Le modèle économique des sociétés

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Le modèle économique des
sociétés concessionnaires
d’autoroutes
Analyse et Valorisation
Juin 2015
Ce rapport est le résultat d’une réflexion menée par Associés en Finance à la demande de l’ASFA.
Associés en Finance est un cabinet d’expertise indépendant, spécialisé dans l’analyse financière et
l’évaluation des marchés financiers. La société réalise de nombreuses missions de conseils ou
d’expertises.
2
Principaux éléments de conclusion
La crise économique a laissé les États (d’Europe et l’OCDE en particulier) très contraints pour financer
les infrastructures (eau, énergie, télécom, transports, …) indispensables à leur développement.
L’effort à soutenir à long terme, au niveau mondial, « pèse » 5% du PIB, mais les États ne peuvent
soutenir cet effort qu’à moitié, ce qui plaide pour des formes de partenariats entre public et privé, dont
le modèle concessionnaire est l’une des formules.
La croissance perdue du fait de cette « missing money » est considérable, 1% du PIB orienté vers les
infrastructures induisant 1,5% de croissance au bout de quatre années.
¤
Le réseau autoroutier français se situe à un niveau de performance élevé avec une mortalité inférieure
à celle des autres grands réseaux (Allemagne et Espagne) : la mortalité y a été divisée par 10 depuis
1980.
Quelles que soient les variations, au fil du temps, de l’attractivité française, la qualité des
infrastructures, en particulier routières, est constamment le facteur essentiel attirant les investisseurs
étrangers dans l’Hexagone.
Cet atout est non moins important s’il s’agit de considérer les atouts français en termes touristiques, la
progression attendue dans ce domaine à l’avenir (de 80 à plus de 100 millions en 2020), le maillage
de la France par un réseau autoroutier de grande qualité est une caractéristique déterminante.
¤
Les effets externes positifs de la filière autoroutière sont significatifs et démontrés au plan budgétaire
et, plus généralement, au plan macroéconomique.
Parmi les membres de l’Union Européenne, c’est en France que la contribution des concessionnaires
d’autoroutes aux recettes fiscales de l’État est la plus importante.
L’accroissement de la mobilité géographique qu’implique le développement du réseau autoroutier
s’accompagne d’un élargissement des opportunités d’emploi.
Le développement du réseau autoroutier est à l’origine d’un effet cluster, c'est-à-dire de gains de
productivité liés au fait que les entreprises se rapprochent les unes des autres.
¤
Les marges élevées du secteur sont la contrepartie des investissements considérables engagés pour
la construction des autoroutes. Les marges des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA)
françaises sont comparables à celles des autres SCA européennes.
La durée d’exploitation des autoroutes est limitée dans le temps. Le secteur des concessions
d’autoroutes est une industrie de coûts fixes. Le chiffre d’affaires subit l’évolution de la conjoncture
économique.
Le risque des SCA est faible, relativement à d’autres secteurs d’activité. Cependant, aucun
observateur de marché ne nie l’existence de ce risque. L’influence de l’État fait peser un risque
réglementaire important sur les SCA. Les SCA sont structurellement exposées à un risque de
refinancement.
3
¤
La valeur de privatisation de 39 milliards d’euros inclut la reprise de la dette des SCA, correspondant
aux investissements de construction des autoroutes. Le timing des cessions par l’État a été bien
choisi, lui permettant de bénéficier de la faible aversion au risque des investisseurs pour obtenir un
prix élevé de sa participation dans les SCA.
Compte tenu des perspectives futures de risque/rentabilité des SCA, les prix d’introduction en bourse
ont été correctement fixés. Avant le lancement de l’appel d’offres, les valorisations d’Associés en
Finance, de l’État et des brokers étaient concordantes.
La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est produite dans de parfaites
conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public.
Les offres retenues extériorisent des primes significatives par rapport à l’ensemble des valorisations
antérieures.
4
Sommaire
Introduction ............................................................................................................................................ 7
Principaux enseignements sur le modèle économique des SCA .................................................... 9
Eléments de valorisation des SCA au moment de leur privatisation............................................. 15
I.
