation d’unités
internationales. Il est souhaitable d’avoir recours au western blot/immunoblot pour déterminer la spécificité des
anticorps en cas de discordance entre techniques.
Le diagnostic prénatal de l’infection fœtale repose soit sur
la mise en évidence des IgM rubéoleuses dans le sang
fœtal, soit sur la mise en évidence du génome viral dans
le liquide amniotique (LA) par RT-PCR. La spécificité de
ces deux procédures est voisine de 100 % et leur sensibilité
supérieure à 90 %, à condition :
- qu’un délai d’au moins 6 semaines entre l’infection maternelle et la ponction de LA soit respecté ;
- que les prélèvements ne soient pas effectués avant la 21e
SA ;
8
- que le sang fœtal soit conservé et transporté à +4 ◦ C au
laboratoire mais qu’impérativement le LA soit conservé et
transporté congelé (en raison de l’extrême fragilité du virus
de la rubéole).
Le diagnostic post-natal de l’infection congénitale repose
sur la mise en évidence des IgM spécifiques, de préférence
par une technique d’immunocapture. La sensibilité et la
spécificité de cet examen sont voisines de 100 %. Le diagnostic post-natal de l’infection congénitale doit être réalisé
même si l’enfant est asymptomatique car un enfant infecté
in utero peut développer des séquelles, notamment auditives, à distance de la naissance. De plus, ces enfants vont
excréter du virus dans leur salive et dans leurs urines pendant plusieurs mois (voire plusieurs années) et seront donc
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Diagnostic et prise en charge des infections materno-fœtales
potentiellement contaminants pour l’entourage. L’absence
ou la présence d’excrétion virale pourra être contrôlée par
PCR sur la salive ou sur les urines (le transport de ces
prélèvements doit également être effectué à - 20 ◦ C).
Que ce soit au cours de la grossesse ou à la naissance, aucun
antiviral n’est actif contre le virus de la rubéole. En France,
des gammaglobulines polyvalentes sont disponibles mais
leur efficacité n’a jamais été démontrée.
La prise en charge de l’infection repose sur l’évaluation du
pronostic de l’atteinte fœtale en fonction de la date présumée de l’infection maternelle. En effet, en dehors du terme
de la grossesse auquel survient l’infection, aucun facteur
prédictif de sévérité n’a été établi.
Lorsque l’infection maternelle survient avant la 12e SA, les
risques d’infection et de malformations fœtales sont très
importants ce qui justifie d’accéder, parfois d’emblée, à
une demande d’interruption de grossesse pour raison médicale. Cependant, si un examen échographique détaillé et
une recherche d’ARN viral dans le LA sont réalisés et se
révèlent négatifs, la grossesse pourra être poursuivie.
Lorsque l’infection maternelle survient entre la 12e et la
18e SA, l’aide du diagnostic anténatal est précieuse pour
évaluer l’infection fœtale, mais ne permet pas de prédire
les éventuelles malformations congénitales consécutives à
l’infection. Par ailleurs, en dehors des atteintes cardiaques
et parfois oculaires, ces anomalies sont difficilement accessibles à l’échographie obstétricale. En plus de l’examen
pédiatrique à la naissance, la survenue de troubles de
l’audition sera particulièrement recherchée au cours des
premières années de vie.
Passée la 20e SA, le risque d’infection fœtale demeure élevé
jusqu’à la fin de la grossesse, mais le risque de rubéole
congénitale malformative est quasi nul. La grossesse sera
poursuivie et l’infection congénitale sera tout de même
recherchée à la naissance.
Il est important de rappeler qu’aujourd’hui, en France, la
rubéole ne devrait plus exister puisqu’il existe un vaccin vivant atténué, très efficace (souche RA 27/3 combiné
dans le vaccin trivalent rougeole/oreillons) et pratiquement
dénué d’effet secondaire majeur. Il est recommandé à tous
les enfants entre 12 et 24 mois une dose du vaccin trivalent contre la rougeole, les oreillons et la rubéole à 12
mois et une seconde dose entre 16 et 18 mois ainsi qu’à
toute femme en âge de procréer séronégative, de préférence
avant toute grossesse ou juste après l’accouchement pour
celles qui auraient été dépistées négatives pendant leur grossesse [4]. Il n’y a pas lieu de revacciner des femmes ayant
reçu deux injections de vaccin rubéole ou trivalent, quel
que soit le résultat de la sérologie, si elle a été pratiquée.
S’agissant d’un vaccin vivant atténué, il est déconseillé de
l’administrer durant la grossesse et toute grossesse doit être
évitée dans le mois qui suit la vaccination. Par contre, même
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si la souche vaccinale a été détectée dans le lait maternel,
la vaccination juste après l’accouchement ne constitue pas
une contre-indication à l’allaitement.
Cytomégalovirus
On estime que les infections à CMV représentent la
première cause d’infections congénitales dans les pays
développés, et qu’il y aurait chaque année environ 1 % des
nouveau-nés qui auraient acquis cette infection in utero. Le
CMV est la principale cause de handicaps neurosensoriels
consécutifs à une infection congénitale. Toutefois, parmi
ces enfants environ 80 % ne garderont aucune séquelle de
cette infection
Globalement, en Europe de l’Ouest, 50 % des femmes en
âge de procréer sont immunisées contre le CMV, mais la
prévalence varie en fonction du statut socio-économique, de
l’âge, de la profession, de la parité et de l’origine ethnique.
