12 questions aux candidats à l’élection présidentielle 2012 FRANÇOIS HOLLANDE 1/ La médecine libérale est en forte perte d’attractivité chez les jeunes médecins, avec moins de 10% d’installations parmi les nouveaux inscrits à l’Ordre. Faut-il prendre des mesures pour améliorer cette attractivité et quelles sont vos propositions ? Pour garantir l’accès aux soins des Français, il faut agir avec le pluralisme de notre système de santé. La médecine libérale en est une composante essentielle qui doit être préservée. Or, les jeunes médecins s'installent moins ou moins rapidement en cabinet. Cela montre une certaine inquiétude, mais aussi de nouvelles attentes par rapport à l'exercice de la médecine. Le modèle du médecin isolé dans son cabinet qui exerce au même endroit toute sa vie ne correspond plus au souhait de mode de vie de tous les jeunes médecins. Nous devons en tenir compte, en accompagnant ces jeunes médecins dans leur démarche d’installation lorsqu’ils souhaitent le faire en libéral, mais aussi en offrant d'autres perspectives professionnelles à ceux qui souhaitent exercer autrement. Et il faut le faire en gardant un objectif en tête : celui de favoriser une répartition territoriale des médecins qui permettent à tous les Français d’avoir accès aux soins. C'est dans cette optique que je propose de mettre en place un plan d’aide à l'installation des jeunes médecins. Cela passe par un soutien administratif et par une formation qui prépare mieux les jeunes médecins aux réalités de leur futur exercice. Il faut également mieux prendre en compte leurs attentes et leur offrir une plus grande variété de LE JOURNAL DE LA CSMF parcours professionnels en leur permettant d’exercer au sein de structures collectives. Ces structures, pôles, maisons ou centres de santé, apporteront aux médecins la possibilité d’une plus grande souplesse d'organisation. 2/ La liberté d’installation reste la règle en médecine de ville. Souhaitez-vous maintenir cette liberté ou l’encadrer, et dans ce cas selon quels critères ? La liberté d'installation est un principe fondateur de la médecine libérale sur lequel je n'entends pas revenir. Comme je l'ai déjà dit, je préfère le dialogue à la contrainte et j'ai la conviction que nous pouvons trouver des solutions aux problèmes d'accès aux soins grâce à la concertation avec les professionnels de santé. Cela n'empêchera pas de mener des politiques volontaires pour favoriser une meilleure répartition des médecins sur le territoire national. En outre, comme toutes les libertés, la liberté d'installation doit être conciliée avec d'autres droits tout aussi légitimes, comme le droit des patients à bénéficier de soins accessibles financièrement. Cela signifie que l'installation en secteur 2 devra être encadrée, notamment dans les zones sur-denses, où les professionnels pratiquant les tarifs opposables ne sont pas assez nombreux. Tout cela sera discuté de manière franche avec les professionnels de santé, dans le meilleur intérêt des patients. 79, rue de Tocqueville - 75017 Paris Tél. : 01 43 18 88 33 - Fax : 01 43 18 88 34 www.csmf.org 12 FRANÇOIS HOLLANDE questions aux candidats à l’élection présidentielle 2012 3/ Quelle est votre position par rapport à la convention médicale de 2011 et soutiendrezvous les mutations de l’exercice professionnel qu’elle dessine ? Vous engagez-vous à donner les moyens de les financer ? La convention médicale de 2011 a marqué un certain nombre d’avancées. L’évolution majeure est la mise en place de nouvelles rémunérations forfaitaires. Que celles-ci visent à améliorer les pratiques (comme la généralisation du paiement à la performance que je préfère appeler paiement de la qualité), ou à payer certaines missions de santé publique, elles permettent d’envisager d’autres modes de relation avec les médecins, et de leur donner les moyens de prendre davantage en compte des objectifs de santé publique. 4/ Que proposez-vous pour favoriser les regroupements entre professionnels de santé ? nisation de la médecine de premier recours sur notre territoire. Quand le secteur ambulatoire n’est pas présent, désorganisé, mal financé, les services hospitaliers sont engorgés et on observe des dysfonctionnements massifs et coûteux. Ce sont les professionnels de ville qui doivent devenir les premiers acteurs de la prévention et de la santé publique. Ils ont aussi un rôle clé à jouer face au vieillissement de notre population. 