Distribution des polynômes irréductibles dans Fq[T]

ACTA ARITHMETICA
LXXXVIII.2 (1999)
Distribution des polynˆomes irr´eductibles dans Fq[T]
par
Mireille Car (Marseille)
I. Introduction. Soit qune puissance d’un nombre premier pet Fq
le corps fini `a q´el´ements. En 1924, Artin [1, pp. 242–246] prouvait pour
l’anneau Fp[T] le th´eor`eme suivant, analogue au th´eor`eme des nombres pre-
miers dans les progressions arithm´etiques.
Th´
eor`
eme I.1. Soit QFp[T]et soit Run polynˆome premier `a Q.
Soit π(n;Q, R)le nombre de polynˆomes irr´eductibles unitaires de degr´e n
congrus `a Rmodulo Q. Alors,
π(n;Q, R) = pn
(Q)+Opθn
n,
θ´etant une constante <1.
En 1965, D. R. Hayes [2] introduisait la notion de congruence arithm´e-
tique et g´en´eralisait le th´eor`eme d’Artin de la fa¸con suivante :
Th´
eor`
eme I.2. Soient un entier k1et a= (a1, . . . , ak)une suite de
k´el´ements de Fq. Soit QFq[T]et soit Run polynˆome premier `a Q. Soit,
pour nk,π(n;a, Q, R)le nombre de polynˆomes irr´eductibles unitaires
PFq[T]de degr´e ncongrus `a Rmodulo Qet tels que
deg(PTna1Tn1. . . akTnk)< n k.
Alors,
π(n;a, Q, R) = qnk
(Q)+Oqθn
n,
θ´etant une constante <1.
En 1972, en faisant appel au th´eor`eme de Weil sur la fonction z´eta des
courbes, G. Rhin [6] am´eliorait les r´esultats de D. Hayes de la fa¸con suivante :
Th´
eor`
eme I.3. Soient un entier k,Qet Rdes polynˆomes unitaires
de Fq[T]premiers entre eux. Soit π(n;k, Q, R)le nombre de polynˆomes
1991 Mathematics Subject Classification: Primary 11T55.
[141]
142 M. Car
irr´eductibles unitaires Pde degr´e ncongrus `a Rmodulo Qet tels que
deg(P T deg(R)RT n)< n + deg(R)k.
Alors, si k+ deg(Q)1,
π(n;k, Q, R)qnk
(Q)
(k+ 1 + deg(Q))qn/2.
Tr`es r´ecemment, en reprenant des id´ees se trouvant `a la fois dans [2] et
dans [6], Hsu [3] am´eliorait encore ce r´esultat et ´etablissait le
Th´
eor`
eme I.4. Les hypoth`eses et notations ´etant celles du th´eor`eme
pr´ec´edent,
π(n;k, Q, R)qnk
(Q)+11
qkφ(Q)(k1 + deg(Q)) qn/2
n,
π(n;k, Q, R)qnk
(Q)11
qkφ(Q)(k+3 +deg(Q))qn/2
ndeg(Q)
nqkφ(Q).
Nous nous ineressons ici `a une g´en´eralisation des r´esultats contenus dans
les th´eor`emes pr´ec´edents. Plus pr´ecis´ement, nous nous int´eressons aux po-
lynˆomes irr´eductibles unitaires Pcongrus `a Rmodulo Q, ayant mˆemes k
premiers coefficients que le polynˆome Ret tels que θ(P) = α,θ´etant un
caract`ere modulo un polynˆome Dfix´e, α´etant l’une quelconque des valeurs
prises par θ. Le nombre de ces polynˆomes sera not´e π(n;k, Q, R, D, θ, α).
Nous d´eduirons de notre ´etude une estimation des nombres π+(n;k, Q, R),
resp. π(n;k, Q, R), o`u π+(n;k, Q, R), resp. π(n;k, Q, R), d´esigne le nom-
bre de polynˆomes irr´eductibles unitaires Pde degr´e ncongrus `a Rmodulo
Q, ayant mˆemes premiers coefficients que le polynˆome R, et tels que Dsoit
inversible et carr´e modulo P, resp. ne soit pas carr´e modulo P. Nous ob-
tiendrons aussi une estimation des nombres π+(n;D), resp. π(n;D), de
polynˆomes irr´eductibles unitaires Pde degr´e ntels que Dsoit carr´e, resp.
ne soit pas carr´e modulo D. Une d´efinition plus pr´ecise de ces nombres
sera donn´ee dans la suite de ce travail quand nous aurons pr´ecis´e quelques
d´efinitions. En plus de la g´en´eralisation propos´ee, notre travail apporte une
petite am´elioration du terme d’erreur. Il fait aussi r´ef´erence aux r´esultats
´etablis en [2] et [6].
