Le modèle économique des sociétés concessionnaires d’autoroutes Analyse et Valorisation Juin 2015 Ce rapport est le résultat d’une réflexion menée par Associés en Finance à la demande de l’ASFA. Associés en Finance est un cabinet d’expertise indépendant, spécialisé dans l’analyse financière et l’évaluation des marchés financiers. La société réalise de nombreuses missions de conseils ou d’expertises. 2 Principaux éléments de conclusion La crise économique a laissé les États (d’Europe et l’OCDE en particulier) très contraints pour financer les infrastructures (eau, énergie, télécom, transports, …) indispensables à leur développement. L’effort à soutenir à long terme, au niveau mondial, « pèse » 5% du PIB, mais les États ne peuvent soutenir cet effort qu’à moitié, ce qui plaide pour des formes de partenariats entre public et privé, dont le modèle concessionnaire est l’une des formules. La croissance perdue du fait de cette « missing money » est considérable, 1% du PIB orienté vers les infrastructures induisant 1,5% de croissance au bout de quatre années. ¤ Le réseau autoroutier français se situe à un niveau de performance élevé avec une mortalité inférieure à celle des autres grands réseaux (Allemagne et Espagne) : la mortalité y a été divisée par 10 depuis 1980. Quelles que soient les variations, au fil du temps, de l’attractivité française, la qualité des infrastructures, en particulier routières, est constamment le facteur essentiel attirant les investisseurs étrangers dans l’Hexagone. Cet atout est non moins important s’il s’agit de considérer les atouts français en termes touristiques, la progression attendue dans ce domaine à l’avenir (de 80 à plus de 100 millions en 2020), le maillage de la France par un réseau autoroutier de grande qualité est une caractéristique déterminante. ¤ Les effets externes positifs de la filière autoroutière sont significatifs et démontrés au plan budgétaire et, plus généralement, au plan macroéconomique. Parmi les membres de l’Union Européenne, c’est en France que la contribution des concessionnaires d’autoroutes aux recettes fiscales de l’État est la plus importante. L’accroissement de la mobilité géographique qu’implique le développement du réseau autoroutier s’accompagne d’un élargissement des opportunités d’emploi. Le développement du réseau autoroutier est à l’origine d’un effet cluster, c'est-à-dire de gains de productivité liés au fait que les entreprises se rapprochent les unes des autres. ¤ Les marges élevées du secteur sont la contrepartie des investissements considérables engagés pour la construction des autoroutes. Les marges des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) françaises sont comparables à celles des autres SCA européennes. La durée d’exploitation des autoroutes est limitée dans le temps. Le secteur des concessions d’autoroutes est une industrie de coûts fixes. Le chiffre d’affaires subit l’évolution de la conjoncture économique. Le risque des SCA est faible, relativement à d’autres secteurs d’activité. Cependant, aucun observateur de marché ne nie l’existence de ce risque. L’influence de l’État fait peser un risque réglementaire important sur les SCA. Les SCA sont structurellement exposées à un risque de refinancement. 3 ¤ La valeur de privatisation de 39 milliards d’euros inclut la reprise de la dette des SCA, correspondant aux investissements de construction des autoroutes. Le timing des cessions par l’État a été bien choisi, lui permettant de bénéficier de la faible aversion au risque des investisseurs pour obtenir un prix élevé de sa participation dans les SCA. Compte tenu des perspectives futures de risque/rentabilité des SCA, les prix d’introduction en bourse ont été correctement fixés. Avant le lancement de l’appel d’offres, les valorisations d’Associés en Finance, de l’État et des brokers étaient concordantes. La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est produite dans de parfaites conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public. Les offres retenues extériorisent des primes significatives par rapport à l’ensemble des valorisations antérieures. 4 Sommaire Introduction ............................................................................................................................................ 7 Principaux enseignements sur le modèle économique des SCA .................................................... 9 Eléments de valorisation des SCA au moment de leur privatisation............................................. 15 I. La contribution du réseau autoroutier à la dynamique économique française .................... 19 I.1. L’enjeu : les considérables besoins d’investissement en infrastructures pour sortir de la crise économique ....................................................................................................................................... 20 I.2. Caractéristiques et performances des autoroutes françaises ............................................... 22 I.2.1. Un réseau autoroutier parmi les plus ramifiés d’Europe… ................................................... 22 I.2.2 …et présentant une sécurité et une qualité de services parmi les plus élevées .................. 26 I.3. Des effets de « diffusion » économiques incontestables ...................................................... 29 I.3.1 Effets de diffusion via la « filière » autoroutière ................................................................. 33 I.3.2 Effets de diffusion via les « usages » des autoroutes ....................................................... 33 I.4. Conclusion d’étape : une infrastructure-clé pour l’attractivité du territoire de la France et de son économie .................................................................................................................................... 36 Le modèle économique des sociétés concessionnaires d’autoroutes ................................. 40 II. II.1. Mesures de la rentabilité des SCA et retour sur investissement ........................................... 40 II.1.1. Définition et décomposition de la rentabilité .................................................................. 40 II.1.2. Cycle d’investissement et cycle d’exploitation ............................................................... 42 II.1.3. Principaux soldes intermédiaires de gestion et incidence de la comptabilité................ 45 II.2. Risques et coût des ressources de financement ................................................................... 49 II.2.1. Rémunération du risque et rentabilité exigée ................................................................ 49 II.2.2. Les différents risques affectant les SCA........................................................................ 50 II.2.3. Risque d’endettement et régime fiscal .......................................................................... 55 La valorisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes ............................................ 58 III. III.1. Evaluation du coût des ressources de financement .............................................................. 58 III.1.1. Paramètres d’évaluation du coût des ressources de financement ................................ 58 III.1.2. Evaluation du coût des ressources de financement au moment de l’introduction en bourse des SCA............................................................................................................................. 60 III.1.3. Evaluation du coût des ressources de financement au moment de l’annonce de la poursuite de la cession du capital des SCA .................................................................................. 64 III.1.4. III.2. Conclusions sur le coût des ressources de financement des SCA ............................... 67 Valorisation des SCA lors des différentes cessions de participation par l’État ..................... 69 III.2.1. Valorisation des SCA au moment de leur introduction en bourse ................................. 69 III.2.2. Valorisation des SCA au moment de la poursuite de la cession du capital des SCA ... 72 III.3. Processus de valorisation par les participants à l’appel d’offres ........................................... 74 III.3.1. Modalités de la procédure d’appel d’offres .................................................................... 74 III.3.2. Valorisation indicative des SCA du point de vue des acquéreurs ................................. 75 III.4. Sensibilité de la valorisation d’une SCA aux différentes hypothèses .................................... 83 5 III.4.1. Hypothèses utilisées dans le scenario central .............................................................. 83 III.4.2. Etude des sensibilités .................................................................................................... 84 Annexes ................................................................................................................................................ 86 Annexe 1 - Chronologie de la privatisation des trois principales SCA .............................................. 86 Annexe 2 - Compléments de théorie de financière ........................................................................... 87 Annexe 3 – Le modèle TRIVAL ......................................................................................................... 88 Annexe 4 - Le coût du capital et le coût des fonds propres .............................................................. 91 Annexe 5 - L’État comme partie prenante ......................................................................................... 94 Annexe 6 - Graphique de cours et de prix d’équilibre TRIVAL des SCA .......................................... 95 Annexe 7 - Evolution du chiffre d’affaires et des marges d’EBE et d’exploitation depuis 2005 des SCA françaises et des principales SCA européennes cotées .......................................................... 96 Annexe 8 - Analyse de la dette d’acquisition d’ASF, APRR et SANEF ............................................ 97 6 Introduction Depuis l’annonce de leur privatisation à l’été 2005, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) françaises subissent régulièrement l’opprobre de l’opinion publique, fustigeant des tarifs trop élevés, une rentabilité qui serait indue ou les conditions désavantageuses de leur cession par l’État. Imprégné de ces critiques véhémentes, le débat public est resté focalisé sur l’analyse de la rentabilité des concessions, omettant de rappeler que l’immense majorité du réseau autoroutier français a vu le jour grâce à ce mode de financement et que sa qualité est aujourd’hui unanimement reconnue. Face à l’effort d’investissement requis pour la mise en place d’un réseau autoroutier si capillaire dans le plus vaste pays de l’Union Européenne, le modèle concessionnaire a permis à la France de devenir le premier pays européen sur le transport de personnes et le troisième sur le transport des marchandises. Le développement autoroutier français a aussi contribué au dynamisme du marché de l’emploi, permettant un élargissement des opportunités de recherche et des gains de productivité liés au rapprochement des entreprises (effet cluster). Dès sa conception, le réseau autoroutier français a été pensé afin de répondre aux exigences des utilisateurs en termes de qualité du service et de sécurité. Entre 1980 et 2014, la mortalité sur les autoroutes françaises a été divisée par 10 et il se situe désormais à un niveau de performance élevée par rapport aux autres grands réseaux internationaux. Lorsque le gouvernement de Dominique de Villepin a publiquement annoncé sa volonté de relancer les grands chantiers d’infrastructure, la cession de la participation majoritaire détenue par l’État dans les SCA est apparue comme la meilleure option. Au-delà des retombées financières d’une telle opération, qui permettait d’économiser 39 milliards d’euros à un moment où les contraintes budgétaires se faisaient de plus en plus prégnantes dans le cadre du traité de Maastricht, l’intégration de nouveaux investisseurs permettait de répondre aux défis technologiques et de faciliter le développement des SCA en leur donnant accès aux marchés financiers. En reprenant la dette contractée afin de financer la construction du réseau, les acquéreurs ont délesté l’État de la charge de celle-ci et continuent de faire face aux investissements importants prévus par les contrats de concession. En ce qui concerne les modalités de sortie de l’État du capital des SCA, la cession de sa participation majoritaire s’est produite dans de parfaites conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public. Les offres retenues extériorisaient des primes significatives par rapport à l’ensemble des valorisations antérieures, dans un environnement économique meilleur qu’aujourd’hui. Depuis, la perception du risque s’est dégradée, notamment du fait des incertitudes sur la croissance économique, de l’arrivée à maturité du parc de véhicules particuliers et du rafraichissement des relations entre le concédé et le concédant. Ce rapport se veut une mise à plat objective de la problématique des concessions dans le domaine autoroutier. Ceci implique, dans un premier temps, une analyse des effets économiques et sociaux positifs et négatifs, de la mise en place d’une infrastructure autoroutière et, dans un deuxième temps, l’examen des spécificités du modèle concessionnaire en matière de rentabilité. Cette réflexion doit permettre, d’une part, d’évacuer définitivement les faux débats qui ont, depuis de nombreuses années, pollué les discussions sur le modèle concessionnaire, bien au-delà du seul cas des autoroutes et, d’autre part, de permettre la prise de décisions politiques essentielles pour l’avenir de tout pays qui se doit de respecter des contraintes budgétaires de plus en plus strictes sans pour autant hypothéquer son avenir. 7 8 Principaux enseignements sur le modèle économique des SCA Depuis l’annonce de leur privatisation à l’été 2005, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) françaises subissent régulièrement l’opprobre de l’opinion publique, fustigeant les conditions désavantageuses de leur cession par l’État, des tarifs trop élevés et donc une rentabilité qui serait indue. Imprégné de ces critiques véhémentes, le débat public est resté focalisé sur l’analyse de la rentabilité des concessions, omettant de rappeler que l’immense majorité du réseau autoroutier français a vu le jour grâce à ce mode de financement et que sa qualité est aujourd’hui unanimement 1 reconnue . Face à l’effort d’investissement requis pour la mise en place d’un réseau autoroutier si capillaire dans le plus vaste pays de l’Union Européenne, le modèle concessionnaire a permis à la France de devenir le premier pays européen sur le transport de personnes et le troisième sur le transport des marchandises. La réflexion menée par Associés en Finance à la demande de l’ASFA doit permettre, d’une part, d’évacuer définitivement les faux débats qui ont, depuis de nombreuses années, pollué les discussions sur le modèle concessionnaire, bien au-delà du seul cas des autoroutes et, d’autre part, d’éclairer la prise de décisions essentielles pour l’avenir de tout pays qui se doit de respecter des contraintes budgétaires de plus en plus strictes sans pour autant hypothéquer son avenir. La juste mesure de la rentabilité des SCA Appréhender et mesurer la rentabilité est au cœur de la démarche d’analyse économique et financière. La rentabilité se définit comme le rapport d’un résultat aux capitaux investis nécessaires pour dégager ce résultat, qu’il ne faut en aucun cas confondre avec la marge, qui est le rapport d’un 2 résultat à un volume d’activité . Cette confusion entre marge et rentabilité est à l’origine de nombreuses erreurs d’appréciation, notamment lorsqu’il s’agit de mesurer la rentabilité des SCA : lorsque les observateurs pointent du doigt leurs marges élevées, ils omettent le plus souvent de rappeler l’importance des capitaux nécessaires à la réalisation du chiffre d’affaires. Une analyse complète de la rentabilité nécessite en fait la prise en compte de la rotation des actifs, généralement occultée, c’est-à-dire le rapport entre le chiffre d’affaires réalisé et les capitaux investis. La rentabilité d’une entreprise est alors le produit du taux de marge et du taux de rotation des actifs : 𝑅𝑒𝑛𝑡𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡é = 𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡 𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡 𝐶ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒 𝑑 ′ 𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 = × = 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑒 × 𝑟𝑜𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠 𝐶ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒 𝑑 ′ 𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠 La marge et la rotation des actifs d’une entreprise sont fortement liées à son domaine d’activité. Certaines activités permettent d’obtenir des marges élevées pour des rotations faibles et on parle alors de secteurs à forte intensité capitalistique. La marge obtenue pour un euro de chiffre d’affaires est élevée, mais la réalisation de cet euro de chiffre d’affaires nécessite des capitaux importants. Dans un tel secteur, il est nécessaire d’engager un montant élevé de capitaux avant même de pouvoir réaliser le moindre euro de chiffre d’affaires. C’est évidemment le cas des SCA, mais aussi plus largement de l’ensemble des sociétés d’infrastructure, de l’industrie lourde, de la pharmacie, etc. 1 La mortalité a été divisée par 10 sur les autoroutes françaises depuis 1980 et le World Economic Forum situe la France au 4eme rang mondial pour la compétitivité de ses infrastructures routières. 2 Pierre Vernimmen, 2015, Finance d’Entreprise, avec Pascal Quiry et Yann Le Fur, Dalloz 9 La Figure 1 met en évidence la relation entre la marge d’exploitation et la rotation de l’actif 3 4 économique pour 20 secteurs . Dans le modèle TRIVAL , les concessions autoroutières sont classées dans le secteur « BTP/Concessions », du fait de l’appartenance respective d’APRR et ASF à Eiffage et Vinci. Afin de faire ressortir les sociétés de l’échantillon les plus proches d’un modèle de « pure 5 concession » , Abertis et Atlantia sont également présentées séparément. Figure 1 Marge d’exploitation et de rotation de l’actif économique normatives par secteur 50% Rentabilité économique 45% Immobilier 40% Abertis & Atlantia Marge d'exploitation 35% Services financiers Santé 30% Assurances 25% Logiciels/Jeux Médias 20% Agroalimentaire Luxe Biens de consommation Electronique Chimie Télécom Matériaux de construction Services publics BTP/Concessions 15% 10% 5% Informatique Services Aéronautique/Défense Energie Papier Transports Automobile Minerais/Métaux/Acier Loisirs/Tourisme Distribution Biens d'équipement 0% - 0.50 1.00 1.50 2.00 2.50 3.00 3.50 Rotation de l'actif économique Si la réalisation d’une marge élevée est un indicateur de la santé d’une entreprise, l’information ne peut s’analyser sans référence au secteur considéré. Pour exemple, la marge d’exploitation normative des sociétés du secteur du « Luxe » est en moyenne de 20%, soit la moitié de celle des SCA, mais la rotation des actifs est trois fois supérieure dans le « Luxe ». Ceci aboutit à une rentabilité économique normative de 19% pour le secteur du « Luxe », significativement plus forte que celle des SCA (13.5%). Les spécificités du modèle concessionnaire Par la signature du contrat de concession, l’État concède la construction, l’entretien et l’exploitation d’un ouvrage. Les sociétés concessionnaires investissent dans un actif incorporel (le droit d’exploitation des ouvrages concédés) à durée limitée (la durée de concession) et elles doivent rapidement trouver des financements importants afin de mettre en service l’ouvrage, dont l’exploitation leur permettra ensuite de se rémunérer. L’ouvrage concédé peut être à construire dans son 3 Calculs effectués à partir des prévisions de marge et de rotation normatives issues du modèle TRIVAL d’Associés en Finance 4 TRIVAL est un modèle d’évaluation développé par Associés en Finance et basé sur le suivi régulier de 500 valeurs, dont plus de 350 au sein de la zone euro. 5 En 2014, Abertis et Atlantia réalisent respectivement 88% et 87% de leur chiffre d’affaires dans les concessions autoroutières contre 15% pour Eiffage et 12% pour Vinci. 10 intégralité (greenfield) ou déjà partiellement construit (brownfield). Les critiques sur la supposée rente dont bénéficieraient les SCA suite aux privatisations résultent d’une erreur dans la façon d’appréhender la rentabilité d’une concession. En effet, le schéma des flux générés par une concession peut se décomposer en trois phases successives sur une durée de vie finie, et la seule façon de mesurer la rentabilité d’une SCA est de la considérer sur l’ensemble de son existence, comme illustré dans la Figure 2. Les SCA évoluent dans un secteur à forte intensité capitalistique et requièrent, dès la signature du contrat, la mobilisation de capitaux très importants. Le financement des sociétés concessionnaires Flux de trésorerie générés par la concession nécessite donc couramment d’avoir recours à l’endettement, générant des charges d’intérêt à décaisser dès le lancement des opérations de construction. A mesure de la mise en service de Fin de vie de la concession l’ouvrage, l’exploitation commence à générer un chiffre d’affaires qui devra permettre, au terme de la concession, l’amortissement des investissements Période Exploitation Construction et de optimale de mise en service transition réalisés, le remboursement des emprunts l'ouvrage progressive de contractés et la rémunération du capital investi. La l'ouvrage période d’exploitation de l’ouvrage est limitée dans le temps, celui-ci revenant sans compensation à l’État à la fin de la concession. Cette concentration des flux générés par la société concessionnaire sur une période de temps limitée est une spécificité fondamentale du modèle, qui explique la nécessité de générer des marges importantes pendant une phase du « cycle de vie » de l’infrastructure. Comparativement à une société propriétaire de ses actifs, les marges dégagées devront être d’autant plus importantes que la société doit continuer à investir dans l’ouvrage jusqu’à l’échéance de la concession. A l’approche de son terme, l’État établira, après concertation avec la SCA, l’ensemble des investissements à réaliser afin de lui restituer l’ouvrage en bon état d’entretien. Les derniers investissements seront ainsi à la charge des SCA, alors même que celles-ci ne seront bientôt plus en droit d’en percevoir le bénéfice. Figure 2 Schéma des flux générés par une concession Entre 2002 et 2006, les trois principales SCA françaises (ASF, APRR et SANEF) ont été privatisées après que l’essentiel des travaux de construction et de mise en place du réseau autoroutier eurent été effectués. La Figure 3 illustre le nouveau schéma Figure 3 de flux suite à la privatisation des SCA. Les Schéma des flux générés par les critiques omettent de rappeler que la valeur des SCA privatisées SCA a été déterminée en tenant compte de Flux de trésorerie générés par la concession l’ensemble des investissements déjà réalisés et des flux générés par les SCA jusqu’à la fin de leur durée de vie : les acquéreurs ont versé à l’État et aux Fin de vie de la concession autres actionnaires un total de 22 milliards d’euros Prix d'acquisition pour devenir propriétaires des fonds propres des 22 Mds€ SCA, c'est-à-dire en contrepartie des flux de Investissement trésorerie générés par le droit d’exploiter les 2002/2006 = 39 Mds € Reprise de autoroutes pendant une durée déterminée, et ont dette également repris à l’État les dettes de 17 milliards 17 Mds€ d’euros inscrites aux bilans des SCA, permettant la réduction de l’endettement public par la Construction et Période de Exploitation déconsolidation des montants afférents. La valeur mise en service transition optimale de totale des privatisations s’est ainsi élevée à 39 progressive de l'ouvrage l'ouvrage milliards d’euros, comprenant la compensation des 11 investissements effectués précédemment par l’État pour la construction des autoroutes et l’abandon des bénéfices futurs potentiels par celui-ci. Certes, les acquéreurs se sont vu accorder le droit d’exploiter un réseau d’autoroutes en partie construites, mais ils ont dû décaisser une somme importante afin de l’obtenir. Les différents risques affectant les SCA Le secteur des concessions autoroutières est considéré par les investisseurs comme défensif, en référence à la bonne visibilité de son business-model par rapport à d’autres secteurs particulièrement cycliques. Toutefois, l’activité des SCA est soumise à différents risques susceptibles de mettre en danger la viabilité de leur modèle. Les principaux risques auxquels elles sont exposées sont les suivants : - Le risque lié à l’activité économique : le niveau de trafic enregistré sur les autoroutes est corrélé à la croissance économique. Une variation de 1% du PIB par habitant entraîne une variation de 6 1.2% à 1.7% du trafic sur autoroutes . L’impact est particulièrement significatif pour le trafic des poids lourds, extrêmement sensible à la conjoncture et dont la baisse est doublement pénalisante pour le chiffre d’affaires des SCA, puisqu’elle porte tant sur les volumes que sur les prix moyens (la grille tarifaire étant plus élevée pour les poids lourds). - Le risque de substitution : les autoroutes ne sont pas en situation de monopole, car tout utilisateur a la faculté de ne pas les emprunter lors de ses déplacements, que ce soit au profit des routes nationales ou d’autres moyens de transport. - Le risque lié au prix du pétrole : une croissance de +1% des prix du gazole entraine une diminution de -0.33% du trafic en véhicules par kilomètre et de -0.31% de la demande de transport 7 en tonnes par kilomètre . - Le risque de désaffection : le parc de voitures français ne croît plus et le parcours moyen par 8 véhicule régresse . - Le risque prix : les SCA ne contrôlent pas leurs tarifs et elles subissent un risque politique sur leur évolution (la révision tarifaire est nulle en 2015 suite à la décision de gel des tarifs prise par l’État). - Le risque réglementaire : les SCA sont tenues de respecter des obligations strictes quant à la continuité de l’exploitation de l’ouvrage, aux investissements à réaliser, aux modifications à lui apporter et aux tarifs pratiqués. L’État dispose également d’une option de rachat de la concession, exerçable dans un motif d’intérêt général et peut utiliser ce même motif pour tenter de négocier au forceps des aménagements des contrats de concession, voire refuser de remplir certains de ses engagements contractuels. - Le risque financier : l’important besoin en capitaux des SCA nécessite le recours à l’endettement, ce qui leur fait subir un risque financier de plusieurs ordres : un risque de taux, un risque de refinancement, et un risque de faillite. Garant de l’ensemble de la dette (dette reprise au moment des privatisations et dette d’acquisition), les acquéreurs ont l’obligation de rembourser l’intégralité de celle-ci à l’échéance des concessions. Du fait de leur niveau élevé d’endettement net, les frais financiers constituent l’une des charges les plus importantes des SCA. La maturité des ouvrages 6 Commissariat général à la stratégie et à la prospective, 2013, Estimation des élasticités des trafics routiers et ferroviaires au PIB, juillet 7 Christophe Rizet et Hajera Bouguerra, 2013, Evolution des élasticités du transport routier de fret au prix du gazole, Les cahiers scientifiques du transport, septembre 8 INSEE, Service de l’Observation et des Statistiques, Parc et parcours moyen des véhicules en service en 2013 12 étant bien plus longue que la maturité des emprunts auxquels ils sont adossés, plusieurs refinancements sont inévitables et une forte progression des taux d’intérêt est donc susceptible de mettre en péril leur rentabilité, occasionnant un risque quant au remboursement de l’intégralité de la dette. Ce risque est d’autant plus important que les créanciers considèrent la visibilité du secteur comme sa principale vertu et sont particulièrement attentifs aux flux de trésorerie des SCA, car aucun de leurs actifs ne peut être gagé et saisi, contrairement à la majorité des entreprises, puisque qu’à terme l’autoroute doit être restituée à l’État. Le levier opérationnel des SCA Les SCA évoluent dans une industrie de coûts Figure 4 fixes : une légère baisse du chiffre d’affaires, Décomposition du chiffre d'affaires occasionnée par la réalisation d’un ou plusieurs d'une SCA des risques présentés ci-dessus, peut entraîner une dégradation marquée de la marge et de la rentabilité des capitaux investis. La Figure 4 Frais liés aux travaux, 40 représente la répartition du chiffre d’affaires entretien et frais de personnel d’une SCA (base 100) et démontre qu’en cas de contraction de l’activité, celles-ci ne disposent de presque aucune solution pour adapter leur base 17 Amortissements de coûts. Celle-ci est essentiellement fixe, puisque ses composantes ne sont que très 15 marginalement impactées par l’effet d’une Frais financiers Résultat réduction de la circulation autoroutière, 10 Impôts contrairement au chiffre d’affaires. En effet, les d'exploitation SCA sont tenues d’assurer la continuité de Résultat net 18 l’exploitation, ce qui implique une flexibilité limitée sur leurs frais de personnel, et sont soumises à des obligations contractuelles concernant les frais d’entretien. Les travaux à réaliser sont définis avec l’État pour plusieurs années consécutives dans le cadre des contrats de plan, les amortissements ne dépendent que de la durée de vie résiduelle de la concession et les frais financiers peuvent être rapidement amenés à progresser, si la détérioration de la conjoncture économique remettait en cause leur capacité à faire face à leurs engagements. Enfin, les tarifs étant réglementés selon une formule définie dans le contrat de concession et assise sur l’évolution des prix à la consommation, les SCA ne maitrisent pas leur politique commerciale et subissent encore davantage les aléas de la conjoncture économique. 13 La sensibilité de la valorisation d’une SCA aux différents paramètres Les risques évoqués ci-dessus impactent la rentabilité, mais également la valorisation des SCA. Sur la 9 base d’un scenario central actuel , le Tableau 1 présente la sensibilité de leur valorisation aux différents paramètres, chacun d’entre eux étant considéré séparément des autres. Tableau 1 10 Sensibilité de la valeur des fonds propres d’une SCA aux différents paramètres Variation en points de base -150 bp -100 bp -50 bp Scenario +50 bp +100 bp +150 bp central Evolution du trafic -26% -18% -9% 0% 10% 21% 33% Inflation -14% -10% -5% 0% 5% 11% 16% Coût de la dette 6% 4% 2% 0% -2% -4% -6% Coût des fonds propres 17% 11% 5% 0% -5% -9% -13% Variation en années -5 ans -2 ans Scenario central Durée de vie résiduelle -13% -5% 0% +2 ans +5 ans 4% 11% La simulation permet de mesurer l’impact de la prépondérance des coûts fixes sur la valorisation d’une SCA : une baisse du taux de croissance annuel du trafic de -0.5% tout au long de la durée de vie résiduelle de la concession impacterait la valeur des fonds propres de -9%. L’évolution de l’inflation affecte aussi le chiffre d’affaires, du fait des formules d’évolution des tarifs, et se répercute sur la valorisation. Cependant, l’impact d’une baisse/hausse d’une même proportion de -0.5% est d’ampleur moindre, car la part des coûts corrélés à l’inflation est supérieure à la part de ceux corrélés au trafic. Si une baisse du trafic linéaire durant toute la durée de vie de la concession paraît difficilement envisageable, la crise économique récente alerte sur la possibilité d’une baisse du trafic pendant plusieurs années dans un contexte de faible croissance économique. Une simple baisse de -1% du trafic pendant trois années aurait un impact de -4% sur la valeur des fonds propres d’une SCA. Le coût de la dette à long-terme est un paramètre essentiel de la valorisation d’une SCA. En l’occurrence, une baisse du coût de la dette de -150 points de base revaloriserait les fonds propres de +6%, mais ne suffirait même pas à compenser une baisse du taux de croissance annuel du trafic de -0.5%. La perception du risque des SCA par les investisseurs évolue avec la manifestation des différents risques et impacte leur coût des fonds propres. Une hausse de +100 points de base aurait pour conséquence une baisse de -9% de leur valorisation. Le prolongement de la durée de la concession a parfois été accordé par l’État aux SCA afin de compenser des décisions qui leur étaient préjudiciables ou des investissements supplémentaire mis à leur charge. Sur la base de notre scénario central, un prolongement de 2 années a un impact de +4% sur la valorisation d’une SCA et contrebalance un gel des tarifs sur 2 années consécutives. 