Les femmes les plus exposées sont les femmes séronégatives travaillant au contact de très jeunes enfants ou ayant
un premier enfant en crèche, car la circulation de ce virus
est extrêmement fréquente au sein des collectivités de très
jeunes enfants [5]. La transmission s’effectue par contacts
étroits d’individu à individu (à partir des urines, des sécrétions oro-pharyngées, du lait, des larmes, des sécrétions
génitales. . .). En France, le rapport de l’Anaes (Agence
nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) de 2004
préconise que les femmes enceintes soient informées des
mesures d’hygiène universelles, à respecter pendant leur
grossesse (tableau 1).
Il est couramment admis que le risque d’une transmission materno-fœtale du CMV résulte majoritairement d’une
primo-infection maternelle péri- ou post-conceptionnelle.
L’incidence de la primo-infection durant la grossesse est
estimée entre 0,5 et 2 %. Environ 30-50 % de ces femmes
transmettront le virus à leur fœtus, mais ce taux de transmission varie en fonction du terme de la grossesse où est
contractée l’infection (environ 30-40 % au 1er , 50 % au
2e et 70-80 % au 3e trimestre). La transmission au fœtus
s’effectue alors par voie hématogène transplacentaire lors
de la virémie maternelle concomitante à la primo-infection.
Dans une moindre mesure, le fœtus peut s’infecter suite à
une réactivation ou une réinfection maternelle. On estime
que 10 à 30 % des femmes immunisées excréteront du virus
au cours de leur grossesse, et qu’environ 0,2 % des enfants,
nés de mère séropositive pour le CMV avant leur grossesse,
seront infectés à la naissance. La transmission maternofœtale du CMV après infection maternelle secondaire est
difficile à estimer dans la mesure où le diagnostic de la réinfection ou de la réactivation est très difficile et non réalisé
en pratique.
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Synthèse
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Tableau 1. Conseils de prévention de la primo-infection à cytomégalovirus en cours de grossesse.
• Se laver fréquemment les mains.
• En cas de contact avec un enfant en bas âge, prendre des précautions particulières, notamment s’il fréquente une collectivité
(crèche, garderie) car cet enfant a pu être contaminé au contact des autres enfants. Dans ce cas, le virus reste présent dans sa
salive et ses urines pendant plusieurs mois.
• Ne pas utiliser les mêmes ustensiles de repas, ne pas finir le repas d’enfants de moins de 3 ans. Ne pas « goûter » les biberons ou
les cuillerées d’aliments et ne pas sucer sa tétine.
• Ne pas partager les affaires de toilette (gant, serviette, brosse à dents) des enfants de moins de 3 ans.
• Limiter le contact buccal avec les larmes et/ou la salive des enfants de moins de 3 ans ; ne pas les embrasser sur la bouche.
• Se laver soigneusement les mains à l’eau et au savon après chaque change ou contact avec les urines (pot, pyjama, couche. . .).
• Ces précautions doivent être appliquées lors de contacts professionnels avec un ou plusieurs jeunes enfants.
• Ces règles d’hygiène doivent également être suivies par le conjoint.
À respecter jusqu’à l’accouchement
Enfin, la période néonatale est une période de haute
contagiosité (par les sécrétions cervico-vaginales, le lait
maternel, les contacts rapprochés), mais n’est pas suivie
de séquelles neurologiques. Cette infection périnatale est
très fréquente et on retrouve globalement 12 à 15 % de
nouveau-nés viruriques à 1 mois de vie alors qu’ils étaient
négatifs à la naissance.
Les conséquences d’une transmission materno-fœtale du
CMV sont variables mais classiquement plus sévères
après une primo-infection maternelle qu’après une réactivation ou une réinfection. Le risque de séquelles pour le
fœtus est maximum (20-30 %) lorsque la primo-infection
maternelle survient avant la 20e SA et moindre par la
suite. Les manifestions cliniques observées peuvent alors
être une microcéphalie, des déficits de l’audition et des
atteintes neurologiques mineures. Cependant, c’est lors
d’une primo-infection maternelle précoce au cours de la
grossesse que l’on observe les atteintes fœtales les plus
graves se traduisant par la maladie des inclusions cytomégaliques qui régresse spontanément, mais induit des
dommages qui peuvent persister et occasionner dans 80 %
des cas de lourdes séquelles à long terme. Pour la France,
ces chiffres couramment avancés dans la littérature sont en
réalité surestimés. En effet, les situations où le doute subsiste quant au pronostic de lésions gravissimes deviennent
rares lorsque la grossesse est correctement suivie et plus
particulièrement lorsque ce suivi est effectué dans un centre
spécialisé (ce qui devrait toujours être le cas lorsqu’une
séroconversion maternelle ou une infection fœtale à CMV a
été constatée). L’amélioration de la qualité des échographes
et de la résolution de l’IRM permet maintenant de diminuer
le nombre de cas où la gravité de l’atteinte neurologique
ne peut pas être appréciée. La souplesse quant au délai de
recours à l’interruption de grossesse pour raison médicale,
dans notre pays, contribue également à diminuer le nombre
de nouveau-nés naissant sévèrement atteints.
À côté de ce tableau gravissime, on estime que, dans plus
de 90 % des cas, l’infection congénitale à CMV est asymp10
tomatique à la naissance. Néanmoins, pour ces enfants
une surveillance clinique est indispensable car, parmi ces
formes initialement silencieuses, 5 à 10 % des enfants développeront des séquelles neuro-sensorielles à type de surdité
le plus souvent. Partielle ou totale, cette surdité peut ne pas
se manifester dès la naissance et se développer ultérieurement au cours des premières années de vie.
Les risques encourus par le fœtus lors d’une infection
maternelle secondaire sont moins bien connus. Les études
rapportent que, même si une immunité préexistante à la
grossesse confère une certaine protection, celle-ci n’est
pas suffisante pour empêcher la transmission du CMV au
fœtus d’une part, et, d’autre part, pour prévenir la survenue
d’anomalies plus ou moins graves chez le fœtus.