II. Pr´eliminaires. On pose A=Fq[T]. On d´esigne par Ml’ensemble des
polynˆomes unitaires de Fq[T] et par Il’ensemble des polynˆomes irr´eductibles
unitaires de Fq[T].
Soient QMet kun entier naturel. Soit RQ,k la relation d’´equivalence
sur Md´efinie par
Distribution des polynˆomes irr´eductibles 143
ABmod RQ,k
ABmod Qet deg(AT deg(B)BT deg(A))<deg(AB)k.
L’´equivalence RQ,0est simplement la congruence modulo Q. On note RQ
l’´equivalence RQ,0et Rkl’´equivalence R1,k. Notons que ABmod RQ,k
ABmod RQet ABmod Rk. On remarque aussi que tout po-
lynˆome unitaire est inversible modulo Rk. Le groupe form´e par les classes
de Minversibles modulo RQ,k, resp. modulo RQ, est not´e CQ,k , resp. CQ.
On note GQ,k, resp. GQ, le dual de ces groupes et g(CQ,k) = φ(Q)qk, resp.
g(CQ) = φ(Q), leur ordre qui est aussi l’ordre de leur dual. Rappelons qu’`a
tout caract`ere χ∈ GQ,k , on associe un caract`ere modulaire sur Mque l’on
note par le mˆeme symbole en posant χ(H) = 0 si Hn’est pas inversible mo-
dulo RQ,k et χ(H) = χ(H) si Hest inversible modulo RQ,k ,Hd´esignant
la classe de Hmodulo RQ,k.
Pour tout entier n1, pour tout RMpremier `a Q, soit π(n;k, Q, R)
le nombre de polynˆomes irr´eductibles unitaires Pde degr´e n, congrus `a R
modulo RQ,k.
Soient Dun polynˆome unitaire premier `a Q,kun entier naturel et θ
un caract`ere modulo Dd’ordre d. Soit αIm(θ). Pour RMpremier `a
Q, soit Π(n;k, Q, R, D, θ, α) le nombre de PIde degr´e n, congrus `a R
modulo RQ,k et tels que θ(P) = α.
Pour tout polynˆome Dpremier `a Q, non n´ecessairement unitaire, mais
sans facteur carr´e, pour RMpremier `a Q, soit π+(n;k, Q, R, D), resp.
π(n;k, Q, R, D), le nombre de PIde degr´e n, congrus `a Rmodulo RQ,k
et tels que Dsoit inversible et carr´e mod P, resp. tels que Dne soit pas
carr´e modulo P. Notons aussi π+(n;D), resp. π(n;D), le nombre de PI
de degr´e ntels que Dsoit inversible et carr´e mod P, resp. tels que Dne
soit pas carr´e modulo P.
Faisons d’abord quelques remarques tr`es ´el´ementaires. Quand D= 1, θ
ne peut ˆetre que le caract`ere unit´e. Dans ce cas, α= 1 et π(n;k, Q, R, D, θ, α)
=π(n;k, Q, R, 1,1,1) = π(n;k, Q, R). Si en plus, Q= 1, π(n;k, Q, R)
est le nombre de polynˆomes irr´eductibles unitaires de degr´e ndont les
kpremiers coefficients sont ´egaux `a ceux de R. Le nombre π(n;k, 1, R)
sera not´e π(n;k, R). Si D6= 1 et si θest le caract`ere unit´e, α= 1 et
π(n;k, Q, R, D, θ, α) = π(n;k, Q, R, D, 1,1) est le nombre de PIde degr´e
n, congrus `a Rmodulo RQ,k et ne divisant pas D. En dehors d’un nom-
bre fini d’entiers n,π(n;k, Q, R, D, 1,1) = π(n;k, Q, R). Plus pr´ecis´ement,
si nn’est pas le degr´e d’un facteur irr´eductible de D,π(n;k, Q, R, D, 1,1) =
π(n;k, Q, R), sinon, |π(n;k, Q, R, D, 1,1) π(n;k, Q, R)| ≤ ν(n, D) o`u
ν(n, D) est le nombre de diviseurs irr´eductibles unitaires de Det l’estimation
des nombres π(n;k, Q, R, D, 1,1) se ram`ene `a celle des nombres π(n;k, Q, R)
qui seule retiendra notre inerˆet dans ce travail.