La contribution du réseau autoroutier à la dynamique économique française .................... 19
I.1.
L’enjeu : les considérables besoins d’investissement en infrastructures pour sortir de la crise
économique ....................................................................................................................................... 20
I.2.
Caractéristiques et performances des autoroutes françaises ............................................... 22
I.2.1. Un réseau autoroutier parmi les plus ramifiés d’Europe… ................................................... 22
I.2.2 …et présentant une sécurité et une qualité de services parmi les plus élevées .................. 26
I.3.
Des effets de « diffusion » économiques incontestables ...................................................... 29
I.3.1
Effets de diffusion via la « filière » autoroutière ................................................................. 33
I.3.2
Effets de diffusion via les « usages » des autoroutes ....................................................... 33
I.4.
Conclusion d’étape : une infrastructure-clé pour l’attractivité du territoire de la France et de
son économie .................................................................................................................................... 36
Le modèle économique des sociétés concessionnaires d’autoroutes ................................. 40
II.
II.1.
Mesures de la rentabilité des SCA et retour sur investissement ........................................... 40
II.1.1.
Définition et décomposition de la rentabilité .................................................................. 40
II.1.2.
Cycle d’investissement et cycle d’exploitation ............................................................... 42
II.1.3.
Principaux soldes intermédiaires de gestion et incidence de la comptabilité................ 45
II.2.
Risques et coût des ressources de financement ................................................................... 49
II.2.1.
Rémunération du risque et rentabilité exigée ................................................................ 49
II.2.2.
Les différents risques affectant les SCA........................................................................ 50
II.2.3.
Risque d’endettement et régime fiscal .......................................................................... 55
La valorisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes ............................................ 58
III.
III.1.
Evaluation du coût des ressources de financement .............................................................. 58
III.1.1.
Paramètres d’évaluation du coût des ressources de financement ................................ 58
III.1.2.
Evaluation du coût des ressources de financement au moment de l’introduction en
bourse des SCA............................................................................................................................. 60
III.1.3.
Evaluation du coût des ressources de financement au moment de l’annonce de la
poursuite de la cession du capital des SCA .................................................................................. 64
III.1.4.
III.2.
Conclusions sur le coût des ressources de financement des SCA ............................... 67
Valorisation des SCA lors des différentes cessions de participation par l’État ..................... 69
III.2.1.
Valorisation des SCA au moment de leur introduction en bourse ................................. 69
III.2.2.
Valorisation des SCA au moment de la poursuite de la cession du capital des SCA ... 72
III.3.
Processus de valorisation par les participants à l’appel d’offres ........................................... 74
III.3.1.
Modalités de la procédure d’appel d’offres .................................................................... 74
III.3.2.
Valorisation indicative des SCA du point de vue des acquéreurs ................................. 75
III.4.
Sensibilité de la valorisation d’une SCA aux différentes hypothèses .................................... 83
5
III.4.1.
Hypothèses utilisées dans le scenario central .............................................................. 83
III.4.2.
Etude des sensibilités .................................................................................................... 84
Annexes ................................................................................................................................................ 86
Annexe 1 - Chronologie de la privatisation des trois principales SCA .............................................. 86
Annexe 2 - Compléments de théorie de financière ........................................................................... 87
Annexe 3 – Le modèle TRIVAL ......................................................................................................... 88
Annexe 4 - Le coût du capital et le coût des fonds propres .............................................................. 91
Annexe 5 - L’État comme partie prenante ......................................................................................... 94
Annexe 6 - Graphique de cours et de prix d’équilibre TRIVAL des SCA .......................................... 95
Annexe 7 - Evolution du chiffre d’affaires et des marges d’EBE et d’exploitation depuis 2005 des
SCA françaises et des principales SCA européennes cotées .......................................................... 96
Annexe 8 - Analyse de la dette d’acquisition d’ASF, APRR et SANEF ............................................ 97
6
Introduction
Depuis l’annonce de leur privatisation à l’été 2005, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA)
françaises subissent régulièrement l’opprobre de l’opinion publique, fustigeant des tarifs trop élevés,
une rentabilité qui serait indue ou les conditions désavantageuses de leur cession par l’État.
