01-24.qxd 8/11/07 17:50 Page 10 Finances William Le Bellec L’urgence d’une réforme est manifeste La Constitution française est claire ! L’État doit assumer l’égalité des citoyens quel que soit le point du territoire où ils vivent et quelles que soient leurs ressources. Le rôle des pouvoirs publics est donc déterminant. C ’est le choix qui a été fait en 1946 avec la création des services publics locaux, des grandes entreprises publiques et l’instauration de la sécurité sociale. Or, dans les communes accueillant les familles les plus fragiles, l’aggravation des situations pèse lourd sur les budgets : 60 % des salariés, tous secteurs confondus, gagnent moins de 1 600 euros nets par mois, 47 % des familles monoparentales ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. En effet, les charges liées au logement - augmentation des loyers, mais aussi coût de l’énergie - absorbent bien au-delà des 30 % des ressources des foyers. Les communes et les conseils généraux sont donc de plus en plus sollicités pour aider, au titre de l’aide sociale, à passer les caps difficiles. Parallèlement, les prix des services Les moyens ont fondu petit à petit Propositions ■ Réhabiliter l’impôt sur le revenu : ■ Changer la logique des aides le seul qui tienne compte des avec un contrôle public et social. ressources réelles en rejetant les déclarations laissant croire que ■ Contrôler les exonérations. ■ Supprimer l’allégement transitoire l’allégement de l’impôt sur le revenu de 16 % des bases qui n’a plus de dégagerait des ressources pour raison d’être, les charges sociales l’investissement économique et n’étant plus dans l’assiette de la création d’emploi. l’imposition. ■ Moderniser la taxe professionnelle ■ Supprimer le plafonnement en intégrant dans son assiette de la taxe professionnelle. les actifs immatériels et les actifs ■ Rendre juste l’impôt local car il financiers. Eu égard aux sommes qui n’intègre pas la situation financière peuvent être taxées, en appliquant un de ceux qui doivent le payer. Pendant taux plus que modeste de 0,5 %, ce la période du gouvernement Jospin, sont entre 15 et 18 milliards d’euros certaines mesures ont été prises pour de recettes supplémentaires qui la taxe d’habitation, intégrant des pourraient être disponibles pour les exonérations ou des plafonnements collectivités territoriales (soit 175 de l’impôt en fonction des ressources à 300 euros par habitant). Ce produit du foyer fiscal concerné. pourrait être reversé intégralement ■ Améliorer également ce dispositif aux communes, selon des critères pour l’étendre au foncier. de péréquation comme le nombre ■ Augmenter la dotation globale d’habitants et les besoins sociaux. en la modulant sur le PIB. 10 • L’ÉLU D’AUJOURD’HUI 330 mis à leur disposition doivent tenir compte de leurs capacités contributives. Ainsi, les collectivités locales souffrent directement de cette aggravation des conditions de vie qui touche la grande majorité de la population. Et quand elles ont des quartiers en Zus, (zone urbaine sensible) ou en Z FU , (zone franche urbaine), les choses s’aggravent. Quant aux moyens permettant aux collectivités ou aux associations de mener des actions sur le terrain pour accompagner toutes ces familles et les aider à retrouver un emploi, à être capables de se mobiliser pour accompagner leurs enfants dans leur développement, ils ont peu à peu fondu ! Les transferts opérés depuis la loi relative aux libertés et responsabilités locales pèsent lourdement sur leur budget. Les villes sont face à des dépenses obligatoires pour lesquelles elles n’ont qu’à appliquer des choix décidés par le gouvernement. En clair, elles deviennent de plus en plus les sous-traitantes de l’État ! Dans le même temps, le gouvernement exige qu’elles contribuent à la réduction du déficit public. Elles le font puisque, chaque année, elles votent leur budget en équilibre ; de plus, la fiscalité locale est restée relativement stable : elle pesait 5,5 % en 1997 dans les prélèvements obligatoires, elle est de 5,7 % aujourd’hui. Elles représentent un poids économique non négligeable puisqu’elles réalisent plus de 70 % des investisse- 01-24.qxd 8/11/07 17:50 Page 11 ments publics, soit quatre fois plus que l’État : 48,6 milliards d’euros environ pour 2006. Mais si elles sont obligées aujourd’hui d’augmenter les impôts acquittés par les ménages, c’est la conséquence des choix qu’on leur impose ! Le leitmotiv de l’État s’inscrit dans un seul but : celui de réduire la dépense publique. Or, cette dernière n’a rien