9 Inflation : 1.5%, croissance du trafic : 0%, Coût de la dette : 4%, Durée de vie résiduelle : 28 ans, Coût des fonds propres: 5% 10 Variation sur l’ensemble de la durée de vie résiduelle de la concession 14 Eléments de valorisation des SCA au moment de leur privatisation Depuis l’annonce de leur privatisation à l’été 2005, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) françaises subissent régulièrement l’opprobre de l’opinion publique, fustigeant les conditions désavantageuses de leur cession par l’État, des tarifs trop élevés et donc une rentabilité qui serait indue. Ce document constitue un résumé des éléments relatifs à la valorisation des SCA contenus dans le rapport réalisé par Associés en Finance à la demande de l’ASFA. Le processus et le timing des cessions par l’État de ses participations au capital des SCA La privatisation des trois principales SCA françaises s’est déroulée à l’issue d’un processus en deux étapes : l’ouverture minoritaire du capital par une introduction en bourse, puis la cession de la participation majoritaire détenue par l’État à l’issue d’un appel d’offres. En cédant dans un premier temps une participation minoritaire auprès du public, l’État a bénéficié de l’appétence d’investisseurs multiples et de leur information sur la valorisation des sociétés. Et il profite de ce supplément d’information lors de la cession de sa participation majoritaire par un appel d’offres public pour 11 s’accaparer une partie plus importante de l’excédent de valeur que les candidats attribuent aux SCA . L’État fait de surcroît l’économie d’une négociation et peut alors sélectionner l’acquéreur le mieux disant, c’est-à-dire celui ayant accepté d’abaisser au plus bas son taux de rentabilité prévisionnel. Engagé dans un processus de privatisation pour des raisons budgétaires, l’État cherche naturellement à optimiser la valorisation de sa participation dans les SCA. De ce point de vue, le timing est primordial car au-delà des perspectives intrinsèques des sociétés, les investisseurs sont plus ou moins averses aux risques selon la période. Dans les périodes de faible aversion au risque, le taux de rentabilité attendu des investisseurs (Figure 1) est relativement faible, et les investisseurs sont prêts à « payer cher » pour les actifs qu’ils convoitent. Or, le business-model défensif des SCA leur ayant toujours valu d’être considérées comme peu risquées, le suivi de la prime de risque du marché actions, qui permet de mesurer l’aversion au risque globale, devient alors un facteur important de la valorisation obtenue par l’État de ses participations. La Figure 1 représente l’évolution de la prime de risque du marché actions entre janvier 2002 et mai 2015. Figure 1 Prime de risque du marché actions issue du modèle TRIVAL d’Associés en Finance 11 Zingales, 1995, Insider ownership and the decision to go public, Review of Economic Studies 15 La prime de risque du marché actions était comprise entre 3.8% et 5.6% aux moments des introductions en bourse des trois SCA. L’État est ainsi parvenu à céder ses participations minoritaires en évitant la période comprise entre la fin de l’été 2002 et la fin de l’année 2003, où l’aversion au 12 risque des investisseurs avait fortement progressé dans des marchés financiers chahutés (prime de risque comprise entre 6.5% et 9%). Les conditions de marché étaient de nouveau propices lorsque l’État a trouvé des acquéreurs pour sa participation majoritaire en décembre 2005 : la prime de risque des marchés actions était alors de 5.1%, significativement inférieure à sa moyenne de 6.5% entre janvier 2002 et mai 2015. Le timing des cessions par l’État a donc été bien choisi, lui permettant de bénéficier de la faible aversion au risque des investisseurs intéressés pour obtenir un prix élevé de sa participation dans les SCA. La valorisation des SCA aux moments des cessions de participations Dans un premier temps, l’introduction en bourse des SCA a permis de juger de l’appétence des investisseurs pour leurs perspectives de rentabilité, au regard de la perception de leurs risques. La fixation du prix d’introduction résulte d’un équilibre visant à maximiser le montant obtenu par l’État, tout en veillant à garantir le placement des titres proposés à la vente et à préserver la flexibilité de la stratégie financière de l’entreprise. Si une société est introduite à un cours trop faible par rapport à ses perspectives, les investisseurs vont alors tous souhaiter acheter le titre, entraînant une forte hausse du cours. Ce mouvement perdurera jusqu’à ce que le cours se rapproche du prix d’équilibre de l’action. Symétriquement, si une société est introduite à un cours trop élevé, les investisseurs se désintéresseront du titre, entraînant une forte baisse du cours, qui perdurera jusqu’à son retour à l’équilibre. Ainsi, l’évolution du cours lors des quelques séances suivant l’introduction en bourse permet de juger du prix préalablement fixé. Dans ce cas d’espèce, l’État et les SCA sont parvenus à placer les titres sur le marché sans que les cours des actions ne connaissent de variations significatives post-introduction. L’équilibre exposé ci-dessus permet donc d’affirmer qu’au regard des perspectives des sociétés et des conditions de marché de l’époque, les prix d’introduction en bourse des SCA avaient été correctement fixés. Les prix d’équilibre issus du modèle TRIVAL d’Associés en Finance confirment cette observation et suggèrent même que les actions ASF et SANEF étaient 13 légèrement surévaluées par les investisseurs par rapport à leurs perspectives de risque/rentabilité . Dans un second temps, la procédure d’appel d’offres public permet aux candidats de se positionner pour le contrôle d’une ou plusieurs des SCA via l’acquisition des participations majoritaires détenues par l’État et compte tenu des mêmes éléments d’évaluation de leurs risques et de leurs perspectives de flux. L’offre qui finit par l’emporter provient du candidat ayant accepté d’abaisser au plus bas son taux de rentabilité prévisionnel. Les acquéreurs choisis pour avoir proposé le prix le plus haut sont donc ceux qui ont accepté de prendre le risque le plus important, en investissant davantage dans l’opération, et en acceptant le taux de rentabilité le plus bas. Dans ces processus d’enchères, le prix de cession de la société s’ajuste sur le coût du capital marginal du candidat le mieux disant et dont la surface financière lui permet de proposer une offre d’achat en numéraire sur la totalité de la participation mise en vente (conditions sine qua non fixées par l’État). Suite à l’officialisation du lancement de la procédure, la Commission des Participations et des Transferts a déterminé un prix minimal par action pour chacune des SCA (47€ pour ASF et SANEF, 51€ pour APRR), et il convenait alors à l’État de recueillir les offres des candidats (9 offres fermes au total, 1 pour ASF, 4 pour APRR et 4 pour SANEF). Les valeurs minimales fixées par la Commission se fondaient sur une valorisation multicritères effectuée par des experts indépendants et extériorisaient 12 Le 12 mars 2003, l’indice CAC 40 atteignait son plus bas niveau en séance depuis 1997 à 2401 points. Les premières valorisations fin de mois d’Associés en Finance extériorisaient des surévaluations respectives de -1%, -8% et -10% pour APRR, ASF et SANEF au moment de leur intégration au modèle. 13 16 14 une prime définie comme « significative et conforme aux usages » par rapport aux cours de bourse des SCA avant l’annonce de la poursuite de la cession par l’État. Par rapport aux derniers cours de 15 clôture , elles intégraient des primes de +8% pour ASF, +16% pour APRR et +15% pour SANEF. La valorisation des SCA du point de vue des acquéreurs a été réalisée par Associés en Finance au 30 décembre 2005, afin d’intégrer l’impact de l’acquisition sur le profil de risque des acquéreurs et l’évolution des primes de marché, et selon la méthode DCF to Equity, unanimement reconnue par les évaluateurs. Les résultats sont présentés dans le Tableau 1. Tableau 1 Valorisation des SCA et prime par rapport à la valeur minimale fixée par la Commission Valeur minimale Valorisation du Prime par rapport à Niveau des Prime par rapport à fixée par la point de vue la valeur fixée par offres obtenues la valeur fixée par la Commission la Commission Commission des acquéreurs par l'Etat ASF 47,0 € 48,5 € 3% 51,0 € 9% APRR 51,0 € 55,2 € 8% 61,0 € 20% SANEF 47,0 € 56,3 € 20% 58,0 € 23% La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est produite dans de parfaites conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public. Les offres retenues extériorisaient des primes significatives par rapport aux valeurs minimales fixées par la Commission, mais aussi par rapport à l’ensemble des valorisations réalisées à cette date, qu’elles proviennent des bases de données d’Associés en Finance ou de l’échantillon de brokers considéré. Les valorisations indicatives des SCA réalisées par Associés en Finance du point de vue des acquéreurs permettent de décrire au mieux le processus ayant abouti à la fixation des prix. 14 Journal Officiel de la République Française, 2006, Avis de la Commission des participations et des transferts, janvier 15 Cours de clôture du 7 juin 2005 : 43.6€ pour ASF, 44.5€ pour APRR, 41.6€ pour SANEF 17 18 I. La contribution du réseau autoroutier à la dynamique économique française Le débat public autour du modèle concessionnaire français est resté centré sur l’analyse de la rentabilité des SCA (qui constitue le cœur du présent rapport) sans jamais que les caractéristiques du réseau autoroutier, notamment en termes comparatifs dans l’espace européen, ni ses performances (sécurité, qualité de service, …) et ni même sa contribution à la dynamique économique française ne soient « invoquées » dans le cadre de la discussion. Cette série d’omissions est pour le moins paradoxale et cela pour quatre raisons : - La France constitue le territoire le plus vaste de l’Union Européenne et donc, mécaniquement, l’un des plus difficiles à mailler par un réseau capillaire. D’autant que, comme la population hexagonale n’est pas la plus dense, l’effort économique par habitant s’en trouve alourdi (notamment par comparaison avec l’Allemagne). A fortiori, si l’on considère que la collectivité française a eu à porter financièrement, durant les mêmes décennies, la création d’un remarquable réseau de train à grande vitesse (et partiellement concurrent de la route). En dépit de ces contraintes spécifiques d’aménagement de l’espace, le maillage autoroutier du territoire situe la France aux tous premiers rangs européens. - Cette observation « quantitative » est corroborée par des observations de nature plus « qualitative » qui relèvent de l’accidentalité et de la qualité et diversité des services offerts sur les réseaux autoroutiers, ainsi que de l’évolution des investissements pour prendre en compte de nouveaux objectifs environnementaux. Le haut niveau de qualité des infrastructures routières françaises et, en particulier, des autoroutes, est très généralement salué dans les classements internationaux. - La dernière observation relève des effets induits par la présence d’un réseau autoroutier très capillaire. La France est la première destination touristique du monde, avec plus de 80 millions de touristes accueillis (et un grand pays de transit au sein de l’Europe), et pourrait voir ce flux progressivement complété par plusieurs dizaines de millions de visiteurs additionnels d’ici la fin de la prochaine décennie. Dans ce contexte, les effets économiques associés au maillage autoroutier doivent être pris en considération. Si l’attractivité de la France, en particulier pour les investissements étrangers, fait débat, la qualité des infrastructures de transport fait exception dans le concert du « French bashing ». - Le développement des nouveaux modèles de transport routier en émergence ou en développement en France (covoiturage, auto-partage, autocars inter-régionaux) constituent également des évolutions qui requièrent des infrastructures autoroutières de grande qualité (sécurité, information et régulation du trafic, densité des aires de repos et de restauration, …). Ainsi, au moment où l’Allemagne cherche un moyen de relancer son investissement en infrastructures, et semble considérer avec davantage d’intérêt le modèle concessionnaire français, il importe de rappeler que l’analyse de la « performance économique » des autoroutes françaises doit être jointe au débat sur leur « performance financière ». Tel est l’objet de cette section, organisée en quatre temps : - Nous rappelons tout d’abord que, si le débat sur le modèle autoroutier a été singulièrement « rétréci » à la mesure de la rentabilité des sociétés concessionnaires, il doit être replacé dans la perspective, plus large, des considérables besoins d’investissement en infrastructures, indispensables à la sortie de la crise économique et au développement à long terme (I.1). 19 - Nous présentons ensuite les caractéristiques et performances des autoroutes françaises, qui constituent à la fois l’un des réseaux les plus étendus d’Europe et présentant une sécurité et une qualité de services parmi les plus élevées (I.2). - Nous analysons par ailleurs les effets de « diffusion » économiques, à la fois via la « filière » autoroutière (effets directs et indirects des investissements) et via les « usages » (I.3). - Nous soulignons enfin, sous forme de conclusion d’étape, comment les autoroutes constituent une infrastructure-clé pour l’attractivité du territoire de la France et de son économie (I.4). I.1. L’enjeu : les considérables besoins d’investissement en infrastructures pour sortir de la crise économique La crise économique a laissé les États exsangues (dans l’OCDE) ou les a sérieusement ébranlés (partout ailleurs ou presque), hypothéquant leur capacité à étendre ou moderniser (ou simplement créer) leurs infrastructures de transport, d’énergie, de télécommunications, d’eau, autant d’investissements dont dépend leur croissance à long terme (ainsi que la qualité de vie et la sécurité de leurs citoyens…). Les évaluations économiques foisonnent pour alerter sur l’extraordinaire besoin d’investissements en infrastructures : - L’OCDE et McKinsey convergent pour fixer l’ordre de grandeur à 60000 Mds de dollars, au niveau mondial, toutes infrastructures confondues à 2030 (cf. Figure 1). - Le BCG évalue le besoin à 5% du PIB mondial, chaque année, considérant que les puissances publiques ne peuvent assumer directement que la moitié de cet effort. Figure 1 Evaluation du besoin mondial d’investissements en infrastructures (2013/2030 – trillions de dollars) Source : OECD; IHS Global Insight; GWI; IEA; McKinsey Global Institute analysis 20 Il est intéressant de resituer le récent débat sur les concessions autoroutières dans ce contexte et de rappeler que la Commission Européenne a estimé la charge d’investissements en matière de transport sur les décennies 2010 et 2020 à 1500 Mds d’euros. Le FMI vient d’évaluer l’effet de levier de ces investissements, estimant que 1% du PIB orienté vers les infrastructures induisait 1,5% de croissance au bout de quatre années, ce qui donne une idée de la croissance perdue compte tenu des contraintes de financement des États. Le diagnostic formulé par le FMI est clair : - Une baisse substantielle du capital public (en % du PIB) est soulignée au cours des trente dernières années dans les pays avancés, émergents et en développement, avec tout particulièrement une fourniture d’infrastructures par habitant dans les pays émergents et à faible revenu très en retrait des pays de l’OCDE. - La hausse des investissements en infrastructures accroît le PIB à court et à long terme, notamment durant les périodes de ralentissement économique et tout particulièrement lorsque l’investissement est très efficient (conditions plus généralement rencontrées dans l’OCDE). - Et de conclure que le moment est propice à une relance des investissements dans ces domaines, avec un coût de l’emprunt faible, une demande déprimée dans l’OCDE, et des « goulets » infrastructurels de nombreux pays émergents et en développement. Figure 2 16 Projections de croissance à moyen terme 16 FMI, 2014, World Economic Outlook report 21 La crise économique a laissé les États (d’Europe et l’OCDE en particulier) très contraints pour financer les infrastructures (eau, énergie, télécom, transports, …) indispensables à leur développement. L’effort à soutenir à long terme « pèse » 5% du PIB mondial, mais les États ne peuvent soutenir cet effort qu’à moitié, ce qui plaide pour des formes de partenariats entre public et privé, dont le modèle concessionnaire est l’une des formules. La croissance perdue du fait de cette « missing money » est considérable, 1% du PIB orienté vers les infrastructures induisant 1,5% de croissance au bout de 4 années. Ce besoin mondial de développement des infrastructures constitue une formidable perspective à l’export pour les entreprises françaises, particulièrement performantes dans ces domaines. I.2. Caractéristiques et performances des autoroutes françaises I.2.1. Un réseau autoroutier parmi les plus ramifiés d’Europe… Le réseau français s’est considérablement densifié au cours des trente dernières années, la longueur totale des autoroutes passant de 5 300 km en 1980 à 8 300 en 1995, puis à plus de 11 000 désormais. Aujourd’hui, la France dispose, après l’Espagne et l’Allemagne, du troisième réseau autoroutier en Europe par la taille, représentant environ 16% des infrastructures européennes, alors que l’Hexagone n’occupe que 12% de la superficie du territoire de l'Union. Il convient en outre, dans cette hiérarchie : - De relativiser la place de l'Espagne dont la fragilité du modèle est apparue lors de la crise économique qui a révélé un effort d'investissement dont la soutenabilité n'avait pas été garantie. - De reconnaître que, concernant la comparaison avec l’Allemagne, si le réseau de cette dernière est plus étendu, le nombre de kilomètres d'autoroute par habitant est nettement supérieur en France (+13%, cf. Figure 3), plus encore en mettant en rapport les PIB de part et d’autre du Rhin (+19%, cf. Figure 4). 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Espagne Allemagne France Italie Royaume Uni Portugal Pays Bas (1) Suède (1) Belgique Autriche Hongrie Suisse Croatie Denmark (2) Irlande Pologne Finlande Slovénie République Tchèque Bulgarie Slovaquie Norvège Roumanie Lituanie Chypres Luxembourg (1) Estonie Milliers km Figure 3 Longueur des réseaux autoroutiers nationaux dans l’UE (2012) (1) Données 2009 (2) Données 2008 Source : Eurostat 22 Figure 4 Poids relatif du réseau autoroutier et du territoire des pays de l’UE 2 1 1 1 1 1 Source : Eurostat, OCDE L'extension et l’amélioration des infrastructures routières ont permis aux réseaux de transport routiers français d’absorber un nombre croissant d’usagers. En 2012, la France est le premier pays européen sur le transport routier de personnes (en passagers-kilomètres, tout véhicule confondu). Parallèlement à l’augmentation des flux de véhicules, un important rallongement des parcours est observable, à la fois conséquence et facteur du développement du réseau autoroutier. La durée moyenne des parcours sur autoroute a ainsi augmenté de 103 % entre 1982 et 1994, et de 55% entre 1994 et 2008, signe que le réseau a permis la banalisation du transport à longue distance (même si la congestion des autoroutes dans le pourtour des métropoles entre également, en partie, en ligne de compte). Figure 5 Intensité du transport routier de personnes (en millions de passagers-kilomètres par an, 2012) 1 000 000 800 000 600 000 400 000 200 000 Slovaquie Bulgarie Lettonie Roumanie Slovénie Croatie Lituanie Irlande Norvège Denmark Finlande Rép. Tchèque Autriche Suisse Suède Belgique Pays Bas Pologne Espagne Royaume Uni Italie France 0 Source : Eurostat 23 Figure 6 Intensité du transport routier de marchandises (en millions de tonnes-kilomètre par an, 2012) 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 Chypres Estonie Luxembourg Croatie Irlande Lettonie Suisse Slovénie Danemark Grèce Norvège Autriche Finlande Lituanie Bulgarie Slovaquie Belgique Suède Roumanie Hongrie Portugal Rép. Tchèque Pays Bas Italie Royaume Uni France Espagne Pologne Allemagne 0 La construction d’un réseau autoroutier à la fois dense et de qualité a requis un effort d’investissement continu et soutenu. Cet effort s’inscrit dans la logique plus vaste du développement et de l’amélioration des infrastructures de transport françaises qui sont un des piliers de l’attractivité et de la compétitivité de l’économie française. La France est parmi les trois premiers pays membres de l’UE qui investissent le plus, comparativement à leur PIB, dans ces infrastructures (et, à nouveau, la fragilité des efforts opérés dans l’ensemble de la péninsule ibérique ont été mis en lumière par la crise, de sorte que la présence de l’Espagne et du Portugal aux premiers rangs doit être « revisitée »). Consacrant en moyenne 0,80% de son PIB par an à ces investissements dans la période 1995-2011, l’économie française maintient un effort 20% plus élevé que celui de l’Allemagne sur la période. Cette orientation procède certes de la nécessité de mailler le territoire le plus vaste parmi les pays de l’Union (et dont la densité de population est inférieure à la moyenne européenne, ce qui induit un effort par habitant plus marqué), mais également de choix constants dans la politique publique. Figure 7 Investissements dans les infrastructures de transports, % du PIB (moyenne entre 1995 et 2011) 1,60% 1,40% 1,20% 1,00% 0,80% 0,60% 0,40% 0,20% 0,00% Source : OCDE, Eurostat 24 L’importance de cet effort d’investissement est particulièrement visible en matière d’infrastructures routières (y compris concernant les autoroutes). Au cours de la dernière décennie, la France est, parmi les pays européens, celui qui investit le plus dans ses infrastructures routières. La majorité de ces dépenses sont d’ailleurs consacrées à l’amélioration et au développement des infrastructures. Figure 8 Investissement dans les infrastructures routières (milliards d’euros, 2009) Estonie Bulgarie Luxembourg Lettonie Slovénie Lituanie Slovaquie Croatie Portugal Autriche Irlande Danemark Finlande Belgique Hongrie Suède Rep. Tchèque Romania (1) Pays Bas Norvège Suisse Pologne Espagne (1) Royaume Uni Italie Allemagne (1) France 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Investissement Entretien (1) Distinction entre « investissement » et « entretien » non disponible Source : OCDE L’intensité de cet effort pour la collectivité légitime, pour être soutenu sur la durée, les formes de partenariat public-privé qui ont été déployées pour les infrastructures autoroutières, mais désormais également pour le train à grande vitesse (par exemple la ligne Paris-Bordeaux concédée au consortium LISEA). Il est manifeste que, la France étant également « championne » de la grande vitesse ferroviaire (avec plus de villes desservies par ce mode de transport que dans l’ensemble du reste de l’Europe), la poursuite sur le long terme d’une politique de maillage via tous les grands types d’infrastructures (sans en « sacrifier » aucun) aurait difficilement pu être assumée sur seuls fonds publics et a requis des modes de financement permettant de mobiliser la capacité d’investissement d’acteurs privés. Le rapport de la Commission Fratzscher (directeur de l'institut de conjoncture DIW), commandé par le gouvernement allemand et présenté en avril 2015, est consacré au déficit d’investissement dans les 17 infrastructures outre-Rhin . M.Fratzscher considère que le déficit annuel de l’Allemagne en investissements est de l’ordre de 75 milliards d'euros par an et impacte toujours particulièrement les infrastructures de transport. Si la formulation du rapport reste « prudente », les échanges au sein de la Commission ont clairement pointé la limite du modèle autoroutier allemand et la nécessité d’imaginer des formes nouvelles de partenariat public-privé s’inspirant de modèles voisins : « Roads as a mode of transport are and will remain of paramount importance for freight traffic and passenger transport. Which is why maintaining and expanding national roads in particular is of vital importance to ensuring the German transport system’s capacity and proper functioning. A particular challenge in this connection is the pent-up need that has developed in recent years for investments necessary to maintain existing infrastructure. As a long-term solution for ensuring investment in federal trunk roads, the Commission proposes examining the possibility of establishing a public infrastructure company for federal trunk roads (transport infrastructure company) that would offer the following: 17 Fratzscher M. ,2014, Increasing Investment in Germany, Report prepared on behalf of the Federal Minister for Economic Affairs and Energy, Sigmar Gabriel 25 Construction, maintenance and management of federal roads “from a single source” following the life cycle approach. - Financing primarily or exclusively from usage charges without leading to any additional burdens for car users. - Capacity to borrow without government guarantees so that a clear demarcation to the public sector is ensured; preservation of public oversight. This particularly means no “privatisation” of Germany’s federal trunk roads in any form whatsoever. The structure of a company of this kind should be the subject of a thorough examination by the Federal Government. Of fundamental importance is the decision regarding the ownership of the infrastructure company, which provides the basis for determining the company’s tasks and responsibilities in the context of the general conditions. The Expert Commission is in agreement that the public sector should hold at least a majority stake in this infrastructure company; some members even recommend that the infrastructure company should be wholly state-owned. The Expert Commission recommends that the experience other countries ‒ such as Austria, France and Switzerland ‒ have gathered in connection with different organisational structures be drawn upon when working out the concrete terms and details of such a company ». [p.9] - La France dispose du troisième réseau autoroutier en Europe par la taille. La France est le premier pays européen sur le transport de personnes. La construction d’un réseau autoroutier à la fois dense et de qualité a requis un effort d’investissement continu et soutenu. La France est parmi les trois premiers pays membres de l’UE qui investissent le plus dans les infrastructures de transports. I.2.2 …et présentant une sécurité et une qualité de services parmi les plus élevées Les règles de conception des autoroutes et la réglementation en vigueur contribuent à faire de ces infrastructures le « vecteur » de transport routier sans conteste le plus sûr. Sur l’ensemble des pays européens, le nombre de personnes tuées sur les autoroutes a diminué de 49% entre 2004 et 2013 contre 44% de diminution pour le reste du réseau routier. Sur cette période, la réduction annuelle moyenne de la mortalité sur les autoroutes européennes était de 8% contre 6,5% pour les autres routes. Sur cette même période, la longueur du réseau autoroutier a augmenté de plus de 25%. Selon l’ASECAP, sur le réseau autoroutier proprement dit, la France se situe à un niveau de performance élevé avec moins d’un tué par milliard de véh-km, une mortalité inférieure à ces des autres grands réseaux, Allemagne et, plus encore, Espagne. Cette observation vient confirmer que la qualité d’un réseau autoroutier ne se mesure pas (à l’évidence) uniquement à sa longueur et à son maillage. 26 Figure 9 Nombre de tués par milliard de véh-km sur la période 2011-2013 * Données 2011-2012 ** Uniquement sur les autoroutes à péage *** Sur les autoroutes et les autovias Source : European Transport Safety Counsil (2015) Figure 10 Evolution à long terme du nombre de tués sur les autoroutes françaises (milliard de véh-km) 18 16 14,4 14 14,6 Variation annuelle du taux de tués : -6,2% 12,6 12 10,8 10 8 6 10,2 9,8 7,3 5,6 5,6 5,5 4 2 4,8 4,5 2,3 2,5 2,1 1,7 1,6 1,6 0 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 Source : ASFA La mortalité a été divisée par 10 sur les autoroutes françaises depuis 1980. Ce résultat remarquable ne procède certes pas des seuls efforts des gestionnaires d’infrastructures (l’évolution de la réglementation routière et l’amélioration des équipements de véhicules sont également des facteurs déterminants). Toutefois, la nature des services offerts sur le réseau est également à prendre en considération. Ainsi, en considérant qu’un accident mortel sur trois est en rapport avec la fatigue et la somnolence du conducteur, la présence très fréquente d’aires de repos sur les autoroutes françaises er concourt à la sécurité (et la différence avec le 1 réseau européen, par sa longueur, qu’est l’Espagne est également à souligner). 27 Tableau 1 Services fournis aux usagers par les concessionnaires membres du réseau ASECAP (nombre par 100 km) Pays Autriche Espagne France Grèce Irlande Italie Portugal Total Aires de repos 9,83 3,85 6,98 7,60 1,19 7,34 0,20 5,11 Stations service 4,00 2,91 4,06 2,11 1,19 7,29 2,14 3,64 Restaurants 2,34 3,23 4,74 1,57 3,56 3,13 3,06 2,29 Source: ASECAP L’ensemble de ces efforts font apparaître les infrastructures routières françaises aux premiers rangs des classements internationaux. Selon le World Economic Forum qui compare plus de 140 pays, la e France est 4 au niveau mondial en termes de compétitivité de ses infrastructures routières, devant le e e e e Japon (10 ), l’Allemagne (13 ), les États-Unis (16 ) ou le Royaume Uni (30 ). A l’exception du Japon, la France est ainsi le seul grand pays parmi les dix premiers du classement mondial. Elle est donc première parmi les grands pays à soutenir un effort aussi conséquent tant de « quantité » que de « qualité » de ses infrastructures routières. Tableau 2 10 premiers pays en termes de qualité des infrastructures routières 1 2 Emirats Arabes Unis Portugal 3 Autriche 4 France 5 Pays Bas 6 Singapore 7 Hong Kong 8 Oman 9 Suisse 10 Japon Source: World Economic Forum Un des enjeux ayant gagné en attention durant la décennie 2000 est celui de l’amélioration des efforts dédiés aux performances environnementales des autoroutes françaises. Une telle orientation aboutit nécessairement à une grande diversité de mesures destinées à : - la protection des ressources en eau (traitement des rejets en eau pour préserver les zones de captage en eau potable, continuité des milieux aquatiques, prévention des risques d’inondation, …) ; - la protection des riverains contre le bruit (réalisation d’écrans anti-bruit, pose de revêtements acoustiques, isolation de logements, …) ; 28 - la préservation de la biodiversité (préservation des continuités écologique, valorisation des trames vertes, …) ; - l’éco-rénovation des aires de repos et des aires de services (collecte sélective des déchets, éclairages basse consommation, …) ; - la réduction des émissions de CO2 (informations sur le trafic, mesures de régulation de la vitesse, déploiement du télépéage, promotion de l’usage collectif des infrastructures (covoiturage, autocars express)).. Entre 2010 et 2013, ces efforts ont bénéficié de plus d’1 milliard d’investissements grâce aux engagements du « paquet vert ». Le réseau autoroutier français se situe à un niveau de performance élevé avec une mortalité inférieure à celle des autres grands réseaux (Allemagne et Espagne). La mortalité sur les autoroutes françaises a été divisée par 10 depuis 1980. Le World Economic Forum classe la France au 4e rang mondial en termes de compétitivité de ses infrastructures routières. I.3. Des effets de « diffusion » économiques incontestables Sur le plan économique, l’analyse des effets des autoroutes sur le fonctionnement de l’économie doit intégrer tant la dimension court terme que la dimension long terme. A court terme, la construction et la mise en œuvre des infrastructures autoroutières induit un certain nombre d’effets directs et visibles sur l’industrie des transports elle-même, mais aussi sur celle du BTP et sur toutes les activités fournisseuses des grands projets d’infrastructures. Cependant, pour appréhender avec justesse les enjeux économiques autour du développement du réseau autoroutier, il faut également prendre en compte un certain nombre d’effets induits sur les incitations et les contraintes qui conditionnent les comportements des ménages et des entreprises et dont les résultats ne sont souvent observables qu’à moyen-long terme. La science économique est, dans ce domaine, d’un grand secours. Elle permet, en effet, d’objectiver autant que faire se peut des intuitions qui, si elles ne s’appuient pas sur une quantification rigoureuse, peuvent prêter à controverse et surtout apparenter le débat auquel donne lieu leur interprétation à une « discussion de café de commerce ». L’économie des transports, discipline qui s’est, au cours des trois dernières décennies, autonomisée, à la fois de la macroéconomie et de l’économie industrielle, a largement contribué à l’analyse des « prix » et des « quantités » autoroutières. Elle s’est moins concentrée à ce jour sur les effets externes du développement de la filière autoroutière. Ce déficit relatif – à combler dans le futur – permet néanmoins de documenter de manière rigoureuse un certain nombre d’intuitions relatives aux effets d’entraînement, dont les investissements autoroutiers sont porteurs. 