Imprégné de ces critiques véhémentes, le débat public est resté focalisé sur l’analyse de la rentabilité
des concessions, omettant de rappeler que l’immense majorité du réseau autoroutier français a vu le
jour grâce à ce mode de financement et que sa qualité est aujourd’hui unanimement reconnue.
Face à l’effort d’investissement requis pour la mise en place d’un réseau autoroutier si capillaire dans
le plus vaste pays de l’Union Européenne, le modèle concessionnaire a permis à la France de devenir
le premier pays européen sur le transport de personnes et le troisième sur le transport des
marchandises. Le développement autoroutier français a aussi contribué au dynamisme du marché de
l’emploi, permettant un élargissement des opportunités de recherche et des gains de productivité liés
au rapprochement des entreprises (effet cluster).
Dès sa conception, le réseau autoroutier français a été pensé afin de répondre aux exigences des
utilisateurs en termes de qualité du service et de sécurité. Entre 1980 et 2014, la mortalité sur les
autoroutes françaises a été divisée par 10 et il se situe désormais à un niveau de performance élevée
par rapport aux autres grands réseaux internationaux.
Lorsque le gouvernement de Dominique de Villepin a publiquement annoncé sa volonté de relancer
les grands chantiers d’infrastructure, la cession de la participation majoritaire détenue par l’État dans
les SCA est apparue comme la meilleure option. Au-delà des retombées financières d’une telle
opération, qui permettait d’économiser 39 milliards d’euros à un moment où les contraintes
budgétaires se faisaient de plus en plus prégnantes dans le cadre du traité de Maastricht, l’intégration
de nouveaux investisseurs permettait de répondre aux défis technologiques et de faciliter le
développement des SCA en leur donnant accès aux marchés financiers. En reprenant la dette
contractée afin de financer la construction du réseau, les acquéreurs ont délesté l’État de la charge de
celle-ci et continuent de faire face aux investissements importants prévus par les contrats de
concession.
En ce qui concerne les modalités de sortie de l’État du capital des SCA, la cession de sa participation
majoritaire s’est produite dans de parfaites conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres
public. Les offres retenues extériorisaient des primes significatives par rapport à l’ensemble des
valorisations antérieures, dans un environnement économique meilleur qu’aujourd’hui. Depuis, la
perception du risque s’est dégradée, notamment du fait des incertitudes sur la croissance
économique, de l’arrivée à maturité du parc de véhicules particuliers et du rafraichissement des
relations entre le concédé et le concédant.
Ce rapport se veut une mise à plat objective de la problématique des concessions dans le domaine
autoroutier. Ceci implique, dans un premier temps, une analyse des effets économiques et sociaux
positifs et négatifs, de la mise en place d’une infrastructure autoroutière et, dans un deuxième temps,
l’examen des spécificités du modèle concessionnaire en matière de rentabilité.
Cette réflexion doit permettre, d’une part, d’évacuer définitivement les faux débats qui ont, depuis de
nombreuses années, pollué les discussions sur le modèle concessionnaire, bien au-delà du seul cas
des autoroutes et, d’autre part, de permettre la prise de décisions politiques essentielles pour l’avenir
de tout pays qui se doit de respecter des contraintes budgétaires de plus en plus strictes sans pour
autant hypothéquer son avenir.
7
8
Principaux enseignements sur le modèle économique des SCA
Depuis l’annonce de leur privatisation à l’été 2005, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA)
françaises subissent régulièrement l’opprobre de l’opinion publique, fustigeant les conditions
désavantageuses de leur cession par l’État, des tarifs trop élevés et donc une rentabilité qui serait
indue. Imprégné de ces critiques véhémentes, le débat public est resté focalisé sur l’analyse de la
rentabilité des concessions, omettant de rappeler que l’immense majorité du réseau autoroutier
français a vu le jour grâce à ce mode de financement et que sa qualité est aujourd’hui unanimement
1
reconnue . Face à l’effort d’investissement requis pour la mise en place d’un réseau autoroutier si
capillaire dans le plus vaste pays de l’Union Européenne, le modèle concessionnaire a permis à la
France de devenir le premier pays européen sur le transport de personnes et le troisième sur le
transport des marchandises.