de répréhensible dès lors qu’elle répond aux attentes légitimes de la population, qu’elle contribue au développement économique de nos territoires et qu’elle participe à l’aménagement du territoire, et cela dans l’intérêt général. Un poids économique non négligeable L’urgence d’une réforme de la fiscalité locale est manifeste ! Il faut dès à présent prendre d’autres mesures pour des priorités majeures : moderniser la taxe professionnelle et alléger les impôts des ménages, qui deviennent insupportables. « La prochaine asphyxie des finances communales a pour principale raison le fait que lorsque l’économie était agricole, la richesse et la fiscalité étaient basées sur le foncier ; lorsque l’économie est devenue industrielle, la richesse était fondée sur le travail et le capital, et la fiscalité aussi. L’économie est devenue principalement aujourd’hui une économie de services et financière. Or, cette sphère est notoirement sous-fiscalisée. » (Jean-Pierre Delevoye, alors président de l’AMF, en 1995 lors du congrès des maires de France). Il y a aujourd’hui huit fois plus d’argent dans la sphère financière que dans la sphère productive. Les actifs financiers représentent cinq fois le budget de la nation, soit 5 000 milliards d’euros. La réforme fiscale serait une façon de réduire le poids de la pression fiscale sur les ménages en les intégrant dans la base de la taxe professionnelle. Une taxation modeste ne ferait que diminuer un peu l’inégalité des entreprises face à l’impôt, notamment à la taxe professionnelle. Cette recette nouvelle pourrait servir uniquement à la péréquation (mécanisme de redistribution qui vise à réduire les écarts de richesse, et donc les inégalités entre les différentes collectivités territoriales). ■ À propos de la dette! L e spectre de la dette publique est régulièrement agité, et son montant important est sans cesse mis en exergue, à hauteur de 17 000 euros par habitant de notre pays. Il conviendrait pourtant de rapprocher ce montant du revenu fiscal annuel moyen des ménages - 16 827 euros pour 2005 - ou du fait que l’endettement privé des ménages, tout aussi préoccupant, si ce n’est plus, est passé depuis 2002 d’un peu plus de quatre années de revenu disponible à quatre années et demie. Reste que cette dette publique a permis, au fil du temps, de constituer un patrimoine public important, allant de notre réseau routier ou ferré à nos grandes infrastructures publiques, en passant par nos écoles primaires, nos stades ou encore nos grands équipements culturels. La France connaît un déficit budgétaire depuis 1974 ! Ce déficit s’est largement accru à compter du milieu des années quatrevingts et a connu une expansion spectaculaire dès lors que les choix fiscaux opérés au plus haut niveau ont été des choix d’allégement de la contribution des entreprises au financement de la dépense publique et de la solidarité nationale. Ainsi, depuis 1985, l’impôt sur les sociétés a été peu à peu ramené de 50 % à 33,33 % pour le taux normal tandis que de nombreuses dispositions dérogatoires ont été progressivement ajoutées au cadre législatif de cet impôt. Dans le même ordre d’idée, la taxe professionnelle a connu deux réformes essentielles, l’une consistant à réduire de 16 % la base d’imposition, l’autre, à compter de 1999, visant à faire disparaître la part taxable des salaires de cette même base d’imposition. À l’arrivée, la seule baisse du taux de l’impôt sur les sociétés représente, depuis 1985, 230 milliards d’euros de moins-values fiscales pour l’État, soit le quart de la dette publique négociable actuelle, et correspond pratiquement à cinq années de déficit budgétaire. L’allégement de la taxe professionnelle représente près de 120 milliards d’euros pour l’État, ce coût intégrant les apports respectifs de l’allégement initial, de la suppression de la part taxable des salaires et, surtout, les effets du plafonnement à la valeur ajoutée. Au cœur du débat sur la dépense publique, on notera que les dépenses liées aux exonérations sont passées de 6 milliards de francs en 1992 à près de 26 milliards d’euros en 2005. Les dépenses de l’État ont explosé en quinze ans En d’autres termes, l’État dépense aujourd’hui vingt-cinq fois plus qu’il y a quinze ans. Et tout cela pour un résultat qui laisse perplexe ! La croissance économique est molle : elle dépasse de plus en plus rarement les 2 %. Nous assistons à des dénationalisations et des délocalisations industrielles. Le niveau de l’emploi est pour le moins incertain : l’économie française