6/ Une partie des médecins pratiquent des dépassements d’honoraires. Quelle serait votre action sur ce plan en cas d’élection ? 7/ Etes-vous favorable au secteur optionnel étendu à tous les médecins pour rapprocher les secteurs 1 et 2, comme le demande la CSMF ? (réponse commune aux questions 6 et 7) Je me suis engagé à ce qu’il y ait dans chaque territoire un pôle de soins et de santé de proximité. L’exercice regroupé attire de plus en plus de professionnels de santé et permet d'offrir au patient de nouveaux services et, souvent, une meilleure disponibilité. Il ne suffit pas d’attendre que le mouvement se poursuive, il faut l’amplifier fortement. D’abord, en mettant en place un guichet unique d’aide à l’installation, afin de réunir l’ensemble des acteurs concernés, de réduire les contraintes administratives et de soutenir les professionnels dans l’élaboration de leur projet médical d’établissement. Ensuite, en apportant éventuellement un soutien financier, à partir de critères objectifs – la qualité de l'accès aux soins sur un bassin de vie, la démographie médicale, la population prise en charge – et avec des objectifs de santé publique précis. 5/ Agirez-vous en priorité pour renforcer le secteur ambulatoire et les soins de proximité ou pour préserver la place du secteur hospitalier ? Pourquoi opposer les deux ? Chacun a un rôle à jouer. L’enjeu, aujourd’hui, est de les rendre plus complémentaires. Mais je suis convaincu que les défis que nous avons à relever imposent une profonde réorga- LE JOURNAL DE LA CSMF Les dépassements d’honoraires sont devenus un problème majeur pour les Français, qui rencontrent de plus en plus de difficultés pour accéder aux soins. Ces dépassements entraînent une déconnexion croissante entre ce que le malade paie et ce que la sécurité sociale lui rembourse : le montant de ces dépassements a presque triplé en 20 ans. Alors même que les abus sont le fait de quelques-uns, les dépassements excessifs nuisent par ailleurs à l’image de tous les médecins, y compris ceux qui en pratiquent de manière raisonnable. Il est donc dans l’intérêt de tous de mettre un terme à ces abus. En la matière, le secteur optionnel ne s’attaque en rien au fond du sujet et aboutira à graver dans le marbre les situations existantes. En ce qui me concerne, je m’engage à lutter contre les dépassements de manière résolue en limitant l’installation de praticiens en secteur 2 dans les zones à forte densité médicale, en reprenant les préconisations avancées par l’appel des praticiens hospitaliers du secteur public contre les abus de l'exercice privé à l’hôpital, et en engageant dès mon arrivée aux responsabilités des négociations pour un véritable encadrement des dépassements d’honoraires, par spécialité et par région. 79, rue de Tocqueville - 75017 Paris Tél. : 01 43 18 88 33 - Fax : 01 43 18 88 34 www.csmf.org 12 FRANÇOIS HOLLANDE questions aux candidats à l’élection présidentielle 2012 8/ Les médecins libéraux demandent des revalorisations d’honoraires, notamment les spécialités cliniques en voie de “paupérisation”. Estimez-vous ces attentes légitimes, et comment revaloriser ces professions ? 10/ L’assurance-maladie affiche un déficit chronique Je suis ouvert au dialogue avec les professionnels de santé, et il n'y a pas de sujet tabou. Les contraintes imposées par l'état dégradé de nos finances publiques ne nous permettront toutefois pas de satisfaire toutes les revendications. Je ne veux donc pas promettre ce que je ne pourrai pas tenir. Je partage votre préoccupation. La politique de l’actuelle majorité, qui a fait reposer une part croissante de l'effort sur les complémentaires et les patients, à travers les forfaits, les franchises et les dépassements d’honoraires, a montré ses limites. Elle n’a pas permis de rééquilibrer les comptes et elle a accru le renoncement aux soins. Je crois qu’à l’avenir, les prochaines négociations sur les revalorisations devront pleinement intégrer le sujet des contreparties, selon la voie ouverte par la convention médicale de 2011. Il faudra développer ces contreparties en termes d’actions de santé publique, de maîtrise des prescriptions et d’égalité d’accès aux soins sur le territoire.. 