29 Le Tableau 3 représente la recension et l’analyse systématique des travaux de recherche réalisés 18 dans ce domaine . Les conclusions de ces travaux sont présentées de manière résumée dans les Tableaux 3 et 4 puis structurées de manière littéraire. Tableau 3 Etudes empiriques sur le lien entre investissements dans les infrastructures de transport et efficacité des entreprises Etude Méthodologie Résultats Infrastructures et coûts de production des entreprises Keeler & Ying (1988) Cette étude tente d’évaluer l’impact sur les coûts des entreprises américaines, entre 1950 et 1973, de la construction et de l’ouverture du système fédéral d’autoroutes aux États Unis. Nadiri & Mamunéas (1994) Etude du lien entre évolution du stock de capital public et celle des coûts de production dans différents secteurs industriels aux États Unis entre 1953 et 1986. Morrisson & Schwartz (1996) Etude de l’impact sur les coûts des entreprises des investissements publics dans les infrastructures de transports. Les données concernent des entreprises industrielles américaines regroupées en quatre régions (Nord, Est, Sud, Ouest) L’article conclut que l’ouverture et l’exploitation de ce réseau d’autoroutes a eu un effet positif sur l’efficacité des entreprises qui y ont accès. Les baisses de coût peuvent être particulièrement significatives dans certaines industries : les coûts de production des grandes entreprises de transport routier américaines ont diminué de 19% l’entre 1950 et 1973 grâce à l’utilisation de cette infrastructure. Ces bénéfices dépassent le coût des investissements dans ces infrastructures (équivalent de seulement 12,6% des coûts dans les industries concernées). Le développement du réseau routier a eu un effet positif sur les coûts de production de l’industrie américaine : sur les 12 secteurs étudiés, 11 bénéficient d’une baisse de coûts significative. En moyenne, pour l’ensemble des secteurs, suite à une hausse de 10 % du capital investi en infrastructures de transport les coûts de transport diminuent de 1,3%. Ces gains de coûts peuvent être particulièrement élevés dans les industries de biens durables. Selon le secteur d’activité, les investissements publics dans les infrastructures de transport peuvent expliquer entre 1/10 et ½ des gains de productivité enregistrés au cours de la période.. Entre 1970 et 1987 aux États Unis, chaque million de dollars investi en infrastructures publiques nationales permet de réaliser entre 160 et 180000 de dollars d’économies de coûts pour l’industrie manufacturière. Ces investissements ont permis de générer entre 15 et 20% d’économies de coûts dans les États du Nord et l’Est et entre 20 et 30% pour les États du Sud et de l’Ouest. Infrastructures et productivité des facteurs de production Aschauer (1989) Etude sur longue période (1949 – 1981) du lien entre les investissements publics dans les infrastructures et la productivité du capital ou la productivité globale des facteurs dans l’économie américaine. Munnel (1990) Estimation de l’impact des investissements publics, dont 2/3 concernent les infrastructures de base, sur la productivité des secteurs d’activité non-agricoles aux États Unis entre 1948 et 1988. Sur les différentes sous-périodes étudiées l’élasticité de la productivité du capital par rapport aux variations du stock du capital public est variable mais toujours positive (entre 0,38 et 0,56). Ainsi, en moyenne sur la période, l’augmentation de 10% des infrastructures publiques se traduit par une augmentation de 3,8 à 5.6% de la productivité du capital. Aschauer trouve des résultats similaires lorsqu’il étudie le lien entre investissements publics dans les infrastructures et productivité globale des facteurs. Aschauer suggère ainsi que le déclin de la croissance de la productivité américaine vers la fin de la période pourrait être reliée au ralentissement des investissements publics. Ainsi, entre 1950 et 1970, la croissance annuelle moyenne de la productivité globale aux États Unis était de 2% alors que la croissance annuelle du stock du capital public était de 4,1%. Entre 1971 et 1985, alors que la croissance du stock de capital diminue fortement (1,6%), les gains de productivité ralentissent aussi (0.8%). Le coefficient de corrélation entre les deux variables étudiées est positif et significatif (0.31 à 0.39). Ainsi, une augmentation de 10% du stock de capital public augmenterait la productivité du travail d’entre 3,1 et 3.9%. L’auteur conclut que près de 80% du ralentissement de la croissance de la productivité du travail serait dû au déclin du ratio capital public/travail. 18 Ne sont repris ici que les travaux parlant spécifiquement sur les effets externes de la filière autoroutière. Les recherches plus globales traitant de manière incidente du sujet ne sont pas reprises ici. 30 Fernald (1999) L’article étudie l’impact de l’évolution du stock d’infrastructures routières sur la productivité dans différents secteurs d’activités regroupés en 9 catégories selon l’intensité d’utilisation du transport routier. L’estimation porte sur des données de 29 industries américaines sur une période allant de 1953 à 1989. Cadot et al. (2002) Cette étude analyse le lien réciproque entre productivité et investissements dans les infrastructures de transport. L’étude porte sur 21 régions françaises entre 1985 et 1992. De Stefanis & Sena (2005) Etude de l’impact des investissements publics dans les infrastructures sur la productivité globale des facteurs de production. L’étude est menée sur l’économie italienne entre 1970 et 1998. Elle fait la distinction entre « core infrastructure » (qui comprend notamment les infrastructures de transport) et « non core infrastructure ». L’auteur conclue qu’il existe une relation positive et significative entre la croissance des infrastructures routières et la croissance de la productivité globale des facteurs dans l’économie. Ainsi, la croissance annuelle du réseau routier était d’environ 4% avant 1973 et moins d’1% après cette année. En parallèle, la croissance annuelle moyenne de la productivité des industries étudiées était de 1,6% par an avant 1973 et de seulement 0.3% après cette date. Ainsi, la réduction d’1% de la croissance du réseau routier entraine un ralentissement d’1,3% de la croissance de la productivité de l’économie. L’étude obtient une élasticité positive et significative (0.085) entre les investissements dans les infrastructures de transport (notamment les routes) et la productivité globale. Le retour moyen sur l’investissement (ROI) que les auteurs calculent (0.157) est inférieur à celui obtenu sur données américaines, mais néanmoins significatif. Les estimations déterminent une élasticité entre 0.1 et 0.25 entre les investissements dans les infrastructures de base (dont les transports) et la productivité globale des facteurs. Une hausse de 10% du stock de capital public dans les infrastructures de base se traduirait par une hausse de 1 à 2.5% de la productivité. Tableau 4 Etudes empiriques sur le lien entre mobilité et croissance économique Etude Munnel & Cook (1990) Méthodologie Cet article étudie l’impact des infrastructures de transport sur la croissance économique dans les différentes régions des États Unis entre 1970 et 1988. Hulten (1996) Cette étude s’intéresse au lien entre l’usage efficace des infrastructures (mesuré par un indicateur synthétique qui agrège l’information de plusieurs indicateurs qualitatifs) et le développement économique, mesuré par le PIB/habitant. L’estimation porte sur un échantillon de pays à revenu faible ou moyen sur une période allant de 1970 à 1990. Aschauer (1998) Etude du lien entre rythme de croissance économique, stock de capital public dans les infrastructures et efficacité d’utilisation du capital public. L’estimation porte sur 46 pays à faibles ou moyens revenus, de 1970 à 1990. Fernald (1999) Etude de l’impact des investissements publics dans les infrastructures de transport sur la croissance aux États Unis. Résultats Une augmentation de 10% du capital investi dans les infrastructures est associée à 1,5% de croissance supplémentaires en moyenne pour les différentes régions américaines étudiées. Parmi les différentes infrastructures, les autoroutes sont unes de celles qui contribuent le plus à la croissance économique. L’augmentation de 10% du capital investi dans les infrastructures autoroutières transport est associée à une augmentation de 0,6 pts de % du taux de croissance du PIB. La contribution des infrastructures de transport à la croissance économique équivaut à 1/5e de la contribution de l’ensemble des investissements privés. L’élasticité de la croissance du PIB/tête par rapport à l’efficacité de l’usage des infrastructures est positive et significative. L’amélioration de l’efficacité des infrastructures de 10% entrainerait une augmentation supplémentaire de 7,94% du PIB par tête entre 1970 et 1990, soit une croissance annuelle moyenne supplémentaire de 0.38pts de pourcentage. Selon l’auteur, ¼ du différentiel de croissance entre l’Afrique et l’Asie pourrait être expliqué par la qualité de l’usage des infrastructures. Une augmentation d’1% dans la quantité ou l’efficacité du capital public entraine 0,29 % supplémentaire de croissance économique. Toutefois, ces résultats sont affaiblis si la croissance du capital publique s’accompagne d’un creusement du déficit public. Les investissements publics en infrastructures de transport (dont une part non négligeable correspond aux autoroutes) a contribué en moyenne à hauteur de 1,4 pts de pourcentage à la croissance économique américaine avant 1973 et de 0,4 pts de pourcentage après cette date. 31 Chandra & Thompson (2000) Le lien entre investissements publics dans les infrastructures et la croissance économique est étudié au travers l’impact du développement du réseau autoroutier entre États aux États Unis. L’estimation porte sur des localités non métropolitaines sur la période de 1969 et 1993. Demurger (2001) Etude empirique du lien entre investissement en infrastructures et le rythme de la croissance économique en Chine. L’estimation porte sur des données de 24 régions chinoises sur la période allant de 1985 à 1998. Kamps (2006) Cette étude analyse les effets des investissements publics dans les infrastructures sur le rythme de croissance économique de 22 pays membres de l’OCDE entre 1960 et 2001. Calderon & Serven (2010) Cette étude analyse le lien entre l’insuffisance d’infrastructures et la croissance économique. Elle appuie son argumentaire sur des données concernant des pays d’Afrique. Gupta & al. (2011) Etude du lien entre croissance économique et investissements publics dans des pays à faibles revenus. Warner (2014) L’étude porte sur 124 pays à revenus faibles ou moyens sur la période 1960-2011 Zhao (2015) Cet article étudie les effets des investissements routiers et autoroutiers sur la croissance des revenus d’impôts fonciers dans les différents « countys » du Minnesota entre 1995 et 2011. Le développement des autoroutes a un effet positif et significatif sur les revenus dans les localités qui accueillent la nouvelle autoroute. Comparativement aux localités qui en sont privées, la croissance des revenus dans l’ensemble des secteurs y est supérieure de 6 à 8%. L’ampleur de l’impact de la présence d’autoroutes varie selon le secteur. Elle est plus importante dans l’industrie où le différentiel de croissance des revenus avec les localités qui ne bénéficient pas d’autoroutes peut être de 2 à 10% selon l’âge de l’autoroute. Cette étude montre qu’outre les différences en termes d’ouverture, de réformes économiques, et de localisation géographique, les différences de dotation en infrastructures sont un élément essentiel pour comprendre le différentiel de performances économiques) entre provinces chinoises. Parmi les différentes infrastructures, celles liées aux transports jouent un rôle primordial. Deux éléments semblent expliquer les différences en régions, en particulier entre les plus rapides et les plus lentes, la spécialisation sectorielle et la qualité des infrastructures de transport et de communication disponibles. L’élasticité de la production nationale relativement aux investissements de transport dans les pays de l’OCDE sur la période 1960 à 2001 est de 0.2. Et, même si les résultats peuvent varier d’un pays à l’autre, ils restent globalement significatifs pour les pays de l’échantillon. Selon les auteurs, les pays africains pourraient bénéficier d’une croissance annuelle moyenne supérieure (+1,5 pts de pourcentage environ) s’ils réussiraient à réduire à moitié leur insuffisance d’infrastructures L’étude menée par Gupta et al. obtient une élasticité de la production nationale par rapport au capital public d’environ 0,15. Ainsi, pour les pays concernés, l’accroissement du stock de capital public de 10% entraine une croissance moyenne supplémentaire de la production de 1,5%. L’accroissement de 5% du ratio investissement dans les infrastructures/PIB entrainerait une hausse de 0.70% du taux de croissance économique annuel moyen à court ou moyen terme. La croissance du stock d’infrastructures autoroutières a un effet positif et significatif sur la croissance des revenus d’impôts fonciers. Les effets indirects (spillovers), c'est-à-dire l’élasticité de la croissance des revenus d’impôts fonciers à la croissance des infrastructures autoroutières autour du county (estimée à 0.030), sont d’ailleurs plus importants que l’impact direct, c'est-à-dire l’élasticité de la croissance des revenus d’impôts fonciers à la croissance des infrastructures autoroutières dans le county (estimé à 0.013). Ainsi, selon le calcul des auteurs chaque dollar supplémentaire investi dans les grandes autoroutes génère un accroissement net de 0.871$ de la valeur de la propriété foncière des counties concernés. Si l’on essaie de synthétiser de manière littéraire l’ensemble de ces études, on peut établir une cartographie des effets externes positifs que génère la filière autoroutière. 32 I.3.1 Effets de diffusion via la « filière » autoroutière La construction et l’exploitation d’autoroutes sont directement génératrices de valeur ajoutée et d’emploi. En France, l’industrie autoroutière emploie plus de 15 000 personnes directement et génère 19 plus de 9 Mds d’euros de chiffre d’affaires par an . De plus la conception, la construction, la mise en œuvre des autoroutes, puis leur entretien, impliquent un certain nombre d’industries majeures et sont, donc, potentiellement créatrices de richesse et d’emplois : - Le BTP, l’industrie chimique, métallurgie, etc. pour les travaux de construction ou d’entretien ; - L’hôtellerie, la restauration, le commerce, etc. pour l’exploitation proprement dite. Cette industrie génère, par ailleurs, d’importantes contributions directes aux budgets publics et la France est encore parmi les pays où cette contribution est la plus significative. Le secteur autoroutier y a collecté plus d’impôt sur le revenu que les autres pays européens (plus de 1 000 millions d’euros) ainsi que plus de taxes spécifiques (765 millions d’euros). Au total, parmi les membres de l’UE, c’est en France que la contribution des concessionnaires d’autoroutes aux recettes fiscales de l’État est la plus importante : hors TVA, la contribution des concessionnaires d’autoroutes aux recettes fiscales de l’État est trois fois plus élevée en France qu’en Italie ou en Espagne, deux autres grands réseaux autoroutiers en Europe. Figure 11 Contribution des concessionnaires d’autoroutes aux recettes fiscales 1200 1000 800 600 400 200 0 Autriche Italie France Impôt sur le revenu Espagne Pologne Slovénie Taxes spécifiques Source: ASECAP I.3.2 Effets de diffusion via les « usages » des autoroutes Partie intégrante du réseau d’infrastructures de transport, les autoroutes contribuent directement à l’économie et à la société à travers leur impact sur la mobilité des personnes et des biens. La capacité d’accueil de véhicules plus importante que celle des routes traditionnelles et des conditions de conduite plus sécurisées autorisent une vitesse moyenne plus élevée qui, si les infrastructures sont efficacement gérées, a des effets importants sur divers aspects de l’activité économique. On peut distinguer cinq effets externes positifs de l’amélioration du réseau autoroutier : - 19 la réduction du temps de transport, conséquence immédiate d’une mobilité accrue et dans de meilleures conditions, génère des gains de temps pour les usagers, à la fois pour les entreprises et pour les particuliers, qui sont à l’origine d’une part importante des effets indirects de la construction ou de l’amélioration du réseau autoroutier ; Le chiffre d’affaire des autoroutes française comprend les revenus des péages, source ASECAP, donnée 2013. 33 - la mise en place et l’amélioration du réseau autoroutier contribuent également à la réduction des coûts opérationnels et des coûts d’entretien des véhicules pour l’ensemble des usagers ; - l’accroissement de la prévisibilité des temps de transport a des effets importants en matière d’’organisation des trajets, individuels et collectifs, et contribue de façon non négligeable à l’amélioration des processus de distribution et de logistique des entreprises ; - le développement du réseau autoroutier participe à l’évolution des modes de transport (avec les conséquences en termes de désengorgement, de pollution, etc.) ; - la réduction de l’insécurité routière, avec pour conséquence la baisse des coûts, à la fois humains et matériels, que celle-ci implique. I.3.2.1 Via le marché des biens et services L’existence d’un réseau de transport à la fois développé et rapide influence les ménages tant dans leur travail qu’en matière de choix de consommation. La réduction du temps et des coûts de transport facilite la concurrence dans le transport de marchandise, ce qui pour les consommateurs produit un effet-qualité et un effet-prix. Du fait de la réduction des temps de transport et de l’accroissement de la prévisibilité, les baisses de coûts permises par les autoroutes améliorent l’accessibilité des entreprises aux différents marchés. Le nombre croissant de fournisseurs potentiellement proches d’un marché réduit, directement ou par anticipation, les pressions inflationnistes. La théorie économique nous enseigne que sur les marchés de biens non-différentiables, cette situation exerce une pression sur les prix des producteurs et peut générer, in fine, des gains de pouvoir d’achat pour les ménages. Sur les marchés des biens différenciables, cette situation encouragera les entreprises à différencier leur offre, contribuant ainsi à la qualité et à la variété de l’offre disponible et se traduit par une plus grande variété et disponibilité de l’offre et/ou par une baisse des prix. I.3.2.2 Via le marché du travail Le développement du réseau autoroutier exerce une influence sur le fonctionnement du marché de travail : - L’accroissement de la mobilité géographique qu’il implique s’accompagne d’un élargissement des opportunités d’emploi. Le développement du réseau autoroutier, au même titre que les autres infrastructures de transport, peut élargir l’accès à des emplois plus diversifiés, plus qualifiés, mieux rémunérés. - Par ailleurs, au-delà de l’effet sur le niveau d’emploi durant la réalisation des projets d’infrastructures de transport, de nombreuses études montrent d’une part que leur développement peut avoir un impact positif durable sur l’emploi, et d’autre part que le capital investi dans le réseau autoroutier et le travail sont des facteurs complémentaires. L’accroissement du capital investi en autoroutes s’accompagne d’un accroissement de l’emploi dans les régions concernées et les secteurs associés. 34 I.3.2.3. Via l’organisation des activités économiques La mise en œuvre et le développement du réseau autoroutier a des effets sur l’organisation et 20 l’articulation des processus de production . En effet, des études récentes montrent que la géographie industrielle des pays développés a été fortement affectée par le développement des infrastructures de transport. Klein et Krafts (2010) modélisent les facteurs déterminant la création du Manufacturing Belt aux États Unis. Leur travail montre que le potentiel du marché, plus que tout autre facteur, a influencé e la localisation des industries américaines au XIX siècle. Et les infrastructures de transport influencent fortement l’étendue du marché potentiel. Des résultats similaires ont été obtenus pour l’Espagne par Julio Martinez-Galarraga (2010). Le développement et l’amélioration des infrastructures de transport, en particulier ceux des autoroutes, influencent à la fois le niveau et la structure des coûts des entreprises. - Les conséquences immédiates de l’accroissement de la mobilité (réduction du temps de transport, baisse des coûts opérationnels, etc.) contribuent directement à la réduction des coûts des entreprises-usagers. - Par ailleurs, les autoroutes peuvent induire des effets indirects importants qui renforcent ce type d’économie, et génèrent des gains même pour les non-usagers. o En réduisant les coûts liés au fonctionnement du système de distribution (ceux de transport comme ceux de stockage). o En intensifiant la concurrence entre fournisseurs, l’amélioration du réseau routier permet de réduire les coûts des intrants. o En provoquant un accroissement virtuel de la taille du marché accessible par les entreprises et permettent à ces dernières à réaliser, sous certaines conditions, des économies d’échelle. La construction du réseau autoroutier participe, par différents moyens, à l’accroissement de la productivité : 20 21 - D’une part, l’amélioration de la mobilité influence les modèles de distribution des entreprises. Le rapprochement entre l’entreprise et ses marchés contribue à réduire divers coûts de transaction liés aux transports, y compris ceux liés à la réduction de l’incertitude sur la durée et l’amélioration de la prévisibilité des trajets. Cela encourage les innovations organisationnelles (comme la méthode de production just in time) qui améliorent l’efficacité productive grâce à l’optimisation du processus logistique et à la réduction des besoins de stocks. - L’accroissement de la productivité des entreprises passe également par les effets, directs ou indirects, sur le travail que cette mobilité accrue génère. La réduction du temps de transport augmente la disponibilité des salariés. L’élargissement virtuel du bassin d’emploi peut fournir à l’entreprise une main d’œuvre mieux qualifiée et plus adaptée. - Cependant, l’effet le plus important passe par ce que l’économie industrielle appelle les économies d’agglomérations (effet cluster) – des gains de productivité liés au fait que les 21 entreprises se rapprochent les unes des autres . En effet, la réduction des frais de transport libère les entreprises de la contrainte d’installation près de leurs marchés et Mohring & Williamson (1969) Krugman, 1998 35 peut les inciter à se regrouper « géographiquement » afin de tirer parti d’un certain nombre de phénomènes qui renforcent leur productivité et leur compétitivité : partage de connaissances et transferts de technologies ; bassins d’emploi plus vastes ; élargissement de l’offre de fournisseurs. Certains secteurs – finance, technologies de 22 pointe – sont particulièrement sensibles aux effets d’agglomération . - Cependant, le lien entre réseau autoroutier et croissance de la productivité n’est pas linéaire. Il peut varier avec l’âge des infrastructures, leur degré de maturité, l’échelle d’évaluation, le secteur d’activité auquel on s’intéresse, etc. Par ailleurs, cet effet sur la productivité est conditionné par l’efficacité de la gestion des autoroutes et du trafic autoroutier. Ainsi, la mauvaise gestion et la surcharge des réseaux autoroutiers ont contribué à l’apparition et l’aggravation de problèmes de congestion qui peut entrainer une baisse significative de la productivité en particulier pour les secteurs les plus liés aux autoroutes. La prise en compte de cette contribution des infrastructures à la productivité des entreprises explique pourquoi le rendement, économique et social, de la construction et de la gestion d’autoroutes dépasse leur simple rendement financier. Parmi les membres de l’UE, c’est en France que la contribution des concessionnaires d’autoroutes aux recettes fiscales de l’État est la plus importante. L’accroissement de la mobilité géographique qu’implique le développement du réseau autoroutier s’accompagne d’un élargissement des opportunités d’emploi. Le développement du réseau autoroutier est à l’origine d’un effet cluster, c'est-à-dire de gains de productivité liés au fait que les entreprises se rapprochent les unes des autres. Les effets externes positifs de la filière autoroutière sont significatifs et démontrés au plan budgétaire et, plus généralement, au plan macroéconomique. I.4. Conclusion d’étape : une infrastructure-clé pour l’attractivité du territoire de la France et de son économie L’importance du réseau autoroutier français et les efforts pour son développement sur les trente dernières années sont incontestables. Les besoins spécifiques de l’économie française et les problèmes associés à l’aménagement de son territoire justifient ces efforts, mais également éclairent l’ampleur des défis à venir. Les besoins d’infrastructures de transport efficaces en France sont importants et, compte tenu des caractéristiques de la géographie et de la démographie de la France mais aussi de son rôle de territoire de transit, ils continueront à progresser à moyen-long terme. La France est le premier pays européen par son territoire (550 000 km2, 12% du territoire européen) et deuxième par sa population (66 millions d’habitants, 13% de la population européenne). Situé au carrefour des flux humains et de marchandises en Europe, la France absorbe une part non-négligeable des flux de voyageurs et de marchandises intra-communautaires. 22 Graham, 2005 36 Au-delà des nécessités liées à la géographie, nous sommes là en présence d’un enjeu économique de premier rang pour l’économie française. Le tourisme qui représente depuis 1999 le premier poste excédentaire de la balance des paiements française renforce également les besoins de l’économie en infrastructures de transport. La France reste la première destination touristique du monde avec 83 millions de visiteurs en 2014. Figure 12 10 premières destinations touristiques (en millions de visiteurs, 2014) 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Source : P3E Dgcis 23 Les ambitions affirmées lors des Assises du Tourisme de 2014 de conforter un leadership français en matière de tourisme permettent de juger de l’ampleur des défis (et des besoins en termes de qualité des infrastructures de transport internes à l’Hexagone) : - Si la France captait 5% seulement du milliard de touristes supplémentaires escomptés d’ici à 2030 au niveau mondial (selon l’Organisation Internationale du Tourisme), les recettes induites par les visiteurs étrangers (42,2 Mds d’euros en 2013) pourraient augmenter très significativement. - Une telle perspective est assez plausible, sachant que la France accueille actuellement 8% des touristes internationaux, mais implique une adaptation rapide de la « chaîne de valeur » dans la mesure où la courbe de progression supposerait de franchir le cap des 100 millions en 2020, c’est-à-dire à un terme très proche. - Sachant que chaque visiteur étranger est à l’origine de 500 euros de dépenses en moyenne , l’accueil de 50 millions de personnes représente ainsi un enjeu de 25 milliards par année. 24 23 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/promotion-du-tourisme-en-france/les-assisesdu-tourisme/article/cloture-des-assises-du-tourisme-19 24 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/tourisme/la-place-du-tourisme-dans-l/ 37 Figure 13 Progression des flux touristiques mondiaux à long terme Source : UNWTO Les enjeux économiques associés ne relèvent pas que des activités touristiques, mais plus largement de l’attractivité du territoire français qui fait, de manière régulière, l’objet de controverses trop souvent approximatives et idéologiques. Pour essayer d’y voir plus clair, il faut accepter de recourir à une pluralité de points de vue. Il est clair qu’un certain nombre d’enquêtes d’opinions ne pousse guère à l’optimisme. Parmi les plus souvent mises en avant citons : e - Le Forum Economique Mondial ne classe la France en 2014 qu’au 23 rang de son palmarès de la compétitivité, le trio de tête étant composé de la Suisse, de Singapour et des États-Unis. - Dans le classement IMD, école de commerce de Lausanne qui effectue une enquête de ème ème référence chaque année dans 61 pays, la France recule en 2014 de la 27 à la 32 place du fait de la baisse de ses exportations et de ses investissements. Ces classements sont à prendre en considération, mais doivent être relativisés car ils ne sont pas les seuls. Si l’on balaie de manière systématique les enquêtes de ce type, il en est un certain nombre qui permettent à la France de redresser la tête : - Le classement « Doing Business » 2014 de la Banque Mondiale sur les pays où il est le plus ème ème facile de réaliser des affaires, acte le redressement de la France (de la 38 à la 31 place) ème ème qui se rapproche ainsi du Japon (29 ) et des Pays-Bas (27 ). - L’enquête réalisée en 2015 par le cabinet Ernst & Young constate une perception positive du climat des affaires en France par les investisseurs étrangers qui passe de 62% à 68%. Tous ces éléments sont, bien sûr, qualitatifs et subjectifs. Cela ne justifie pas pour autant qu’ils soient sans intérêt car la psychologie joue un rôle éminent en matière d’attraction et d’investissement. Mais cela ne suffit pas. Rien ne vaut de bons indicateurs objectifs facilement mesurables et donc incontestables. Dans ce domaine, les chiffres plaident plutôt en faveur de la cause française. 38 Si l’on analyse les projets d’implantation, l’enquête d’Ernst & Young fait état d’une croissance continue de 2012 (471 projets) à 2014 (608 projets). Quant aux achats effectifs d’entreprises recensés par « Business France », ceux-ci ont augmenté de 8% de 2013 (685) à 2014 (740). Une autre étude réalisée par Thomson Reuters classe ainsi la France au troisième rang mondial en 2014, derrière les États-Unis et l’Irlande, en matière d’Investissements Directs Etrangers avec 74.3 milliards de dollars investis. Mais ce qui compte, ce sont les causes de cette attractivité. Il est clair que les facteurs sociaux constituent une préoccupation essentielle dans les choix d’investissement des entreprises. Dans une récente étude de l’American Chamber of Commerce, ceux-ci représentent 7 des 12 principaux motifs d’investissement et dans ce domaine la France est généralement mal classée. Mais ce handicap est compensé en partie au moins par la qualité des infrastructures dont dispose notre pays. Et en matière d’infrastructure, la qualité des infrastructures de transport routier est unanimement mise ème en avant. C’est le cas du World Economic Forum qui classe la France 8 nation au monde en ème matière d’infrastructures de transport et 4 en matière d’infrastructures routières. C’est le cas aussi d’une autre étude de l’American Chamber of Commerce réalisée avec le cabinet Bain qui classe la France N° 1 mondial (sur 142 pays) en matière de qualité de son infrastructure routière. A un moment clé de l’histoire de notre pays où le redressement productif paraît le seul moyen de sortir de la crise par le haut, il est clair que l’avantage compétitif que nous donne notre investissement autoroutier se doit, non seulement, de ne pas être remis en cause, mais, au contraire, considéré comme un atout majeur pour l’avenir. Quelles que soient les variations, au fil du temps, de l’attractivité française, la qualité des infrastructures, en particulier routières, est constamment le facteur essentiel attirant les investisseurs étrangers dans l’Hexagone. Cet atout est non moins important s’il s’agit de considérer les atouts français en termes touristiques, la progression attendue dans ce domaine à l’avenir (de 80 à plus de 100 millions en 2020), le maillage de la France par un réseau autoroutier de grande qualité est une caractéristique déterminante. Le développement des nouveaux modèles de transport en développement en France (covoiturage, auto-partage, autocars inter-régionaux) constituent également des évolutions qui requièrent des infrastructures autoroutières de grande qualité. Ces éléments doivent être intégrés pour mesurer la contribution du réseau autoroutier à la dynamique économique française. 