La réflexion menée par Associés en Finance à la demande de l’ASFA doit permettre, d’une part,
d’évacuer définitivement les faux débats qui ont, depuis de nombreuses années, pollué les
discussions sur le modèle concessionnaire, bien au-delà du seul cas des autoroutes et, d’autre part,
d’éclairer la prise de décisions essentielles pour l’avenir de tout pays qui se doit de respecter des
contraintes budgétaires de plus en plus strictes sans pour autant hypothéquer son avenir.
La juste mesure de la rentabilité des SCA
Appréhender et mesurer la rentabilité est au cœur de la démarche d’analyse économique et
financière. La rentabilité se définit comme le rapport d’un résultat aux capitaux investis nécessaires
pour dégager ce résultat, qu’il ne faut en aucun cas confondre avec la marge, qui est le rapport d’un
2
résultat à un volume d’activité .
Cette confusion entre marge et rentabilité est à l’origine de nombreuses erreurs d’appréciation,
notamment lorsqu’il s’agit de mesurer la rentabilité des SCA : lorsque les observateurs pointent du
doigt leurs marges élevées, ils omettent le plus souvent de rappeler l’importance des capitaux
nécessaires à la réalisation du chiffre d’affaires. Une analyse complète de la rentabilité nécessite en
fait la prise en compte de la rotation des actifs, généralement occultée, c’est-à-dire le rapport entre le
chiffre d’affaires réalisé et les capitaux investis. La rentabilité d’une entreprise est alors le produit du
taux de marge et du taux de rotation des actifs :
𝑅𝑒𝑛𝑡𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡é =
𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡
𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡
𝐶ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒 𝑑 ′ 𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠
=
×
= 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑒 × 𝑟𝑜𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛
𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠 𝐶ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒 𝑑 ′ 𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠
𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠
La marge et la rotation des actifs d’une entreprise sont fortement liées à son domaine d’activité.
Certaines activités permettent d’obtenir des marges élevées pour des rotations faibles et on parle
alors de secteurs à forte intensité capitalistique. La marge obtenue pour un euro de chiffre d’affaires
est élevée, mais la réalisation de cet euro de chiffre d’affaires nécessite des capitaux importants. Dans
un tel secteur, il est nécessaire d’engager un montant élevé de capitaux avant même de pouvoir
réaliser le moindre euro de chiffre d’affaires. C’est évidemment le cas des SCA, mais aussi plus
largement de l’ensemble des sociétés d’infrastructure, de l’industrie lourde, de la pharmacie, etc.
1
La mortalité a été divisée par 10 sur les autoroutes françaises depuis 1980 et le World Economic Forum situe la
France au 4eme rang mondial pour la compétitivité de ses infrastructures routières.
2
Pierre Vernimmen, 2015, Finance d’Entreprise, avec Pascal Quiry et Yann Le Fur, Dalloz
9
La Figure 1 met en évidence la relation entre la marge d’exploitation et la rotation de l’actif
3
4
économique pour 20 secteurs . Dans le modèle TRIVAL , les concessions autoroutières sont classées
dans le secteur « BTP/Concessions », du fait de l’appartenance respective d’APRR et ASF à Eiffage
et Vinci. Afin de faire ressortir les sociétés de l’échantillon les plus proches d’un modèle de « pure
5
concession » , Abertis et Atlantia sont également présentées séparément.
