La médecine libérale est en forte perte
d’attractivité chez les jeunes médecins, avec
moins de 10% d’installations parmi les nou-
veaux inscrits à l’Ordre. Faut-il prendre des
mesures pour améliorer cette attractivité et
quelles sont vos propositions?
Pour garantir laccès aux soins des Français, il faut
agir avec le pluralisme de notre système de santé. La
médecine libérale en est une composante essentielle
qui doit être préservée. Or, les jeunes médecins s'ins-
tallent moins ou moins rapidement en cabinet. Cela
montre une certaine inquiétude, mais ausside nouvelles
attentes par rapport à l'exercice de la médecine. Le
modèle du médecin isolé dans son cabinet qui exerce
au même endroit toute sa vie ne correspond plus au
souhait de mode de vie de tous les jeunes médecins.
Nous devons en tenir compte, en accompagnant ces
jeunes médecins dans leur démarche d’installation
lorsqu’ils souhaitent le faire en libéral, mais aussi en
offrant d'autres perspectives professionnelles à ceux
qui souhaitent exercer autrement. Et il faut le faire en
gardant un objectif en tête: celui de favoriser une
répartition territoriale des médecins qui permettent
à tous les Français d’avoir accès aux soins.
C'est dans cette optique que je propose de mettre en
place un plan d’aide à l'installation des jeunes méde-
cins. Cela passe par un soutien administratif et par
une formation qui prépare mieux les jeunes médecins
aux réalités de leur futur exercice.
Il faut également mieux prendre en compte leurs
attentes et leur offrir une plus grande variété de
parcours professionnels en leur permettant d’exercer
au sein de structures collectives. Ces structures,
pôles, maisons ou centres de santé, apporteront aux
médecins la possibilité d’une plus grande souplesse
d'organisation.
La liberté d’installation reste la règle en
médecine de ville. Souhaitez-vous maintenir
cette liberté ou l’encadrer, et dans ce cas selon
quels critères?
La liberté d'installation est un principe fondateur de
la médecine libérale sur lequel je n'entends pas
revenir. Comme je l'ai déjà dit, je préfère le dialogue à
la contrainte et j'ai la conviction que nous pouvons
trouver des solutions aux problèmes d'accès aux
soins grâce à la concertation avec les professionnels
de santé. Cela n'empêchera pas de mener des poli-
tiques volontaires pour favoriser une meilleure répar-
tition des médecins sur le territoire national.
En outre, comme toutes les libertés, la liberté d'ins-
tallation doit être conciliée avec d'autres droits tout
aussi légitimes, comme le droit des patients à béné-
ficier de soins accessibles financièrement. Cela signifie
que l'installation en secteur 2 devra être encadrée,
notamment dans les zones sur-denses, où les profes-
sionnels pratiquant les tarifs opposables ne sont pas
assez nombreux. Tout cela sera discuté de manière
franche avec les professionnels de santé, dans le
meilleur intérêt des patients.
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questions
aux candidats à l’élection
présidentielle 2012
LE JOURNAL DE LA CSMF
12
79, rue de Tocqueville - 75017 Paris
Tél. : 01 43 18 88 33 - Fax : 01 43 18 88 34 www.csmf.org
FRANÇOIS HOLLANDE
questions
aux candidats à l’élection
présidentielle 2012
12 FRANÇOIS HOLLANDE
Quelle est votre position par rapport à la
convention médicale de 2011 et soutiendrez-
vous les mutations de l’exercice professionnel
qu’elle dessine? Vous engagez-vous à donner
les moyens de les financer?
La convention médicale de 2011 a marqué un certain
nombre d’avancées. L’évolution majeure est la mise
en place de nouvelles rémunérations forfaitaires. Que
celles-ci visent à améliorer les pratiques (comme la
généralisation du paiement à la performance que je
préfère appeler paiement de la qualité), ou à payer
certaines missions de santé publique, elles permet-
tent d’envisager d’autres modes de relation avec les
médecins, et de leur donner les moyens de prendre
davantage en compte des objectifs de santé publique.
Que proposez-vous pour favoriser les regrou-
pements entre professionnels de santé?