39 Le modèle économique des sociétés concessionnaires d’autoroutes II. La présentation du modèle économique des SCA nécessite de revenir sur un ensemble de concepts de la théorie financière, indispensables à la compréhension des enjeux. La juste mesure de la rentabilité des SCA, régulièrement débattue, est abordée dans la première sous-partie. L’impact des cycles d’investissement et d’exploitation sur la marge et la rotation des actifs, les spécificités du modèle concessionnaire et l’incidence de la comptabilité sont les principaux sujets traités. La seconde sous-partie est consacrée aux différents risques associés à l’activité des SCA et leur impact sur le coût des ressources de financement. La présentation des modèles d’estimation du coût du capital et du coût des fonds propres, ainsi que les différents risques affectant l’activité des SCA, est indispensable aux valorisations menées en partie II de ce rapport. II.1. Mesures de la rentabilité des SCA et retour sur investissement II.1.1. Définition et décomposition de la rentabilité Appréhender et mesurer la rentabilité est au cœur de la démarche d’analyse économique et financière. La rentabilité se définit comme le rapport d’un résultat aux capitaux investis nécessaires pour dégager ce résultat, qu’il ne faut en aucun cas confondre avec la marge, qui est le rapport d’un 25 résultat à un volume d’activité . Cette confusion entre marge et rentabilité est à l’origine de nombreuses erreurs d’appréciation, notamment lorsqu’il s’agit de mesurer la rentabilité des SCA : lorsque les observateurs pointent du doigt leurs marges élevées, ils omettent le plus souvent de rappeler l’importance des capitaux nécessaires à la réalisation du chiffre d’affaires. Une analyse complète de la rentabilité nécessite en fait la prise en compte de la rotation des actifs (généralement occultée dans le débat), c’est-à-dire le rapport entre le chiffre d’affaires réalisé et les capitaux investis. La rentabilité d’une entreprise est alors le produit du taux de marge et du taux de rotation des actifs : 𝑅𝑒𝑛𝑡𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡é = 𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡 𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡 𝐶ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒 𝑑 ′ 𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 = × = 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑒 × 𝑟𝑜𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠 𝐶ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒 𝑑 ′ 𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠 La marge et la rotation des actifs d’une entreprise sont fortement liées à son domaine d’activité : 25 - Certaines activités permettent d’obtenir des marges élevées pour des rotations faibles. On parle alors de secteurs à forte intensité capitalistique. La marge obtenue pour un euro de chiffre d’affaires est élevée, mais la réalisation de cet euro de chiffre d’affaires nécessite des capitaux importants. Dans un tel secteur, il est nécessaire d’engager un montant élevé de capitaux avant même de pouvoir réaliser le moindre euro de chiffre d’affaires. C’est évidemment le cas des SCA, mais aussi plus largement de l’ensemble des sociétés d’infrastructure, de l’industrie lourde, de la pharmacie, etc. - A l’inverse, d’autres secteurs aboutissent à des marges faibles pour une rotation importante (la distribution, les services, …) et sont désignés comme à faible intensité capitalistique. La réalisation d’un euro de chiffre d’affaires nécessite alors peu de capitaux, mais la marge obtenue sur cet euro est faible. Source : Pierre Vernimmen, 2015, Finance d’Entreprise, avec Pascal Quiry et Yann Le Fur, Dalloz 40 Une entreprise peut ainsi afficher une marge largement inférieure à celle d’une SCA tout en dégageant une rentabilité identique voire supérieure, si son taux de rotation est très important. Décomposer la rentabilité d’une entreprise renseigne sur son activité et la constitution de son résultat, mais ne se référer qu’à la seule marge est nettement insuffisant et peut conduire à des erreurs d’appréciation. Si la réalisation d’une marge élevée est un indicateur de la santé d’une entreprise, l’information ne peut s’analyser sans référence au secteur considéré. Réaliser une marge de 20% relèverait du miracle pour une société de la grande distribution, mais conduirait probablement n’importe quelle SCA à de graves difficultés financières, eu égard aux engagements auxquels celle-ci doit faire face. La rotation des actifs est le pendant indissociable de la rentabilité, et les deux éléments doivent être analysés symétriquement. Pour les SCA, le niveau élevé des marges est indispensable à la réalisation des investissements considérables engagés pour la construction et l’exploitation des autoroutes, dont le faible taux de rotation des actifs constitue donc la contrepartie. Ceci est clairement démontré par la Figure 14, qui met en évidence la relation entre la marge 26 d’exploitation et la rotation de l’actif économique pour 20 secteurs . Dans le modèle TRIVAL, les concessions autoroutières sont classées dans le secteur « BTP/Concessions », du fait de l’appartenance respective d’APRR et ASF à Eiffage et Vinci. Afin de faire ressortir les sociétés de 27 l’échantillon les plus proches d’un modèle de « pure concession » du nuage de points, Abertis et Atlantia sont également présentées séparément. Figure 14 Marge d’exploitation et de rotation de l’actif économique normatives par secteur (sources : prévisions TRIVAL) 50% Rentabilité économique 45% Immobilier 40% Abertis & Atlantia Marge d'exploitation 35% Services financiers Santé 30% Assurances 25% Logiciels/Jeux Médias 20% Agroalimentaire Luxe Biens de consommation Electronique Chimie Télécom Matériaux de construction Services publics BTP/Concessions 15% 10% 5% Informatique Services Aéronautique/Défense Energie Papier Transports Automobile Minerais/Métaux/Acier Loisirs/Tourisme Distribution Biens d'équipement 0% - 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00 3,50 Rotation de l'actif économique 26 Calculs effectués à partir des prévisions de marge et de rotation normatives issues du modèle TRIVAL (cf. Annexe 6) 27 En 2014, Abertis et Atlantia réalisent respectivement 88% et 87% de leur chiffre d’affaires dans les concessions autoroutières contre 15% pour Eiffage et 12% pour Vinci. 41 La Figure 14 permet de constater le lien évident entre le niveau des marges d’exploitation des entreprises d’un secteur et la rotation de leur actif économique. Dans des marchés à l’équilibre, il n’existe pas de poule aux œufs d’or : dégager des marges significatives est la contrepartie d’investissements importants et indispensables à l’activité. II.1.2. Cycle d’investissement et cycle d’exploitation Le cycle d’investissement débute dès la constitution de l’entreprise. Les secteurs à forte intensité capitalistique nécessitent un investissement initial lourd, effectué par les actionnaires et les créanciers sous la forme des capitaux investis, qui permettent de constituer l’actif économique nécessaire à l’activité. La plupart de ces actifs ont une durée de vie finie et doivent ensuite être renouvelés ou remplacés. Pendant le laps de temps où ils pourront être utilisés, ils permettront à l’entreprise de générer un chiffre d’affaires : c’est le début du cycle d’exploitation. Durant toute la vie de l’entreprise, les cycles d’investissement et d’exploitation vont coexister, mais le décalage initial perdurera. D’autant que réaliser un chiffre d’affaires ne permet pas toujours de générer un flux de trésorerie positif : dans un premier temps, l’activité de l’entreprise se révèle consommatrice de capitaux. Avec le temps, l’investissement doit finir par porter ses fruits et permet à l’entreprise de générer des flux de trésorerie disponibles. La durée de vie de l’investissement étant limitée, cette période de génération de trésorerie n’est pas infinie et les flux générés devront donc être utilisés afin de financer de nouveaux investissements, nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Si ce n’est pas le cas ou si les flux générés s’avèrent insuffisants, l’entreprise doit alors de nouveau faire appel aux apporteurs de capitaux, afin de financer la poursuite de l’activité. Cycle d’investissement et cycle d’exploitation sont donc étroitement mêlés dans la vie de l’entreprise, mais l’activité générée est toujours le fruit d’un investissement initial. Le modèle économique des sociétés concessionnaires comporte certaines spécificités. Par la signature du contrat de concession, l’État concède la construction, l’entretien et l’exploitation d’un ouvrage. Les sociétés concessionnaires investissent dans un actif incorporel (le droit d’exploitation des ouvrages concédés) à durée limitée (la durée de concession) et elles doivent rapidement trouver des financements importants, afin de réaliser l’ouvrage, dont l’exploitation leur permettra ensuite de se rémunérer. L’ouvrage concédé peut être à construire dans son intégralité (greenfield) ou déjà partiellement construit (brownfield). Les critiques sur la supposée rente dont bénéficieraient les SCA suite aux privatisations résultent d’une erreur dans la façon d’appréhender la rentabilité d’une concession. En effet, le schéma des flux générés par une concession peut se décomposer en trois phases successives sur une durée de vie finie : - Une phase d’investissement, consommatrice en flux de trésorerie, qui correspond à la construction et la mise en service progressive de l’ouvrage ; Une phase de transition, durant laquelle la concession commence à générer des flux de trésorerie, mais continue de nécessiter des investissements importants ; Une phase d’exploitation optimale, génératrice de flux de trésorerie, qui permet aux actionnaires et créanciers de rentabiliser leurs capitaux investis. La seule façon de mesurer la rentabilité d’une SCA est donc de la considérer sur l’ensemble de son existence. Comme évoqué précédemment, les SCA évoluent dans un secteur à forte intensité capitalistique et requièrent donc, dès la signature du contrat, la mobilisation de capitaux très importants. En effet, il s’agit initialement de réaliser des travaux lourds sur une longue période, supposant des investissements importants avant de toucher le moindre revenu. Du fait de l’importance des capitaux à investir, le financement des sociétés concessionnaires nécessite couramment d’avoir recours à l’endettement, générant des charges d’intérêt à décaisser dès le lancement des opérations 42 de construction. A mesure de la mise en service de l’ouvrage, l’exploitation commence à générer un chiffre d’affaires qui devra permettre, au terme de la concession, l’amortissement des investissements réalisés, le remboursement des emprunts contractés et la rémunération du capital investi. La période d’exploitation de l’ouvrage est limitée dans le temps, celui-ci revenant sans compensation à l’État à la fin de la concession. Cette concentration des flux générés par la société concessionnaire sur une période de temps limitée est une spécificité fondamentale du modèle, qui explique la nécessité de générer des marges importantes pendant une phase du « cycle de vie » de l’infrastructure. Pendant ces quelques années d’exploitation optimale, la société concessionnaire doit être en mesure de générer des flux de trésorerie disponibles très importants afin de faire face à ses engagements vis-àvis de l’État et de ses investisseurs. Comparativement à une société propriétaire de ses actifs, les marges dégagées par l’activité devront donc être d’autant plus importantes que la société doit continuer à investir dans l’ouvrage jusqu’à l’échéance de la concession, alors qu’elle en perdra in fine l’exploitation sans recevoir aucune compensation, selon les termes définis par le contrat de concession et sous peine de se voir appliquer des pénalités. Ainsi, à l’approche du terme de la concession, l’État établira, après concertation avec la SCA, l’ensemble des investissements à réaliser sur les dernières années de la concession afin de lui remettre l’ouvrage en bon état d’entretien. Les derniers investissements seront donc réalisés par la SCA, alors même que celle-ci ne sera bientôt plus en droit d’en percevoir le bénéfice. La Figure 15 représente les flux générés par une concession sur l’ensemble de sa durée de vie. Figure 15 Schéma des flux générés par une concession Flux de trésorerie générés par la concession Fin de vie de la concession Construction et mise en service progressive de l'ouvrage Période de transition Exploitation optimale de l'ouvrage Entre 2002 et 2006, les trois principales SCA françaises (ASF, APRR et SANEF) ont été privatisées (cf. Annexe 1) alors que les concessions devenaient matures, c'est-à-dire après que l’essentiel des 43 travaux de construction et de mise en place du réseau autoroutier eurent été effectués. Cependant, si les acquéreurs n’ont pas eu à subir la phase de construction et de mise en service des autoroutes, il leur a été demandé de payer le droit de les exploiter, en investissant des capitaux très importants sur une période de temps réduite afin de devenir propriétaire des SCA. Les critiques omettent de rappeler que la valeur des SCA a été déterminée en tenant compte de l’ensemble des investissements déjà réalisés, de ceux restant à effectuer et des flux générés jusqu’à la fin de leur durée de vie. La Figure 16 illustre le modèle économique du rachat des SCA en 2002/2005, par rapport au schéma présenté en Figure 15. Figure 16 Schéma des flux générés par les SCA privatisées en 2005/2006 Flux de trésorerie générés par la concession Fin de vie de la concession Prix d'acquisition 22 Mds€ Investissement 2002/2006 = 39 Mds€ Reprise de dette 17 Mds€ Construction et mise en service progressive de l'ouvrage Période de transition Exploitation optimale de l'ouvrage Pendant la phase de privatisation, les acquéreurs ont versé à l’État et aux actionnaires un total de 22 milliards d’euros pour devenir propriétaires des fonds propres des SCA, c'est-à-dire en contrepartie des flux de trésorerie générés par le droit d’exploiter les autoroutes pendant une durée déterminée. Ils ont également repris à l’État les dettes de 17 milliards d’euros inscrites aux bilans des SCA, permettant la réduction de l’endettement public par la déconsolidation des montants afférents. La valeur totale de privatisation des SCA s’est ainsi élevée à 39 milliards d’euros, comprenant la compensation des investissements effectués précédemment par l’État pour la construction des autoroutes et l’abandon des bénéfices futurs potentiels par celui-ci. Les acquéreurs se sont donc vu accorder le droit d’exploiter un réseau d’autoroutes en partie construites par l’État, mais ont dû décaisser une somme importante afin de l’obtenir. Le schéma de flux générés par les SCA privatisées pour leurs acquéreurs correspond donc à un investissement initial de 39 milliards d’euros entre 2002 et 2005, qui génère par la suite des flux de trésorerie jusqu’à l’expiration des concessions. 44 Ces flux sont différents de ceux prévus pour les SCA avant leur privatisation, puisque le schéma de génération de flux des SCA pour les acquéreurs comprend des engagements d’investissement supplémentaires demandés par l’État via les contrats de plan et les avenants aux cahiers des charges et visant à accélérer le développement du réseau. Cette génération de flux n’est pas infinie, puisque les autoroutes reviendront gratuitement à l’État à l’expiration de la concession, qui sera alors libre d’en assurer l’exploitation ou de le concéder de nouveau à la société de son choix. L’État sera alors propriétaire et exploitant d’un réseau d’autoroutes en excellent état d’entretien, dont l’exploitation sera susceptible de lui rapporter des flux de trésorerie importants dès la récupération des actifs, s’il ne choisit pas de le concéder de nouveau et d’obtenir ainsi une somme significativement supérieure à celle versée par les acquéreurs pendant la phase de privatisation, ceux-ci ayant poursuivi depuis lors leurs investissements afin d’atteindre les objectifs fixés par l’État. Les SCA disposent ainsi d’une période de temps limitée afin de rentabiliser les importants capitaux investis, qui ne donneront droit à aucune valeur de remboursement en fin de concession. La rentabilité d’une SCA doit donc se mesurer sur l’ensemble de son cycle de vie, en considérant les flux de trésorerie encaissés et décaissés au moment de leur génération. Pour les sociétés privatisées sur la période 2002/2005, la rentabilité se mesure de manière actuarielle en rapportant les flux de trésorerie générés entre la privatisation et la fin de vie de la SCA au montant global investi (39 milliards d’euros) pour acquérir l’exploitation de la concession (cf. Annexe 2). II.1.3. Principaux soldes intermédiaires de gestion et incidence de la comptabilité La vocation du compte de résultat est de refléter au mieux l’activité de l’entreprise sur un laps de temps défini (généralement une année), indépendamment des cycles d’investissement et d’exploitation. Il est ainsi constitué de produits encaissables et de charges décaissables, qui engendrent des flux de trésorerie sur l’exercice comptable en cours, mais aussi d’éléments théoriques ou calculés, qui n’engendrent pas de flux de trésorerie, mais permettent d’effectuer des comparaisons entre exercices. Le chiffre d’affaires des SCA dépend essentiellement de deux paramètres : le niveau du trafic et le tarif des péages. Le tarif perçu auprès des utilisateurs par la société concessionnaire est déterminé par le contrat de concession. Chaque année, la révision des tarifs est établie à l’aide d’une formule, basée sur l’évolution des prix à la consommation. L’application de cette révision est étroitement surveillée par l’État, qui s’assure de sa transparence et de sa publicité. L’État permet aussi aux SCA de compenser certains investissements qu’elles ont réalisés par une augmentation de tarif supplémentaire, en contrepartie de leur récupération par l’État en fin de concession. Ces dernières 29 années, la hausse des tarifs a été modérée (+1.29% en 2014 dont +0.33% de TVA, +0.55% lié aux investissements et +0.41% lié à l’inflation), notamment en comparaison d’autres services de transport. En 2015, la hausse des tarifs a été de 0.03% pour les véhicules légers et de 0.04% pour les poids lourds, mais elle a été gelée pour les concessions historiques. Le Tableau 5 permet de comparer les hausses tarifaires sur les deux dernières années. Tableau 5 30 Hausses tarifaires 2014 et 2015 des SCA, du TGV et de la RATP 2014 2015 SCA (toutes concessions confondues) 1.29% 0.00% TGV 2.80% 2.60% RATP (Carnet de 10 tickets) 3.01% 2.92% RATP (Pass navigo zone 1 et 2) 3.07% 4.32% 29 30 Source : ASFA Source : SNCF, 26 décembre 2014, Evolution tarifaire 2015, communiqué de presse et site de la RATP. 45 Quant au trafic, il est en baisse entre 2008 et 2013 à réseau autoroutier constant, principalement en raison de la baisse du trafic des poids lourds, très sensible à la conjoncture économique. Compte tenu de l’augmentation du réseau autoroutier français (+6% entre 2008 et 2013), le trafic est quasi 31 stagnant . Le premier élément de marge examiné par les observateurs des SCA est l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE), équivalent français de l’EBITDA. L’EBE est la différence entre les produits d’exploitation encaissables et les charges d’exploitation décaissables, c'est-à-dire le résultat du cycle d’exploitation des SCA. Il ne prend donc pas en considération les capitaux investis nécessaires à l’exploitation, ni leur financement. La marge d’EBE des SCA est une des plus élevées tous secteurs confondus, mais le droit d’exploitation des autoroutes par les SCA est la contrepartie d’investissements importants, particulièrement lors des premières années de la concession, enregistrés à leur actif sous le nom « immobilisations du domaine concédé ». Afin de ne pas enregistrer ces investissements en charge sur le résultat d’une seule année comptable, ce qui introduirait une variabilité du résultat liée non pas à l’activité mais au cycle d’investissement, la comptabilité permet de les étaler sur la durée de leur mise en concession. L’amortissement correspond alors à la charge comptable relative à la dépréciation courante de l’actif de l’entreprise et à son usure régulière au fil du temps. Le résultat opérationnel ou résultat d’exploitation (REX), équivalent français de l’EBIT, est obtenu en déduisant de l’EBE les amortissements et dépréciations. Pour les SCA, l’amortissement représente une part significative du chiffre d’affaires, comme c’est généralement le cas dans les secteurs à forte intensité capitalistique. En outre, l’actif construit au fil des investissements doit être intégralement amorti à l’expiration de la concession puisque l’actif est rendu à l’État pour une valeur nulle. La concentration des flux générés par les SCA sur une période de temps finie est une spécificité fondamentale du modèle, qui explique la nécessité de générer des marges importantes : en effet, l’activité prend fin à l’expiration du contrat de concession et le bénéfice réalisé lors des années d’exploitation maximale de l’ouvrage doit permettre de financer les investissements futurs auxquels se sont engagés les concessionnaires afin de maintenir l’ouvrage à niveau, soutenir une dette élevée, payer les impôts et taxes (dont la redevance domaniale, taxe dont les sociétés autoroutières s’acquittent en contrepartie de l’occupation du domaine public) et enfin de permettre aux investisseurs d’obtenir un retour sur les importants capitaux engagés initialement. La Figure 17, construite à partir des comptes publiés par ASF et APRR depuis leur privatisation (entre 2006 et 2014), illustre cette situation. 31 Source ASFA : y compris l’augmentation du réseau autoroutier, le trafic global est passé d’une base 100 en 2008 à une base 104.8 en 2013, mais le réseau autoroutier s’est accru de 6% sur la même période. Dans le détail, le trafic poids lourds est passé d’une base 100 en 2008 à 92.3 en 2013 (le trafic des voitures particulières atteignant pour sa part un indice de 107.2 sur la même période, mais là-encore y compris accroissement du réseau). 46 Figure 17 Répartition pour un chiffre d’affaires de 100 des différents postes intermédiaires de gestion d’une SCA 40 17 43 Frais liés aux travaux, entretiens et frais de personnel Amortissements Résultat d'exploitation 15 Frais financiers 10 Impôts 18 Résultat net Les SCA évoluent dans une industrie de coûts fixes : une légère baisse du chiffre d’affaires, occasionnée par la réalisation d’un ou plusieurs des risques présentés ci-dessus, peut entraîner une dégradation marquée de la marge et de la rentabilité des capitaux investis. La Figure 17 représente la répartition du chiffre d’affaires d’une SCA (base 100) et démontre qu’en cas de contraction de l’activité, celles-ci ne disposent de presque aucune solution pour adapter leur base de coûts. En effet, les SCA sont tenues d’assurer la continuité de l’exploitation, ce qui implique une flexibilité limitée sur leurs frais de personnel (davantage liés à la longueur du réseau qu’au trafic), et sont soumises à des obligations contractuelles concernant les frais d’entretien. Les travaux à réaliser sont définis avec l’État pour plusieurs années consécutives dans le cadre des contrats de plan, les amortissements ne dépendent que de la durée de vie résiduelle de la concession et les frais financiers peuvent être rapidement amenés à progresser, si la détérioration de la conjoncture économique remettait en cause leur capacité à faire face à leurs engagements. Enfin, les tarifs étant réglementés selon une formule définie dans le contrat de concession et assise sur l’évolution des prix à la consommation, les SCA ne maitrisent pas leur politique commerciale et subissent encore davantage les aléas de la conjoncture économique. En France, la marge d’EBE constatée en 2014 pour ASF et APRR est de 71% du chiffre d’affaires, celle de SANEF est de 64%. La marge d’exploitation est également identique à 50% pour ASF et APRR et à 40% pour SANEF. Il convient de souligner que ces niveaux de marges d’EBE et d’exploitation sont comparables à ceux des autres SCA en Europe, et constituent une situation normale par rapport aux conditions d’exploitation d’une concession. En Italie, les marges d’EBE et d’exploitation d’Autostrade (groupe Atlantia) sont respectivement de 61% et 41% en 2014 (60% et 44% en 2013). Au Portugal, elles sont respectivement de 72% et 43% pour Brisa en 2014 (70% et 40% en 2013). En Espagne, la moyenne des marges d’EBE et d’exploitation des autoroutes détenues par Abertis est de respectivement 66% et 42% en 2014 (68% et 40% en 2013). Ces niveaux sont donc globalement très proches des marges des SCA en France. Les quelques différences s’expliquent aisément : d’une part, la situation économique particulièrement dégradée en Espagne et 47 au Portugal a nécessairement impacté le chiffre d’affaires et donc les résultats des concessions dans la péninsule ibérique, et d’autre part, le niveau de maturité des concessions est différent. La marge d’exploitation des concessions autoroutières du groupe Abertis est ainsi passée de 48% en 2008 à 42% en 2014. Au Portugal, la marge d’exploitation de Brisa a également été significativement impactée par la crise entre 2009 et 2012. En France, les marges d’exploitation des SCA sont globalement stables sur la période. Les marges d’EBE ont augmenté pour ASF et APRR : elles passent de 66% à 71% entre 2008 et 2014 pour ASF et de 68% à 71% pour APRR sur la même période. L’annexe 7 permet de comparer l’évolution des marges des SCA françaises et des principales SCA européennes cotées entre 2005 et 2014. Le Tableau 6 récapitule ces marges en 2014, ainsi que les différents niveaux de maturité des concessions. Tableau 6 Comparaison des marges des principales SCA européennes sur l’exercice 2014 SCA Marge d'EBE Marge d'exploitation Fin de vie moyenne des concessions ASF 71% 50% 2033 APRR 71% 50% 2032 SANEF 64% 40% 2029 Autostrade 62% 42% 2038 Brisa 72% 43% 2035 Abertis 66% 42% 2026 La rentabilité doit s’apprécier sur l’ensemble de la durée de vie de la concession. Les marges élevées sont la contrepartie des investissements considérables engagés pour la construction des autoroutes. La durée d’exploitation des autoroutes est limitée dans le temps. La valeur de privatisation de 39 milliards d’euros inclut la reprise de la dette des SCA, correspondant aux investissements de construction des autoroutes. Le secteur des concessions d’autoroutes est une industrie de coûts fixes. Les marges des SCA françaises sont comparables à celles des autres SCA européennes. Les trois principales SCA françaises (ASF, APRR et SANEF) ont été suivies dans le modèle TRIVAL entre leur introduction en bourse et leur privatisation complète. La seconde partie de ce rapport se consacre à la valorisation de ces sociétés durant cette période. Afin de disposer de l’ensemble des informations nécessaires à cet exercice de valorisation, la prochaine sous-partie étudie les différents risques auxquels sont exposées les SCA et leur impact sur le coût des ressources de financement. 48 II.2. Risques et coût des ressources de financement II.2.1. Rémunération du risque et rentabilité exigée Les investisseurs en capitaux, qu’ils soient actionnaires ou créanciers, renoncent à un avantage immédiat (la consommation des dits capitaux) pour des perspectives futures plus élevées. Ils peuvent choisir d’investir dans un actif dit sans-risque (la plupart du temps les obligations de l’État considéré le plus solvable) et obtiendront alors une rentabilité correspondant au taux sans-risque (rf). S’ils choisissent d’investir dans un actif risqué, notamment une entreprise, ils prennent le risque de perdre tout ou partie de leurs capitaux : les flux générés par un tel investissement sont par nature incertains et leur réalisation peut être affectée par de nombreux événements. Le taux de rentabilité exigé pour l’investissement dans une entreprise est égal au taux sans risque (auquel s’ajoute une prime liée à l’exposition de l’entreprise aux phénomènes globaux affectant l’ensemble du marché). Le modèle multi-facteurs TRIVAL, développé par Associés en Finance, permet de calculer directement le coût du capital et le coût des fonds propres d’une entreprise (cf. Annexe 4). Le coût du capital correspond à la rentabilité exigée par l’ensemble des apporteurs de capitaux de l’entreprise, c'est-à-dire les actionnaires, qui détiennent les fonds propres, et les créanciers, qui détiennent la dette. Il s’agit donc du coût global de financement de l’entreprise. La détention de capitaux propres ou de dette fait courir un risque différent à un investisseur. La dette dispose d’une priorité de remboursement sur les capitaux propres et donne droit à un coupon généralement fixe (les intérêts), alors que les capitaux propres donnent droit à une rémunération variable après service des créanciers (le dividende) et au résidu de la valeur d’entreprise après remboursement de l’ensemble des dettes. On dit ainsi que les actionnaires sont les créanciers résiduels de l’entreprise. La rentabilité exigée par les actionnaires est ainsi structurellement supérieure à la rentabilité exigée par les créanciers. Le coût du capital dépend du risque opérationnel de l’entreprise et du risque lié à sa taille. Le risque opérationnel intègre dans TRIVAL un risque de prévision (noté sur une échelle de 1 à 9) et un bêta sectoriel (calculé à partir des indices sectoriels Euro Stoxx). Plus le risque opérationnel d’une entreprise est important et plus les investisseurs en exigeront une rentabilité importante. De la même manière, plus une entreprise est de petite taille, plus les investisseurs exigeront une rentabilité importante. Dans le modèle TRIVAL, la rentabilité exigée par les apporteurs de capitaux d’une entreprise (son coût du capital k e) n’est fonction que de son risque opérationnel et de son risque de taille : 𝑘𝑒 = 𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛é𝑒 à 𝑙 ′ 𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑜𝑝é𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒 Le coût du capital, en tant que taux de rentabilité exigé par les investisseurs (ke), est donc à comparer 32 au taux de rentabilité actuariel (TRIe) décrit au paragraphe II.1.2. A l’équilibre, ces deux taux sont égaux et la valeur de la concession est égale à l’actualisation des flux de trésorerie disponibles au coût du capital (méthode DCF to Firm), soit : 𝑛 ′ 𝑉𝑎𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑑 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒𝑝𝑟𝑖𝑠𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 = ∑ 𝑡=1 𝐹𝑙𝑢𝑥 𝑑𝑒 𝑡𝑟é𝑠𝑜𝑟𝑒𝑟𝑖𝑒 𝑑𝑖𝑠𝑝𝑜𝑛𝑖𝑏𝑙𝑒𝑠𝑡 (1 + 𝑘𝑒 )𝑡 32 Le taux de rentabilité actuariel (TRIe) d’une concession permet de rendre nulle la somme actualisée de l’ensemble des flux de trésoreries générés par la concession tout au long de sa durée de vie (cf. Annexe 5) 49 Le coût des fonds propres correspond à la rentabilité exigée par les actionnaires. Il dépend des mêmes éléments de risque que le coût du capital (risque de prévision, bêta sectoriel et risque de taille), auxquels vient s’ajouter le risque financier. Plus une entreprise est endettée, plus son risque financier est important et plus son coût des fonds propres l’est aussi. En effet, les actionnaires sont les créanciers résiduels de l’entreprise et le risque qu’ils courent sur leur investissement est d’autant plus élevé que l’endettement l’est, c'est-à-dire qu’ils ne sont rémunérés que si tous les autres engagements de l’entreprise ont été remplis (notamment vis-à-vis de leurs banques ou créanciers obligataires). La rentabilité exigée par les actionnaires d’une entreprise (son coût des fonds propres) est alors : 𝑘𝐶𝑃 = 𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛é𝑒 à 𝑙 ′ 𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑟𝑒𝑙𝑎𝑡𝑖𝑓 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 + 𝑖𝑙𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡é × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑 ′ 𝑖𝑙𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡é A l’équilibre, la valeur des fonds propres d’une SCA est égale à l’actualisation des flux actionnaires au coût des fonds propres (méthode DCF to Equity), soit : 𝑛 𝑉𝑎𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑓𝑜𝑛𝑑𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑝𝑟𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 = ∑ 𝑡=1 𝐹𝑙𝑢𝑥 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠𝑡 (1 + 𝑘𝐶𝑃 )𝑡 La partie II de ce rapport est consacrée à la valorisation des SCA par les méthodes DCF to Equity et DCF to Firm tout au long du processus d’introduction. II.2.2. Les différents risques affectant les SCA Le secteur des concessions d’autoroutes est considéré par les investisseurs comme défensif, en référence à la bonne visibilité de son business-model par rapport à d’autres secteurs particulièrement cycliques. Toutefois, le secteur des concessions autoroutières est essentiellement une industrie de coûts fixes et toute modification du chiffre d’affaires a un impact significatif sur la rentabilité des capitaux investis (cf. partie II.1.3 sur le levier opérationnel). De plus, la société concessionnaire dispose souvent de peu de marges de manœuvre quant au succès commercial de son ouvrage : la croissance en volume est très liée à de grands agrégats macroéconomiques, sur lesquels la société n’a que peu d’emprise, et la croissance en prix est réglementée selon une formule définie dans le contrat de concession et assise sur l’évolution des prix à la consommation. En cas de crise économique majeure, l’utilisation des autoroutes se trouve nécessairement impactée par la faiblesse de la conjoncture, sans que la société concessionnaire ne puisse influer sur la fixation de ses prix. Ainsi, sans véritable politique commerciale, la société concessionnaire subit l’évolution de la conjoncture économique et ne peut adapter ni ses investissements, ni sa politique tarifaire. II.2.2.1. Le risque lié à l’activité économique : le trafic est corrélé aux variations du PIB Loin d’être en croissance régulière, le niveau de trafic enregistré sur les autoroutes est lié à la croissance économique. Ceci est particulièrement vrai pour le trafic des poids lourds, extrêmement sensible à la conjoncture. Une variation de 1% du PIB par habitant entraîne une variation de 1.2% à 33 1.7% du trafic sur autoroutes . Cela signifie que le ralentissement de la croissance économique en France et la baisse du PIB par habitant au plus fort de la crise (2008 et surtout 2009) ont pesé sur le 33 Source : Commissariat général à la stratégie et à la prospective, juillet 2013 - Estimation des élasticités des trafics routiers et ferroviaires au PIB 50 trafic enregistré sur le réseau autoroutier. De ce point de vue, les sociétés candidates au rachat des SCA en 2002 puis en 2005 ont dû faire face à une réalité très décevante par rapport à ce qui pouvait être anticipé à l’époque. En effet, la croissance annuelle moyenne du PIB par habitant des cinq 34 années précédentes était de +2.5% en France en 2002, mais n’était plus que de +1.4% en 2005. Au moment des privatisations des autoroutes, le marché tablait donc, a priori, sur des prévisions de croissance du PIB supérieures à ce qu’elles ont été en réalité. La période de récession de 2008-2009 35 (variation du PIB par tête en France de respectivement -0.4% et -3.4% ) s’est caractérisée par une forte diminution du trafic (cf. Figure 18). 