neurologie.com | vol. 2 n°9-10 | novembre-décembre 2010 253
Revue flash
Cette revue sera centrée sur les aspects pratiques de la
pathologie afin de guider au mieux la prise en charge de
ces atteintes lorsque nous les rencontrons.
FACTEUR DE RISQUE ET PRÉSENTATION CLINIQUE
Les facteurs de risque connus de développer une atteinte
cognitive au cours du VIH sont l’âge élevé (> 50 ans), un
Nadir CD4 < 200 ou un taux de CD4 bas, une charge virale
plasmatique positive, un taux bas d’hémoglobine, la
dénutrition (BMI bas), la toxicomanie et/ou l’éthylisme,
une co-infection par le virus de l’hépatite C, la préexis-
tence de trouble cognitifs et probablement une prédis-
position génétique [1], le diabète et l’insulino-résistance
[2] et plus globalement le risque vasculaire [3]. La pro-
portion de patients avec une altération cognitive (toutes
sévérités confondues) est estimée à 27 % au stade A, 44 %
au stade B et 52 % au stade C de la maladie [3].
D’après Robertson et al. [5], la majorité des études neuro-
psychologiques retrouvent de façon caractéristique une
atteinte sous-corticale comme il avait été décrit avant les
trithérapies. Les anomalies retrouvées sont essentiellement
un ralentissement de la vitesse de traitement de l’informa-
tion, des troubles de l’attention (en particulier de l’attention
partagée), de la concentration avec parfois des altérations
de l’apprentissage, et de la mémoire de travail. On note
également des perturbations des fonctions de planification
et d’exécution des comportements complexes. Depuis l’avè-
nement des trithérapies, certains travaux rapportent des
atteintes plus corticales telles que des déficits de la mémoire
verbale, une apraxie ou une agnosie visuelle. L’évaluation
neuropsychologique « idéale » n’existe pas mais ces résultats
montrent que l’on doit rechercher tout aussi bien une
atteinte corticale qu’une atteinte sous-corticale [5].
Ces données épidémiologiques (augmentation de la préva-
lence), clinique (atteintes corticales) corroborent les études
neuropathologiques montrant une modification de la
topographie et de l’intensité de l’inflammation. Au début
de l’épidémie, on retrouvait les lésions essentiellement
dans les régions corticales (notamment frontales) et les
structures sous-corticales. Depuis l’administration des tri-
thérapies, en plus des lésions initiales, on note une accen-
tuation de la réaction inflammatoire qui est maximale au
niveau de l’hippocampe [6].
CRITÈRES DIAGNOSTIQUES
En 2007, l’HNRC (HIV Neurobehavioral Research Center) propose
une révision des critères diagnostiques de l’AAN (1991) [4].
Ils définissent trois grandes catégories de troubles cognitifs
associés au VIH. Pour respecter ces critères, il est nécessaire
d’éliminer les autres causes de syndromes démentiels
(carence vitaminique, dysthyroïdies, syphilis…). Par ailleurs,
pour classer l’intensité de l’atteinte, il faut avoir exploré
au moins 5 fonctions cognitives à la fois sous-corticales et
corticales (attention, planification, langage, abstraction,
fonction exécutive, habilité motrice complexe, mémoire
(incluant apprentissage et rappel, habilité motrice ou sen-
sorielle)). Enfin, la classification en elle-même est basée,
d’une part, sur l’intensité de l’atteinte et, d’autre part, sur
le retentissement dans la vie quotidienne ce qui permet de
définir les catégories suivantes :
1) Troubles cognitifs légers ou asymptomatique neurocognitive
impairment (ANI) défini par une diminution de plus de une
déviation standard dans au moins deux champs cognitifs
mais sans retentissement sur la vie quotidienne.
2) Troubles cognitifs modérés ou mild neucognitive symptomes
(MCS) qui répondent aux mêmes critères neuropsycho-
logiques mais associés à un retentissement sur la vie quoti-
dienne sans pour autant remplir les critères de démence.
3) Démence associée au VIH ou HIV associated dementia (HAD)
constituant un véritable syndrome démentiel avec dimi-
nution de deux déviations standard ou plus dans au moins
deux champs cognitifs avec retentissement marqué sur la
vie quotidienne.
Ces nouveaux critères ont l’avantage d’offrir une meilleure
finesse clinique et une probabilité de diagnostic beaucoup
plus fiable que ceux de 1991 [7]. Bien que le seuil proposé
d’une déviation standard soit différent de celui utilisé
habituellement dans les autres pathologies neurocogniti-
ves, la confrontation neuropathologique faite par Cherner
et al. confirme qu’il paraît justifié d’utiliser un tel seuil dans
cette population [7].
Toutefois, ces critères ont des limites dans la pratique
quotidienne. La nécessité de faire un bilan neuropsycholo-
gique approfondi interprété avec des normes adaptées en
termes d’âge et d’origine ethnique demande une expertise
de la part de l’équipe en charge de cet aspect, ce qui pour
de multiples raisons est difficile à mettre en place dans
toutes les consultations d’infectiologie. D’autre part, les
échelles de retentissement sur le quotidien actuellement
validées concernent surtout des sujets âgés et déjà au stade
démentiel. Il n’y a pas à notre connaissance d’échelle de
retentissement bien codifiée chez des sujets jeunes. Il est
donc difficile de mesurer objectivement le retentissement
sur le quotidien, et ce d’autant que les patients (souvent
jeunes) viennent seuls en consultation.
QUI ENVOYER EN CONSULTATION NEUROLOGIQUE
OU CONSULTATION MÉMOIRE ?
Il apparaît clairement dans la littérature et dans la pratique
le besoin de cibler les patients nécessitant un bilan neuro-
cognitif plus approfondi. Le MMS n’étant pas un bon exa-
men de dépistage, plusieurs batteries de dépistage ont été
mises eu point dont la HIV dementia scale [8]. Elle a l’avantage
d’être particulièrement simple et rapide d’utilisation y
compris pour des cliniciens ne pratiquant pas d’exploration
cognitive. Elle a été testée dans plusieurs populations des
pays du nord et du sud (Indiens, Africains…), elle est un
bon outil de dépistage et un résultat pathologique à cette
échelle est un argument pour orienter le patient vers une
consultation mémoire [9]. Par ailleurs, comme dans la
population générale et afin de répondre à la demande du
patient, la plainte mnésique est souvent un motif de consul-
tation mémoire. L’évaluation de la valeur prédictive de
cette plainte n’est pas très claire dans la littérature.
QUELLES CONSÉQUENCES THÉRAPEUTIQUES?
Si les troubles cognitifs apparaissent chez des patients non
traités, compte tenu de l’efficacité des trithérapies sur les
troubles cognitifs, il semble licite d'instaurer d’une trithé-
rapie. Il en est de même pour les patients mal contrôlés