n’a créé que deux millions d’emplois dans le secteur marchand depuis vingt ans et l’industrie compte aujourd’hui moins de salariés qu’en 1970, ce qui se traduit par la persistance d’un niveau de chômage élevé. La seule certitude, en revanche, c’est que les capacités financières des entreprises se sont améliorées. En effet, si le niveau des salaires et des cotisations sociales n’a pas varié au sein de la valeur ajoutée depuis une quinzaine d’années - il se fixe d’ailleurs à un niveau inférieur à celui de 1970 -, l’excédent brut d’exploitation n’a pas cessé de croître. Il dépasse depuis longtemps les 30 % de la valeur ajoutée et les sommes sont en grande partie utilisées pour alimenter la rémunération du capital. Ainsi, les déficits publics trouvent donc essentiellement leur origine dans les moins-values de recettes et les dépenses « obligées » que l’État a décidé de supporter. Quand on favorise la création d’emplois sous-rémunérés, aux qualifications non reconnues, on se prive des ressources découlant naturellement d’un plus haut niveau de validation du travail salarié. En réalité, les politiques de déflation salariale n’ont pas permis, loin de là, à la France d’éviter la progression de la dette, ni celle des déficits. Elles ont sans doute même contribué à les encourager, ce qui est le contraire des objectifs fixés ! ■ 330 L’ÉLU D’AUJOURD’HUI • 11 01-24.qxd 8/11/07 17:50 Page 12 Le point sur… la TVA sociale C e projet consiste à transférer sur la TVA une partie du financement de la sécurité sociale. Pour ce faire, les cotisations sociales patronales seraient allégées et la TVA relevée. Plusieurs scénarios peuvent être envisagés selon le principe des vases communicants : plus la baisse des cotisations est forte et plus le relèvement de la TVA est important ! Il existe deux taux principaux en matière de TVA : le taux réduit (5,5 %) et le taux normal (19,6 %). Le rendement de la T VA est élevé : 51 % des recettes fiscales de l’État en 2007 (soit près de 133 milliards d’euros). Au demeurant « indolore », la TVA pèse plus lourdement dans le budget des ménages modestes que dans celui des ménages les plus riches. Et les faits sont là : les 10 % des ménages les moins riches consacrent 8,1 % de leur revenu à la TVA contre 3,4 % pour les 10 % les plus riches. Deux raisons principales sont avancées pour justifier un tel transfert. L’une consiste à mettre en avant le caractère universel de la sécurité sociale (notamment des branches « famille » et « maladie ») et donc à promouvoir une participation de l’ensemble des richesses (et pas seulement des revenus du travail) à leur financement. C’est la logique qui a prévalu à la mise en place de la Contribution sociale généralisée (CSG) même si la majeure partie de la CSG provient en réalité des revenus du travail. L’autre consiste à défendre la compétitivité de l’économie. Les promoteurs de cette réforme mettent en avant les effets qui découleraient, selon eux, d’une TVA sociale : l’allégement du coût du travail favoriserait la création d’emplois et la compétitivité des entreprises, la taxation supplémentaire à l’importation devant ériger une forme de barrière protectionniste. Or, le scénario attendu par les tenants d’une TVA sociale est particulièrement « vertueux » ! : toutes les entreprises répercuteraient la baisse du coût du travail, la diminution des prix hors taxe ainsi obtenue compensant la hausse des taux de sorte que le prix de vente n’augmenterait pas. Par la suite, cette diminution des prix hors taxes rendrait les produits français plus compétitifs à l’importation, surtout au regard des produits importés soumis, eux, à la TVA. Vers une augmentation des prix de vente Mais les incertitudes qui pèsent sur les implications réelles d’une hausse de la TVA sont d’une autre nature ! Une répercussion partielle, voire nulle, de la diminution des prix hors taxes provoquerait une hausse des prix à la consommation correspondant peu ou prou à celle de la TVA. Cette absence de répercussion peut avoir des causes En savoir plus ■ Qu’est-ce que la taxe s’est considérablement élargi tandis professionnelle ? que, dans le même temps, celui de Elle fait partie des impôts directs l’État rétrécissait. La TP représente locaux qui ont succédé aux la principale source fiscale des contributions directes mises en place collectivités locales (près de au lendemain de la Révolution 25 milliards d’euros de recettes). de 1789 (« les quatre vieilles »). Pourtant, actuellement, elle ne Le paysage est certes différent frappe que 2,7 millions de redevables aujourd’hui et la vague sur un champ d’application théorique décentralisatrice donne une de 3,6 millions. Un tiers des dimension tout à fait particulière au redevables potentiels sont, en effet, financement des collectivités locales exonérés de taxe professionnelle dont le champ de compétences ou relèvent de règles dérogatoires. 