36 Figure 18 Evolution des kilomètres parcourus sur le réseau autoroutier total (base 100 en 2005) au plus fort de la crise économique 110 Cumul voitures + poids lourds 109 108 106 Poids lourds 106 104 Voitures 102 100 98 96 94 94 92 90 2005 2006 2007 2008 2009 Il convient d’ajouter que, s’agissant du trafic poids lourds très sensible à la conjoncture, la baisse est particulièrement pénalisante pour le chiffre d’affaires des SCA puisqu’elle porte tant sur les volumes que sur les prix moyens (la grille tarifaire étant plus élevée pour les poids lourds). II.2.2.2. Le risque de substitution : les autoroutes ont des concurrents Les autoroutes ne sont pas en situation de monopole, car tout utilisateur routier a la faculté de ne pas les emprunter lors de ses déplacements, que ce soit au profit des routes nationales ou d’autres moyens de transport. En particulier en période de crise, les automobilistes ont tendance à délaisser les autoroutes pour les routes nationales. Ce risque n’est pas à minimiser, comme le montre l’évolution du trafic sur les autoroutes dans la péninsule ibérique lors des dernières années : en Espagne, les autoroutes à péage ont subi une chute du trafic de -38% en 2012 et -30% en 2013, les automobilistes s’étant reportés sur les routes gratuites. En conséquence, plusieurs autoroutes 34 Source : Site Eurostat Source : Site Eurostat 36 Source : ASFA 35 51 espagnoles sont en situation de faillite. Début 2014, sur les 38 autoroutes payantes en Espagne, 9 concessions se trouvaient proches de la faillite et faisaient l’objet d’études sur des éventuelles solutions de sauvetage. Au Portugal, la chute du trafic a été encore plus importante. Gratuites pour certaines jusqu’en 2012, les autoroutes portugaises sont devenues payantes en raison de la crise. L’instauration de péages sur ces autoroutes est l’une des mesures exigées par les bailleurs de fonds du pays (FMI, UE et BCE) en échange de l’aide exceptionnelle de 78 Mds€ accordée en mai 2011 pour éviter au pays de sombrer dans la banqueroute. Selon la société spécialisée dans l’information sur les transports Inrix, le Portugal est le pays où la circulation a le plus diminué en Europe, avec une baisse du taux d’embouteillages de -50% en 2012 et de -45% en 2013. Par ailleurs, la concurrence ne se limite pas au réseau routier. Les autoroutes sont également en concurrence avec le transport aérien et le transport ferroviaire. Ces dernières années ont notamment vu la démocratisation des vacances à bas coûts (séjours courts ou longs) sur des destinations proches et accessibles par avion. La stagnation de la circulation routière ces dernières années a bénéficié au développement des transports en commun tant pour la longue distance que pour les déplacements quotidiens. Entre 1995 et 2010, le transport ferroviaire de voyageurs grandes lignes a augmenté de +2.9% par an. Pour les déplacements quotidiens, le transport ferroviaire régional a progressé en volume de +4.4% par an depuis 1995. II.2.2.3. Le risque lié au prix du pétrole : le trafic est sensible au prix des carburants Le prix du pétrole a une incidence claire sur la santé des différents secteurs de transports. Pour le transport routier de marchandises, le coût du carburant constitue l’un des coûts les plus importants avec la main-d’œuvre, mais également celui présentant le plus de variations entre les pays. La part du 37 coût de l’énergie dans les coûts totaux des transports est estimée à 25% . Le prix du carburant à la pompe, celui qui intéresse les transporteurs, est le reflet non seulement des prix du pétrole brut mais aussi des taxes et du coût de la transformation et de la distribution. Pour l’ensemble du transport 38 routier, une croissance de 1% des prix du gazole entraine une diminution de -0.33% du trafic en véhicules par kilomètre et de -0.31% de la demande de transport en tonnes par kilomètre. II.2.2.4. Le risque de désaffection : l’automobile n’est plus en croissance, ce qui affecte le trafic Indépendamment des vicissitudes de la conjoncture économique, le marché de l’automobile n’est plus en croissance, notamment par rapport aux « Trente Glorieuses », qui avaient coïncidé avec la phase de construction du réseau autoroutier. Qu’il s’agisse d’un phénomène de désamour vis-à-vis d’un moyen de transport polluant, de l’impact d’une démographie vieillissante, ou même des conséquences de phénomènes plus récents comme le co-voiturage, force est de constater que le parc de voitures ne croît plus et que le parcours moyen par véhicule régresse également. Ce phénomène est illustré dans la Figure 19 et la Figure 20, qui représentent l’évolution du parc de voitures et le parcours moyen 39 annuel des véhicules en service en France entre 1990 et 2013 . 37 Source : Parlement européen, Direction générale des politiques internes, 2009, L’impact des fluctuations des prix du pétrole sur les transports, étude 38 Source : Christophe Rizet et Hajera Bouguerra, septembre 2013, Evolution des élasticités du transport routier de fret au prix du gazole, Les cahiers scientifiques du transport 39 Source : INSEE, Service de l’Observation et des Statistiques, Parc et parcours moyen des véhicules en service en 2013 52 Figure 19 Evolution entre 1990 et 2013 des parcours moyens par an des voitures particulières et des poids lourds en France (en km/véhicule) 14,000 42,000 13,800 40,000 13,600 13,400 38,000 13,200 13,000 36,000 12,800 12,600 12,400 34,000 Parcours moyen voitures particulières (échelle de gauche) Parcours moyen poids lourds (échelle de droite) 32,000 12,200 12,000 30,000 Figure 20 Taux de croissance annuel du parc de voitures particulières et des poids lourds entre 1990 et 2013 (en%) 5% Parc de voitures particulières 4% Parc de poids lourds 3% 2% 1% 0% -1% -2% -3% Le parc de voitures particulières est quasi-stable depuis 2005 (autour de 30 millions de véhicules et une croissance inférieure à 1% par an). Pendant ce temps, le parcours moyen par véhicule particulier ne cesse de diminuer, et celui des poids lourds est chaotique, marquant une forte baisse depuis le début de la crise économique en 2008. La Loi sur la Transition énergétique prévoit même une réduction de 30% du recours aux énergies fossiles en 2030, ce qui impactera nécessairement les systèmes de transport. 53 II.2.2.5. Le risque prix : les SCA ne contrôlent pas leurs tarifs La révision des tarifs est régie par les contrats de concession. Les SCA n’ont donc pas la maîtrise de leurs tarifs, qui évoluent principalement en fonction de l’évolution des prix à la consommation. De plus, le passé récent a mis en exergue un risque politique sur ces tarifs : ainsi, fin janvier 2015, le gouvernement a décidé de surseoir à la hausse prévue des tarifs de péages pour 2015. Suite à cette annonce contraire aux indications des contrats de concession, les titres Vinci et Eiffage ont évolué sous pression en bourse (-9% pour Eiffage entre le 26 janvier et le 29 janvier, -4% pour Vinci tandis que l’indice CAC40 est resté quasi-stable sur cette même période). Le marché semble, à ce momentlà, avoir intégré les conséquences financières d’un tel gel des tarifs pour 2015, 2016 et 2017. Le Tableau 7 indique le niveau des révisions tarifaires annuelles depuis 2000 pour les SCA concernées par la privatisation de 2006. Elle est de 0% en 2015 suite à la décision de l’État de geler les tarifs. Tableau 7 40 Hausses tarifaires du réseau historique depuis 2000 pour les véhicules légers ASF ESCOTA SANEF SAPN APRR AREA ATMB COFIROUTE SFTRF Hausse réseau historique 2000 0,89% 0,94% 0,83% 1,66% 1,59% 0,80% 0,99% 1,33% 1,30% 1,11% 2001 2,02% 2,46% 2,08% 2,90% 2,50% 2,45% 2,52% 2,28% 3,66% 2,27% 2002 2,04% 2,04% 1,32% 2,25% 1,17% 1,17% 3,29% 1,90% 2,26% 1,71% 2003 2,17% 2,17% 1,73% 2,69% 2,05% 1,51% 2,10% 1,70% 1,98% 2,01% 2004 2,65% 2,15% 1,89% 2,53% 2,37% 1,53% 3,45% 1,61% 1,79% 1,67% 2005 2,04% 2,04% 1,77% 2,39% 2,26% 1,44% 1,56% 1,41% 1,54% 2,14% 2006 2,25% 2,24% 2,05% 2,74% 2,47% 1,64% 1,96% 1,61% 1,73% 1,97% 2007 2,00% 1,81% 0,96% 1,68% 0,91% 0,75% 1,21% 0,91% 1,07% 1,42% 2008 2,45% 2,53% 3,30% 4,30% 2,47% 1,64% 1,82% 1,94% 1,92% 2,55% 2009 3,10% 3,20% 1,89% 3,30% 1,89% 2,28% 2,70% 2,68% 2,60% 2010 0,83% 0,90% 0,00% 0,50% 0,00% 0,41% 0,00% 0,54% 2011 2,47% 2,49% 1,89% 2,48% 2,12% 2,08% 0,76% 2,07% 2,40% 2,24% 2012 2,42% 2,05% 2,31% 3,03% 2,58% 2,55% 2,60% 2,53% 3,75% 2,45% 2013 2,24% 1,74% 1,71% 2,29% 1,94% 1,93% 2,09% 1,91% 3,19% 2,01% 2014 1,56% 1,06% 1,09% 0,69% 1,13% 1,17% 1,24% 1,24% 2,34% 1,27% 0,00% 1,85% 0,00% 2015 0,00% 1,79% II.2.2.6. Le risque réglementaire : le rôle de l’État Une autre source de risque pour les sociétés concessionnaires réside dans les relations particulières qu’elles entretiennent avec l’État. Le concédant, qui donne le droit au concessionnaire d’exploiter l’ouvrage, en demeure le propriétaire tout au long de la vie de la concession. A ce titre, l’État est une partie prenante essentielle de la société concessionnaire (cf. Annexe 5), et son influence particulière fait peser un risque réglementaire important sur les SCA, que ce soit au titre des droits qui lui sont accordés dans le cadre du contrat de concession ou de ceux dont il peut se prévaloir au titre de l’intérêt général. Par exemple, l’État dispose souvent d’une option de rachat de la concession, exerçable dans un motif d’intérêt général : à compter d’une date déterminée dans le contrat de concession, l’État peut, après expiration d’une période de préavis, procéder au rachat de la 40 Source : ASFA 54 concession avant la date prévue contre le versement à la société concessionnaire d’une indemnité correspondant au préjudice subi. Cette incertitude quant à la durée réelle de leur exploitation constitue un risque pour les sociétés concessionnaires, infléchissant le rapport de force en faveur de l’État. Les SCA sont aussi tenues de respecter des obligations strictes quant à la continuité de l’exploitation de l’ouvrage, aux investissements à réaliser, aux modifications à lui apporter et aux tarifs pratiqués. L’influence de l’État fait courir un risque de sanctions sur les sociétés concessionnaires, mais peut aussi impacter le processus et la rapidité de leur prise de décision. Au-delà des droits qui lui sont conférés par le contrat de concession, l’État peut se retrouver en situation de remettre en cause les dits contrats, bien que ceux-ci constituent le fondement juridique régissant sa relation avec les SCA. Cette menace est d’autant plus importante que l’ouvrage exploité est considéré par les utilisateurs comme un service public et que l’État concédant peut ainsi se prévaloir de l’intérêt général. Dans ce nouveau rôle dépassant celui de propriétaire des actifs, parfois actionnaire et toujours concédant, l’État peut alors tenter de négocier au forceps des aménagements des contrats passés avec les sociétés concessionnaires, voire refuser de remplir certains de ses engagements contractuels. La multiplicité des intérêts de l’État est alors un facteur de risque important pour les SCA, qui subissent la conjoncture politique en sus de la conjoncture économique. Enfin, l’État n’a qu’une parole mais elle s’exprime au travers de plusieurs voix : différents acteurs publics peuvent se targuer d’une légitimité sur le sujet autoroutier et les SCA se retrouvent alors soumises aux aléas des déclarations de plusieurs interlocuteurs, dont l’influence sur les décisions étatiques est parfois difficile à discerner. En avril 2006, la société espagnole Abertis et la société italienne Atlantia ont fait les frais de ce risque réglementaire suite à l’annonce de leur rapprochement. Les autorités italiennes, par le ministère des infrastructures, ont reproché, à Atlantia de ne pas avoir respecté ses engagements en termes d’investissements et d’extension du réseau autoroutier de la péninsule. Le ministère a donc unilatéralement décidé d’intégrer de nouvelles mesures dans le contrat de concession, dont le gel des hausses tarifaires. Ceci devait entraîner la révision du système légal de concessions d’autoroutes et notamment le régime des tarifs et les exigences en matière d’investissement, créant ainsi une incertitude sur la valeur future d’Atlantia et remettant en cause les termes de l’échange de titres prévu entre les deux sociétés. Face à la volonté évidente de l’État d’entraver l’exécution du projet, les deux sociétés décidèrent finalement de l’abandonner. II.2.2.7. Le risque financier : un très fort endettement des SCA Comme indiqué précédemment, les SCA mobilisent des capitaux importants dans le cadre de leur activité : il s’agit d’abord de financer la construction des autoroutes, puis les investissements prévus dans les contrats de concession, et enfin le prix d’acquisition payé à l’État et aux autres actionnaires entre 2002 et 2005. L’important besoin en capitaux des SCA nécessite le recours à l’endettement, ce qui leur fait subir un risque financier significatif. Celui-ci est de plusieurs ordres : un risque de taux, impactant la rentabilité finale de l’investissement, un risque de refinancement, et un risque de faillite. Ils sont détaillés dans la partie II.2.3 consacrée à l’endettement. II.2.3. Risque d’endettement et régime fiscal Comme expliqué dans la partie II.1.1 de ce rapport, la dette située au niveau des SCA correspond principalement aux investissements de construction du réseau et a été reprise par les actuels propriétaires des SCA au moment des privatisations de 2005/2006. Afin de financer le rachat des SCA, ceux-ci ont également souscrit une dette d’acquisition. En fonction du montage financier mis en place (cf. Annexe 8) cette dette d’acquisition a été positionnée soit au sein d’une structure financière ad hoc détenue par l’acquéreur et détenant les actions de la SCA, soit directement au niveau de 55 l’acquéreur et de la SCA. Ainsi, afin de considérer le schéma financier dans son ensemble, il est nécessaire d’analyser le cumul de la dette d’acquisition et de la dette reprise au moment des privatisations : en effet, les cash-flows générés par l’exploitation des SCA doivent in fine permettre le remboursement de l’intégralité des dettes, peu importe l’endroit où elles sont situées. Garant de l’ensemble de la dette, les acquéreurs ne peuvent s’affranchir du remboursement de l’intégralité de celle-ci à l’échéance des concessions. La distribution de dividendes par les SCA est la conséquence d’une politique d’optimisation de la structure financière, visant à utiliser les conditions de financement avantageuses offertes par le marché du crédit, à l’image d’un particulier qui renégocierait son emprunt immobilier quand les taux le permettent. La structure de la dette étant souvent complexe, les acquéreurs cherchent ainsi à optimiser le coût de la dette en considérant les opportunités offertes par les marchés financiers, au bénéfice des SCA. La durée très longue du contrat de concession d’infrastructure a des conséquences sur le mode de financement de la concession. Par l’importance des montants engagés, l’endettement est un mode de financement indispensable aux SCA. Plusieurs refinancements au cours de la durée de vie de la concession sont inévitables, car la maturité des ouvrages est bien plus longue que la maturité des 41 emprunts auxquels ils sont adossés . Ainsi, les SCA sont exposées à un risque de refinancement : le financement nécessaire peut ne pas être disponible à la date voulue ou les conditions obtenues peuvent être désavantageuses. Les difficultés de refinancement connues au moment de l’assèchement du marché du crédit durant la crise financière récente ont démontré la réalité de ce risque. Entre la fin de l’année 2011 et le début de l’année 2012, Eiffarie, structure ad hoc détenue par Eiffage et portant la dette d’acquisition et les actions d’APRR, a rencontré des difficultés pour refinancer cette dette, compte tenu des conditions de marché du moment. La ligne bancaire de sûreté a dû être réduite pour cause d’absence de crédits bancaires et ce malgré un coût (la marge sur Euribor) multiplié par plus de 5 par rapport à 2006. Le taux d’intérêt est alors passé de 4.7% à 7.7%, et la maturité de la dette a été réduite de 7 à 5 ans. Soumises à l’évolution des marges de crédit appliquées par les créanciers au moment des nécessaires refinancements, les SCA sont aussi exposées à l’évolution des taux d’intérêt sur la partie de leur endettement à taux variable. L’évolution des taux d’intérêt constitue donc une source d’incertitude et affecte directement leur rentabilité. Du fait de leur niveau élevé d’endettement net, les frais financiers constituent l’une des charges les plus importantes des concessionnaires (15% du CA, cf. Figure 17). Une forte progression des taux d’intérêt est donc susceptible de mettre en péril leur rentabilité, occasionnant un risque quant au remboursement de l’intégralité de la dette. Le poids de l’endettement fait que tout élément susceptible d’impacter le chiffre d’affaires ou la marge des SCA peut mettre en péril l’équilibre financier, compliquer le refinancement de la dette et menacer au final la solvabilité des SCA. Les créanciers considèrent la visibilité du secteur comme sa principale vertu. Ceux-ci sont particulièrement attentifs aux flux de trésorerie des SCA, car elles n’ont aucun actif qui puisse être gagé et saisi, contrairement à la majorité des entreprises. Des annonces telles que celles intervenues au début de l’année 2015 concernant le gel des tarifs sont susceptibles de compliquer le refinancement des SCA, décrédibilisant les contrats passés avec l’État auprès des créanciers. Les emprunts des SCA sont remboursés progressivement grâce aux flux de trésorerie générés par l’exploitation. Le prix payé par les acquéreurs au moment des privatisations de 2005/2006, à l’origine de l’importante dette d’acquisition souscrite, a été défini en fonction des conditions juridiques et contractuelles de l’époque. Par conséquent, la stabilité du cadre tarifaire et fiscal est une condition indispensable à la confiance des marchés financiers, sensibles à la visibilité du secteur. Enfin, comme l’ensemble des délégations de service public, les SCA ont été exemptées de la réforme de 2013 sur le plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt. Jusqu’à cette date, toutes les entreprises françaises bénéficiaient du régime de la déductibilité totale de ces intérêts pour le calcul des impôts, qui constituait alors le régime fiscal normal. Afin de maintenir l’équilibre des contrats 41 La maturité moyenne des emprunts des sociétés européennes est estimée entre 5 et 7 ans. 56 passés, les délégations de service public, structurellement endettées, continuent de bénéficier de ce régime : le prix payé en 2005/2006 au moment des privatisations a été déterminé en prenant en compte ce régime fiscal et cette exemption ne constitue donc pas un avantage ou une aubaine. Pour les mêmes raisons, les contrats de concession, garants de l’équilibre économique, prévoient une compensation au bénéfice des SCA en cas de modification du cadre fiscal, notamment si celle-ci est susceptible de compromettre l’équilibre de la concession. L’intégration des SCA au régime du plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt aurait donc probablement occasionné une compensation de la part de l’État, et n’aurait pas eu impact sur les comptes publics. L’estimation du coût du capital et du coût des fonds propres est nécessaire à la valorisation des SCA. En France, le parc de voitures particulières est quasi-stable depuis 2005. Le chiffre d’affaires subit l’évolution de la conjoncture économique. L’influence de l’État fait peser un risque réglementaire important sur les SCA. Les SCA sont structurellement exposées à un risque de refinancement. 57 La valorisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes III. Suite à l’ordonnance du 28 mars 2001 ayant aligné le régime juridique et financier des Sociétés d’Economie Mixte Concessionnaires d’Autoroutes (SEMCA) sur le droit commun, le Premier Ministre Laurent Fabius a annoncé la mise en place d’un plan de relance de l’économie comprenant notamment l’ouverture minoritaire du capital d’ASF, accompagnée de son introduction en bourse. Cette seconde partie est dédiée à la valorisation des SCA depuis cet événement et jusqu’à la cession par l’État de l’intégralité de sa participation. Initiée en mars 2002, la privatisation des SCA a été définitivement acquise au début de l’année 2006, avec le choix des acquéreurs des participations majoritaires mises en vente par l’État. Cependant, la privatisation partielle des SCA avait déjà été engagée lors des différentes introductions en bourse et l’État ne détenait alors plus que 50.6% du capital d’ASF, 70.2% du capital d’APRR et 75.7% du capital de SANEF. Les deux étapes de la privatisation doivent donc être analysées distinctement, afin de considérer les conditions financières qui prévalaient à l’époque. Ayant suscité de vifs débats à la fois sur la forme, le fond et les montants, le processus ayant abouti à la valorisation de chacune des trois SCA est étudié avec minutie, à la fois compte tenu des informations disponibles à l’époque, mais aussi de l’évolution des principales hypothèses. La première sous-partie est consacrée à l’étude de la perception du risque des SCA tout au long du transfert de leur capital vers le privé. La juste mesure des risques est nécessaire à l’évaluation du coût des ressources de financement, tandis que les primes de marché renseignent sur l’aversion au risque des investisseurs à un instant donné et permettent de juger du timing de l’opération. La seconde souspartie est centrée sur l’analyse des valorisations publiées à cette époque, qu’elles proviennent des bases de données d’Associés en Finance, de l’État ou d’un échantillon de brokers. La confrontation avec les prix proposés lors de l’appel d’offres permet de juger des primes de contrôle payées par les acquéreurs finaux. La dernière sous-partie est consacrée à la procédure d’appel d’offres et vise à expliciter la formation des prix proposés par les acquéreurs pour la participation majoritaire détenue par l’État dans les SCA. En utilisant les données issues des bases d’Associés en Finance, la revalorisation des SCA du point de vue des acquéreurs permet de conduire un ensemble de simulations et de tester la sensibilité des valorisations à l’évolution des paramètres de marché. III.1. Evaluation du coût des ressources de financement III.1.1. Paramètres d’évaluation du coût des ressources de financement Après avoir explicité les différents modèles d’estimation du coût des ressources de financement d’une société (cf. partie II.2.1 et Annexe 4), il convient de quantifier la perception du risque des apporteurs de capitaux afin d’aboutir à une évaluation chiffrée, indispensable à la valorisation des SCA (cf. partie II.2.1). Dans le modèle TRIVAL, l’évaluation du coût des ressources de financement des SCA nécessite : - L’estimation des risques opérationnels et financiers, à travers une note de risque de prévision établie sur une échelle allant de 1 (peu risqué) à 5 (très risqué), un bêta sectoriel calculé sur les indices sectoriels Euro Stoxx et une note de risque financier établie sur une échelle allant de 1 (peu risqué) à 5 (très risqué) ; - L’estimation d’un risque lié à la taille ou risque de liquidité, à travers la valeur d’entreprise et différentes données sur les échanges boursiers des actions des SCA. 58 III.1.1.1. Risque de prévision, bêta sectoriel et risque lié à la taille L’estimation de la note de risque de prévision des SCA provient de la synthèse au sein d’une matrice des forces/faiblesses et opportunités/menaces, des différents risques économiques affectant leur modèle économique (cf. partie II.2.2). Cette matrice permet d’uniformiser l’estimation du risque de prévision quelle que soit la société considérée et de la resituer parmi les entreprises de l’échantillon. Cependant, elle doit aussi s’interpréter au regard des spécificités sectorielles, qui ne peuvent pas toujours être intégrées. Elle est présentée dans le Tableau 8. Tableau 8 Grille d’analyse du risque de prévision d’une SCA Activités de la société Barrières à l'entrée Modification de l'environnement technologique et du business model à moyen terme Cyclicité du chiffre d'affaires Croissance Volatilité des coûts de production Risque juridique et règlementaire (si pertinent) Risque systémique (si pertinent) Risque de création (si pertinent) Avantages compétitifs de la société Part de marché Mix produits Diversité de l'offre Capacité à maintenir les marges en environnement moins favorable Gouvernance, transparence, fiabilité informations Capacité à gérer la croissance externe (si pertinent) Originalité de l'activité (si pertinent) Taux de change Sensibilité aux parités monétaires 1 2 3 4 5 x x x x x x x 1 2 3 4 5 x x x x x 1 x x 2 3 4 5 Appliquée au modèle économique des SCA, cette analyse souligne leur modèle économique défensif, mais rappelle l’existence de certains risques, particulièrement significatifs dans une industrie de coûts fixes proposant un produit unique et substituable. A l’époque de leur suivi dans le modèle TRIVAL, les notes de risque de prévision des SCA étaient parmi les plus faibles de l’échantillon, aboutissant à une note de risque de prévision de 1 sur une échelle de 1 (risque faible) à 5 (risque élevé). A partir du risque de prévision et d’un bêta sectoriel calculé sur les indices Euro Stoxx, Associés en Finance détermine un coefficient de risque économique relatif centré sur 1, ainsi qu’un coefficient de taille relatif également centré sur 1, en comparant la valeur d’entreprise à la moyenne de l’échantillon. Appliqués aux primes de marché, ces coefficients permettent d’estimer directement le coût du capital (cf. Annexe 4). III.1.1.2. Risque financier et risque de liquidité Le calcul du coût des fonds propres nécessite la prise en compte de la structure de financement de la société. Le risque financier mesure la capacité des SCA à faire face à leurs engagements financiers, dans le cadre de leur scénario de développement. Son calcul prend en compte la structure financière (dettes par rapport à la valeur de marché de la société), la taille et la volatilité des actifs, ainsi que la 59 couverture des charges financières par l’exploitation. A l’époque de leur cotation, les notes de risque financier des SCA suivies dans TRIVAL étaient comprises entre 2 et 3 sur une échelle de 1 (risque faible) à 5 (risque élevé). En agrégeant le risque financier au risque de prévision et au bêta sectoriel, Associés en Finance détermine un coefficient de risque relatif, centré sur 1. De la même manière, les échanges boursiers et la taille du flottant des sociétés de l’échantillon servent à déterminer un coefficient d’illiquidité relatif, centré sur 1. Appliqués aux primes de marché, ces coefficients permettent de calculer le coût des fonds propres des sociétés (cf. Annexe 4). Au début des années 2000, chacune des trois SCA a été cotée pendant une période allant d’une année pour SANEF à près de 8 années pour APRR (cf. Annexe 1). Au cours de leur vie boursière, Associés en Finance et plusieurs autres bureaux d’étude ont initié un suivi des trois valeurs, exprimant leur opinion sur le risque de chacune des sociétés, et son incidence sur le coût des fonds propres et le coût du capital. L’objet des deux prochaines sous-parties est d’analyser les différentes publications d’époque afin de quantifier la perception du risque des SCA par les investisseurs. Cette quantification de la perception du risque est indispensable à la juste valorisation des SCA, car le coût du capital et le coût des fonds propres qui en découlent servent de taux d’actualisation dans les modèles DCF to Firm et DCF to Equity unanimement reconnus par les évaluateurs (cf. partie II.2.1). La partie III.I.2 recouvre la période relative aux introductions en bourse, alors que la partie III.1.3 se consacre au moment de l’annonce de la cession de la participation majoritaire de l’État. III.1.2. Evaluation du coût des ressources de financement au moment de l’introduction en bourse des SCA L’introduction en bourse des trois SCA s’est déroulée sur une période de trois années (de mars 2002 à mars 2005), durant lesquelles se sont succédées différentes situations de marché. L’indice CAC 40, qui atteignait un niveau historiquement bas à la fin du premier trimestre 2003 (2618 points), repartit à la hausse au second semestre et s’établissait à plus de 4000 points à la fin du mois de mars 2005 (4068 points). Les conditions de marché au moment de l’introduction en bourse des trois SCA n’étaient donc pas similaires et cette sous-partie traite chacune d’entre elles de manière isolée, au fur et à mesure du processus d’introduction. III.1.2.1. Evaluation