Le dépistage systématique de l’infection à CMV pendant la grossesse n’est actuellement pas recommandé
dans la plupart des pays européens (dont la France) et
seules des mesures d’hygiène peuvent être proposées pour
réduire significativement l’incidence des infections maternelles à CMV [6]. Néanmoins, une recherche d’IgG en
début de grossesse est parfois pratiquée afin de déterminer le statut sérologique maternel notamment lorsque les
patientes exercent une profession à risque (personnel de
crèche, infirmière, puéricultrice, mère de famille. . .). Le
diagnostic de l’infection maternelle peut également être
effectué en cas de symptômes maternels. Toutefois, de nombreuses infections à CMV au cours de la grossesse passent
inaperçues car les signes cliniques de la primo-infection
à CMV, s’ils sont relativement fréquents, sont en général peu spécifiques (fatigue, fièvre, maux de tête. . .), et
recueillis a posteriori, ne suffisent généralement pas à alerter sur l’éventualité d’une primo-infection à CMV. Enfin,
en présence d’anomalies échographiques évocatrices, une
infection maternelle/congénitale à CMV doit être envisagée
et recherchée.
La virémie, chez l’individu immunocompétent, serait un
marqueur d’une primo-infection récente mais n’est pas utilisée dans la pratique courante dans un but diagnostique.
Ann Biol Clin, vol. 71, spécial 1, novembre 2013
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Diagnostic et prise en charge des infections materno-fœtales
La virurie maternelle n’est pas un bon outil pour le diagnostic de primo-infection à CMV puisqu’elle est aussi
souvent positive à l’occasion de réactivations, qui ne sont
à l’origine que de très rares cas d’infections congénitales symptomatiques. Le diagnostic de la primo-infection
à CMV chez la femme enceinte repose donc essentiellement sur la sérologie. La présence d’IgG spécifiques signe
un contact avec le virus, mais interprété isolément leur titre
n’est en aucun cas indicatif de la date de survenue de la
primo-infection maternelle. Quant à la détection des IgM
spécifiques, elle n’est pas nécessairement corrélée à une
infection récente. En effet, même si les IgM sont pratiquement toujours mises en évidence dans les primo-infections
récentes, elles peuvent également être détectées en raison
de réactions croisées (avec l’EBV par exemple), mais également au cours d’infections secondaires, ou à l’occasion
d’une stimulation polyclonale non spécifique du système
immunitaire. Il est donc clairement établi que la détection
des IgM spécifiques est insuffisante pour faire le diagnostic
de primo-infection, et que leur présence peut être difficile à interpréter. Pour ces raisons, le recours à la mesure
de l’avidité des IgG spécifiques et à l’étude comparative
des sérums antérieurs et/ou ultérieurs est donc le plus souvent nécessaire pour préciser le caractère éventuellement
post-conceptionnel de l’infection. Le résultat de l’avidité
est à interpréter en fonction du terme de la grossesse car
au-delà du 1er trimestre de grossesse, une avidité élevée
ne permettra en général pas d’exclure une infection postconceptionnelle. L’indice d’avidité est également fonction
des individus testés ainsi que des techniques utilisées. Enfin,
il faut noter que lorsque le titre d’IgG est faible, l’indice
d’avidité peut être erroné. Sa valeur n’est donc pas toujours
aisée à interpréter.
En pratique :
– malgré les recommandations, une recherche d’IgG en
début de grossesse est parfois pratiquée afin de déterminer le
statut sérologique maternel notamment lorsque les patientes
exercent une profession à risque (personnel de crèche, infirmière, puéricultrice, mère de famille. . .) (figure 4) ;
– le diagnostic de l’infection maternelle peut également
être effectué en cas de symptômes maternels (figure 3) ;
– de nombreuses infections à CMV au cours de la grossesse passent inaperçues, mais en présence d’anomalies
échographiques évocatrices (RCIU, anomalies cérébrales,
oligoamnios, intestin hyperéchogène, anarsaque. . .), une
infection maternelle/congénitale à CMV doit être envisagée
et recherchée (figure 5). Si les IgG sont négatives (quelle
que soit la valeur des IgM), la responsabilité du CMV, pour
expliquer les anomalies échographiques, peut être exclue.
Si les IgG sont positives, quelle que soit la valeur des IgM,
une mesure de l’indice d’avidité des IgG et/ou l’examen
d’un sérum du début de grossesse (sérum prélevé pour
d’autres sérologies, pour le dosage de la ␤-hCG, pour le
dépistage de la trisomie. . .) permettra d’apprécier le caractère éventuellement post-conceptionnel de l’infection. En
effet, comme nous l’avons vu précédemment, la présence
d’IgM ne signifie pas obligatoirement primo-infection. De
plus, au moment de la constatation des anomalies échographiques, les IgM peuvent avoir déjà disparu. Si les résultats
obtenus sur un sérum du début de grossesse ne sont pas
évocateurs d’une primo-infection à CMV (IgG+/IgM- ou
IgG+/IgM+/avidité élevée) un diagnostic anténatal peut
toutefois être recommandé car les IgM peuvent être fugaces,
et une infection survenant dans les semaines précédant
la conception ou une infection secondaire peuvent être à
l’origine d’une infection fœtale symptomatique.
IgG -
IgG +
Absence
d’immunité
Conseils d’hygiène +++
IgM +
IgM -
Possible primo-infection
récente à confirmer
par la mesure de
l’indice d’avidité des IgG
Patiente immunisée,
absence de marqueur
de primo-infection
récente*
Conseils d’hygiène
Avidité élevée
Primo-infection > 3 mois*
Conseils d’hygiène
Avidité faible
Primo-infection < 3 mois*
Suivi spécifique
* Résultat à interpréter en fonction du terme de la grossesse et de la technique utilisée
Figure 4. Interprétation des sérologies de dépistage de l’infection à CMV.