Je me suis engagé à ce qu’il y ait dans chaque territoire
un pôle de soins et de santé de proximité. L’exercice
regroupé attire de plus en plus de professionnels
de santé et permet d'offrir au patient de nouveaux
services et, souvent, une meilleure disponibilité.
Il ne suffit pas d’attendre que le mouvement se pour-
suive, il faut lamplifier fortement. D’abord, en mettant
en place un guichet unique d’aide à l’installation, afin
de réunir l’ensemble des acteurs concernés, de réduire
les contraintes administratives et de soutenir les
professionnels dans l’élaboration de leur projet
médical d’établissement. Ensuite, en apportant éven-
tuellement un soutien financier, à partir de critères
objectifs – la qualité de l'accès aux soins sur un bassin
de vie, la démographie médicale, la population prise
en charge – et avec des objectifs de santé publique
précis.
Agirez-vous en priorité pour renforcer le secteur
ambulatoire et les soins de proximité ou pour
préserver la place du secteur hospitalier?
Pourquoi opposer les deux? Chacun a un rôle à jouer.
L’enjeu, aujourd’hui, est de les rendre plus complé-
mentaires. Mais je suis convaincu que les défis que
nous avons à relever imposent une profonde réorga-
nisation de la médecine de premier recours sur notre
territoire.
Quand le secteur ambulatoire n’est pas présent,
désorganisé, mal financé, les services hospitaliers
sont engorgés et on observe des dysfonctionnements
massifs et coûteux. Ce sont les professionnels de ville
qui doivent devenir les premiers acteurs de la préven-
tion et de la santé publique. Ils ont aussi un rôle clé à
jouer face au vieillissement de notre population.
Une partie des médecins pratiquent des dépas-
sements d’honoraires. Quelle serait votre action
sur ce plan en cas d’élection?
Etes-vous favorable au secteur optionnel
étendu à tous les médecins pour rapprocher les
secteurs 1 et 2, comme le demande la CSMF?
(réponse commune aux questions 6 et 7)
Les dépassements d’honoraires sont devenus un
problème majeur pour les Français, qui rencontrent
de plus en plus de difficultés pour accéder aux soins.
Ces dépassements entraînent une déconnexion crois-
sante entre ce que le malade paie et ce que la sécurité
sociale lui rembourse: le montant de ces dépasse-
ments a presque triplé en 20 ans.
Alors même que les abus sont le fait de quelques-uns,
les dépassements excessifs nuisent par ailleurs à
l’image de tous les médecins, y compris ceux qui en
pratiquent de manière raisonnable. Il est donc dans
l’intérêt de tous de mettre un terme à ces abus.
En la matière, le secteur optionnel ne sattaque
en rien au fond du sujet et aboutira à graver dans le
marbre les situations existantes.
En ce qui me concerne, je m’engage à lutter contre les
dépassements de manière résolue en limitant l’ins-
tallation de praticiens en secteur 2 dans les zones à
forte densité médicale, en reprenant les préconisa-
tions avancées par lappel des praticiens hospitaliers
du secteur public contre les abus de l'exercice privé
à l’hôpital, et en engageant dès mon arrivée aux
responsabilités des négociations pour un véritable
encadrement des dépassements d’honoraires, par
spécialité et par région.
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12 FRANÇOIS HOLLANDE
Les médecins libéraux demandent des revalo-
risations d’honoraires, notamment les spécia-
lités cliniques en voie de “paupérisation”.
Estimez-vous ces attentes légitimes, et comment
revaloriser ces professions?
Je suis ouvert au dialogue avec les professionnels de
santé, et il n'y a pas de sujet tabou. Les contraintes
imposées par l'état dégradé de nos finances publiques
ne nous permettront toutefois pas de satisfaire toutes
les revendications. Je ne veux donc pas promettre ce
que je ne pourrai pas tenir.
Je crois qu’à lavenir, les prochaines négociations sur
les revalorisations devront pleinement intégrer le
sujet des contreparties, selon la voie ouverte par la
convention médicale de 2011. Il faudra développer ces
contreparties en termes d’actions de santé publique,
de maîtrise des prescriptions et d’égalité d’accès aux
soins sur le territoire..