144 M. Car
Dans ce qui suit, on convient que le caract`ere θest d’ordre d > 1 d`es que
D6= 1. Si k= 0, Q= 1, π(n;k, Q, R, D, θ, α) = π(n;D, θ, α) est le nombre
de PIde degr´e ntels que θ(P) = α. En particulier si d= 2, θest le
caract`ere quadratique, π(n;D, θ, 1) est le nombre de polynˆomes irr´eductibles
unitaires Pde degr´e nne divisant pas Dpour lesquels Dest carr´e modulo
P, et π(n;D, θ, 1) est le nombre de polynˆomes irr´eductibles unitaires Pde
degr´e npour lesquels Dn’est pas carr´e modulo P.
III. Les principaux th´eor`emes. Ce travail a pour but essentiel la
d´emonstration du th´eor`eme suivant.
Th´
eor`
eme III.1. Soient QM,DMpremiers entre eux ,kun entier
naturel tels que k+ deg(QD)1et θun caract`ere modulo Dd’ordre d.
Alors,pour tout RMpremier `a Q,tout αIm(θ)et tout entier n1,
on a
qnk
(Q)11
(Q)qk(k1 + deg(QD))qn/22qn/2deg(QD)
(n;k, Q, R, D, θ, α)qnk
(Q)+11
(Q)qk(k1 + deg(QD))qn/2.
Une version moins pr´ecise mais plus simple de ce th´eor`eme pourra ˆetre
retenue sous la forme suivante.
Th´
eor`
eme III.10.Soient QM,DMpremiers entre eux ,kun entier
naturel tels que k+ deg (QD)1et θun caract`ere modulo Dd’ordre d.
Alors,pour tout RMpremier `a Q,tout αIm(θ)et tout entier n1,
on a
qnk
(Q)(k+ 1 + deg(QD))qn/2(n;k, Q, R, D, θ, α)
qnk
(Q)+ (k1 + deg(QD))qn/2.
Si l’on applique le th´eor`eme III.1 ou le th´eor`eme III.10dans le cas o`u
D= 1, on obtient le
Corollaire III.2. Soient QMet kun entier naturel tels que k+
deg(Q)1. Alors,pour tout RMpremier `a Qet tout entier n1, on a
qnk
φ(Q)11
(Q)qk(k1+deg(Q))qn/22qn/2deg(Q)(n;k, Q, R)
qnk
(Q)+11
qkφ(Q)(k1 + deg(Q))qn/2,
Distribution des polynˆomes irr´eductibles 145
ou le
Corollaire III.20.Soient QMet kun entier naturel tels que k+
deg(Q)1. Alors,pour tout RMpremier `a Qet tout entier n1, on a
qnk
φ(Q)(k+ 1 + deg(Q))qn/2(n;k, Q, R)
qnk
(Q)+ (k1 + deg(Q))qn/2.
On retrouve le r´esultat donn´e dans [3] avec une meilleure minoration.
Si l’on applique ce corollaire dans le cas o`u Q=Ts, on retrouve, sous
l’hypoth`ese k+s1, une estimation donn´ee par le th´eor`eme 1.3 de [2].
C’est le
Corollaire III.3. Soient ket sdes entiers naturels tels que k+s1,
a= (a1, . . . , ak)un ´el´ement de Fk
qet b= (b1, . . . , bs)un ´el´ement de Fs
q.
Soit π(n;a,b)le nombre de polynˆomes irr´eductibles unitaires de degr´e n
dont les k+ 1 premiers coefficients,resp. les sderniers coefficients,sont 1,
a1, . . . , ak,resp. b1, . . . , bs. Alors,
qnks+1
q1(k+s+ 2)qn/2(n;a,b)
qnks+1
q1+11
qk+s(q1)(k+s)qn/2.
Soit θun caract`ere modulo Dd’ordre d. Soit αIm(θ). Il existe exacte-
ment r=φ(D)/d classes modulo Ddont l’image par θest ´egale `a α. Soient
A1, . . . , Ardes repr´esentants de ces classes. Soit Hun polynˆome irr´eductible
unitaire. Alors θ(H) = αsi et seulement si il existe i= 1, . . . , r tel que H
soit congru `a Aimodulo D. Soit RMinversible modulo l’´equivalence
RQ,k et soit, pour i= 1, . . . , r,RiMcongru `a Rmodulo RQ,k et `a Ai
modulo D. Alors,
(0) π(n;k, Q, R, D, θ, α) =
r
X
i=1
π(n;k, QD, Ri).
On peut obtenir une estimation des nombres π(n;k, Q, R, D, θ, α) `a l’aide
des th´eor`emes I.3 ou I.4. En proedant ainsi, on obtient
(n;k, Q, R, D, θ, α)
qnk
(Q)+φ(D)
d11
qkφ(QD)(k1 + deg(QD))qn/2,
et
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