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11
Synthèse
Sérologie IgG/IgM
IgG IgM -
IgG IgM +
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Anomalies
non liées à l’infection
IgG +
IgM +
IgG +
IgM -
Possible infection post-conceptionnelle
Mesure de l’avidité des IgG (CMV)
Analyse d’un sérum du début de grossesse
Attention ! au moment de la constatation
des anomalies échographiques,
les IgM peuvent avoir disparu
Diagnostic anté-natal
Figure 5. Interprétation des sérologies en cas d’observation d’anomalies échographiques évocatrices de l’infection virale.
– le diagnostic d’infection maternelle secondaire est difficilement réalisable et n’est que très rarement effectué. En
effet, s’il est couramment admis que l’augmentation des
IgG spécifiques (en présence ou en absence d’IgM spécifiques) chez une femme immunisée avant sa grossesse,
signe une infection secondaire, cette situation se rencontre
également, et certainement beaucoup plus fréquemment,
lors de stimulations polyclonales non spécifiques du système immunitaire. La mesure de l’avidité des IgG n’est
pas contributive dans ce cas puisqu’elle sera élevée dans
les deux situations. Tout au plus, peut-on supposer rétrospectivement cette infection secondaire lorsqu’un enfant naît
infecté d’une mère séropositive pour le CMV avant sa grossesse.
L’indication du diagnostic prénatal suite à une primoinfection maternelle, mais sans signe échographique, est
discutée dans la mesure où les traitements pouvant être proposés en cas de recherche positive dans le LA, et donc en cas
d’infection fœtale, sont encore en cours d’évaluation, tandis que le risque de l’amniocentèse n’est pas nul. De plus,
en l’absence d’anomalies échographiques, il est encore difficile actuellement d’évaluer le risque fœtal car il n’existe
pas de paramètres fiables pour faire la distinction entre un
fœtus infecté et un fœtus cliniquement atteint. Le diagnostic
d’infection fœtale est réalisé par la mise en évidence du
génome viral (par PCR) dans le LA. La spécificité de la
PCR est proche de 100 % et sa sensibilité est supérieure à
95 % si l’amniocentèse est réalisée au moins 6 semaines
après l’infection maternelle et à partir de la 21e SA, ou dès
la constatation des anomalies échographiques.
À la naissance, la recherche des IgM dans le sang du
nouveau-né n’est positive que chez 50 % des enfants
12
infectés. Plus couramment, la recherche de CMV est effectuée par culture et/ou PCR dans les urines. C’est un
examen d’une excellente sensibilité et spécificité si le prélèvement est effectué dans les 10-15 jours qui suivent
l’accouchement. Le prélèvement de salive peut s’avérer
plus pratique à réaliser, mais toute positivité salivaire doit
être confirmée par une recherche de virus sur les urines
(contamination possible du prélèvement de salive par le
lait maternel infecté en cas d’allaitement maternel).
Les infections périnatales étant très fréquentes, lorsque des
anomalies (notamment, la surdité) sont constatées plusieurs
mois après la naissance, ni la sérologie, ni la détection du
virus dans les urines ne permettent d’incriminer le CMV
comme agent responsable de ces manifestations cliniques.
Il faut alors avoir recours à la recherche rétrospective du
génome viral par PCR à partir du sang séché conservé sur
les cartes de Guthrie [7].
La prise en charge de l’infection à CMV chez la femme
enceinte est un problème complexe du fait, notamment,
qu’il n’existe pas, pour l’instant, de traitement efficace
et dénué d’effets secondaires capable d’être administré
au cours la grossesse. Quelques essais cliniques évaluant l’efficacité d’injection d’immunoglobulines hyperimmunes ou de valaciclovir en prévention, ainsi que pour
le traitement de l’infection fœtale à CMV, sont en cours.
Lorsqu’une primo-infection maternelle à CMV est diagnostiquée avec certitude, le fœtus doit bénéficier d’une
surveillance échographique morphologique étroite et répétée (en général mensuelle ou bimensuelle si la PCR CMV
est positive dans le LA) dans un centre spécialisé en médecine fœtale, car cela reste un examen performant pour
détecter les atteintes fœtales, l’existence/l’évolution des
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Diagnostic et prise en charge des infections materno-fœtales
signes échographiques ayant une bonne valeur pronostique.
Cette surveillance doit être poursuivie jusqu’à la fin de
la grossesse, les signes échographiques pouvant apparaître
tardivement.
Une étude randomisée de phase II rapporte l’effet bénéfique
sur l’évolution de la surdité, d’une cure de 6 semaines de
ganciclovir administrée en IV à des enfants présentant une
infection congénitale sévère avec notamment une atteinte
du système nerveux central. En raison de la toxicité du ganciclovir et de son utilisation par voie IV, sa seule indication
consensuelle actuelle reste l’utilisation chez des nouveaunés présentant une atteinte du système nerveux central. Le
valganciclovir, pro-drogue du ganciclovir mais mieux toléré
sur le plan hématologique est à l’étude.
Enfin, les enfants asymptomatiques excrétant le virus
dans leurs urines aux premiers jours de vie doivent faire
l’objet d’une surveillance clinique (fond d’œil, examens
auditifs. . .) attentive jusqu’à leur 6e année.
Varicelle
La varicelle est une maladie infectieuse fréquente de
l’enfance et le plus souvent bénigne. La séroprévalence
en France des femmes en âge de procréer est de plus de
90 %. Environ 500 femmes enceintes seraient infectées par
an. Une primo-infection confère dans la majorité des cas
une immunité à vie mais des réinfections sont possibles, et
estimées entre 4 et 13 %.