Certaines organisations syndicales, comme la
CSMF, défendent le principe d’une nomenclature
des actes cliniques, avec plusieurs niveaux de
tarifs selon la nature de la consultation. Quelle
est votre position sur ce thème?
J’y suis favorable. Je pense comme vous qu’il est
nécessaire de mieux adapter la rémunération des
médecins à la diversité des patients et des pathologies.
C’est un sujet structurel qui appelle une réflexion
approfondie. On peut envisager différentes manières
d’y répondre, comme le renforcement de la part for-
faitaire de la rémunération, dans le cadre des parcours
de soins, selon les patients ou les pathologies.
L’assurance-maladie affiche un déficit chronique
qui aggrave année après année les principes
d’un système de santé universel et solidaire.
Que comptez-vous faire concrètement pour
équilibrer les comptes?
Je partage votre préoccupation. La politique de lac-
tuelle majorité, qui a fait reposer une part croissante
de l'effort sur les complémentaires et les patients, à
travers les forfaits, les franchises et les dépasse-
ments d’honoraires, a montré ses limites. Elle n’a pas
permis de rééquilibrer les comptes et elle a accru le
renoncement aux soins.
J’ai pris un engagement global de rétablissement des
finances publiques, qui intègre le budget de l’Etat, des
collectivités locales et celui de la Sécurité sociale. Ce
rétablissement devra combiner des actions sur les
recettes et les dépenses.
Pour mobiliser des ressources nouvelles, commen-
çons par réduire les niches fiscales et sociales et par
renforcer l’égalité des contributions entre les revenus
du capital et ceux du travail.
Laction sur les dépenses implique quant à elle des
réformes de structure. Des économies peuvent être
faites notamment en matière de médicaments. La
France affiche une consommation record sans que
cela se traduise par une amélioration de l'état de
santé des Français. Nous devons donc essayer de
diminuer la consommation globale de médicaments,
essayer de baisser certains prix, relancer la substitu-
tion par les médicaments génériques et inciter à ne
pas prescrire des médicaments plus chers qui n’ont
pas prouvé une meilleure efficacité.
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Je crois enfin que nous avons aussi beaucoup de
progrès à faire sagissant de la qualité des soins
apportés aux personnes âgées. Le Haut conseil pour
lavenir de lassurance-maladie a montré que nous
pouvions faire mieux pour prévenir la perte d’autono-
mie et pour éviter que des personnes âgées ne soient
trop souvent et trop longtemps hospitalisées. C’est
d’abord un enjeu de qualité de vie pour les personnes
âgées, mais cela peut aussi être une source impor-
tante d’efficacité financière.
L’hôpital peine encore à dégager des économies,
à l’inverse du secteur ambulatoire engagé
depuis huit ans dans la maîtrise médicalisée
des dépenses. Quelles mesures prendrez-vous
pour que le secteur hospitalier participe à la
régulation de la dépense?
JL’hôpital est soumis depuis plusieurs années à des
efforts importants. A lavenir, nous devrons continuer
à demander un effort d’efficacité à l’hôpital comme à
tous les autres acteurs, mais aussi mieux réfléchir à ce
qui peut être fait en dehors de l’hôpital. Par exemple,
la France est lanterne rouge pour la chirurgie ambu-
latoire, 30 % seulement des opérations sont réalisées
selon ce mode, qui entraîne cinq fois moins d’infec-
tions nosocomiales, contre 60 % en Allemagne et
90 % aux Etats-Unis.
Quelle place accordez-vous à la négociation
avec les organisations syndicales représentatives
des médecins libéraux?
La concertation avec les professionnels de santé et
leurs représentants est pour moi essentielle. J’ai en-
core en mémoire, le fiasco de la gestion de la crise de
la grippe H1N1, qui était caractérisée par un profond
mépris pour les professionnels de santé libéraux, qui
n’a fait que se confirmer avec la loi Bachelot. Je ne
ménagerai aucun effort pour aboutir au consensus le
plus large possible avec les acteurs de la prise en
charge sanitaire, en privilégiant toujours la voie
conventionnelle. Pour autant, je ne reculerai pas dans
la mise en œuvre des réformes auxquelles je me suis
engagé.
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