L’interface
Images en Dermatologie Vol. II n° 2 • avril-mai-juin 2009
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Cas clinique
Ulcérations aiguës vulvaires en miroir
Acute genital kissing ulcers
N. Dupin
(Service de dermato-vénéréologie, hôpital Cochin, AP-HP, Paris)
Une jeune patiente de 16 ans consultait en urgence pour des lésions vulvaires
apparues brutalement dans la nuit 2 jours plus tôt.
Observation
Il s’agissait d’une jeune  lle n’ayant jamais eu de rapports génito-génitaux mais qui
avait déjà eu des rapports oro-génitaux, le dernier remontant à une dizaine de jours.
Trois jours avant l’apparition des lésions génitales, elle avait présenté une odyno-
phagie accompagnée d’un syndrome grippal avec une èvre élevée et des frissons.
À l’examen clinique, on retrouvait une patiente à l’état général altéré, très fatiguée,
et se plaignant surtout de douleurs intenses en regard des ulcérations vulvaires.
L’examen de la muqueuse génitale retrouvait deux ulcérations à fond propre de
10 mm de diamètre au niveau des petites lèvres, assez symétriques et disposées en
miroir par rapport à la ligne médiane
(fi gure 1)
. Le reste de l’examen gynécologique
ne montrait pas d’anomalie. Il existait des petites adénopathies inguinales bilatérales
mais ni hépato- ou splénomégalie. La gorge était uniformément rouge et on notait des
adénopathies cervicales bilatérales de 0,5 à 1 cm de diamètre sensibles à la palpa-
tion. Un prélèvement de l’ulcère était réalisé pour culture et PCR herpès et revenait
négatif tout comme la recherche de
Treponema pallidum
au microscope à fond noir.
La sérologie de syphilis, la sérologie VIH1 et VIH2, de même que l’antigénémie p24
étaient négatives. La PCR
Chlamydia trachomatis
était négative sur un écouvillonnage
vulvaire. Le bilan biologique ne montrait pas d’anomalie en dehors d’un syndrome
in ammatoire marqué avec une CRP > à 230 mg/l et une cytolyse hépatique avec
des ASAT à 4 fois la normale et des ALAT à 5 fois la normale. La numération formule
sanguine retrouvait une hyperleucocytose à 13 000/ mm3 avec la présence de près de
10 % de lymphocytes à cytoplasme basophile et une thrombopénie à 95 000/ mm3.
L’association d’ulcères vulvaires à une angine fébrile, un syndrome mononucléosique
et une cytolyse hépatique évoquaient le diagnostic d’ulcères satellites d’une mono-
nucléose infectieuse. La sérologie du virus Epstein-Barr (EBV) con rmait la primo-
infection avec recherche d’anticorps anti-VCA positive en IgM et négative en IgG et la
négativité des anticorps anti-EBNA. Le MNI test était également positif. La recherche
du virus EBV par PCR au niveau de l’ulcère génital était négative, mais la PCR dans
le plasma était positive et présentait des titres compatibles avec une primo-infection.
Toutes les autres explorations microbiologiques restaient négatives ou montraient
un pro l d’infection ancienne (sérologie CMV, toxoplasmose,
Salmonella, Shigella,
Chlamydia,
parvovirus B19).
La patiente a été hospitalisée pendant quelques jours du fait des douleurs qui néces-
sitaient le recours à des antalgiques majeurs ainsi que l’application de sachets de thé
tiédis permettant un contrôle rapide de la symptomatologie. Les lésions vulvaires ont
cicatrisé en une quinzaine de jours et les paramètres biologiques se sont corrigés
rapidement. Seule une asthénie a persisté pendant plusieurs semaines. Une séro-
logie Epstein-Barr fut réalisée à 3 mois montrant une disparition des IgM anti-VCA
avec présence d’IgG anti-VCA et d’anticorps anti-EBNA.
Discussion
L’ulcère aigu de la vulve est une entité clinique initialement décrite par Lipschütz
et correspond à plusieurs causes dont la primo-infection Epstein-Barr, qui repré-
sente dans notre expérience près d’un tiers des cas
(1, 2)
. Ici, le diagnostic de primo-
Ulcères Vulve • Virus Epstein-
Barr.
Ulcer Vulva Epstein-Barr
virus.
Légendes
Figure 1. Ulcérations vulvaires bilatérales
réalisant l’image en miroir lors d’une primo-
infection Epstein-Barr.
Figure 2. Érosions à contours polycycliques
lors d’une récurrence herpétique.
Figure 3. Aphte unique de la fourchette
chez une patiente suivie pour une maladie
de Behçet.
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Cas clinique
1
2
3
Ulcération en miroir
Érosion polycyclique
Aphte vulvaire
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Cas clinique
infection était suggéré par le cortège de signes d’accompagnement tant sur le plan
clinique que sur le plan biologique. L’aspect clinique des ulcérations était également
évocateur étant donné une atteinte bilatérale des deux petites lèvres réalisant l’aspect
de
kissing ulcers
ou d’ulcérations en miroir. Cet aspect n’est cependant pas patho-
gnomonique de la primo-infection EBV et peut se voir dans les formes idiopathiques.
Il est clair que d’autres causes infectieuses sont impliquées dans certains ulcères
aigus vulvaires et des cas ont été rapportés lors de salmonellose ou de primo-infec-
tion à toxoplasme. Il faut dans tous les cas écarter les autres causes d’ulcères géni-
taux, et notamment une maladie sexuellement transmissible comme l’herpès génital
(fi gure 2)
ou la syphilis, et il faut systématiquement faire des prélèvements dans ce
sens. Il est cependant remarquable de noter que dans pratiquement tous les cas
rapportés d’ulcérations aiguës de la vulve, il s’agit de jeunes lles vierges n’ayant
jamais eu de relations sexuelles. Dans notre cas, la patiente avait eu des rapports
oro-génitaux et l’on ne peut écarter une transmission lors d’un contact de ce type,
le virus EBV étant fréquemment excrété dans la salive. Les aphtes
(fi gure 3)
ont une
présentation clinique assez différente, mais là encore il faut se mé er car le tableau
d’ulcère aigu de la vulve peut être la primo-manifestation d’une aphtose génitale,
qu’elle s’intègre ou non dans le cadre d’une maladie de Behçet. L’évolution est dans
tous les cas toujours favorable en une quinzaine de jours sans récidives ultérieures.
En cas de récidives, il faut discuter une autre cause d’ulcération génitale, comme une
aphtose.
II
Références bibliographiques
Lipschütz B. Ulcus vulvae acutum. In: Jadassohn J, ed. Handhich buch der haut und geschlechtkran-
1.
kheiten. Vol 21. New York, NY: Springer Publishing Co Inc, 1927:392-414.
Farhi D, Wendling J, Molinari E et al. Non-sexually related acute genital ulcers in 13 pubertal girls.
2.
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