12 • L’ÉLU D’AUJOURD’HUI 330 diverses : hausse du taux de marge des entreprises correspondant à tout ou partie de la baisse du coût du travail et, dans certains cas, rémunération du travail déjà allégée du fait des exonérations existantes rendant impossible une répercussion de la baisse des cotisations patronales. Du reste, les bénéficiaires des allégements de cotisations ne pourraient plus bénéficier de cet avantage comparatif par rapport à leurs concurrents. C’est notamment le cas de certaines industries pour qui l’instauration d’une TVA sociale se traduirait par une augmentation des prix de vente et donc par une perte de compétitivité. On remarquera également que, les importations étant soumises à TVA, les prix des produits importés seraient augmentés. Enfin, en théorie, une telle hausse ne doit pas entraîner d’effets inflationnistes qui, s’ils se produisaient, annuleraient les effets recherchés et encourageraient une substitution capital/travail au détriment de l’emploi. Signalons enfin que la concurrence fiscale européenne conduirait les autres pays à suivre le mouvement, ce qui annulerait les bénéfices attendus et aggraverait un peu plus le déséquilibre des systèmes fiscaux et sociaux. L’imposition supplémentaire de la consommation On assisterait dans les faits à une imposition supplémentaire de la consommation, donc à une baisse du pouvoir d’achat des ménages. Une hausse de la TVA revient en fait à imposer davantage le travail puisque la consommation procède, pour l’essentiel, de l’utilisation des revenus du travail. L’élargissement du financement de la sécurité sociale est légitime dans son principe : l’universalité doit en effet reposer sur une participation de l’ensemble des richesses. Mais il n’existe pas d’assiette miracle. Reste qu’une TVA sociale déséquilibrerait davantage le système fiscal et se retournerait contre les ménages. A contrario de ce choix politique, d’autres pistes pour l’évolution légitime et lisible du financement de la sécurité sociale pourraient être mises en place : c’est le cas d’un élargissement des cotisations sociales à la valeur ajoutée et d’une CSG plus juste, donc progressive ! ■ 01-24.qxd 8/11/07 17:50 Page 13 Pour une autre réforme de la taxe professionnelle! P roposition de loi des parlementaires communistes « tendant à l’imposition des actifs financiers au titre de la taxe professionnelle ». Les lois de décentralisation ont marqué, à partir de 1982, une profonde évolution du rôle des collectivités qui s’exprime à travers la montée en puissance de la fiscalité directe et indirecte locale dont le produit est essentiel dans le système fiscal et social et mobilise l’intervention citoyenne. On ne peut donc en rester à une réforme à moyens constants au moment où des exigences nouvelles se font jour pour de nombreuses collectivités. Ce prélèvement sur les actifs financiers des entreprises pourrait alimenter en ressources l’ensemble des collectivités. Celles-ci sont aujourd’hui confrontées à un triple défi : le tout premier, celui de « réparation sociale » avec l’explosion des dépenses d’action sociale et d’insertion ; un défi d’impulsion économique dans la mesure où les dépenses de fonctionnement et d’investissement des collectivités ont un incontestable effet d’entraînement sur l’activité économique. L’argent des communes ne dort pas. Il est remis la plupart du temps à 100 % en circulation au moyen de l’investissement direct ou de la distribution de pouvoir d’achat ; enfin, en stimulant l’emploi. À l’évidence, les collectivités n’administrent pas l’économie et encore moins les entreprises, mais le droit - constitutionnel - à l’emploi leur confère une responsabilité particulière. Les collectivités locales n’administrent-elles pas les dégâts sociaux résultant des gestions des groupes, ceux causés par les plans dits sociaux de licenciement par exemple ? Comment pourrait-on relever ces défis ? À de multiples reprises, les rapports entre État et collectivités locales ont été marqués par des tensions, notamment à propos des dotations budgétaires ou encore de l’application des règles de la fiscalité locale. Ce dialogue difficile entre État et