L’infection à VZV est potentiellement grave pour la mère
elle-même du fait de l’atteinte pulmonaire. Cette atteinte
pulmonaire n’est pas plus fréquente que chez l’adulte non
enceinte, mais serait plus sévère, notamment du fait de difficultés ventilatoires liées au volume utérin. Le traitement
antiviral par valaciclovir IV et les progrès de réanimation
ont permis de réduire considérablement la mortalité de cette
infection.
Le risque malformatif lié au VZV, lors d’une infection survenant avant 20 SA, est au maximum de l’ordre de 2 %. La
fœtopathie varicelleuse est de pronostic sévère et le tableau
clinique comprend des anomalies cutanées, neurologiques,
ophtalmologiques et/ou musculo-squelettiques.
Après 20 SA, le syndrome de varicelle congénitale est
exceptionnel, et le risque principal est alors celui de la
survenue d’un zona dans la première année de vie.
La survenue d’une varicelle maternelle dans les jours qui
précèdent ou qui suivent l’accouchement expose à un risque
élevé de varicelle congénitale néo-natale très sévère et
impose une prise en charge obstétricale et pédiatrique
spécifique [8]. Le risque néonatal est maximal lorsque
l’accouchement a lieu entre 2 jours avant et 5 jours après
l’éruption, car la transmission du virus est alors transplacentaire avant toute synthèse et donc transmission des anticorps
maternels.
En cas de contage maternel au cours de la grossesse ou
en péri-partum, si la patiente ne rapporte pas d’histoire
personnelle de varicelle, il est légitime de déterminer son
statut immunitaire par la recherche des IgG anti-VZV. En
cas de sérologie négative, un contrôle sérologique ultérieur
est inutile car le diagnostic de la varicelle est clinique. Par
contre, la présence d’IgG indique que la patiente est immunisée mais ne permet pas d’exclure la possibilité d’une
réinfection par le VZV (figure 6). Attention : les tests sérologiques visant à mettre en évidence les anticorps anti-VZV
sont, pour la plupart, moins sensibles et moins spécifiques
que pour d’autres virus. De plus, il n’y a pas de relation
étroite entre la concentration des anticorps et la protection.
La vaccination qui a pu être pratiquée avant la grossesse
Sérum précoce < 15 j
IgG Patiente non immunisée
IgG +
Patiente immunisée
2 – 3 semaines plus tard
Varicelle clinique
Asymptomatique
Asymptomatique
Varicelle clinique
Privilégier
le prélèvement
des vésicules
2e sérologie
à 3 semaines ?
Faut-il dépister
sérologiquement
une éventuelle
réinfection ?
Privilégier
le prélèvement
des vésicules
Vérifier les IgG
sur 1er prélèvement
par une autre
technique
NON
Figure 6. Interprétation de la sérologie en cas de contage varicelleux récent (< 15 jours).
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13
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Synthèse
ne protège efficacement que contre les formes graves de
varicelle et n’exclut pas l’éventualité de développer une
varicelle clinique ultérieurement. Quel que soit le résultat
de la sérologie, il est donc licite de recommander de limiter les contacts avec la personne infectée. Le traitement
par valaciclovir peut être proposé en attendant les résultats
de la sérologie et poursuivi en cas de sérologie négative.
Après 37 SA et en l’absence d’immunité, l’accouchement
peut être programmé dans les 6 jours qui suivent le contage.
En cas de contage datant de moins de 72 h, une injection
d’immunoglobulines varicelle-zona peut être proposée afin
de diminuer le risque de survenue de varicelle maternelle
et de ses complications.
En cas d’éruption varicelleuse en cours de grossesse ou
en peri-partum, le diagnostic de l’infection maternelle est
essentiellement clinique, mais il peut être utile en cas
d’éruption atypique ou douteuse de pratiquer la recherche
directe du virus par PCR à partir du liquide vésiculaire.
L’apparition des anticorps spécifiques se produit 2 à 5
jours après le début de l’éruption. En cas d’éruption, une
recherche d’IgM spécifiques peut être effectuée sachant
qu’un prélèvement sérique réalisé dès les premiers jours
de l’éruption peut s’avérer trop précoce pour retrouver des
anticorps. Même si elles sont pratiquement toujours mises
en évidence dans les primo-infections récentes, on peut
également détecter des IgM spécifiques au cours d’une réinfection, d’une réactivation (zona), ou à l’occasion d’une
autre infection évolutive entraînant une stimulation polyclonale non spécifique du système immunitaire. En cas de
varicelle confirmée en cours de grossesse, il faut prendre
en compte le risque de complications maternelles, et ne
pas hésiter à hospitaliser les patientes en dehors de la
maternité, voire en réanimation en cas de signes respiratoires, du fait du risque d’hypoxie majeure. Avant 20 SA, le
risque est celui d’une fœtopathie varicelleuse pour laquelle
une surveillance échographique mensuelle est instaurée.
L’amniocentèse est possible mais est discutable dans la
mesure où un résultat positif ne changerait pas la prise en
charge. En cas d’éruption en peri-partum, le risque est celui
de la varicelle généralisée congénitale, il est donc conseillé
d’hospitaliser l’enfant, même asymptomatique, et de le traiter par aciclovir et immunoglobulines. En cas d’éruption
et d’accouchement imminent, une tocolyse peut être mise
en place, ainsi qu’un traitement par valaciclovir. En cas
d’accouchement plus de 5 jours après l’éruption ou en cas
d’éruption plus de 3-5 jours après l’accouchement, le risque
est une varicelle néonatale bénigne.
En cas de zona maternel, le risque de transmission in utero
est quasi nul.
Le vaccin est notamment recommandé pour les personnes
séronégatives exerçant une profession de santé ou en relation avec la petite enfance, et chez les femmes en âge de
procréer séronégatives et sans antécédent de varicelle [4].