du coût des ressources de financement issues des bases de données d’Associés en Finance Après une courte période d’observation du comportement boursier des SCA, celles-ci furent intégrées au modèle TRIVAL. Le bureau d’étude d’Associés en Finance suit actuellement 500 sociétés, dont 350 au sein de la zone euro. Les données extraites des bases de données d’Associés en Finance permettent de juger de la perception de leur risque à cette époque et de son implication en termes de coût des ressources de financement. A son intégration à TRIVAL en juillet 2002, les paramètres de risque opérationnel et financier d’ASF sont détaillés dans le Tableau 9. Tableau 9 Risques opérationnels et financiers d’ASF dans le modèle TRIVAL au 31 juillet 2002 SCA ASF Risque de prévision 1 Beta sectoriel 0.89 Coefficient de risque économique relatif 0.58 Risque financier 3 Coefficient de risque relatif 0.62 60 Le coefficient de risque relatif en fonds propres d’ASF était de 0.62, ce qui signifie que le risque pour un actionnaire d’ASF était perçu comme significativement inférieur au risque moyen de l’échantillon de sociétés suivies. Au même moment, les paramètres de risque de taille et d’illiquidité d’ASF sont détaillés dans le Tableau 10. Tableau 10 Risque de taille et d’illiquidité d’ASF dans le modèle TRIVAL au 31 juillet 2002 SCA ASF Valeur d'entreprise (M€) 14 231 Coefficient de taille relatif 0.86 Coefficient d'illiquidité relatif 0.95 Le coefficient de taille relatif d’ASF était de 0.86, ce qui signifie que sa valeur d’entreprise était déjà supérieure à la moyenne de l’échantillon de sociétés suivies. En effet, plus une société a une valeur d’entreprise importante, plus le risque associé à sa taille (et donc le coefficient de taille relatif) est faible. Son coefficient d’illiquidité relatif était de 0.95, soit dans la moyenne de l’échantillon. Après l’éclatement de la bulle Internet et le choc consécutif aux attentats du 11 septembre 2001, les marchés actions avaient subi une forte baisse, et l’indice CAC 40 s’établissait à 3415 points au 31 juillet 2002 contre près de 7000 points en septembre 2000. Considérées comme des références dans le monde de l’expertise financière, les primes de marché issues du modèle TRIVAL (cf. Annexe 3) entre 2002 et 2005 sont présentées dans la Figure 21. Figure 21 Evolution des primes de marchés entre 2002 et 2005 8.0% 7.0% 6.0% Prime de risque: 4.9% 5.0% 4.0% 3.0% Ordonnée à l'origine: 4.1% 2.0% 1.0% 0.0% Prime d'illiquidité: 1.6% -1.0% Prime de risque Prime d'illiquidité Ordonnée à l'origine 61 De la même manière, Associés en Finance calcule des primes de risque économique et de taille pour le calcul direct du coût du capital. Au 31 juillet 2002, l’ordonnée à l’origine du plan s’établissait à 2.20%, la prime de risque économique à 4.46% et la prime de taille à 2.57%. En y appliquant les coefficients de risque économique et de taille relatifs d’ASF aux primes de marché, on obtient le calcul du coût du capital d’ASF détaillé dans le Tableau 11. Tableau 11 Coût du capital d’ASF dans le modèle TRIVAL au 31 juillet 2002 SCA ASF Coefficient Prime de Coefficient de risque risque de taille économique économique relatif (1) (2) (3) 0.58 4.46% 0.86 Prime de Ordonnée Coût du capital taille à l'origine (4) 2.57% (5) 2.20% (1)*(2)+(3)*(4)+(5) 7.00% Le coût du capital d’ASF, c'est-à-dire la rentabilité attendue par l’ensemble des apporteurs de capitaux, s’établissait à 7.00%. Ce chiffre se compare à la rentabilité attendue par l’ensemble des apporteurs de capitaux des entreprises de la zone euro à l’époque, qui était alors de 9.23%. Grâce au faible risque associé à son modèle économique et à sa taille importante, le coût du capital d’ASF était parmi les plus faibles de l’échantillon (le niveau minimum correspondait alors à Unilever à 6.34% et le niveau maximum à Gemplus à 13.30%). En appliquant les coefficients de risque relatif et d’illiquidité relatif d’ASF aux primes de marché présentées en Figure 18, on obtient le calcul du coût des fonds propres d’ASF détaillé dans le Tableau 12. Tableau 12 Coût des fonds propres d’ASF dans le modèle TRIVAL au 31 juillet 2002 SCA ASF Coefficient de risque relatif 0.62 Prime de risque 4.88% Coefficient d'illiquidité relatif 0.95 Prime d'illiquidité Ordonnée à l'origine Coût des fonds propres 1.63% 4.13% 8.70% La rentabilité attendue par les actionnaires d’ASF au 31 juillet 2002 était de 8.70%. Ce chiffre se compare à la rentabilité attendue des marchés actions, qui était alors de 10.65%. Il confirme que le risque global (y compris effet liquidité et effet de la structure financière pour l’actionnaire) pour un actionnaire d’ASF était inférieur au risque moyen de l’échantillon et que ce dernier attendait une rentabilité inférieure à la rentabilité des marchés actions. Intégrées à TRIVAL en novembre 2004 et mars 2005, soit immédiatement après leur introduction en bourse respective, APRR et SANEF faisaient l’objet d’une analyse de leur risque parfaitement similaire à celle menée pour ASF. Initialement modélisées avec les mêmes paramètres de risque qu’ASF (risque de prévision de 1 et risque financier de 3), leur coefficient de risque relatif en fonds propres était alors de 0.64. III.1.2.2. Evaluation du coût des ressources de financement issues de la base de données Thomson Reuters pour un échantillon de brokers Associés en Finance n’était pas la seule société à effectuer un suivi régulier d’ASF à cette époque. Suite à son introduction en bourse le 28 mars 2002 au prix de 25€, plusieurs bureaux d’études 62 français et étrangers ont progressivement initié un suivi du cours de bourse de la société. Les bases de données Thomson Reuters permettent d’accéder aux publications émises par un échantillon d’entre eux. L’analyse de leurs publications laisse apparaître que l’ensemble des bureaux d’étude privilégient la méthode de valorisation par actualisation des flux de trésorerie pour ASF et soulignent son business-model défensif. Leur méthode d’évaluation du coût des ressources de financement nécessite l’estimation d’un risque et d’une prime de marché, et est donc assez similaire à celle employée par Associés en Finance. Les principales différences sont : - L’utilisation d’un bêta empirique par les brokers, qui est instable et ne reflète donc pas toujours le profil de risque de la société ; - L’estimation de la prime de risque (cf. Annexe 4). Tous ne publient pas le coût du capital et/ou le coût des fonds propres utilisé(s) dans leurs valorisations, et le Tableau 13 récapitule les informations répertoriés lors de cette analyse. Tableau 13 Coût des ressources de financement d’ASF en 2002 chez les brokers Date de publication 17 mai 2002 10 juillet 2002 29 juillet 2002 19 août 2002 11 septembre 2002 4 octobre 2002 9 octobre 2002 16 octobre 2002 Bureau d'étude HSBC Morgan Stanley HSBC UBS BNP Paribas UBS HSBC Crédit Lyonnais Cours Coût du capital Coût des fonds propres 27.30 € 26.60 € 24.55 € 25.94 € 26.53 € 24.63 € 23.66 € 23.94 € 6.6% 6.3% 6.7% 6.6% 7.0% 6.1% - 8.8% 10.0% 10.2% 10.2% Il convient de rappeler que ces études de brokers ont été publiées à des dates différentes et ne font donc pas toutes référence à la même situation de marché. Cependant, on constate une certaine homogénéité des estimations des différents bureaux, notamment pour l’évaluation du coût du capital d’ASF. Celui-ci est systématiquement évalué entre 6.1% (HSBC en octobre 2002) et 7.0% (UBS, également en octobre 2002), proche de l’évaluation d’Associés en Finance à 7.0% au 31 juillet 2002. Pour ce qui est du coût des fonds propres, l’évaluation minimale est de 8.8% et provient de l’initiation de la couverture de la valeur par HSBC, publiée le 17 mai 2002. A cette époque, l’indice CAC 40 s’établissait à 4443 points et entamait une chute qui allait le mener début 2013 sous les 2500 points. Au moment de leurs publications, Morgan Stanley, UBS et Crédit Lyonnais font référence à un coût des fonds propres situé entre 10.0% et 10.2%, alors que le niveau des marchés actions étaient déjà largement inférieur (indice CAC 40 à 3656 points en juillet 2002, 3493 points au 19 août 2002 et 3068 points au 16 octobre 2002), justifiant une prime de marché plus importante. Cette analyse est confirmée par l’évolution de la prime de risque d’Associés en Finance au cours de l’année 2002 (cf. Figure 21). Malgré ces éléments, le coût des fonds propres utilisé par les bureaux d’étude est supérieur à l’évaluation d’Associés en Finance au 31 juillet 2002 (8.70%, cf. Tableau 12), mais le faible historique de cotation de la valeur explique les difficultés des brokers quant à l’évaluation de son risque. Associés en Finance a intégré APRR à son modèle TRIVAL avant les premières publications de brokers (cf. Tableau 14). Au 31 décembre 2004, le coût du capital estimé dans TRIVAL d’APRR était 63 de 6.2% et le coût des fonds propres était de 7.4%. Les premiers bureaux d’étude ont initié leur couverture de la valeur en début d’année 2005 et le Tableau 14 récapitule les informations répertoriés lors de cette analyse. Tableau 14 Coût des ressources de financement d’APRR début 2005 chez les brokers Date de publication 10 janvier 2005 13 janvier 2005 27 janvier 2005 7 février 2005 29 mars 2005 Bureau d'étude Société Générale Lehman Brothers Crédit Suisse ING Société Générale Cours 44.40 € 45.00 € 46.10 € 46.32 € 43.34 € Coût du capital 6.2% 5.8% 6.4% 6.1% Coût des fonds propres 8.3% 7.6% 6.5% - Sur les trois premiers mois de l’année 2005, les bureaux d’études évaluent en moyenne le coût du capital d’APRR à 6.1% et le coût des fonds propres à 7.5%. Ces résultats sont très similaires à ceux publiés par Associés en Finance dès la fin de l’année 2004. La perception du risque d’APRR était donc assez homogène parmi les observateurs de marché. Le schéma est voisin pour SANEF, Associés en Finance ayant intégré la valeur au modèle dès la fin du mois de mars 2005, alors que les premières études de broker dataient du mois de mai 2005, tel que détaillé dans le Tableau 15. Au 31 mars 2005, le coût du capital estimé dans TRIVAL de SANEF était de 5.8% et le coût des fonds propres était de 7.1%. Tableau 15 Coût des ressources de financement de SANEF en 2005 chez les brokers Date de publication 10 mai 2005 20 mai 2005 26 mai 2005 Bureau d'étude Société Générale ING UBS Cours 38.60 € 40.40 € 40.25 € Coût du capital 6.2% 6.5% Coût des fonds propres 6.5% - Le coût du capital de SANEF estimé par Société Générale et UBS, respectivement 6.2% et 6.5%, est légèrement supérieur à l’estimation d’Associés en Finance (5.8%). Le coût des fonds propres utilisé par ING dans sa modélisation (6.5%) est légèrement inférieur à celui estimé par Associés en Finance (7.1%). III.1.3. Evaluation du coût des ressources de financement au moment de l’annonce de la poursuite de la cession du capital des SCA Alors que SANEF n’est introduite en bourse que depuis quelques mois, le Premier Ministre Dominique de Villepin annonce, le 8 juin 2005, l’intention de l’État de poursuivre la cession de sa participation dans les SCA. L’objectif de cette sous-partie est d’évaluer le coût des ressources de financement des SCA à veille de l’annonce du Premier Ministre. Les évaluations du coût du capital et du coût des fonds propres sont des élément primordiaux de la valorisation des SCA, car elles serviront de taux d’actualisation des flux de trésorerie. 64 III.1.3.1. Evaluations du coût des ressources de financement issues des bases de données d’Associés en Finance Le 7 juin 2005, les trois sociétés étaient cotées et suivies dans le modèle TRIVAL, permettant ainsi de comparer la perception de leur risque. Les paramètres de risque des SCA sont détaillés dans le Tableau 16. Tableau 16 Risques opérationnels et financiers des SCA dans le modèle TRIVAL au 7 juin 2005 SCA ASF APRR SANEF Risque de prévision Beta sectoriel Coefficient de risque économique relatif Risque financier Coefficient de risque relatif 1 1 1 0.83 0.83 0.83 0.55 0.55 0.55 3 3 3 0.60 0.60 0.60 A la veille de l’annonce du Premier Ministre, la perception du risque de chacune des trois sociétés était identique. Issues du même secteur, celles-ci se voyaient attribuer les mêmes notes de risque de prévision et de risque financier. La perception de leur risque avait très peu évolué et les SCA figuraient toujours parmi les sociétés les moins risquées de l’échantillon. Au 7 juin 2005, les paramètres de risque de taille et d’illiquidité des SCA sont détaillés dans le Tableau 17. Tableau 17 Risque de taille et d’illiquidité des SCA dans le modèle TRIVAL au 7 juin 2005 SCA ASF APRR SANEF Valeur d'entreprise (M€) 18 175 9 075 7 388 Coefficient de taille relatif 0.85 0.91 0.93 Coefficient d'illiquidité relatif 0.97 1.03 1.08 La valeur d’entreprise de chacune des trois SCA était toujours supérieure à la moyenne de l’échantillon. Cependant, les introductions en bourse n’ayant ouvert qu’une faible part du capital des SCA au marché, leurs coefficients d’illiquidité relatifs étaient situés dans la moyenne de l’échantillon. Au 7 juin 2005, en appliquant les coefficients de risque économique relatif et de taille relatif des SCA aux primes de marché, on obtient le calcul du coût du capital des SCA détaillé dans le Tableau 18. Tableau 18 Coût du capital des SCA dans le modèle TRIVAL au 7 juin 2005 SCA ASF APRR SANEF Coefficient de Prime de Coefficient risque économique risque de taille relatif économique relatif 0.55 5.23% 0.85 0.55 5.23% 0.91 0.55 5.23% 0.93 Prime de taille Ordonnée à l'origine Coût du capital 1.24% 1.24% 1.24% 1.42% 1.42% 1.42% 5.35% 5.42% 5.45% Dotées du même risque économique, le coût du capital des trois SCA ne diffère que très légèrement et uniquement du fait de faibles écarts de taille. Les coûts du capital obtenus se comparent à la 65 rentabilité attendue par l’ensemble des apporteurs de capitaux des entreprises de la zone euro, qui était alors de 7.89% et se classent parmi les plus faibles de l’échantillon (le niveau minimum correspondant alors à Iberdrola à 5.31% et le niveau maximum à Aixtron à 11.78%). De la même manière, en appliquant les coefficients de risque relatifs et d’illiquidité relatifs des SCA aux primes de marché présentées en Figure 21, on obtient le calcul du coût des fonds propres des SCA détaillé dans le Tableau 19. Tableau 19 Coût des fonds propres des SCA dans le modèle TRIVAL au 7 juin 2005 SCA ASF APRR SANEF Coefficient de risque relatif 0.60 0.60 0.60 Prime de risque 5.61% 5.61% 5.61% Coefficient d'illiquidité relatif 0.97 1.03 1.08 Prime d'illiquidité Ordonnée à l'origine Coût des fonds propres 0.59% 0.59% 0.59% 2.76% 2.76% 2.76% 6.69% 6.73% 6.75% Les rentabilités attendues par les actionnaires des SCA au 7 juin 2005 étaient respectivement de 6.69% pour ASF, 6.73% pour APRR et 6.75% pour SANEF. Comparées à la rentabilité attendue des marchés actions, qui était alors de 8.96%, les SCA restent, même après la prise en compte de leur structure financière. parmi les sociétés cotées les moins risquées de l’échantillon. Les investisseurs associaient alors un risque semblable à chacune des SCA, et le coût de leurs ressources de financement ne se distinguait que par de faibles effets taille et liquidité. Par rapport à leur intégration au modèle, la perception du risque des SCA avait très peu varié. La baisse significative du coût du capital et du coût des fonds propres des SCA entre juillet 2002 et juin 2005 est alors essentiellement due à l’évolution des paramètres de marché, notamment la hausse des marchés actions (indice CAC 40 à 4181 points en hausse de +22% par rapport au 31 juillet 2002) et la baisse des taux d’intérêt (taux du bund 10 ans à 3.16% contre 4.75% au 31 juillet 2002). III.1.3.2. Evaluation du coût des ressources de financement issues de la base de données Thomson Reuters pour un échantillon de brokers Différents brokers ont publié une mise à jour de leur valorisation durant l’été 2005, suite aux annonces du Premier Ministre Dominique de Villepin. Le Tableau 20 récapitule ces publications. Tableau 20 Coût des ressources de financement d’ASF après juin 2005 chez les brokers Date de publication 14 juin 2005 4 juillet 2005 21 juillet 2005 21 juillet 2005 27 juillet 2005 Bureau d'étude Société Générale Morgan Stanley Société Générale UBS Morgan Stanley Cours 44.70 € 47.30 € 48.10 € 48.10 € 48.75 € Coût du capital 5.5% 6.2% 5.5% 6.2% 6.1% Coût des fonds propres 7.4% - Les publications de bureaux d’étude donnent une estimation du coût du capital d’ASF située entre 5.5% et 6.2%, légèrement supérieure à l’estimation d’Associés en Finance (5.35%). Pour ce qui est du 66 coût des fonds propres, seul Morgan Stanley publie une estimation (7.4%) de nouveau supérieure à l’estimation d’Associés en Finance (6.7%). Concernant APRR, quelques brokers publient une étude suite à l’annonce de juin 2005, mais sans référence explicite aux coûts des ressources de financement. UBS et Société Générale mettent à jour leur valorisation sur SANEF en utilisant des coûts du capital respectifs de 6.5% et 6.2%, supérieurs à l’estimation d’Associés en Finance (5.5%), tel que détaillé dans le Tableau 21. Tableau 21 Coût des ressources de financement de SANEF après juin 2005 chez les brokers Date de publication 8 juin 2005 20 juillet 2005 Bureau d'étude UBS Société Générale Cours 51.62 € 48.40 € Coût du capital 6.5% 6.2% Coût des fonds propres - III.1.4. Conclusions sur le coût des ressources de financement des SCA En juin 2005, les SCA étaient considérées comme des sociétés peu risquées. Leur endettement important justifiait seulement une note de risque financier moyenne et ne contrebalançait pas le faible risque associé à leur modèle économique défensif. Concomitamment, l’analyse des publications d’un échantillon de brokers amène à des conclusions identiques. Cependant, s’il existe un consensus parmi les acteurs de marché autour de la mesure du risque des SCA, aucun d’entre eux ne nie l’existence de ce risque. Quelques différences subsistent et s’expliquent par une valorisation du risque fondamentale chez Associés en Finance, basée sur une analyse du modèle économique de la société, alors que les brokers s’attachent davantage à des bêtas constatés, souvent peu significatifs d’un point de vue statistique du fait du faible historique de cotation des SCA. De plus, les primes de marché calculées dans TRIVAL sont réévaluées quotidiennement et constituent des références dans le domaine de la valorisation (cf. Annexe 3). La privatisation totale des SCA s’est déroulée en deux étapes, mais la perception du risque des SCA a très peu évolué tout au long du processus de privatisation. En fin d’année 2005, les notes de risque financier d’ASF et de SANEF ont été abaissées à 2 (sur une échelle de 1 à 5) suite à la forte progression de leurs cours. A la fin de l’année 2005, les coûts du capital respectifs des SCA étaient de 5.10% pour ASF, 5.23% pour APRR et 5.28% pour SANEF et les coûts des fonds propres respectifs de 5.62% pour ASF, 6.34% pour APRR et 5.70% pour SANEF. Ces données sur le coût des ressources de financement sont des éléments primordiaux pour qui souhaite juger de la valorisation des SCA aux différents moments où l’État a mis en vente une partie de leur capital. Comme indiqué en partie II.2.1, la valeur d’entreprise de la concession est évaluée en actualisant les flux de trésorerie disponibles au coût du capital, alors que la valeur des fonds propres de la concession est obtenue en actualisant les flux de trésorerie pour l’actionnaire au coût des fonds propres. En s’engageant dans un processus de privatisation, l’État cherche à obtenir la valorisation maximale des SCA. S’il ne peut véritablement agir sur les perspectives de flux de trésorerie générés par les concessions, il maitrise le calendrier des opérations et cherche à céder ses participations au moment opportun. Le timing des opérations est donc primordial, car le montant obtenu pour ses actions dépend des perspectives de flux offertes par les sociétés, mais aussi de l’aversion au risque des investisseurs au moment du lancement de leur mise en vente. Le business-model défensif des SCA leur ayant toujours valu d’être considérées comme peu risquées, 42 le suivi de la prime de risque du marché actions , qui permet de mesurer l’aversion au risque globale, 42 Ecart entre la rentabilité attendue du marché actions et le taux sans risque à long terme (Bund à 10 ans) 67 devient alors le principal facteur permettant à l’État d’influer sur la valorisation obtenue de ses participations. La Figure 22 représente l’évolution de la prime de risque du marché actions entre janvier 2002 et mai 2015. Figure 22 Prime de risque du marché actions dans le modèle TRIVAL depuis 2002 La prime de risque du marché actions était comprise entre 3.8% et 5.6% aux moments des introductions en bourse des trois SCA. L’État est ainsi parvenu à céder ses participations minoritaires en évitant la période comprise entre la fin de l’été 2002 et la fin de l’année 2003, où l’aversion au 43 risque des investisseurs avait fortement progressé dans des marchés financiers chahutés . Les conditions de marché étaient de nouveau propices lorsque l’État a trouvé des acquéreurs pour sa participation majoritaire en décembre 200a5 : la prime de risque des marchés actions était alors de 5.1%, significativement inférieure à sa moyenne de 6.5% entre janvier 2002 et mai 2015. Le timing des cessions par l’État a donc été bien choisi, lui permettant de bénéficier de la faible aversion au risque des investisseurs intéressés pour obtenir un prix élevé de sa participation dans les SCA. La partie III.2 est consacrée à l’étude des différentes valorisations des SCA publiées tout au long du processus de privatisation. Le risque des SCA est faible, relativement à d’autres secteurs d’activité. La perception du risque des SCA a peu évolué durant le processus de privatisation. Aucun observateur de marché ne nie l’existence de ce risque. Le coût des ressources de financement des SCA s’est réduit entre 2002 et 2005, du fait de la baisse de l’aversion au risque des investisseurs. Le timing des cessions par l’État a été bien choisi, lui permettant de bénéficier de la faible aversion au risque des investisseurs pour obtenir un prix élevé de sa participation dans les SCA. 43 Le 12 mars 2003, l’indice CAC 40 atteignait son plus bas niveau en séance depuis 1997 à 2401 points. 68 III.2. Valorisation des SCA lors des différentes cessions de participation par l’État La privatisation totale des trois principales SCA françaises s’est déroulée à l’issue d’un processus en deux étapes : l’ouverture minoritaire du capital par une introduction en bourse, puis la cession de la participation majoritaire détenue par l’État à l’issue d’un appel d’offres. La recherche financière confirme l’intérêt d’un tel procédé pour l’État, qui souhaite vendre l’ensemble de sa participation dans les SCA et cherche à maximiser le produit de la cession. En cédant dans un premier temps une participation minoritaire auprès du public, l’État bénéficie de l’appétence d’investisseurs multiples et de leur information sur la valorisation de la société. Ainsi, lors de la cession de sa participation majoritaire par un appel d’offres public, il profite de cette information supplémentaire pour s’accaparer une partie 44 plus importante de l’excédent de valeur que les candidats au rachat attribuent aux SCA . L’État fait de surcroît l’économie d’une négociation et peut alors sélectionner l’acquéreur le mieux disant, c’est-àdire celui ayant accepté d’abaisser au plus bas son taux de rentabilité prévisionnel. III.2.1. Valorisation des SCA au moment de leur introduction en bourse La cession de la participation de l’État dans les SCA a débuté avec l’introduction en bourse d’ASF, qui s’est déroulée le 28 mars 2002 par la mise en vente de 49.4% du capital à un prix de l’action de 24€. Plus de deux années plus tard, dans un contexte politique marqué par les changements gouvernementaux consécutifs aux élections présidentielles de 2002, APRR et SANEF suivaient la voie ouverte par ASF : l’ouverture du capital d’APRR fut annoncée le 29 juillet 2004 et l’introduction en Bourse se déroula le 25 novembre 2004 par la mise en vente de 29.8% de con capital à un prix de l’action de 40.5€. L’introduction en bourse de la SANEF eut lieu le 24 mars 2005 par la mise en vente de 24.3% du capital à un prix de l’action de 40€. L’objet de cette sous-partie est d’analyser les valorisations effectuées par les différents opérateurs de marché à l’époque, et de les positionner par rapport aux prix d’introduction en bourse. III.2.1.1. Valorisations issues des bases de données d’Associés en Finance L’intégration des SCA au modèle TRIVAL permet une valorisation indépendante et régulière du prix d’équilibre de l’action de chacune des SCA : l’actualisation des flux générés pour l’actionnaire au coût des fonds propres (cf. partie III.1) permet de déterminer le prix d’équilibre de l’action. Les résultats font l’objet d’une publication mensuelle. Le prix d’équilibre est réévalué quotidiennement afin de prendre en compte l’évolution des marchés financiers et les potentielles modifications de la valorisation par l’analyste en charge du suivi des valeurs. Les premières valorisations de fin de mois des SCA dans le modèle TRIVAL suite à leurs introductions en bourse sont récapitulées dans le Tableau 22. Tableau 22 Valorisation des SCA dans TRIVAL au moment de leur introduction en bourse SCA Date d'introduction en bourse Cours d'introduction en bourse Première publication dans le Plan de Marché Cours coté Progression du cours depuis l'introduction Prix d'équilibre TRIVAL Potentiel de progression dans TRIVAL 44 ASF APRR SANEF 28 mars 2002 25 novembre 2004 24 mars 2005 24.00 € 40.50 € 40.00 € 31 juillet 2002 30 novembre 2004 31 mars 2005 25.80 € 43.00 € 39.40 € 8% 6% -2% 23.62 € 42.37 € 35.40 € -8% -1% -10% Zingales, 1995, Insider ownership and the decision to go public, Review of Economic Studies 69 A la fin du mois ayant suivi leur intégration dans le modèle TRIVAL, la valorisation d’équilibre des trois SCA était inférieure au cours coté. Cette valorisation était également en deçà du cours d’introduction en bourse pour ASF et SANEF. Seule APRR affichait un prix d’équilibre supérieur à son cours d’introduction. L’évolution du cours de l’action et du prix d’équilibre des différentes SCA entre leur intégration à TRIVAL et la fin du mois de juin 2005 est disponible en Annexe 6. L’introduction en bourse des SCA permet de juger de l’appétence des investisseurs pour leurs perspectives de rentabilité, au regard de la perception de leur risque (cf. partie II.1). La fixation du prix résulte d’un équilibre visant à maximiser le montant obtenu par l’État, actionnaire de la société avant l’introduction, ou la SCA émettant de nouveaux titres, tout en garantissant le placement des titres proposés à la vente et tout en préservant la flexibilité et la stratégie financière de l’entreprise. De plus, les sociétés nouvellement cotées espèrent afficher une performance boursière légèrement positive lors de leur première journée de cotation, afin de débuter leur vie boursière par une bonne image auprès des investisseurs. Si une société est introduite à un cours trop faible par rapport à ses perspectives de rentabilité/risque, les investisseurs vont alors tous souhaiter acheter le titre, entraînant une forte hausse du cours. Ce mouvement perdurera jusqu’à ce que le cours se rapproche du prix d’équilibre de l’action. Symétriquement, si une société est introduite à un cours trop élevé, les investisseurs ne s’intéresseront pas au titre ou souhaiteront le vendre, entraînant une forte baisse du cours, qui perdurera jusqu’à ce que ce dernier se rapproche du prix d’équilibre de l’action. Ainsi, l’évolution du cours suite à l’introduction en bourse permet de juger du prix préalablement fixé. Dans ce cas d’espèce, le Tableau 22 permet de constater que la hausse du cours des SCA entre leur introduction en bourse et leur intégration au modèle TRIVAL a été modérée (respectivement +8% et +6% pour ASF et APRR) ou négative (-2% pour SANEF). L’État et les SCA sont donc parvenus à placer les titres sur le marché sans que le cours des actions ne connaisse de variation significative post-introduction. L’équilibre exposé ci-dessus permet donc d’affirmer que les prix d’introduction en bourse ont été correctement fixés, au regard des perspectives de risque/rentabilité des SCA et des conditions de marché de l’époque (cf. partie III.1). Les prix d’équilibre dans TRIVAL confirme cette observation et permettent même de souligner qu’Associés en Finance considérait alors les cours de bourse et d’introduction d’ASF et de SANEF comme légèrement surévalués par rapport à leurs perspectives de risque/rentabilité. III.2.1.2. Valorisations issues de la base de données Thomson Reuters pour un échantillon de brokers Les objectifs de valorisation publiés par les brokers dans les quelques temps ayant suivi les introductions en bourse des SCA, également établies grâce à des modèles de valorisation par actualisation des flux de trésorerie, permettent aussi de juger des prix d’introduction en bourse. Suite à l’introduction en bourse d’ASF, les valorisations des bureaux d’étude ayant initié un suivi de la valeur sont détaillées dans le Tableau 23. 70 Tableau 23 Valorisation d’ASF par les brokers en 2002 Date de publication 17 mai 2002 10 juillet 2002 25 juillet 2002 29 juillet 2002 19 août 2002 11 septembre 2002 4 octobre 2002 4 octobre 2002 4 octobre 2002 4 octobre 2002 4 octobre 2002 9 octobre 2002 10 octobre 2002 15 octobre 2002 16 octobre 2002 Bureau d'étude HSBC Morgan Stanley Société Générale HSBC UBS BNP Paribas UBS ING ABN Amro Société Générale BNP Paribas HSBC CDC Ixis BNP Paribas Crédit Lyonnais Cours Objectif Potentiel 27.30 € 26.60 € 24.12 € 24.55 € 25.94 € 26.53 € 24.63 € 24.63 € 24.63 € 24.63 € 24.63 € 23.66 € 22.56 € 23.94 € 23.94 € 27.00 € 28.30 € 27.80 € 27.00 € 27.00 € 27.50 € 27.00 € 30.00 € 27.12 € 27.90 € 27.90 € 27.00 € 28.00 € 27.50 € 27.40 € -1.1% 6.4% 15.3% 10.0% 4.1% 3.7% 9.6% 21.8% 10.1% 13.3% 13.3% 14.1% 24.1% 14.9% 14.5% A l’exception d’ING, l’ensemble des brokers s’accordaient alors sur une valorisation d’ASF comprise entre 27€ et 28€ par action. Celle-ci était ainsi légèrement supérieure au cours coté (entre +4% et +24% en fonction de la période), au cours d’introduction (24€) et au cours d’équilibre dans TRIVAL au moment de la première publication d’ASF dans le Plan de Marché (23.62€). Associés en Finance a par la suite revu sa modélisation à la hausse suite aux différentes publications du groupe, et le cours d’équilibre était de 27.72€ au 31 octobre 2002 (cf. Annexe 6). Le Tableau 24 récapitule les valorisations effectuées par les brokers suite à l’initiation de leur couverture d’APRR. Tableau 24 Valorisation d’APRR par les brokers début 2005 Date de publication 10 janvier 2005 13 janvier 2005 27 janvier 2005 27 janvier 2005 7 février 2005 29 mars 2005 29 mars 2005 Bureau d'étude Société Générale Lehman Brothers Crédit Suisse Natexis ING Crédit Suisse Société Générale Cours Objectif Potentiel 44.40 € 45.00 € 46.10 € 46.99 € 46.32 € 43.34 € 43.34 € 51.00 € 48.00 € 50.60 € 47.00 € 51.40 € 49.50 € 51.00 € 14.9% 6.7% 9.8% 0.0% 11.0% 14.2% 17.7% La valorisation d’APRR par les brokers lors des trois premiers mois de l’année 2005 est comprise entre 47€ et 51.4€, supérieure au cours de bourse, au cours d’introduction (40.5€) et au cours d’équilibre dans TRIVAL de 42.37€ à la fin du mois de novembre 2004. Cependant, les marchés financiers avaient assez fortement progressé entre la fin du mois de novembre, première publication d’APRR dans le Plan de Marché, et le début de l’année 2015 (cf. Annexe 6). L’indice CAC 40, qui s’établissait à 3753 points fin novembre 2004, dépassait 4068 points à la fin du premier trimestre 2005 et le cours d’équilibre dans TRIVAL d’APRR atteignait alors 47.5€. La progression du cours d’APRR depuis son introduction en bourse reflétait l’évolution des marchés actions. 