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Le Médecin de France n°1275 • 30 novembre 2016
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l'événement
Le candidat de la droite et du centre
a mis la santé sur le devant de la
scène, en évoquant son programme
fondé sur la séparation entre petit
risque et gros risque.
À
peine désigné candidat de la
droite et du centre, François
Fillon a fait l’objet de polé-
miques sur divers aspects de son
programme. Avec, pour la première
fois, un clivage prononcé sur le
thème de la santé, alors qu’en gé-
néral la thématique est quasi-ab-
sente de la campagne électorale.
C’est l’ancien Premier ministre de
Nicolas Sarkozy qui avait imposé le
sujet lors de l’ultime débat télévisé
des primaires face à Alain Juppé.
De fait, sa proposition est nette-
ment d’essence libérale. Il propose
en effet que l’assurance maladie se
concentre sur la « prise en charge des
soins graves et de longue durée », tan-
dis que les soins courants seraient
couverts par les complémentaires
santé. Une position qui fait ressur-
gir deux vieilles idées : d’abord la
distinction entre gros risque et petit
risque et ensuite la définition d’un
« panier de soins », c’est-à-dire le
périmètre des prestations de santé
jugées suffisamment graves pour
être prises en charge par l’assurance
maladie. À cela s’ajoute également
un autre concept, celui d’une fran-
chise applicable sur les premières
dépenses générées, remplaçant le
ticket modérateur et les franchises
actuelles. Face au tollé suscité par
ses premières déclarations, Fran-
çois Fillon avait également précisé
la portée d’une mesure plus sociale,
évoquant un « bouclier sanitaire »
permettant aux moins favorisés de
ne pas se voir appliquée la fran-
chise.
Un programme à clarier
Comme on peut l’imaginer, de
telles déclarations ont suscité de
nombreuses critiques, dans son
camp comme dans celui d’en face.
Par Twitter, Marisol Touraine avait
émis un calcul fallacieux, estimant à
3 200 € par personne le surcoût du
programme Fillon. Ses adversaires
se sont d’ailleurs fortement mobili-
sés toute la semaine sur le thème « il
veut privatiser la santé ». En réalité, si
on y regarde de plus près, il semble
que plusieurs concepts ont été déve-
loppés ensemble sans réelle cohé-
rence. C’est ce qu’observe l’écono-
miste de la santé Claude Le Pen, qui
estime dans le Quotidien du Médecin
que le programme de François Fil-
lon « mérite d’être clarifié ». Il émettait
notamment des doutes sur l’oppor-
tunité d’une franchise sur les soins
remboursés par l’assurance mala-
die, alors qu’elle est censée assurer
les soins lourds et graves. Quoi qu’il
en soit, avant même l’ultime vote des
primaires, la généticienne Domi-
nique Stoppa-Lyonnet, porte-parole
santé de François Fillon, reconnais-
sait qu’il faut « remettre le travail sur
l’établi ».
Des engagements pour la médecine
libérale
Qu’en pense-t-on du côté des mé-
decins libéraux ? Pour Jean-Paul Or-
tiz, le candidat Fillon a le mérite de
placer la thématique santé au cœur
du débat électoral. « C’est une bonne
chose, car la santé vient systématique-
ment en tête des préoccupations des
Français, sans que la plupart des po-
litiques en tiennent compte. » Mais le
président de la CSMF reste réservé
sur la distinction entre petit et gros
risque. Car tout médecin sait bien
qu’un symptôme bénin peut être le
signe d’une maladie grave, et donc
à prendre au sérieux. La confédéra-
tion attendra donc d’en savoir plus
sur le programme Fillon avant de
se prononcer. Il est à noter cepen-
dant que dans l’interview accordée
au Médecin de France, François Fillon
prend plusieurs engagements forts,
comme la suppression du tiers
payant généralisé, l’adoption d’une
loi de santé rectificative et le sou-
tien à l’entreprise libérale de santé.
Présidentielle : Fillon place
la santé au cœur du débat