collectivités a fini d’ailleurs par occulter deux débats essentiels : les moyens des collectivités locales ne sont pas uniquement mal répartis, ils sont avant tout globalement insuffisants ; l’impôt local ne constitue pas exclusivement une source de financement des besoins, il est également un outil d’efficacité économique. Avec l’élargissement que proposent les parlementaires communistes, la taxe professionnelle peut constituer un impôt incitant à l’efficacité et à la productivité du capital. Le développement des alliances industrielles et capitalistes, la valorisation boursière continue de la plupart des grandes entreprises, l’intégration renforcée de nombre de petites et moyennes entreprises, les exportations de capitaux se sont faites au prix de gains de productivité du travail considérables, d’une réduction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, mais aussi d’un gonflement sans précédent de la masse de capitaux proprement financiers placés et détenus par les entreprises. L’Insee évalue le montant de capitaux financiers à quelque 26 000 milliards, soit deux fois et demi le montant des capitaux matériels qu’elles détiennent sous forme de machines et d’équipement. Mais quelle est la productivité de ce capital ? Il faut donc prendre la mesure de cette réalité économique en incluant cette masse d’actifs financiers (multipliée par cent depuis 1970) dans l’assiette de la taxe professionnelle. L’Association des maires de France ne dénonce-t-elle pas « la sous-fiscalisation de la richesse financière » ? Il s’agit En savoir plus ■ Si l’on taxe les actifs financiers (liquidités, créances clients, prêts…) à hauteur de 0,3 %, le produit capitaux dits « immatériels » escompté est d’environ 10,7 milliards ou « incorporels » (brevets, fonds d’euros ; à 0,5 %, le produit escompté de commerce…). est d’environ 17,8 milliards d’euros. On dispose de deux types Ce qui donne par habitant, en d’estimation du total des actifs moyenne, entre 178 et 297 euros. financiers des entreprises situées Donc, pour une ville de 50 000 en France : l’une est établie par la habitants, une recette fiscale comptabilité dite nationale et figure supplémentaire de 58,5 à dans les Comptes de la Nation, à la 97,5 millions d’euros. La modulation partie comptes de patrimoine1. Elle de la répartition du produit en est le résultat d’estimations diverses, fonction de critères sociaux ferait parfois indirectes, mais basées sur que les villes qui ont plus de un certain nombre d’hypothèses chômeurs et de besoins sociaux qui peuvent être mises en cause, toucheraient un produit plus élevé. notamment concernant l’évolution ■ Définition : les actifs financiers du prix des actions non cotées en d’une entreprise représentent bourse. L’autre se base sur la la partie de son stock de capitaux compilation directe des comptabilités investie en placements financiers, d’entreprise et est publiée dans figurant à l’actif de son bilan l’annuaire Statistique de la France2. comptable. Le reste du capital Son principal intérêt est qu’elle est investi en capitaux matériels correspond aux chiffres disponibles fixes (immeubles machines…) entreprise par entreprise. Mais elle et capitaux circulants : matériels utilise les montants dépensés à la (stock de marchandises, de produits date d’achat, donc non actualisés. intermédiaires, de matières 1/ Comptes de la Nation, 2003, Insee Résultats, série économie, n° 14. 2/Édition 2004, Insee, cf. p. 437. premières…) et non matériels 330 L’ÉLU D’AUJOURD’HUI • 13 01-24.qxd 8/11/07 17:50 Page 14 En savoir plus ■ La taxe d’habitation est perçue affectés à l’agriculture (terres, au profit des collectivités territoriales. pâtures, bois…) et aux terrains à Sa base d’imposition est calculée bâtir. La taxe foncière est calculée d’après l’évaluation cadastrale des en multipliant le revenu cadastral locaux considérés. S’il s’agit de la par les taux fixés par les collectivités. résidence principale du contribuable, Le revenu cadastral sert donc cette base d’imposition est diminuée de base d’imposition. Il est obtenu d’un abattement obligatoire pour en appliquant à la valeur locative charges de familles (10 % pour les cadastrale un abattement de 50 % deux premières personnes à charge pour un bien bâti et de 80 % pour pouvant être portés à 15 % ou 20 % une propriété non bâtie. Ce montant par les collectivités, 15 % pour sert à couvrir les frais d’entretien, les personnes suivantes pouvant d’assurance, d’amortissement être portés à 20 % ou 25 % par les et de gestion du bien