71 Le Tableau 25 récapitule les valorisations effectuées par les brokers suite à l’initiation de leur couverture de SANEF : Tableau 25 Valorisation de SANEF par les brokers suite à son introduction en bourse Date de publication 10 mai 2005 20 mai 2005 26 mai 2005 Bureau d'étude Société Générale ING UBS Cours Objectif Potentiel 38.60 € 40.40 € 40.25 € 48.00 € 49.70 € 48.00 € 24.4% 23.0% 19.3% Concernant SANEF, la valorisation d’Associés en Finance suite à son introduction en bourse demeurait largement inférieure à celle des brokers, avec un prix d’équilibre de 39.19€ proche du cours de bourse à la fin du mois de mai 2015, contre un potentiel de hausse compris entre +19% et +24% chez les brokers. Suite aux introductions en bourse des SCA, les objectifs de cours publiés par les brokers étaient régulièrement supérieurs au cours de bourse. III.2.2. Valorisation des SCA au moment de la poursuite de la cession du capital des SCA Dans son discours de politique générale du 8 juin 2005, le Premier Ministre Dominique de Villepin a annoncé sa décision de poursuivre la cession par l’État de ses participations dans les SCA. Cette déclaration a constitué le point de départ du processus de privatisation totale des SCA, les acteurs de marché anticipant alors la mise en vente prochaine de la participation majoritaire détenue par l’État dans chacune des SCA. A cette date, l’État détenait encore 50.6% du capital d’ASF, 70.2% du capital d’APRR et 75.7% du capital de SANEF. III.2.2.1. Valorisations issues des bases de données d’Associés en Finance Au 7 juin 2005, alors que les cours des SCA n’étaient pas encore impactés par l’annonce du Premier Ministre, les valorisations des SCA dans le modèle TRIVAL sont détaillées dans le Tableau 26. Tableau 26 Valorisation des trois SCA suite aux annonces de juin 2005 SCA Cours coté Prix d'équilibre TRIVAL Potentiel ASF 43.57 € 43.60 € 0% APRR 44.46 € 49.19 € 11% SANEF 41.60 € 39.40 € -5% ASF était alors considérée dans le modèle TRIVAL comme parfaitement à l’équilibre, APRR était sous-évaluée et SANEF légèrement surévaluée. Par la suite, au fur et à mesure des spéculations sur la valeur de privatisation des SCA, les cours de bourse des trois sociétés vont progresser de manière assez significative. 72 III.2.2.2. Valorisations issues de la base de données Thomson Reuters pour un échantillon de brokers Les différents bureaux d’études réalisant un suivi régulier des SCA publiaient alors les valorisations détaillées dans les Tableaux 27, 28 et 29. Tableau 27 Valorisation d’ASF par les brokers suite aux annonces de juin 2005 Date de publication 14 juin 2005 30 juin 2005 4 juillet 2005 21 juillet 2005 21 juillet 2005 27 juillet 2005 Bureau d'étude Société Générale Natexis Morgan Stanley Société Générale UBS Morgan Stanley Cours Objectif Potentiel 44.70 € 46.88 € 47.30 € 48.10 € 48.10 € 48.75 € 42.00 € 52.00 € 49.20 € 42.00 € 42.80 € 49.20 € -6.0% 10.9% 4.0% -12.7% -11.0% 0.9% Tableau 28 Valorisation d’APRR par les brokers suite aux annonces de juin 2005 Date de publication 20 juillet 2005 22 juillet 2005 Bureau d'étude Société Générale ING Cours Objectif Potentiel 51.80 € 49.82 € 51.00 € 50.40 € -1.5% 1.2% Tableau 29 Valorisation de SANEF par les brokers suite aux annonces de juin 2005 Date de publication 8 juin 2005 20 juillet 2005 Bureau d'étude UBS Société Générale Cours Objectif Potentiel 51.62 € 48.40 € 48.00 € 48.00 € -7.0% -0.8% En juillet 2005, le potentiel de hausse de cours des SCA chez les brokers s’était assez significativement réduit par rapport à la période de leur introduction en bourse. ASF était alors valorisée entre 42€ et 52€ par action, pour un cours de bourse oscillant aux environs de 47/48€. Le potentiel de hausse d’APRR était considéré comme quasi-nul et les deux brokers publiant une valorisation de SANEF affichaient un objectif de cours inférieur au cours coté, alors que son potentiel de hausse était considéré comme très important à son introduction et que les conditions de marché s’étaient depuis significativement améliorées. III.2.2.3. Valorisations issues des travaux de la Commission des Participations et des Transferts Le 21 juillet 2005, le Ministre de l’Economie et des Finances a saisi la Commission des Participations et des Transferts en vue d’autoriser la cession de la participation majoritaire détenue par l’État dans 73 les trois SCA. A cette date, le cours de bourse des trois sociétés avait déjà fortement augmenté par rapport à la veille de l’annonce de la privatisation totale, les actionnaires minoritaires anticipant une prime sur le rachat de leurs actions. La Commission avait la charge de déterminer la valeur minimale de chacune des SCA, et choisit de se baser sur une valorisation multicritères effectuée par des experts indépendants. Elle a alors considéré que les méthodes auxquelles doit être accordée la pondération la plus importante sont l’actualisation des flux de trésorerie, l’actualisation des dividendes et l’analyse des cours de bourse. Les deux premières méthodes intègrent bien la capacité bénéficiaire de l’entreprise et ses perspectives d’avenir pour une société dont les contrats de concession ont un terme connu. S’agissant des cours de bourse, la Commission a estimé qu’il convenait de considérer principalement ceux précédant l’annonce de la privatisation, le 8 juin 2005 et d’y ajouter une prime significative, conformant aux usages, l’État transférant aux acquéreurs le contrôle intégral de la société. Sur ces bases, la Commission a estimé que : - la valeur de la société ASF ne saurait être inférieure à 47€ par action ; la valeur de la société APRR ne saurait être inférieure à 51€ par action ; la valeur de la société SANEF ne saurait être inférieure à 47€ par action. Les valorisations minimales de la Commission sont alors assez proches des estimations des brokers et intègrent une prime par rapport au dernier cours coté avant l’annonce et par rapport à la valorisation d’équilibre d’Associés en Finance. Avant que le choix des acquéreurs ait été effectué par l’État, les valorisations des différents participants de marché étaient assez concordantes, et aucun n’estimait alors la valorisation des SCA comme étant significativement supérieure au prix de rachats définitifs (cf. partie III.3.1). De plus, le timing de l’opération s’est avéré plutôt réussi, l’aversion au risque des participants de marché étant alors à un niveau historiquement bas (cf. partie III.1.4), permettant à l’État de se voir proposer des prix élevés par les potentiels acquéreurs. La partie III.3 est consacrée au déroulement de la procédure d’appel d’offres et vise à expliciter la formation des prix proposés par les acquéreurs pour la participation majoritaire détenue par l’État dans les SCA. Lors d’une introduction en bourse, la fixation du prix résulte d’un équilibre visant à maximiser le montant obtenu par le cédant, tout en garantissant le placement des titres proposés à la vente, et tout en préservant la flexibilité et la stratégie financière de l’entreprise. Compte tenu des perspectives futures de risque/rentabilité des SCA, les prix d’introduction en bourse ont été correctement fixés. Avant le lancement de l’appel d’offres, les valorisations d’Associés en Finance, de l’État et des brokers étaient concordantes. III.3. III.4. Processus de valorisation par les participants à l’appel d’offres III.4.1. Modalités de la procédure d’appel d’offres La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est déroulée à l’issue d’un appel d’offres public, après l’obtention de l’autorisation de la Commission des Participations et des 74 Transferts. Le 7 novembre 2005, à l’issue de la première partie de la procédure, 9 offres fermes avaient été retenues parmi les 18 candidats qui avaient manifesté leur intérêt. III.3.1.1. Cession de la participation de 50.6% de l’État au capital d’ASF La participation majoritaire détenue par l’État dans ASF n’avait fait l’objet que d’une offre émanant de Vinci. Le groupe était dans une situation particulière puisqu’il détenait déjà 23% du capital, assortis d’un pacte d’actionnaires avec l’État et d’accords de coopération avec ASF. De plus, parmi les potentiels acquéreurs, seul Vinci était capable d’absorber une entité financière de la taille d’ASF (valeur d’entreprise supérieure à 18 milliards au 7 juin 2005). Sa proposition d’un prix de 50€ par action, porté à 51€ une fois finalisée juridiquement l’attribution à ASF de la concession de la section Lyon-Balbigny de l’autoroute A 89, a été acceptée. III.3.1.2. Cession de la participation de 70.2% de l’État au capital d’APRR Quatre offres ont été déposées pour la participation majoritaire détenue par l’État dans APRR : - Une offre d’Abertis ; Une offre déposée par Autostrade au nom d’un consortium constitué avec la Caisse des dépôts et consignations, la CNP, AGF, Predica et AXA ; Une offre déposée par Cintra, au nom d’un consortium constitué par Boréalis, Teachers et la Caja de Madrid ; Une offre déposée par Eiffage au nom d’un consortium constitué avec Macquarie. L’État a retenu l’offre remise par Eiffage, qui proposait un prix de 61€ par action. III.3.1.3. Cession de la participation de 75.7% de l’État au capital de SANEF Quatre offres ont été déposées portant sur la participation majoritaire détenue par l’État dans SANEF : - Une offre déposée par Abertis au nom d’un consortium constitué avec AXA, la Caisse des dépôts et consignations, la CNP, Predica et la FFP ; Une offre déposée par Cintra au nom d’un consortium constitué par Boréalis, Teachers et la Caja de Madrid ; Une offre déposée par Eiffage au nom d’un consortium constitué avec Macquarie ; Une offre déposée par le groupe Sacyr/Itinere au nom d’un consortium constitué avec le Groupe industriel Marcel Dassault, Sogécap et Generali France. L’État a retenu l’offre remise par Abertis, qui proposait un prix de 58€ par action. III.4.2. Valorisation indicative des SCA du point de vue des acquéreurs Les concurrents se positionnent pour le contrôle d’une ou plusieurs des SCA, compte tenu des mêmes éléments d’évaluation de son risque et de ses perspectives de flux. Il n’existe qu’une valorisation intrinsèque de la société, mais l’offre qui finit par l’emporter provient du candidat ayant accepté d’abaisser au plus bas son taux de rentabilité prévisionnel. Les acquéreurs choisis pour avoir proposé le prix le plus haut sont donc ceux qui ont accepté de prendre le risque le plus important, en investissant davantage dans l’opération, et en acceptant le taux de rentabilité le plus bas. 75 L’objectif de cette partie est de valoriser les SCA en se plaçant du point de vue de leurs acquéreurs, au moment du processus d’appel d’offres. Pour ce faire, la méthode d’actualisation des flux de trésorerie, unanimement reconnue pour la valorisation des SCA, est utilisée. Dans la section précédente, ont été expliqués les mécanismes de détermination des paramètres de risque et de liquidité dans TRIVAL, permettant de calculer le coût du capital et le coût des fonds propres servant de taux d’actualisation des flux de trésorerie. L’utilisation du coût des ressources de financement des SCA est privilégiée dans le cadre d’une valorisation ex nihilo, mais n’est pas toujours adéquate lors d’un appel d’offres tel qu’initié par l’État. En effet, dans ces processus d’enchères, le prix d’un actif s’ajuste sur le coût du capital marginal de l’investisseur le mieux disant et dont la surface financière lui permet de proposer une offre d’achat. La valeur intrinsèque est calculée en fonction du risque de la cible, mais le prix proposé est fonction du coût du capital de l’acheteur. La participation majoritaire détenue par l’État était officiellement en vente, un prix minimal avait été déterminé par la Commission des Participations et des Transferts (cf. partie III.2.2), et il convenait alors de recueillir les offres des potentiels acquéreurs. La valorisation des SCA de leur point de vue nécessite l’estimation de leur coût des fonds propres avant et après l’acquisition des SCA, ainsi que des hypothèses de détermination des flux qui pouvaient être retenues à l’époque. Les valorisations indicatives obtenues sont ensuite comparées aux autres éléments de valorisation des SCA à l’époque (cf. partie III.2.2). III.3.2.1. Risque et coût des ressources de financement des acquéreurs avant l’acquisition des SCA Au 7 juin 2005, les paramètres de risque opérationnel et financier de Vinci, Eiffage et Abertis sont détaillés dans le Tableau 30 Tableau 30 Risque opérationnels et financiers de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 7 juin 2005 Risque de prévision Beta sectoriel Coefficient de risque économique relatif Risque financier Coefficient de risque relatif Vinci 2 0.83 0.79 2 0.74 Eiffage 2 0.81 0.78 3 0.80 Abertis 2 0.83 0.79 2 0.74 A cette date, le risque d’Eiffage est aperçu comme légèrement supérieur à celui de Vinci et d’Abertis, notamment du fait d’une note de risque financier supérieure. Avec des coefficients de risque relatif compris entre 0.74 et 0.80, les trois sociétés étaient de risque légèrement inférieur à la moyenne de l’échantillon (minimum Electrabel avec un coefficient de risque relatif de 0.46, maximum Fiat avec 1.90), mais leur risque était supérieur à celui des SCA. Au 7 juin 2005, les paramètres de risque de taille et d’illiquidité des trois acquéreurs sont détaillés dans le Tableau 31. Tableau 31 Risque de taille et d’illiquidité de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 7 juin 2005 Vinci Valeur Coefficient de d'entreprise (M€) taille relatif 13 943 0.86 Coefficient d'illiquidité relatif 0.84 Eiffage 4 048 1.00 0.98 Abertis 13 675 0.87 0.91 76 Les coefficients de taille relatifs des acquéreurs étaient inférieurs à la moyenne de l’échantillon pour Vinci et Abertis, et dans la moyenne pour Eiffage. Les valeurs d’entreprise d’ASF et APRR était alors respectivement supérieures à celles de Vinci et Eiffage. Symétriquement, la liquidité de Vinci et Abertis était légèrement supérieure à celle d’Eiffage. En appliquant les coefficients de risque relatifs et d’illiquidité relatifs des trois acquéreurs aux primes de marché présentées en Figure 18, on obtient le calcul du coût des fonds propres détaillé dans le Tableau 32. Tableau 32 Coût des fonds propres de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 7 juin 2005 Coefficient de risque relatif Prime de risque Vinci 0.74 5.61% Coefficient d'illiquidité relatif 0.84 Eiffage 0.80 5.61% 0.98 Abertis 0.74 5.61% 0.91 Prime d'illiquidité Ordonnée à l'origine Coût des fonds propres 0.59% 2.76% 7.40% 0.59% 2.76% 7.84% 0.59% 2.76% 7.44% Les rentabilités attendues par les actionnaires des acquéreurs au 7 juin 2005 étaient respectivement de 7.40% pour Vinci (6.69% pour ASF), 7.84% pour Eiffage (6.73% pour APRR) et 7.44% pour Abertis (6.75% pour SANEF). Elles doivent être comparées à la rentabilité attendue des marchés actions, qui était de 8.96% et font figurer les acquéreurs parmi les sociétés cotées peu risquées (le coût des fonds propres d’Electrabel société la moins risquée de l’échantillon, était de 5.84%, celui de Fiat, alors société la plus risquée de 14%). III.3.2.2. Impact de l’acquisition des SCA sur le risque et coût des ressources de financement des acquéreurs Les SCA étant de taille significative, leur acquisition a eu un impact sur la perception du risque des acquéreurs, et donc sur le coût du capital et le coût des fonds propres. Suite à l’annonce du choix des acquéreurs, mi-décembre 2005 par l’État, les paramètres de valorisation des trois acquéreurs ont été modifiés dans le modèle TRIVAL (en décembre 2005 pour Abertis et Eiffage et début janvier 2006 pour Vinci) afin de tenir compte de ces nouvelles acquisitions, comme détaillé dans le Tableau 33. Tableau 33 Risques opérationnels et financiers de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 30 décembre 2005 (prise en compte des modifications apportées à Vinci début janvier 2006) Risque de prévision Beta sectoriel Coefficient de risque économique relatif Risque financier Coefficient de risque relatif Vinci 2 0.81 0.80 3 0.81 Eiffage 2 0.91 0.81 4 1.04 Abertis 1 0.81 0.56 2 0.45 A fin décembre 2005, la perception dans TRIVAL du risque des acquéreurs avait été modifiée. D’un point de vue opérationnel, le risque de prévision de Vinci et Eiffage est resté stable, alors que celui d’Abertis a été abaissé à 1 pour tenir compte de sa plus grande diversification géographique et du rallongement de la durée de vie moyenne de ses concessions. Abertis restait alors un acteur de 77 « pure concession », alors que le risque de prévision de Vinci et Eiffage prenait en compte l’activité de BTP. D’un point de vue financier, l’acquisition d’ASF et d’APRR respectivement par Vinci et Eiffage a augmenté la perception de leur risque financier. Celui-ci est passé de 2 à 3 pour Vinci et de 3 à 4 pour Eiffage (toujours sur une échelle de 1 à 5). Les SCA étaient déjà fortement endettées et le financement de leur acquisition a nécessité la levée de dettes supplémentaires pour les acquéreurs. Le schéma de financement de la part du capital mis en vente par l’État, ainsi que des actions détenues par le public est détaillé en Annexe 8. La valorisation des SCA est réalisée au 30 décembre 2005, afin d’intégrer l’impact de l’acquisition sur le profil de risque des acquéreurs et l’évolution des primes de marché. A cette date, en appliquant les coefficients de risque relatifs et d’illiquidité relatifs des trois acquéreurs aux primes de marché présentées en Figure 21, on obtient le calcul du coût des fonds propres détaillé dans le Tableau 34. Tableau 34 Coût des fonds propres de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 30 décembre 2005 Coefficient de risque relatif Prime de risque Coefficient d'illiquidité relatif Vinci 0.81 5.00% 0.83 0.75% 2.66% 7.33% Eiffage 1.04 5.00% 0.95 0.75% 2.66% 8.58% Abertis 0.45 5.00% 0.89 0.75% 2.66% 5.59% Prime Ordonnée à Coût des fonds d'illiquidité l'origine propres Le niveau du coût des fonds propres de Vinci est légèrement inférieur à celui constaté le 7 juin 2005, l’effet de la hausse de son risque relatif ayant été neutralisé par la baisse de l’espérance de rentabilité du marché entre juin et décembre 2005, passée de 8.96% à 8.41%. Le niveau du coût des fonds propres d’Eiffage est supérieur suite à la hausse de son risque financier. Et enfin, le coût des fonds propres d’Abertis est significativement inférieur à celui de fin juin, suite à la baisse de son risque de prévision et à la baisse de l’exigence de rentabilité du marché sur la période. III.3.2.3. Valorisation indicative des SCA du point de vue des acquéreurs La valorisation des SCA du point de vue des acquéreurs au 30 décembre 2005 est réalisée selon la méthode DCF to Equity (cf. partie II.2.1 pour la définition de la méthode), qui nécessite l’estimation des flux de trésorerie disponibles pour l’actionnaire. Les paramètres et hypothèses de valorisation utilisés sont les suivants : - 45 Prise en compte de la survaleur (ou goodwill) : au moment du lancement de la procédure d’appel d’offres par la Commission des participations et des transferts, les acquéreurs potentiels disposent des comptes annuels des SCA sur l’année 2004 et de la valorisation boursière de la société. Les acquéreurs souhaitant détenir l’intégralité du capital des SCA, 45 leur valorisation tient compte de la survaleur constatée au moment de l’acquisition. Celle-ci est ensuite amortie sur la durée de la concession, mais son amortissement n’est pas déductible du calcul des impôts. Différence entre la valeur de marché de la SCA et sa valeur comptable 78 - Prise en compte de la dette d’acquisition : afin de considérer le montage financier dans son ensemble, les SCA sont valorisées en intégrant la dette d’acquisition, qui doit être remboursée et rémunérée par les flux générés par l’exploitation des autoroutes. L’intégralité de la dette est ensuite amortie sur la durée de la concession, selon un schéma de remboursement conforme à celui envisagé à l’époque. - Durée de vie des concessions : la durée de vie des concessions utilisée correspond à celle restante au 30 décembre 2005, soient 29 ans pour ASF, 28 ans pour APRR et 25 ans pour SANEF. - Croissance du chiffre d’affaires : le périmètre de concession d’ASF, APRR et SANEF est considéré comme constant. Aucun investissement compensé supplémentaire n’est intégré dans le plan d’affaires. Ainsi, la croissance du chiffre d’affaires est impactée par l’évolution des tarifs, selon une formule assise sur l’inflation, et la croissance du trafic à kilomètres constants. - Coût de la dette : les refinancements en cours de concession étant inévitables, le coût de la dette utilisé correspond au taux moyen à long-terme d’époque pour des sociétés de risque financier comparable à celui des SCA. Compte tenu des paramètres définis ci-dessus et en actualisant les flux de trésorerie pour l’actionnaire au coût des fonds propres des acquéreurs, la valorisation indicative des fonds propres des SCA obtenue du point de vue des acquéreurs est indiquée dans le Tableau 35. Tableau 35 Valorisation indicative des fonds propres des SCA du point de vue des acquéreurs Coût des fonds propres de l'acquéreur Valeur par action ASF 7.33% 48.5 € APRR 8.58% 55.2 € SANEF 5.59% 56.3 € Le Tableau 36 résume les différents niveaux de valorisation des trois SCA obtenus par différentes sources. Tableau 36 Primes implicites par rapport à la valeur minimale fixée par la commission Valeur minimale Valorisation du Niveau des Prime par Prime par fixée par la point de vue rapport au prix offres retenues rapport au prix fixé par l'Etat Commission des acquéreurs fixé par l'Etat par l'Etat ASF 47.0 € 48.5 € 3% 51.0 € 9% APRR 51.0 € SANEF 47.0 € 55.2 € 8% 61.0 € 20% 56.3 € 20% 58.0 € 23% Les valeurs minimales fixées par la Commission des Participations et des Transferts pour chacune des SCA se basent sur une valorisation multicritères effectuée par des experts indépendants et 46 extériorisent une prime définie comme « significative et conforme aux usages » par rapport aux cours de bourse des SCA avant l’annonce du 8 juin 2005. Par rapport aux cours de clôture du 7 juin 46 Méthodologie détaillée dans le Journal Officiel de la République Française, 31 janvier 2006, Avis de la Commission des participations et des transferts 79 2005, ces valeurs minimales intègrent déjà des primes de 8% pour ASF, 16% pour APRR et 15% pour SANEF. Au 31 décembre 2005, les valorisations des SCA du point de vue des acquéreurs sont supérieures à ces valeurs minimales de 3% pour ASF, 8% pour APRR et 20% pour SANEF. A l’issue du processus d’appel d’offre, les offres retenues par l’État extériorisent des primes légèrement supérieures (respectivement 9%, 20% et 23% pour ASF, APRR et SANEF). Le niveau des offres retenues est supérieur à la valorisation d’Associés en Finance du point de vue des acquéreurs. La valorisation d’ASF du point de vue de Vinci et l’offre de Vinci retenue par l’État extériorisent des primes inférieures à celles affichées pour les deux autres SCA. Cependant, il convient de rappeler qu’ASF avait été la première des trois SCA à être introduite en bourse : la valorisation boursière de la société avait ainsi bénéficié de l’information et de l’appétence de nombreux investisseurs pendant plus 47 de deux ans et demi, contre environ un an pour APRR et seulement quelques mois pour SANEF . La valorisation boursière de la société, et donc de la participation majoritaire détenue par l’État, avait ainsi d’ores et déjà profité d’une partie du transfert des effets de productivité et de gouvernance, expliquant le niveau de prime plus faible au moment de sa cession suite à la procédure d’appel d’offres. III.3.2.4. Valorisations issues de la base de données Thomson Reuters pour un échantillon de brokers Au cours des derniers mois précédant l’annonce officielle du niveau des offres retenues, les bureaux d’études réalisant un suivi régulier des SCA mettent à jour leurs valorisations, tel que détaillé dans la Figure 23. Figure 23 Valorisation d’ASF par les brokers les mois précédant les résultats de l’appel d’offres 54 € Objectif de cours 52 € Prix offert par Vinci : 51 euros 50 € Moyenne des cours cibles des analystes : 48,5 euros 48 € 46 € 44 € 42 € 40 € ING 24/08/05 MS 12/10/05 SG 13/10/05 Natexis 13/10/05 UBS 13/10/05 DB 2/12/05 Suite au lancement du processus d’appel d’offres, les objectifs de cours de l’échantillon de brokers analysé avaient progressivement augmenté, reflétant l’attrait spéculatif lié à la privatisation (moyenne 47 De plus, la montée progressive de Vinci au capital d’ASF, qui s’était soldée par la mise en place d’un pacte d’actionnaires avec l’État stabilisant sa participation au capital d’ASF à 23% en novembre 2004, avait occasionné un courant acheteur sur l’action ASF profitant à son cours de bourse, ainsi que l’entrée à son conseil d’administration du PDG de Vinci. Un accord de coopération industrielle avait également été signé entre Vinci et ASF à la fin du mois de juin 2004. 80 des cours cibles de 46.2€ entre l’annonce de la privatisation et fin juillet 2005 et 48.5€ entre août et début décembre 2005). Les analystes pour la plupart ajoutaient à leur valorisation par DCF une prime de contrôle. Cependant, le prix offert par Vinci et retenu à l’issue de l’appel d’offres restait supérieur à la plupart des objectifs de cours des analystes post-annonce, comme le montre la Figure 24. Figure 24 Valorisation d’APRR par les brokers les mois précédant les résultats de l’appel d’offres 65 € Prix offert par Eiffage : 61 euros Objectif de cours 60 € 55 € Moyenne des cours cibles des analystes : 52,8 euros 50 € 45 € 40 € ING 24/08/05 MS 12/10/05 SG 13/10/05 Fortis 13/10/05 Le prix offert par Eiffage et retenu à l’issue de l’appel d’offres était nettement supérieur à la moyenne des cours cibles des analystes (52.8€ entre août 2005 et mi-décembre 2005), mais aussi à l’ensemble des valorisations de l’échantillon (cf. Figure 25). Figure 25 Valorisation de SANEF par les brokers les mois précédant les résultats de l’appel d’offres 60 € 58 € Prix offert par Abertis : 58 euros Objectif de cours 56 € 54 € 52 € Moyenne des cours cibles des analystes : 50,3 euros 50 € 48 € 46 € 44 € 42 € 40 € ING 24/08/05 MS 18/10/05 Natexis 18/10/05 SG 19/10/05 UBS 08/11/05 DB 2/12/05 81 La moyenne des cours cibles des différents bureaux d’étude entre août 2005 et décembre 2005 était de 50.3€. Mi-octobre 2005, au moment de la publication des comptes sur les 9 premiers mois, les estimations de cours cibles des analystes s’échelonnaient de 42.8€ pour Morgan Stanley à 51€ pour Natexis, pour un cours de référence de 49.7€. Début décembre, le cours cible estimé par la Deutsche Bank était de 57€ pour un cours ayant atteint 56.25€. Le prix offert par Abertis et retenu à l’issue de l’appel d’offres restait supérieur aux différents cours cibles des brokers, malgré la forte progression du cours de l’action entre la fin du mois d’août 2005 et la date d’annonce des acquéreurs. La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est produite dans de parfaites conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public. Les offres retenues extériorisent des primes significatives par rapport au cours de clôture des actions des SCA à la veille de l’annonce de la cession, mais aussi par rapport à l’ensemble des valorisations réalisées à cette date, qu’elles proviennent des base de données d’Associés en Finance ou de l’échantillon de brokers considéré. Les valorisations indicatives des SCA réalisées par Associés en Finance du point de vue des acquéreurs permettent de décrire au mieux le processus ayant abouti à la fixation des prix. La reconstitution du modèle permet également de mener un certain nombre de simulations, afin de tester la sensibilité de la valorisation aux différentes hypothèses. Les résultats obtenus sont présentés dans la prochaine sous-partie. 82 III.5. Sensibilité de la valorisation d’une SCA aux différentes hypothèses Comme indiqué dans la partie II.2.2 de ce rapport, l’activité des SCA est particulièrement sensible à l’évolution de différents paramètres, en particulier : - l’évolution des tarifs et du trafic le niveau des taux d’intérêt et les conditions du marché du crédit la durée de vie de la concession S’ils n’affectent pas directement l’activité des SCA, le niveau du coût des fonds propres est aussi indispensable à la valorisation (cf. partie III.1.4). L’étude de la sensibilité de la valorisation d’une SCA aux différents paramètres est menée à partir du modèle utilisé dans la partie III.3.2 en agrégeant les informations des trois SCA afin de former une SCA synthétique, représentative du secteur dans son ensemble. III.5.1. Hypothèses utilisées dans le scenario central La croissance du chiffre d’affaires dépend de l’évolution des tarifs et du trafic. A kilomètres constants, l’évolution du trafic a fortement souffert lors des dernières années. Le scenario central d’analyse de la sensibilité sera élaboré à partir d’un trafic stable. L’évolution des tarifs est redéfinie régulièrement dans les contrats de plan signés entre l’État et chacune des SCA, selon une formule assise sur l’inflation. En moyenne, l’évolution des tarifs comprend 70% de l’inflation, à laquelle s’ajoute, le cas échéant, 10% à 15% de l’inflation et une partie fixe, liées aux investissements compensés prévus par les contrats de plan. Pour le calcul des sensibilités, aucune compensation n’est prise en compte : le scenario central se base sur un périmètre inchangé tout au long de la période d’étude. Alors que la zone euro est confrontée au ralentissement de sa croissance économique et au recul de l’inflation, la banque centrale européenne a mis en place début 2015 un programme d’achat massif de titres sur le marché secondaire, visant à repousser le spectre de la déflation. Dans ces circonstances, les taux d’intérêt des emprunts d’État, mais aussi des obligations corporate, se sont fortement contractés, atteignant des niveaux parfois historiquement faibles. Le scenario central de calcul des sensibilités intègre un coût de la dette à long-terme des SCA à 4%, similaire à celui employé pour des sociétés de risque financier comparable, et un taux d’inflation à long-terme de 1.5%. Un prolongement de la durée de vie de la concession permet de capter des flux de trésorerie supplémentaires, ainsi que d’étaler le remboursement de la dette et l’amortissement des investissements initiaux sur une plus longue période. Inversement, une réduction de la durée de vie de la concession a un impact négatif sur la valorisation de la SCA qui se verrait amputée de flux de trésorerie, et devrait rembourser sa dette et amortir ses investissements sur une échéance plus courte. Fin 2005, les coûts des fonds propres d’ASF, APRR et SANEF dans TRIVAL étaient respectivement de 6.69%, 6.73% et 6.57%. A la date de ce rapport, les trois SCA ont été retirées de la cote et du modèle TRIVAL. Cependant, Abertis et Atlantia présentent des modèles économiques et des profils financiers proches d’une SCA et leurs coûts des fonds propres respectifs sont de 4.75% et 5.33%. La Figure 16 présenté en partie III.1.4 de ce rapport permet d’observer le niveau historiquement bas de la rentabilité attendue des marché actions. Dans ces circonstances, le scénario central de calcul des sensibilités intègre un coût des fonds propres de 5%. Les hypothèses utilisées pour servir de base à l’étude de la sensibilité de SCA sont récapitulées dans le Tableau 37. 