Figure 1
Marge d’exploitation et de rotation de l’actif économique normatives par secteur
50%
Rentabilité économique
45%
Immobilier
40%
Abertis & Atlantia
Marge d'exploitation
35%
Services financiers
Santé
30%
Assurances
25%
Logiciels/Jeux
Médias
20%
Agroalimentaire
Luxe
Biens de
consommation
Electronique
Chimie
Télécom
Matériaux de
construction
Services publics
BTP/Concessions
15%
10%
5%
Informatique
Services
Aéronautique/Défense
Energie
Papier
Transports
Automobile
Minerais/Métaux/Acier
Loisirs/Tourisme
Distribution
Biens d'équipement
0%
-
0.50
1.00
1.50
2.00
2.50
3.00
3.50
Rotation de l'actif économique
Si la réalisation d’une marge élevée est un indicateur de la santé d’une entreprise, l’information ne
peut s’analyser sans référence au secteur considéré. Pour exemple, la marge d’exploitation normative
des sociétés du secteur du « Luxe » est en moyenne de 20%, soit la moitié de celle des SCA, mais la
rotation des actifs est trois fois supérieure dans le « Luxe ». Ceci aboutit à une rentabilité économique
normative de 19% pour le secteur du « Luxe », significativement plus forte que celle des SCA (13.5%).
Les spécificités du modèle concessionnaire
Par la signature du contrat de concession, l’État concède la construction, l’entretien et l’exploitation
d’un ouvrage. Les sociétés concessionnaires investissent dans un actif incorporel (le droit
d’exploitation des ouvrages concédés) à durée limitée (la durée de concession) et elles doivent
rapidement trouver des financements importants afin de mettre en service l’ouvrage, dont l’exploitation
leur permettra ensuite de se rémunérer. L’ouvrage concédé peut être à construire dans son
3
Calculs effectués à partir des prévisions de marge et de rotation normatives issues du modèle TRIVAL
d’Associés en Finance
4
TRIVAL est un modèle d’évaluation développé par Associés en Finance et basé sur le suivi régulier de 500
valeurs, dont plus de 350 au sein de la zone euro.
5
En 2014, Abertis et Atlantia réalisent respectivement 88% et 87% de leur chiffre d’affaires dans les concessions
autoroutières contre 15% pour Eiffage et 12% pour Vinci.
10
intégralité (greenfield) ou déjà partiellement construit (brownfield). Les critiques sur la supposée rente
dont bénéficieraient les SCA suite aux privatisations résultent d’une erreur dans la façon
d’appréhender la rentabilité d’une concession. En effet, le schéma des flux générés par une
concession peut se décomposer en trois phases successives sur une durée de vie finie, et la seule
façon de mesurer la rentabilité d’une SCA est de la considérer sur l’ensemble de son existence,
comme illustré dans la Figure 2.
Les SCA évoluent dans un secteur à forte intensité
capitalistique et requièrent, dès la signature du
contrat, la mobilisation de capitaux très importants.
Le financement des sociétés concessionnaires
Flux de trésorerie générés
par la concession
nécessite donc couramment d’avoir recours à
l’endettement, générant des charges d’intérêt à
décaisser dès le lancement des opérations de
construction. A mesure de la mise en service de
Fin de vie de la concession
l’ouvrage, l’exploitation commence à générer un
chiffre d’affaires qui devra permettre, au terme de la
concession, l’amortissement des investissements
Période
Exploitation
Construction et
de
optimale de
mise en service transition
réalisés, le remboursement des emprunts
l'ouvrage
progressive de
contractés et la rémunération du capital investi. La
l'ouvrage
période d’exploitation de l’ouvrage est limitée dans
le temps, celui-ci revenant sans compensation à l’État à la fin de la concession. Cette concentration
des flux générés par la société concessionnaire sur une période de temps limitée est une spécificité
fondamentale du modèle, qui explique la nécessité de générer des marges importantes pendant une
phase du « cycle de vie » de l’infrastructure. Comparativement à une société propriétaire de ses actifs,
les marges dégagées devront être d’autant plus importantes que la société doit continuer à investir
dans l’ouvrage jusqu’à l’échéance de la concession. A l’approche de son terme, l’État établira, après
concertation avec la SCA, l’ensemble des investissements à réaliser afin de lui restituer l’ouvrage en
bon état d’entretien. Les derniers investissements seront ainsi à la charge des SCA, alors même que
celles-ci ne seront bientôt plus en droit d’en percevoir le bénéfice.