considéré. collectivités) ; d’un abattement ■ La taxe d’enlèvement des ordures général facultatif dont le taux varie ménagères est un impôt direct selon les communes (5,10 ou 15 %) ; prélevé pour financer la collecte des d’un abattement facultatif pour les déchets. Elle est réclamée sur le personnes de condition modeste même avis d’imposition que les taxes dont le revenu n’excède pas une foncières. Dans le cas d’institution de certaine somme. Son taux est de la TEOM, il est obligatoire de mettre en 5,10 ou 15 % selon les communes. place une redevance spéciale article ■ La taxe foncière est un impôt local L.2333-78 du Code général des dû tous les ans par le propriétaire collectivités territoriales, applicable d’un bien immobilier. Il existe trois aux activités (industries, artisans, impôts différents : la taxe foncière sur commerçants et autres). C’est une les propriétés bâties (TFPB), la taxe taxe facultative, c’est-à-dire que foncière sur les propriétés non bâties la commune n’est pas obligée de (TFPNB) et la taxe d’enlèvement des l’instituer. Les collectivités votent ordures ménagères (TEOM). Ces taxes le taux applicable sur leur territoire contribuent à la composition des pour l’année. Il est possible de ressources fiscales des communes, définir des zones sur lesquelles départements, régions ou s’appliqueront des taux différents groupements de communes (EPCI). pour tenir compte des différences Elle est fixée par les collectivités dans le service rendu (par exemple, territoriales dont dépend la un ramassage hebdomadaire au lieu construction imposable. Le taux d’un ramassage quotidien donnera d’imposition n’est donc pas le même lieu à application d’un taux inférieur). selon que vous vivez en Bretagne Si les locaux non desservis par le ou en Alsace. Sont imposées les service d’enlèvement sont exonérés propriétés bâties situées en France, de la taxe, les collectivités c’est-à-dire les constructions qui territoriales concernées peuvent reposent sur des fondations, fixées prendre une délibération contraire. au sol à perpétuelle demeure et qui La taxe est réclamée au redevable présentent le caractère de véritables de la taxe foncière, en général le bâtiments (maison, hangar, atelier…), propriétaire. C’est un impôt que les et leurs dépendances (parking, propriétaires ont la possibilité de cour…) ; les terrains non construits reporter dans les charges locatives (TFPNB). Elle s’applique aux terrains réclamées aux locataires. 14 • L’ÉLU D’AUJOURD’HUI 330 de faire participer ces capitaux au financement normal des dépenses publiques. Cela revient à rendre légèrement coûteuse leur détention en leur appliquant un taux de 0,3 % prélevé au niveau national et redistribué à toutes les collectivités locales via un fonds de péréquation et de répartition sur critères. Cela rendrait la taxe professionnelle plus sélective en incitant les entreprises à rechercher une croissance réelle et non financière : une entreprise diminuant ses placements financiers verrait sa taxe professionnelle diminuer (sans compter la baisse due à la réforme de la partie « salaire ») alors qu’une entreprise faisant plus de placements financiers y regarderait à deux fois car elle supporterait un surcoût. Encore faut-il remarquer qu’un surcoût ne serait sensible pour la valeur ajoutée des entreprises que pour celles, très grandes, qui, en accroissant leurs placements financiers, n’augmentent pas suffisamment leur valeur ajoutée. Faire participer les capitaux aux dépenses publiques Cette réforme pousserait les entreprises à se sortir du piège des marchés financiers, à se désintoxiquer. Elle ne pèserait pas sur la masse considérable des 1,5 à 2 millions de petites entreprises n’ayant pas, ou extrêmement peu, de placements financiers. On peut même supposer que les collectivités seraient incitées à alléger leur imposition. Après une taxe professionnelle à deux leviers, prélèvement national sur les actifs financiers et prélèvement sur les actifs matériels, les communes retrouveraient des marges d’action pour baisser le taux local permettant éventuellement de renforcer le basculement de l’investissement financier vers l’investissement productif et immatériel (recherche et développement, dépenses et développement humain, de formation et de rémunération). Il s’agit, en accroissant les recettes des collectivités territoriales à travers le fonds de péréquation et de répartition du prélèvement sur les actifs financiers (de 50 à 70 milliards de francs à comparer avec l’existant) de réduire