83 Tableau 37 Hypothèses retenues pour le scenario central Hypothèses de départ Taux d'inflation 1.5% Croissance en prix 0.7x Inflation Croissance du trafic 0% Taux de la dette 4% Durée de vie de la SCA 28 ans Coût des fonds propres 5% III.5.2. Etude des sensibilités Sur la base du scenario central, le Tableau 38 présente la sensibilité de la valorisation aux différents paramètres, chaque paramètre étant considéré séparément des autres. Tableau 38 Sensibilité de la valeur des fonds propres d’une SCA aux différents paramètres Scenario Variation en -150 bp -100 bp -50 bp +50 bp +100 bp +150 bp central points de base Evolution du trafic -26% -18% -9% 0% 10% 21% 33% Inflation -14% -10% -5% 0% 5% 11% 16% Coût de la dette 6% 4% 2% 0% -2% -4% -6% Coût des fonds propres 17% 11% 5% 0% -5% -9% -13% Variation en années -5 ans -2 ans Scenario central Durée de vie résiduelle -13% -5% 0% +2 ans +5 ans 4% 11% La simulation permet de mesurer l’impact de la prépondérance des coûts fixes sur la valorisation d’une SCA : une baisse du taux de croissance annuel du trafic de -0.5% tout au long de la durée de vie résiduelle de la concession impacterait la valeur des fonds propres de -9%. L’évolution de l’inflation affecte aussi le chiffre d’affaires, du fait des formules d’évolution des tarifs, et se répercute sur la valorisation. Cependant, l’impact d’une baisse/hausse d’une même proportion de -0.5% est d’ampleur moindre, car la part des coûts corrélés à l’inflation est supérieure à la part de ceux corrélés au trafic. Si une baisse du trafic linéaire durant toute la durée de vie de la concession paraît difficilement envisageable, la crise économique récente alerte sur la possibilité d’une baisse du trafic pendant plusieurs années dans un contexte de faible croissance économique. Une simple baisse de -1% du trafic pendant trois années aurait un impact de -4% sur la valeur des fonds propres d’une SCA. Le coût de la dette à long-terme est un paramètre essentiel de la valorisation d’une SCA. En l’occurrence, une baisse du coût de la dette de -150 points de base revaloriserait les fonds propres de 84 +6%, mais ne suffirait même pas à compenser une baisse du taux de croissance annuel du trafic de -0.5%. La perception du risque des SCA par les investisseurs évolue avec la manifestation des différents risques et impacte leur coût des fonds propres. Une hausse de +100 points de base aurait pour conséquence une baisse de -9% de leur valorisation. Le prolongement de la durée de la concession a parfois été accordé par l’État aux SCA afin de compenser des décisions qui leur étaient préjudiciables ou des investissements supplémentaire mis à leur charge. Sur la base de notre scénario central, un prolongement de 2 années a un impact de +4% sur la valorisation d’une SCA et contrebalance un gel des tarifs sur 2 années consécutives. Lors d’un appel d’offres, le prix d’un actif s’ajuste sur le coût du capital de l’investisseur le mieux disant. La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est produite dans de parfaites conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public. Les offres retenues extériorisent des primes significatives par rapport à l’ensemble des valorisations antérieures. La valeur des actions d’une SCA est particulièrement sensible à l’évolution du chiffre d’affaires et au coût de la dette de celle-ci. 85 Annexes Annexe 1 - Chronologie de la privatisation des trois principales SCA Tableau 39 Chronologie de la privatisation d’ASF, APRR et SANEF Date Evénement 28 mars 2001 Annonce par Laurent Fabius d'un plan de relance de l'économie comprenant l'ouverture minoritaire du capital d'ASF 28 mars 2002 Introduction en bourse d'ASF Juillet 2002 Intégration d'ASF au modèle TRIVAL 25 novembre 2004 Introduction en bourse d'APRR Novembre 2004 Intégration d'APRR au modèle TRIVAL 24 mars 2005 Introduction en bourse de SANEF Mars 2005 Intégration de SANEF au modèle TRIVAL 8 juin 2005 Annonce par Dominique de Villepin de la poursuite de la cession par l'Etat de sa participation dans les SCA Août 2005 Lancement de la procédure d'appel d'offres 14 décembre 2005 Annonce des différents repreneurs Mars 2006 Sortie de TRIVAL de SANEF 24 avril 2006 Retrait de la cote de SANEF Mai 2006 Sortie de TRIVAL d'ASF 3 novembre 2006 Retrait de la cote d'ASF Juin 2010 Sortie de TRIVAL d'APRR 18 décembre 2012 Retrait de la cote d'APRR 86 Annexe 2 - Compléments de théorie de financière L’actif économique L’actif économique se compose des immobilisations et du besoin en fonds de roulement (BFR). Les immobilisations correspondent aux actifs durables de l’entreprise, c'est-à-dire n’ayant pas vocation à être consommés ou vendus sur un seul exercice. Elles sont le résultat de l’ensemble des investissements réalisés par l’entreprise. Le besoin en fonds de roulement (ressource en fonds de roulement s’il est négatif) correspond à la différence à financer entre les encaissements et les décaissements de l’entreprise dans le cadre de son exploitation courante. Les flux de trésorerie disponibles Les flux de trésorerie générés par l’actif économique de l’entreprise sont appelés flux de trésorerie disponibles (FTD), ou Free Cash-Flow (FCF) par les anglo-saxons. Ils peuvent être calculés en partant de l’EBE, dernier solde intermédiaire de gestion ne prenant en compte que des éléments encaissables ou décaissables, c'est-à-dire engendrant des flux de trésorerie. L’entreprise étant redevable d’un impôt sur les sociétés (IS) sur l’EBE réalisé, celui-ci est imputé de l’impôt sur les sociétés. Cependant, afin de favoriser l’investissement des entreprises, la fiscalité permet d’intégrer les amortissements au calcul de l’impôt sur les sociétés. Le flux de trésorerie disponible est donc calculé en ajoutant à l’EBE après impôts le gain fiscal sur les amortissements, puis en déduisant l’ensemble des capitaux utilisés au cours de l’exercice, qu’ils soient à court-terme (financement du besoin en BFR) ou à long-terme (investissements nets des désinvestissements). 𝐹𝑇𝐷 = 𝐸𝐵𝐸 ∗ (1 − 𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑑 ′ 𝐼𝑆) + 𝑎𝑚𝑜𝑟𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 ∗ 𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑑′𝐼𝑆 − ∆𝐵𝐹𝑅 − 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑛𝑒𝑡𝑠 Le taux de rentabilité actuariel d’une concession Une concession génère des flux de trésorerie sur une durée de vie finie. Pendant la période de construction et de mise en service de l’ouvrage, les flux de trésorerie disponibles sont négatifs et doivent être financés par les apporteurs de capitaux. Au fur et à mesure de la mise en service de l’ouvrage, les flux de trésorerie deviennent positifs grâce à l’exploitation de l’ouvrage. A la fin de la durée de concession, l’État récupère gratuitement l’ouvrage, qui ne génère alors plus aucun flux de trésorerie pour les investisseurs. Les flux de trésorerie utilisés sont les FTD présentés plus haut et sont donc hors considération de structure financière. Le taux de rentabilité actuariel (TRIe) d’une concession permet de rendre nulle la somme actualisée de l’ensemble des flux de trésoreries générés par la concession tout au long de sa durée de vie, soit : 𝑛 𝑇𝑅𝐼𝑒 𝑡𝑒𝑙 𝑞𝑢𝑒 ∑ 𝑡=0 𝐹𝑇𝐷𝑡 =0 (1 + 𝑇𝑅𝐼𝑒 )𝑡 La formule est identique pour une concession reprise au cours de sa durée de vie. Le repreneur devra alors seulement décaisser un montant initial important, compensant les investissements réalisés depuis le début de la construction de l’ouvrage. 87 Annexe 3 – Le modèle TRIVAL Le modèle d’évaluation TRIVAL d’Associés en Finance permet de mesurer l’évolution des paramètres d’évaluation des marchés financiers (primes de risque et d’illiquidité, primes de marché, taux d’intérêt, spread emprunteurs). TRIVAL est un modèle d’équilibre des actifs financiers. Les gérants institutionnels l’utilisent pour les aider à la fois dans l’allocation de portefeuille par grandes classes d’actifs (obligations, actions, titres risqués ou peu risqués, titres liquides ou peu liquides, etc.), et dans la sélection de titres individuels. Il est également utilisé par les différents évaluateurs dans le cadre d’opérations de marché ou de rapprochement d’entreprises. La particularité de TRIVAL est de prendre en compte explicitement la liquidité à côté des deux paramètres « classiques » que sont la rentabilité et le risque anticipés. Il constitue une référence en matière de rentabilité attendue sur le marché actions, et corrélativement de primes de marché. L’univers TRIVAL Le modèle permet de faire cohabiter dans un même échantillon près de 500 sociétés : environ 360 sociétés de la zone Euro et environ 140 sociétés hors zone euro (principalement des grandes sociétés nord-américaines ou européennes hors zone euro) de taille très différente, avec des flottants s’étageant de 25 millions € pour le plus faible à 455 milliards € pour le plus élevé (environ 200 milliards € pour le flottant le plus élevé parmi les sociétés de la zone euro). Les paramètres de marché sont calculés à partir du sous-échantillon des valeurs de la zone Euro et mis à jour quotidiennement. La rentabilité anticipée est basée sur le calcul des excédents de trésorerie disponibles pour les actionnaires, à partir de plans de développement élaborés par le bureau d’analyse financière d’Associés en Finance. Cette méthode, utilisée par l’ensemble des évaluateurs, permet d’englober dans la répartition des flux tant les dividendes que les rachats d’actions. Ces excédents de trésorerie sont déterminés par simulation des bilans compte tenu des besoins d’investissement et d’une structure financière normative. Celle-ci est liée à la volatilité de la valeur des actifs financés qui conditionne la plus ou moins grande confiance des prêteurs. Le coût de la dette est composé d’un taux pivot affecté d’un écart de taux conforme à la notation de l’entreprise et du spread constaté sur le marché pour celle-ci. Le modèle de simulation comporte trois périodes. La première vise à passer de la structure actuelle d’endettement à la structure cible, compte tenu de la capacité de croissance interne et externe de l’activité démontrée par la société considérée. La seconde fait converger les variables de rentabilité du groupe considéré vers celles de la moyenne de son secteur d’activité. La troisième période fait converger l’ensemble des secteurs de manière à observer une disparition de la rente économique et d’achever la simulation en calant la valeur finale sur la valeur comptable des fonds propres résiduels. Le modèle prend en compte plus d’une vingtaine de variables par société. Son objectif est avant tout de faire ressortir les écarts sous-jacents de croissance d’activité, de rentabilité et d’utilisation des capitaux permanents entre les sociétés qui sont directement concurrentes, clientes, etc. Il permet ainsi d’afficher une cohérence macroéconomique. Les flux disponibles pour l’investisseur sont calculés après paiement de l’impôt sur les sociétés, des frais financiers et des flux de la dette, remboursements ou nouveaux emprunts. Le taux de rentabilité anticipé ressortant de ce calcul est donc un taux de rentabilité attendu sur les fonds propres exprimés en valeur de marché après impôt sur les sociétés, mais avant imposition de l’actionnaire. 88 De l’actif économique à l’actif financier coté Les simulations microéconomiques sur un portefeuille d’actifs industriels ne correspondent pas toujours à la réalité financière et juridique de l’actif financier coté. Un premier ajustement passe par la prise en compte des intérêts minoritaires, des participations qui ne sont pas consolidées par intégration globale, et des plus et moins-values latentes sur actifs financiers. Un second ajustement passe par la prise en compte au niveau de la « part du groupe » des différents titres (actions ordinaires, actions préférentielles) et l’adoption d’un nombre d’actions normalisé. Le taux de rentabilité anticipé est le taux d’actualisation qui rend la somme de la valeur actuelle des flux prévus et des ajustements liés aux comptes consolidés évoqués dans le paragraphe précédent égale à la capitalisation boursière. C’est donc un taux de rentabilité attendue sur les fonds propres exprimés en valeur de marché après impôts sur les sociétés mais avant imposition de l’actionnaire. Le risque anticipé Une des particularités des modèles développés par Associés en Finance est de se référer non pas à un coefficient bêta calculé ex-post à partir des cours de bourse mais à un risque anticipé. Les premiers présentent en effet l’inconvénient de coefficients de corrélation peu convaincants entraînant leur instabilité et leur faible significativité. Le risque relatif résulte de la combinaison d’un risque de prévision, d’un risque financier et d’un risque sectoriel. Le risque de prévision correspond au degré de confort avec lequel l’analyste peut faire des projections pour l’avenir. Le risque de prévision est la perception externe de l’ensemble des facteurs de variabilité des bénéfices, qu’ils soient liés à des facteurs internes à l’entreprise (produits, stratégie, qualité de gestion, qualité de l’information) ou à son environnement (concurrence dans le secteur, degré de réglementation). Il intègre une note qualitative propre au bureau d’analyse financière d’Associés en Finance représentant la synthèse de douze critères d’appréciation des forces et faiblesses de la société concernée. Il est directement lié à la variabilité anticipée des mouvements du cours de bourse de l’action concernée vis à vis de changements d’environnement économique ou des « surprises » sur les résultats. Le risque de prévision s’étage sur une échelle de 1 à 9, pour une note médiane de 5. Le risque financier s’apparente aux notations des agences de rating financier. Le risque financier, qui s’étage sur une échelle croissante entre 1 et 5 (3 étant la note médiane), mesure la solidité de la structure financière et la capacité de la société à faire face à ses engagements financiers dans le cadre de son scénario de développement. Il tient compte, sur la base des flux prévisionnels élaborés par Associés en Finance, de la structure financière de la société (dettes sur valeur d’entreprise), de la taille et la volatilité des actifs, de la couverture des charges financières par l’exploitation et du nombre d’années de cash flows que représente la dette. Le risque sectoriel correspond au bêta boursier de l’indice sectoriel auquel appartient la société analysée. La liquidité Elle est évaluée dans le modèle par la liquidité structurelle, à savoir le flottant, comme c’est désormais le cas dans la pondération des grands indices boursiers, et par la liquidité conjoncturelle. Le coefficient affecté à la liquidité est normé à un. 89 La liquidité structurelle s’exprime par le rapport de l’inverse du logarithme du flottant d’un groupe coté à la moyenne des inverses des logarithmes du flottant de chacune des sociétés de l’échantillon. La liquidité conjoncturelle est appréhendée par l’inverse du logarithme du montant de capitaux négociables pour une variation de 1 % du cours. Les sociétés sont rangées par ordre de liquidité décroissante afin d’obtenir une pente positive comme dans le cas de la prime de risque. Les valeurs très liquides ont un coefficient d’illiquidité inférieur à 1, les valeurs peu liquides ayant un coefficient d’illiquidité supérieur à 1. L’ajout dans TRIVAL du facteur liquidité dans la valorisation des actifs financiers apporte une réelle contribution. On constate en effet en général une indépendance entre le risque et la liquidité, c’est à dire que par sous-échantillon de liquidité le risque est invariant, et que par sous-échantillon de risque, la liquidité est également invariante. La régression entre les taux actuariels obtenus et les deux attributs de risque relatif et d’illiquidité relative, permet de déterminer, compte tenu du niveau de risque opérationnel et de la taille de l’entité, le taux de rentabilité normalement exigé pour cette entreprise. C’est le coût des fonds propres. Les paramètres obtenus par cette régression sont la prime de risque, la prime d’illiquidité, et un résidu. La prise en compte de la liquidité permet de mieux expliquer les valorisations, puisque le coefficient de détermination (R2) de la double régression est en général supérieur à 65 % (75 % actuellement). 90 Annexe 4 - Le coût du capital et le coût des fonds propres Le coût du capital Le modèle TRIVAL permet de calculer directement le risque de l’actif économique et donc le coût du capital d’une entreprise. Le risque de l’actif économique d’une entreprise est fonction de son risque opérationnel et de son risque de taille. Le risque opérationnel intègre un risque de prévision (noté sur une échelle de 1 à 9) et un bêta sectoriel (calculé à partir des indices sectoriels Euro Stoxx). Le risque de taille est fonction de la valeur d’entreprise. Les entreprises de l’échantillon sont réparties par décile afin de déterminer pour chacune d’entre elle un coefficient de risque opérationnel et un coefficient de taille, centrés sur 1. Plus le risque opérationnel d’une entreprise est important et plus les investisseurs en exigeront une rentabilité importante. De la même manière, plus une entreprise est de petite taille et donc moins liquide, plus les investisseurs exigeront une rentabilité importante, conformément à la théorie de la préférence pour la liquidité. La rentabilité exigée par les apporteurs de capitaux d’une entreprise (son coût du capital k e) n’est donc fonction que de son risque opérationnel et de son risque de taille : 𝑘𝑒 = 𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛é𝑒 à 𝑙 ′ 𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑜𝑝é𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒 A partir des prévisions établies sur plus de 500 sociétés cotées, Associés en Finance détermine à la fin de chaque séance boursière les primes de marché (prime de risque opérationnel, prime de taille et résidu), en régressant la rentabilité économique anticipée des sociétés sur leur risque économique et leur risque de taille. Ces primes de marché constituent des primes de référence pour de nombreux évaluateurs externes et acteurs de l’expertise : les primes de marché d’Associés en Finance sont les plus fréquemment utilisées dans les expertises AMF (Etude d’Afival - Le Cercle des Echos 2013) et elles sont également utilisées dans le Vernimmen depuis près de 20 ans. La prime de risque opérationnel permet de juger de la perception des investisseurs du risque opérationnel lié à la détention d’une partie de la valeur d’entreprise d’une société. Lorsque les marchés financiers sont en période de stress, l’aversion au risque des investisseurs est importante et ceux-ci réclament une prime de risque importante pour engager leurs capitaux dans les entreprises. A l’inverse, en période de bulle financière, l’aversion au risque des investisseurs est faible et la prime de risque proposée aux apporteurs capitaux se réduit considérablement. La prime de taille illustre la perception des investisseurs du risque supplémentaire lié à la détention d’une part de la valeur d’entreprises de petite taille. Si la préférence pour la liquidité des investisseurs, et donc pour les entreprises liquides et de grande taille, est établie, celle-ci ne s’exerce pas dans la même mesure au cours du temps. Les investisseurs vont parfois exiger un supplément de rentabilité important pour sortir de leur « habitat préféré ». En d’autres circonstances de marché, ils pourront être moins sensibles à ce paramètre et accepter alors une rémunération moindre. Le coût du capital correspond à la rentabilité exigée par l’ensemble des apporteurs de capitaux de l’entreprise, c'est-à-dire les actionnaires, qui détiennent les fonds propres, et les créanciers, qui détiennent la dette. Il s’agit donc du coût global de financement de la valeur d’entreprise, qui est la somme de la valeur des capitaux propres et de la valeur de la dette. La détention de capitaux propres ou de dette fait courir un risque différent à un investisseur. La dette dispose d’une priorité de remboursement sur les capitaux propres et donne droit à un coupon généralement fixe (les intérêts), 91 alors que les capitaux propres donnent droit à un coupon variable après service des créanciers (le dividende) et au résidu de la valeur d’entreprise après remboursement de l’ensemble des dettes. On dit ainsi que les actionnaires sont les créanciers résiduels de l’entreprise. La rentabilité exigée par les actionnaires est différente, mais aussi structurellement supérieure à la rentabilité exigée par les créanciers. Le coût du capital peut donc aussi s’écrire comme la moyenne pondérée par leur valeur du coût des fonds propres (kCP) et du coût de la dette (kD), soit : 𝑘𝑒 = 𝑘𝐶𝑃 × 𝑉𝐶𝑃 𝑉𝐷 + 𝑘𝐷 × (1 − 𝐼𝑆) × 𝑉𝐶𝑃 + 𝑉𝐷 𝑉𝐶𝑃 + 𝑉𝐷 Cependant, cette écriture peut s’avérer trompeuse : comme précédemment expliqué, le coût du 48 capital dépend du risque l’actif économique et non de son financement. Modigliani et Miller ont d’ailleurs démontré l’indépendance du coût de capital à la structure financière de l’entreprise. Si une entreprise est financée uniquement par des fonds propres, le coût de ses fonds propres est égal au coût du capital. Si cette entreprise choisit de modifier sa structure financière en souscrivant de la dette, elle va renchérir le coût de ses fonds propres : les actionnaires étant les créanciers résiduels de l’entreprise, le risque associé à leur investissement sera d’autant plus important que l’entreprise est endettée, et ils en exigeront une rentabilité supérieure. L’entreprise aura ainsi levé une ressource de financement moins couteuse (la dette), au prix du renchérissement du coût de son financement initial (les fonds propres). Modigliani et Miller démontrent que, dans des marchés à l’équilibre, ces deux effets se compensent parfaitement et que le coût du capital de l’entreprise endettée sera identique à celui de l’entreprise désendettée. Ainsi, et malgré la formulation présentée plus haut, le coût du capital ne dépend ni du coût des fonds propres et du coût de la dette, ni de la structure financière : ce sont le coût des fonds propres et le coût de la dette qui dépendent du coût du capital et de la structure financière de l’entreprise. Le coût des fonds propres TRIVAL permet de calculer directement le coût des fonds propres d’une entreprise. La rentabilité exigée par les actionnaires dépend alors du risque opérationnel, une nouvelle fois évalué à travers le risque de prévision et le bêta sectoriel, du risque financier, lié à la structure de financement de l’actif de l’entreprise, et du risque de taille, mesuré par la liquidité pour les sociétés cotées. Plus une entreprise est endettée, plus son risque financier est important et plus son coût des fonds propres l’est aussi. En effet, les actionnaires sont les créanciers résiduels de l’entreprise et il est donc logique que leur risque soit une fonction croissante de l’endettement. Les entreprises de l’échantillon sont une nouvelle fois réparties par décile afin de déterminer pour chacune d’entre elle un coefficient de risque relatif, synthétisant le risque opérationnel et le risque financier, et un coefficient d’illiquidité, centrés sur 1. La rentabilité exigée par les actionnaires d’une entreprise (son coût des fonds propres) est alors : 𝑘𝐶𝑃 = 𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛é𝑒 à 𝑙′𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑟𝑒𝑙𝑎𝑡𝑖𝑓 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 + 𝑖𝑙𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡é × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑′𝑖𝑙𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡é 48 Franco Modigliani et Merton Miller, juin 1958, « The cost of Capital, Corporation Finance and the Theory of Investment », The American Economic Review, Vol. 48, No. 3 92 Les primes de marché (prime de risque et prime d’illiquidité) sont calculées de la même manière que pour la rentabilité exigée par l’ensemble des apporteurs de capitaux. La prime de risque relatif permet de juger de la perception des investisseurs des risque opérationnels et financiers liés à la détention d’actions. Elle est une mesure de leur aversion au risque La prime d’illiquidité illustre la perception des investisseurs du risque supplémentaire lié à la détention d’actions d’entreprises peu liquides. Les investisseurs en actions ont une préférence pour la liquidité reconnue, mais qui varie au fil du temps : la prime d’illiquidité permet de se rendre compte de son ampleur. 93 Annexe 5 - L’État comme partie prenante 49 Freeman , définit une partie prenante comme « un individu ou un groupe d’individus qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels » et plaide pour la prise en compte des intérêts de l’ensemble des dites parties prenantes dans la prise de décision d’une entreprise. Si cette démarche s’est rapidement imposée, la question de l’identification des parties prenantes et de la mesure de leur influence sur l’entreprise considérée a fait l’objet d’une étude par Mitchell, Agle et 50 Wood . Les auteurs mesurent la prépondérance d’une partie prenante sur une entreprise en fonction de trois paramètres, que sont le pouvoir d’influence, le degré de légitimité et l’urgence relative du pouvoir qu’elle prétend exercer. Une partie prenante réunissant ces trois attributs sera considérée comme une référence dans l’organisation de l’entreprise. Dans le cadre économique des SCA, l’État, qu’il soit ou non actionnaire des sociétés concessionnaires, cumule sans contestation possible l’ensemble des caractéristiques d’une partie prenante de référence : son pouvoir d’influence et son degré de légitimité sont clairement établis par les prérogatives qui lui sont accordées dans le contrat de concession, et l’urgence relative de son pouvoir apparait à travers les droits qui lui sont offerts au titre de l’intérêt général et de la protection des utilisateurs. Garant du bien-être social, l’État doit concilier la protection des citoyens et la gestion des comptes publics, au cœur de la démarche de concession : la concession de travaux publics lui permet de développer une infrastructure de qualité dans des secteurs consommateurs en capitaux, pour un apport en fonds publics faible (des subventions peuvent être accordées, mais l’essentiel du financement de l’infrastructure demeure à la charge de la société concessionnaire) et sans se départir de son droit d’influence sur les décisions prises par la société concessionnaire. L’influence exercée par l’État sur la gestion des sociétés concessionnaires est puissante, légitime et urgente, mais obéit à différents objectifs. Le management d’une société concessionnaire joue un rôle décisif dans l’équilibre entre les différentes parties prenantes, en tentant d’aligner des intérêts parfois divergents dans un cadre réglementaire strictement défini par le contrat de concession. 49 50 Freeman, 1984, Strategic Management: A stakholder approach, working paper Mitchell, Agle et Wood, 1997, Theory of stakeholder identification and salience working paper 94 Annexe 6 - Graphique de cours et de prix d’équilibre TRIVAL des SCA Les graphiques ci-dessous présentent l’évolution du cours de l’action et du prix d’équilibre TRIVAL des SCA entre leur introduction et la fin du mois de juin 2005 (l’annonce de la privatisation des SCA ayant eu lieu le 8 juin 2005 lors du discours de politique générale prononcé par Dominique de Villepin). ASF 50.00 Cours 45.00 Prix d'équilibre 40.00 CAC rebasé 35.00 30.00 25.00 20.00 mai-05 mars-05 janv.-05 nov.-04 sept.-04 juil.-04 mai-04 mars-04 janv.-04 nov.-03 sept.-03 juil.-03 mai-03 janv.-03 mars-03 nov.-02 sept.-02 juil.-02 15.00 APRR 52.00 50.00 48.00 Cours Prix d'équilibre CAC rebasé 46.00 44.00 42.00 40.00 45.00 44.00 43.00 42.00 41.00 40.00 39.00 38.00 37.00 36.00 35.00 SANEF Cours Prix d'équilibre CAC rebasé mars-05 avr.-05 mai-05 juin-05 95 Annexe 7 - Evolution du chiffre d’affaires et des marges d’EBE et d’exploitation depuis 2005 des SCA françaises et des principales SCA européennes cotées Tableau 40 Evolution du CA et des marges d’EBE et d’exploitation pour les principales SCA européennes 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2474 2625 2811 2895 2967 3074 3170 3192 3308 3420 64% 43% 65% 44% 66% 44% 66% 50% 67% 49% 68% 51% 69% 52% 69% 51% 71% 49% 71% 50% ASF/ESCOTA CA marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) Abertis (Autoroutes dont SANEF à partir de 2006) CA 1209 2537 2751 2756 2907 3078 3098 3220 4139 4106,2 marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) 80% 63% 72% 48% 72% 50% 70% 48% 69% 69% 45% 70% 45% 68% 68% 40% 66% 42% 1152 1225 1334 1368 1391 1452 1489 1495 1553 1603 65% 39% 66% 43% 66% 45% 65% 44% 65% 44% 65% 45% 66% 46% 66% 45% 65% 44% 64% 40% 1571 1670 1803 1834 1860 1940 2022 2039 2099 2149 64% 41% 64% 44% 67% 48% 68% 47% 68% 47% 68% 48% 69% 49% 70% 50% 70% 50% 71% 50% SANEF/SAPN CA marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) APRR/AREA CA marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) COFIROUTE CA marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) 889 966 1039 1077 1111 1150 1202 1209 1241 1384 68% 53% 69% 53% 71% 55% 71% 54% 71% 53% 71% 51% 71% 50% 71% 50% 72% 51% 67% 48% BRISA CA marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) 577 586 646 686 677 674 661 591 543 576 72% 51% 71% 50% 71% 43% 70% 40% 71% 33% 70% 8% 68% 36% 70% 34% 70% 40% 72% 43% 2554 2719 2779 2883 2947 3146 3329 3180 3539 3678 65% 66% 64% 64% 64% 62% 60% 59% 60% 44% 61% 41% ATLANTIA (Autoroutes) CA marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) ATMB CA marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) 128 140 142 146 142 153 163 167 172 58% 30% 61% 35% 60% 35% 58% 33% 57% 45% 58% 46% 60% 48% 57% 46% 58% 46% 1900 1991 1976 2011 2036 2472 1872 1973 2076 2272 45% 41% 39% 36% 67% 64% 50% 46% 41% 38% 38% 34% 58% 54% 54% 51% 53% 50% 48% 46% 2846,4 2952,3 3151,3 3207,4 3236,7 3264,2 3391,5 3530,2 3603,8 3754,2 marge d'EBITDA (%) 90% 87% 87% marge d'EBIT (%) 58% 55% 61% Données : Rapports annuels des sociétés et CapitalIQ 87% 66% 87% 66% 87% 66% 88% 67% 88% 69% 87% 70% 88% 71% ASFINAG CA marge d'EBITDA (%) marge d'EBIT (%) Sun & Baelt (DKK) CA 96 Annexe 8 - Analyse de la dette d’acquisition d’ASF, APRR et SANEF Analyse de la dette d’acquisition d’ASF La structure de financement de l’acquisition d’ASF par Vinci en 2006 est complexe. Vinci était déjà actionnaire d’ASF à hauteur de 23%. Les 77% restants ont été acquis, pour 51%, directement auprès de l’État en mars 2006 et, pour 26%, dans le cadre d’une offre de garantie de cours suivie d’une offre publique de retrait jusqu’en novembre de la même année. La répartition de l’endettement a été réallouée au sein du groupe en janvier 2007. En 2006, le financement des 77% par Vinci est assuré par une augmentation de capital de 2.5 Mds€, un emprunt hybride de 0.5 Md€, un prélèvement sur la trésorerie de 3.1 Mds€ et une dette d’acquisition de 3 Mds€. La structure du groupe est présentée sur la Figure 23. Figure 23 Structure de l’endettement suite à l’acquisition d’ASF par Vinci, avant janvier 2007 VINCI SA Augmentation de capital : 2,5 mds€ Emprunt hybride : 0,5 md€ Prélèvement sur la trésorerie : 3,1 mds€ Dette d'acquisition : 3 mds€ 100% VINCI Concessions 23% 77% 100% ASF VINCI Park Endettement net : 8 Mds€ Endettement net : 0,4 Md€ En janvier 2007, la structure de financement de l’acquisition est présentée dans la Figure 23. Vinci a en effet, réalloué le financement d’ASF à différents niveaux du groupe. Ainsi, ASF a versé un dividende exceptionnel de 3.3 Mds€ (2.6 Mds€ à Vinci SA et 0.7 Md€ à ASF Holding), lequel a été financé par un endettement équivalent. Ce dividende exceptionnel a permis de rembourser une partie de la dette d’acquisition logée au niveau de Vinci SA. En janvier 2007, la structure financière de l’acquisition se présentait comme suit : une augmentation de capital de Vinci SA pour 3.6 Mds€, une dette bancaire d’acquisition de 1.75 Md€ au niveau de Vinci SA, une émission obligataire pour 0.5 Md€ au niveau de Vinci SA et une augmentation de l’endettement net d’ASF de 3.3 Mds€. 97 Figure 24 Structure du financement de l’acquisition d’ASF post janvier 2007 Augmentation de capital : 2,5 mds€ Emprunt hybride : 0,5 md€ Prélèvement sur la trésorerie : 0,55 md€ Dette d'acquisition : 1,75 mds€ VINCI SA 1,2 Md€ 100% 1,2 Md€ VINCI Concessions 100% Dividende exceptionnel : 2,6Mds€ 77% 0,7 Md€ Dividende exceptionnel : 0,5Md€ 100% ASF Holding VINCI Park Endettement net : 1,2 Md€ Endettement net : 0,9 Md€ 23% Dividende exceptionnel : 0,7Md€ ASF Endettement net : 11,3 Mds€ 98 Analyse de la dette d’acquisition d’APRR Le consortium formé par Eiffage et le groupe Macquarie a réalisé l’acquisition d’APRR à travers un véhicule commun, Financière Eiffarie, dont Eiffage et le groupe Macquarie sont actionnaires à 50% plus une action et 50% moins une action respectivement. L’acquisition d’APRR a été principalement financée par une dette bancaire à hauteur de 3.9 Mds€ (au 31 décembre 2006), complété par un apport en fonds propres et une avance en compte courant d’actionnaires (fin 2006, le montant déjà versé est de 4.84 Mds€). L’acquisition représente 6.9 Mds€ pour 100% des titres. La Figure 25 représente la structure de financement d’APRR. 70.2% des titres APRR ont été acquis directement auprès de l’État et, le solde dans le cadre d’une offre de garantie de cours suivie d’une offre publique de retrait entre le 17 mars 2006 et le 13 avril 2006. A la suite de cette période, le consortium n’ayant pas obtenu les 95% du capital nécessaires au retrait de la Bourse, APRR continue d’être coté. Figure 25 Structure de financement d’APRR au 31 décembre 2006 Eiffage Groupe Macquarie 50% + 1 action 50% - 1 action Financière Eiffarie 100% Eiffarie Dette d'acquisition : 4,84 Md€ 100% APRR 99 Analyse de la dette d’acquisition de SANEF La dette d’acquisition et les titres SANEF ont été apportés par le consortium formé par Abertis et ses co-investisseurs à une holding dédiée, HIT (Holding d’Infrastructures de Transports) comme illustré dans la Figure 26. Cette acquisition a été financée de la manière suivante : 1.5 Md€ d’obligations remboursables intégralement à échéance, 1.15 Md€ sous forme de crédit syndiqué et 2 Mds€ de fonds propres apportés par les actionnaires. Après le rachat de 75.65% du capital de la SANEF, HIT a lancé une offre de garantie de cours suivie d’une offre publique de retrait entre le 21 février 2006 et le 20 mars 2006. Figure 26 Structure de financement de SANEF au 31 décembre 2006 AXA, CDC, CNP, FFP et PREDICA Abertis 52,5% 47,5% HIT Dette d'acquisition 100% SANEF 100