14
Le vaccin peut également être administré aux personnes
séronégatives dans les trois jours qui suivent le contage (en
dehors de toute grossesse). La vaccination selon le protocole en deux doses protège à plus de 90 % contre les
varicelles modérées à sévères et environ de 70 % contre les
autres formes de varicelle.
Parvovirus B19
Les infections à parvovirus B19 surviennent sous forme
sporadique ou sont responsables d’épidémies hivernoprintanières. Chez les enfants, le virus est à l’origine du
mégalérythème épidémique ou cinquième maladie associant un syndrome pseudo-grippal avec fièvre modérée suivi
par une éruption débutant au visage d’évolution bénigne.
Toutefois, l’infection est asymptomatique dans 30 % des
cas. Le parvovirus B19 doit être suspecté devant une éruption ou l’apparition de douleurs articulaires chez une femme
enceinte. Environ 50 % des femmes seraient séronégatives
en France. Parmi elles, le risque de primo-infection est de 1
à 1,5 % et de 13-13,5 % respectivement en dehors et pendant
les épidémies. Le risque de transmission materno-fœtale est
de 30 %. Le parvovirus n’est pas un virus tératogène mais
il est essentiellement responsable d’anémie fœtale pouvant
aboutir à une anasarque fœto-placentaire et à la mort fœtale
en particulier si l’infection maternelle survient avant 20 SA
[9].
En cas de contage (< 15 jours), seule une recherche d’IgG
peut être effectuée et leur positivité permettra de rassurer
la patiente. En cas de négativité des IgG, il est préconisé
une sérologie de contrôle (IgG et IgM) 3 semaines après
contage afin d’exclure une primo-infection asymptomatique (figure 2).
En cas de symptomatologie évocatrice (éruption, arthralgies) ou contage de plus de 15 jours, une recherche des
IgG et IgM spécifiques est recommandée (figure 3). En
cas primo-infection maternelle confirmée avant 20 SA,
une surveillance échographique fœtale hebdomadaire dans
un centre de référence doit être établie. Les signes
d’insuffisance cardiaque (cardiomégalie, anasarque) et les
signes d’anémie (augmentation de la vitesse dans l’artère
cérébrale moyenne) seront recherchés [8]. Au-delà de
30 SA ou 20 semaines après l’infection maternelle, la
patiente peut être rassurée.
En cas d’anomalies échographiques évocatrices, une
infection maternelle/congénitale doit être envisagée et
recherchée (figure 5). Si les IgG sont négatives (quelle
que soit la valeur des IgM), la responsabilité du parvovirus B19, pour expliquer les anomalies échographiques,
peut être exclue. Si les IgG sont positives, il est indiqué
d’examiner un sérum du début de grossesse (sérum prélevé
pour d’autres sérologies, pour le dosage de la ␤-hCG, pour
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Diagnostic et prise en charge des infections materno-fœtales
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le dépistage de la trisomie. . .), et ce, quelle que soit la valeur
des IgM. En effet, comme nous l’avons vu précédemment,
la présence d’IgM ne signifie pas obligatoirement primoinfection. De plus, lors de la constatation des anomalies
échographiques, les IgM peuvent avoir déjà disparu. C’est
pourquoi seul le diagnostic anténatal permettra de confirmer l’infection congénitale, et en cas d’anémie sévère, une
transfusion in utero pourra être réalisée.
Syphilis
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue à 12 millions le nombre de nouveaux cas de syphilis chaque année
au niveau mondial, dont plus de 90 % dans les pays en
voie de développement. En France, aujourd’hui, on observe
une augmentation de l’incidence de la syphilis, en particulier au sein de la communauté homosexuelle masculine,
mais à ce jour, on n’a pas noté d’augmentation significative de l’incidence de la syphilis congénitale. La prévalence
de cette infection chez les femmes enceintes est estimée à
1/10 000.
Quel que soit le stade de l’infection de la mère avant la grossesse, une syphilis congénitale peut survenir et le risque
d’infection d’un nouveau-né dont la mère non traitée est
en phase primaire ou secondaire est de l’ordre de 50 %. La
transmission survient principalement au cours de la 2e moitié de la grossesse et peut être responsable d’une mort fœtale
in utero, ou d’un accouchement prématuré. Les formes précoces de syphilis congénitale associent des signes cutanés
et muqueux, des manifestations osseuses et articulaires, et
des atteintes viscérales. La syphilis tardive s’exprime audelà de 5 ans par des anomalies dentaires, une surdité, et
une gomme cutanéo-muqueuse.
En pratique courante, le diagnostic maternel repose essentiellement sur la sérologie. Il s’agit d’une sérologie
tréponémique qui ne permet pas de différencier Treponema
pallidum d’une tréponématose endémique telle que le Pian
(retrouvé dans toutes les régions chaudes et humides), le
Bejel (retrouvé en Afrique sub-saharienne, au Maroc, en
Afghanistan, en Iran) ou la Pinta (retrouvée en Amérique
centrale, en Amérique du Sud et au Mexique). De plus,
nous ne disposons actuellement pas d’outil biologique permettant de différencier avec certitude une syphilis latente
d’une cicatrice sérologique. L’interprétation du dépistage
sérologique repose sur la combinaison de plusieurs tests tréponémiques (TPHA, TPLA, FTA, immunoblot. . .) et non
tréponémiques (VDRL, RPR. . .) (figure 7).
Chez le nouveau-né, outre le diagnostic clinique (observation de lésions cutanées ou recherche d’une méningite
lymphocytaire), le diagnostic biologique peut être également bactériologique dans le cas de lésions cutanées, et
sérologique par la surveillance de la non-disparition des
anticorps maternels transmis à partir de l’âge de 6 mois et
la mise en évidence d’IgM spécifiques.