Figure 2
Schéma des flux générés par une
concession
Entre 2002 et 2006, les trois principales SCA françaises (ASF, APRR et SANEF) ont été privatisées
après que l’essentiel des travaux de construction et de mise en place du réseau autoroutier eurent été
effectués. La Figure 3 illustre le nouveau schéma
Figure 3
de flux suite à la privatisation des SCA. Les
Schéma des flux générés par les
critiques omettent de rappeler que la valeur des
SCA privatisées
SCA a été déterminée en tenant compte de
Flux de trésorerie générés
par la concession
l’ensemble des investissements déjà réalisés et des
flux générés par les SCA jusqu’à la fin de leur durée
de vie : les acquéreurs ont versé à l’État et aux
Fin de vie de la concession
autres actionnaires un total de 22 milliards d’euros
Prix
d'acquisition
pour devenir propriétaires des fonds propres des
22 Mds€
SCA, c'est-à-dire en contrepartie des flux de
Investissement
trésorerie générés par le droit d’exploiter les
2002/2006 = 39 Mds €
Reprise de
autoroutes pendant une durée déterminée, et ont
dette
également repris à l’État les dettes de 17 milliards
17 Mds€
d’euros inscrites aux bilans des SCA, permettant la
réduction de l’endettement public par la
Construction et Période de
Exploitation
déconsolidation des montants afférents. La valeur
mise en service transition
optimale de
totale des privatisations s’est ainsi élevée à 39
progressive de
l'ouvrage
l'ouvrage
milliards d’euros, comprenant la compensation des
11
investissements effectués précédemment par l’État pour la construction des autoroutes et l’abandon
des bénéfices futurs potentiels par celui-ci. Certes, les acquéreurs se sont vu accorder le droit
d’exploiter un réseau d’autoroutes en partie construites, mais ils ont dû décaisser une somme
importante afin de l’obtenir.
Les différents risques affectant les SCA
Le secteur des concessions autoroutières est considéré par les investisseurs comme défensif, en
référence à la bonne visibilité de son business-model par rapport à d’autres secteurs particulièrement
cycliques. Toutefois, l’activité des SCA est soumise à différents risques susceptibles de mettre en
danger la viabilité de leur modèle. Les principaux risques auxquels elles sont exposées sont les
suivants :
-
Le risque lié à l’activité économique : le niveau de trafic enregistré sur les autoroutes est corrélé
à la croissance économique. Une variation de 1% du PIB par habitant entraîne une variation de
6
1.2% à 1.7% du trafic sur autoroutes . L’impact est particulièrement significatif pour le trafic des
poids lourds, extrêmement sensible à la conjoncture et dont la baisse est doublement pénalisante
pour le chiffre d’affaires des SCA, puisqu’elle porte tant sur les volumes que sur les prix moyens (la
grille tarifaire étant plus élevée pour les poids lourds).
-
Le risque de substitution : les autoroutes ne sont pas en situation de monopole, car tout
utilisateur a la faculté de ne pas les emprunter lors de ses déplacements, que ce soit au profit des
routes nationales ou d’autres moyens de transport.
-
Le risque lié au prix du pétrole : une croissance de +1% des prix du gazole entraine une
diminution de -0.33% du trafic en véhicules par kilomètre et de -0.31% de la demande de transport
7
en tonnes par kilomètre .
-
Le risque de désaffection : le parc de voitures français ne croît plus et le parcours moyen par
8
véhicule régresse .
-
Le risque prix : les SCA ne contrôlent pas leurs tarifs et elles subissent un risque politique sur leur
évolution (la révision tarifaire est nulle en 2015 suite à la décision de gel des tarifs prise par l’État).