considérablement les problèmes d’inégalité de richesse des communes et de contributivité des différents secteurs d’activité, en rétablissant par là même l’égalité des entreprises devant l’impôt. ■ 01-24.qxd 8/11/07 17:50 Page 15 QUESTIONS A s’agisse de l’enseignant de nos enfants, de l’îlotier de la police nationale ou du cantonnier de l’Équipement dont les postes sont peu à peu supprimés au nom de cette priorité érigée en dogme par l’actuel gouvernement. F ace à ces choix, y a-t-il d’autres possibilités d’action ? Marie-France Beaufils sénatrice-maire de Saint-Pierre-des-Corps (37) C omment jugez-vous les différentes lois de finances durant les dernières législatures ? S’il fallait retenir quelques décisions marquantes, nul doute que ressortirait entre toutes la décentralisation qui, de fait, n’est que l’abandon de missions d’État et leur transfert vers les collectivités territoriales. De même, l’ensemble des mesures qui, au motif de réduire les impôts, n’ont fait que conforter le poids de la fiscalité indirecte au détriment de l’impôt progressif. Ainsi, les politiques publiques sont devenues, pour l’essentiel, de simples politiques d’accompagnement des choix de gestion des entreprises, et plus précisément des plus grandes d’entre elles, parfois et même assez souvent en concurrence directe avec les choix opérés par les plus petites. Ces politiques d’accompagnement ont des traductions diverses, privilégiant en de nombreux domaines une incitation fiscale moins transparente à la dépense publique directe. Les choix opérés depuis 2002 sont significatifs ou, plus prosaïquement, la suppression de la dépense publique elle-même en décidant, d’une certaine manière, que ce n’est pas ou plus à l’État de prendre en charge tel ou tel champ de l’action publique. Tout a consisté, depuis 2002, à assujettir la politique budgétaire de la nation aux seuls impératifs de rentabilité des capitaux, aux seuls intérêts des détenteurs de patrimoines constitués sur le dos des salariés. Ce sont tout de même plus ou moins 40 milliards d’euros que nous devons verser chaque année à ces créanciers et il suffit d’un nouveau relèvement des taux par la banque centrale européenne pour ajouter encore à la facture ! Cela se fait toujours au détriment de la dépense publique, des services publics, traduction concrète de la présence de l’État dans la vie quotidienne, qu’il Soit l’on opte pour une politique publique faisant naturellement confiance aux acteurs de la vie économique et sociale, et le plus souvent au « marché » considéré comme « régulateur », soit l’on opte pour une intervention publique multiforme susceptible de corriger les distorsions existantes au principe fondamental d’égalité entre les citoyens et les territoires où ils vivent. L es élus communistes et républicains proposent une autre réforme fiscale et une refonte de l’action et de la dépense publiques ! L’impôt sur le revenu doit être réformé, oui, pour être plus efficace et éviter notamment, comme nous le voyons aujourd’hui, que le traitement de faveur accordé aux revenus du capital et du patrimoine devienne un obstacle à l’égalité de tous devant l’impôt. Celui sur les sociétés doit être réformé, oui, pour que les plus petites entreprises soient enfin traitées à l’égal des plus grandes, passées maîtres dans l’art de tirer parti de l’ensemble des dispositifs d’incitation et d’optimisation dont est truffée, sans véritable évaluation, notre législation ! L’impôt sur le patrimoine, quelle que soit sa forme (ISF, droits de mutation, de succession, plus-values de cession) doit être réformé pour devenir plus juste et plus respectueux de la réalité de la fortune accumulée par quelques-uns au détriment du plus grand nombre. La valeur d’un patrimoine mobilier, ne l’oublions jamais, est toujours la résultante de l’accumulation du travail salarié dans les mains du détenteur de ce patrimoine. Que, d’une manière ou d’une autre, ce patrimoine revienne à la collectivité n’est finalement que l’expression de la plus élémentaire justice. La fiscalité indirecte doit être réformée, oui, que ce soit la TVA comme la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) parce qu’elles pèsent lourdement sur les foyers les plus modestes. La fiscalité locale doit être réformée, oui, et cela passe notamment par une taxe professionnelle rénovée prenant en compte la réalité de la situation économique depuis sa création, ce qui offrirait de nouveaux moyens d’intervention pour les collectivités territoriales. 330 L’ÉLU D’AUJOURD’HUI • 15