Le traitement de la syphilis maternelle ou congénitale est
basé sur l’utilisation de la pénicilline dont la posologie et
la durée dépendent du stade évolutif. La prévention de la
syphilis congénitale passe par le dépistage systématique
lors de la 1re visite pré-natale (1er trimestre de grossesse)
VDRL et TPHA ou VDRL et FTA IgG
Négatif
Dissociés
En cas de suspicion
clinique (chancre) : fond
noir et contrôle
sérologique 2 semaines
plus tard
Confirmer une syphilis débutante
ou
un faux positif : contrôle sérologique
1 semaine plus tard
Dissociés
Positifs
Positifs
Tréponématose
guérie ou pas
Traitement
Suivi sérologique de la mère :
3, 6, 12 et 24 mois (le VDRL
doit se négativer ou diminuer
significativement)
Suivi échographique puis
clinique et sérologique
de l’enfant
Contrôle du partenaire
Faux positif
ou
Tréponématose guérie (TPHA +/VDRL -)
Figure 7. Interprétation de la sérologie syphilis chez la femme enceinte.
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15
Synthèse
et le traitement de la syphilis maternelle. Un second dépistage est recommandé à la 28e SA ou lors de l’accouchement
s’il existe des facteurs de risque de contracter la syphilis pendant la grossesse (notamment si le partenaire a des
comportements sexuels à risque).
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Toxoplasmose
La toxoplasmose est une zoonose parasitaire due à un
parasite très répandu Toxoplasma gondii. L’ingestion du
parasite est le mode d’infection principal dans la toxoplasmose humaine. Chez la femme enceinte, l’identification des
facteurs de risques associés à l’infection par Toxoplasma
gondii permet de proposer une prévention et une information aux patientes enceintes séronégatives :
– éviter la consommation de viande crue ou insuffisamment
cuite ;
– hygiène optimale des mains et des ustensiles de cuisine,
la consommation de crudités bien nettoyées.
Les enquêtes épidémiologiques récentes illustrent une
baisse de la séroprévalence de la toxoplasmose chez les
femmes enceintes en France : le taux d’immunisation était
d’environ 80 % dans les années 1960, autour de 66 %
dans les années 1980 et estimé à 43,8 % en 2003 [10].
L’origine de cette diminution est multifactorielle, mais il
est évident que la modification des comportements alimentaires y jouent un rôle déterminant : congélation des
viandes, diminution de la consommation de crudités maraîchères et de viande ovine. . . Chaque année, on estime que le
toxoplasme infecterait 1 000 femmes enceintes entraînant
une vingtaine de fœtopathies sévères [11].
En France, le décret n◦ 92-143 du 14 février 1992, relatif aux examens pré-nataux précise le caractère obligatoire
du dépistage de la toxoplasmose avant la fin du premier
trimestre de la grossesse, en l’absence de résultats écrits
permettant de considérer l’immunité comme acquise. La
sérologie doit être répétée chaque mois à partir du 2e
examen prénatal si la patiente n’est pas immunisée. Ces
dispositions ont été reconduites par la HAS en 2009 et le
dépistage sérologique s’inscrit actuellement dans un algorithme général détaillé dans la figure 8 [2]. Il n’existe pas
d’autre tableau sérologique permettant de diagnostiquer
avec certitude une infection acquise en cours de grossesse.
La maturation de l’avidité des IgG anti-toxoplasmique est
en général lente et il est donc courant qu’une faible avidité persiste plusieurs années après primo-infection [12].
Par ailleurs, les IgM peuvent persister plusieurs mois voire
plusieurs années après primo-infection. En revanche, la
recherche de signes cliniques, bien que rares et non spécifiques (adénopathies, syndrome grippal), peut aider à la
datation.
Une fois que l’infection maternelle acquise en cours de
grossesse est établie par les examens sérologiques, la prise
en charge comprend 3 aspects : la recherche de l’infection
fœtale par amniocentèse, la surveillance échographique et
le traitement. L’infection fœtale est diagnostiquée suite à
environ 30 % des primo-infections maternelles, tout terme
de grossesse confondu. Toutefois ce risque croît régulièrement et de façon importante avec l’âge gestationnel auquel
survient l’infection, tandis que le risque de forme grave avec
lésions cérébrales diminue avec le terme de la grossesse.
L’amniocentèse peut être réalisée à partir de la 18e SA
et au moins 4 semaines après l’infection maternelle. Son
Détermination du statut immunitaire maternel
IgG IgM -
IgG IgM +
IgG +
IgM -
IgG +
IgM +
Datation :
Si 1re détermination :
avidité des IgG
confirmer
éventuellement les
IgG avec une autre
technique
Forte
IgG IgG +
Faible
infection
IgM +
IgM +
Contrôle
> 4 mois sérologique
Patiente
à 3 sem-1 mois
immunisée
Fausse réaction
Absence de
en IgM
marqueur de
Prévention
IgG stables :
IgG x 2 :
Séroconversion
primo-infection
primaire
Infection
Infection
récente
> 2 mois
< 2 mois
Prévention
primaire
Contrôle
sérologique à 15 j
Figure 8. Interprétation du dépistage sérologique de la toxoplasmose en cours de grossesse.