-
Le risque réglementaire : les SCA sont tenues de respecter des obligations strictes quant à la
continuité de l’exploitation de l’ouvrage, aux investissements à réaliser, aux modifications à lui
apporter et aux tarifs pratiqués. L’État dispose également d’une option de rachat de la concession,
exerçable dans un motif d’intérêt général et peut utiliser ce même motif pour tenter de négocier au
forceps des aménagements des contrats de concession, voire refuser de remplir certains de ses
engagements contractuels.
-
Le risque financier : l’important besoin en capitaux des SCA nécessite le recours à l’endettement,
ce qui leur fait subir un risque financier de plusieurs ordres : un risque de taux, un risque de
refinancement, et un risque de faillite. Garant de l’ensemble de la dette (dette reprise au moment
des privatisations et dette d’acquisition), les acquéreurs ont l’obligation de rembourser l’intégralité
de celle-ci à l’échéance des concessions. Du fait de leur niveau élevé d’endettement net, les frais
financiers constituent l’une des charges les plus importantes des SCA. La maturité des ouvrages
6
Commissariat général à la stratégie et à la prospective, 2013, Estimation des élasticités des trafics routiers et
ferroviaires au PIB, juillet
7
Christophe Rizet et Hajera Bouguerra, 2013, Evolution des élasticités du transport routier de fret au prix du
gazole, Les cahiers scientifiques du transport, septembre
8
INSEE, Service de l’Observation et des Statistiques, Parc et parcours moyen des véhicules en service en 2013
12
étant bien plus longue que la maturité des emprunts auxquels ils sont adossés, plusieurs
refinancements sont inévitables et une forte progression des taux d’intérêt est donc susceptible de
mettre en péril leur rentabilité, occasionnant un risque quant au remboursement de l’intégralité de
la dette. Ce risque est d’autant plus important que les créanciers considèrent la visibilité du secteur
comme sa principale vertu et sont particulièrement attentifs aux flux de trésorerie des SCA, car
aucun de leurs actifs ne peut être gagé et saisi, contrairement à la majorité des entreprises,
puisque qu’à terme l’autoroute doit être restituée à l’État.
Le levier opérationnel des SCA
Les SCA évoluent dans une industrie de coûts
Figure 4
fixes : une légère baisse du chiffre d’affaires,
Décomposition du chiffre d'affaires
occasionnée par la réalisation d’un ou plusieurs
d'une SCA
des risques présentés ci-dessus, peut entraîner
une dégradation marquée de la marge et de la
rentabilité des capitaux investis. La Figure 4
Frais liés aux travaux,
40
représente la répartition du chiffre d’affaires
entretien et frais de
personnel
d’une SCA (base 100) et démontre qu’en cas de
contraction de l’activité, celles-ci ne disposent de
presque aucune solution pour adapter leur base
17
Amortissements
de coûts. Celle-ci est essentiellement fixe,
puisque ses composantes ne sont que très
15
marginalement impactées par l’effet d’une
Frais financiers
Résultat
réduction de la circulation autoroutière,
10
Impôts
contrairement au chiffre d’affaires. En effet, les d'exploitation
SCA sont tenues d’assurer la continuité de
Résultat net
18
l’exploitation, ce qui implique une flexibilité
limitée sur leurs frais de personnel, et sont
soumises à des obligations contractuelles concernant les frais d’entretien. Les travaux à réaliser sont
définis avec l’État pour plusieurs années consécutives dans le cadre des contrats de plan, les
amortissements ne dépendent que de la durée de vie résiduelle de la concession et les frais financiers
peuvent être rapidement amenés à progresser, si la détérioration de la conjoncture économique
remettait en cause leur capacité à faire face à leurs engagements. Enfin, les tarifs étant réglementés
selon une formule définie dans le contrat de concession et assise sur l’évolution des prix à la
consommation, les SCA ne maitrisent pas leur politique commerciale et subissent encore davantage
les aléas de la conjoncture économique.
13
La sensibilité de la valorisation d’une SCA aux différents paramètres
Les risques évoqués ci-dessus impactent la rentabilité, mais également la valorisation des SCA. Sur la
9
base d’un scenario central actuel , le Tableau 1 présente la sensibilité de leur valorisation aux
différents paramètres, chacun d’entre eux étant considéré séparément des autres.