9/ Certaines organisations syndicales, comme la CSMF, défendent le principe d’une nomenclature des actes cliniques, avec plusieurs niveaux de tarifs selon la nature de la consultation. Quelle est votre position sur ce thème ? J’y suis favorable. Je pense comme vous qu’il est nécessaire de mieux adapter la rémunération des médecins à la diversité des patients et des pathologies. C’est un sujet structurel qui appelle une réflexion approfondie. On peut envisager différentes manières d’y répondre, comme le renforcement de la part forfaitaire de la rémunération, dans le cadre des parcours de soins, selon les patients ou les pathologies. LE JOURNAL DE LA CSMF qui aggrave année après année les principes d’un système de santé universel et solidaire. Que comptez-vous faire concrètement pour équilibrer les comptes ? J’ai pris un engagement global de rétablissement des finances publiques, qui intègre le budget de l’Etat, des collectivités locales et celui de la Sécurité sociale. Ce rétablissement devra combiner des actions sur les recettes et les dépenses. Pour mobiliser des ressources nouvelles, commençons par réduire les niches fiscales et sociales et par renforcer l’égalité des contributions entre les revenus du capital et ceux du travail. L’action sur les dépenses implique quant à elle des réformes de structure. Des économies peuvent être faites notamment en matière de médicaments. La France affiche une consommation record sans que cela se traduise par une amélioration de l'état de santé des Français. Nous devons donc essayer de diminuer la consommation globale de médicaments, essayer de baisser certains prix, relancer la substitution par les médicaments génériques et inciter à ne pas prescrire des médicaments plus chers qui n’ont pas prouvé une meilleure efficacité. 79, rue de Tocqueville - 75017 Paris Tél. : 01 43 18 88 33 - Fax : 01 43 18 88 34 www.csmf.org 12 FRANÇOIS HOLLANDE questions aux candidats à l’élection présidentielle 2012 Je crois enfin que nous avons aussi beaucoup de progrès à faire s’agissant de la qualité des soins apportés aux personnes âgées. Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie a montré que nous pouvions faire mieux pour prévenir la perte d’autonomie et pour éviter que des personnes âgées ne soient trop souvent et trop longtemps hospitalisées. C’est d’abord un enjeu de qualité de vie pour les personnes âgées, mais cela peut aussi être une source importante d’efficacité financière. la France est lanterne rouge pour la chirurgie ambulatoire, 30 % seulement des opérations sont réalisées selon ce mode, qui entraîne cinq fois moins d’infections nosocomiales, contre 60 % en Allemagne et 90 % aux Etats-Unis. 11/ La concertation avec les professionnels de santé et leurs représentants est pour moi essentielle. J’ai encore en mémoire, le fiasco de la gestion de la crise de la grippe H1N1, qui était caractérisée par un profond mépris pour les professionnels de santé libéraux, qui n’a fait que se confirmer avec la loi Bachelot. Je ne ménagerai aucun effort pour aboutir au consensus le plus large possible avec les acteurs de la prise en charge sanitaire, en privilégiant toujours la voie conventionnelle. Pour autant, je ne reculerai pas dans la mise en œuvre des réformes auxquelles je me suis engagé. L’hôpital peine encore à dégager des économies, à l’inverse du secteur ambulatoire engagé depuis huit ans dans la maîtrise médicalisée des dépenses. Quelles mesures prendrez-vous pour que le secteur hospitalier participe à la régulation de la dépense ? JL’hôpital est soumis depuis plusieurs années à des efforts importants. A l’avenir, nous devrons continuer à demander un effort d’efficacité à l’hôpital comme à tous les autres acteurs, mais aussi mieux réfléchir à ce qui peut être fait en dehors de l’hôpital. Par exemple, LE JOURNAL DE LA CSMF 12/ Quelle place accordez-vous à la négociation avec les organisations syndicales représentatives des médecins libéraux ? 79, rue de Tocqueville - 75017 Paris Tél. : 01 43 18 88 33 - Fax : 01 43 18 88 34 www.csmf.org