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Diagnostic et prise en charge des infections materno-fœtales
indication, en l’absence de lésions échographiques évidentes, peut être discutée pour les infections maternelles
précédant la 8e SA compte tenu du faible risque de transmission à ce terme. La recherche de toxoplasme se fait
par PCR dont la sensibilité et la valeur pronostique négative sont respectivement de 88 % et 98 %. La mise en
évidence d’ADN parasitaire dans le LA prouve définitivement l’infection congénitale mais ne renseigne pas sur la
forme clinique de cette infection. Toutefois, l’estimation
de la charge parasitaire peut être utile à l’évaluation
du pronostic fœtal : il a été montré qu’une infection
maternelle acquise avant 20 SA associée à une concentration de parasites supérieure à 100/mL était prédictive
à presque 100 % d’une fœtopathie sévère, alors même
que l’échographie pouvait être normale au moment de
l’amniocentèse [13].
La surveillance échographique repose sur un examen mensuel jusqu’à l’amniocentèse, puis une surveillance plus
rapprochée peut être instaurée en cas de PCR positive.
L’atteinte fœtale peut être suspectée devant des signes
échographiques d’infection non spécifiques à la toxoplasmose comme une hépatosplénomégalie, des calcifications
digestives ou hépatiques, une augmentation de la taille
du placenta, des épanchements des séreuses, pouvant
s’intégrer dans une myocardite parasitaire avec anasarque.
Le pronostic sera surtout lié à l’atteinte cérébrale et à la
précocité de l’infection.
Classiquement, le traitement anténatal était donné le plus
précocement possible afin de prévenir la transmission
materno-fœtale et réduire les manifestations cliniques des
enfants infectés. Cependant, l’étude Syrocot a remis en
question l’efficacité de ces traitements et a justifié la mise
en place d’un essai thérapeutique randomisé multicentrique
et national Toxogest depuis 2010. Il a pour objectif de
comparer l’efficacité de la spiramycine versus l’association
pyriméthamine-sulfamide. L’attitude actuelle, en attendant les résultats, est de débuter la spiramycine dès le
diagnostic de l’infection maternelle et de la continuer
jusqu’à l’accouchement en cas de PCR négative dans le
liquide amniotique. En cas de PCR positive, le relais par
pyriméthamine-sulfamide est instauré. Une supplémentation en acide folinique est nécessaire pendant la durée de ce
traitement et l’existence de réactions cutanées sévères peut
justifier son arrêt.
Hépatite B
Dans le monde, 1/3 de la population a été en contact avec le
virus de l’hépatite B (VHB) et 400 millions de cas évoluent vers le statut de porteurs chroniques du VHB. La
prévalence des porteurs chroniques au sein de la population varie de moins de 1 % dans les pays développés
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à 20 % dans les pays en voie de développement, mais
70 % des porteurs chroniques se trouvent en Asie. La transmission materno-fœtale serait responsable pour 5 % des
infections à VHB dans la population asiatique. La France
est une zone de faible endémie pour l’infection par le VHB
car moins de 20 % de la population française a été en
contact avec le virus et on recense moins de 2 % de porteurs chroniques (sujets porteurs chroniques de l’antigène
HBs). La transmission mère-enfant est le mode de transmission pourvoyeur par excellence d’infection chronique,
car en l’absence de mesures préventives à la naissance, plus
de 80 % des enfants infectés développeront une hépatite B
chronique avec risque d’évolution ultérieure vers la cirrhose
hépatique et le carcinome hépatocellulaire. La transmission
in utero est rare tandis que le risque de transmission est
élevé au moment de la naissance (exposition per-partum
à du sang ou à des sécrétions génitales contaminées) mais
également en post-natal (allaitement et contamination salivaire). Ce risque est d’autant plus élevé que la mère est
porteuse de marqueurs liés à la réplication virale (Ag HBe,
ADN viral). Le nombre d’hépatites B néonatales est de
l’ordre de 0,5 % en France, variant de 0,2 à 3,75 % selon
les facteurs de risque, en particulier l’origine géographique.
Ce taux peut atteindre 5 à 20 % dans certaines régions du
monde.
Actuellement, en France, le dépistage systématique de
l’hépatite B (Ag HBs uniquement) est obligatoirement proposé au 6e mois de la grossesse. En cas de découverte
d’une antigénémie HBs positive, le diagnostic de l’infection
maternelle repose sur la sérologie (Ag HBs, Ac anti-HBc,
Ac anti-HBs, Ag HBe, Ac anti-HBe) et la recherche du
génome viral dans le sang. La patiente sera alors étroitement surveillée afin de déterminer le stade et l’activité de la
maladie, et dirigée chez un médecin spécialiste des maladies
du foie.
La contamination de l’enfant est prouvée par la détection
de l’Ag HBs et/ou de l’ADN viral, mais ces 2 paramètres peuvent persister ou disparaître à la naissance.
L’interprétation des sérologies de l’enfant né de mère
porteuse chronique de l’antigène HBs et sérovacciné, est
parfois délicate ce qui impose un suivi durant la 1re année
de vie.
L’infection du nouveau-né peut être prévenue par
l’administration d’immunoglobulines anti-HBs et du vaccin, dans les premières heures qui suivent la naissance. Cette
sérovaccination sera suivie d’une vaccination « classique »
(à M1 et M6) afin d’instaurer une protection durable et de
prévenir les infections chroniques. En cas de charge virale
maternelle élevée ou d’hépatite aiguë en fin de grossesse,
un traitement par lamivudine à partir de la 34e SA peut
se discuter. Ce traitement ne modifie pas la sérovaccination de l’enfant à la naissance. Il n’a pas été démontré
que des accouchements par césarienne empêchaient la
17
Synthèse
transmission du VHB de la mère à l’enfant. L’allaitement ne
présenterait pas de danger si le nouveau-né est sérovacciné
correctement.
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Liens d’intérêts : C. Vauloup-Fellous : formations (bioMérieux), consultant (Roche-diagnostics) ; L. GrangeotKeros : consultant (bioMérieux, Roche) ; interventions
ponctuelles (Beckman, DiaSorin, Siemens, bioMérieux,
Roche).
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