Tableau 1
10
Sensibilité de la valeur des fonds propres d’une SCA aux différents paramètres
Variation en
points de base
-150 bp -100 bp
-50 bp
Scenario
+50 bp +100 bp +150 bp
central
Evolution du
trafic
-26%
-18%
-9%
0%
10%
21%
33%
Inflation
-14%
-10%
-5%
0%
5%
11%
16%
Coût de la dette
6%
4%
2%
0%
-2%
-4%
-6%
Coût des fonds
propres
17%
11%
5%
0%
-5%
-9%
-13%
Variation en
années
-5 ans
-2 ans
Scenario
central
Durée de vie
résiduelle
-13%
-5%
0%
+2 ans +5 ans
4%
11%
La simulation permet de mesurer l’impact de la prépondérance des coûts fixes sur la valorisation
d’une SCA : une baisse du taux de croissance annuel du trafic de -0.5% tout au long de la durée de
vie résiduelle de la concession impacterait la valeur des fonds propres de -9%. L’évolution de
l’inflation affecte aussi le chiffre d’affaires, du fait des formules d’évolution des tarifs, et se répercute
sur la valorisation. Cependant, l’impact d’une baisse/hausse d’une même proportion de
-0.5% est d’ampleur moindre, car la part des coûts corrélés à l’inflation est supérieure à la part de
ceux corrélés au trafic. Si une baisse du trafic linéaire durant toute la durée de vie de la concession
paraît difficilement envisageable, la crise économique récente alerte sur la possibilité d’une baisse du
trafic pendant plusieurs années dans un contexte de faible croissance économique. Une simple
baisse de -1% du trafic pendant trois années aurait un impact de -4% sur la valeur des fonds propres
d’une SCA.
Le coût de la dette à long-terme est un paramètre essentiel de la valorisation d’une SCA. En
l’occurrence, une baisse du coût de la dette de -150 points de base revaloriserait les fonds propres de
+6%, mais ne suffirait même pas à compenser une baisse du taux de croissance annuel du trafic de
-0.5%.
La perception du risque des SCA par les investisseurs évolue avec la manifestation des différents
risques et impacte leur coût des fonds propres. Une hausse de +100 points de base aurait pour
conséquence une baisse de -9% de leur valorisation.
Le prolongement de la durée de la concession a parfois été accordé par l’État aux SCA afin de
compenser des décisions qui leur étaient préjudiciables ou des investissements supplémentaire mis à
leur charge. Sur la base de notre scénario central, un prolongement de 2 années a un impact de +4%
sur la valorisation d’une SCA et contrebalance un gel des tarifs sur 2 années consécutives.
9
Inflation : 1.5%, croissance du trafic : 0%, Coût de la dette : 4%, Durée de vie résiduelle : 28 ans, Coût des
fonds propres: 5%
10
Variation sur l’ensemble de la durée de vie résiduelle de la concession
14
Eléments de valorisation des SCA au moment de leur privatisation
Depuis l’annonce de leur privatisation à l’été 2005, les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA)
françaises subissent régulièrement l’opprobre de l’opinion publique, fustigeant les conditions
désavantageuses de leur cession par l’État, des tarifs trop élevés et donc une rentabilité qui serait
indue. Ce document constitue un résumé des éléments relatifs à la valorisation des SCA contenus
dans le rapport réalisé par Associés en Finance à la demande de l’ASFA.
Le processus et le timing des cessions par l’État de ses participations au capital des SCA
La privatisation des trois principales SCA françaises s’est déroulée à l’issue d’un processus en deux
étapes : l’ouverture minoritaire du capital par une introduction en bourse, puis la cession de la
participation majoritaire détenue par l’État à l’issue d’un appel d’offres. En cédant dans un premier
temps une participation minoritaire auprès du public, l’État a bénéficié de l’appétence d’investisseurs
multiples et de leur information sur la valorisation des sociétés. Et il profite de ce supplément
d’information lors de la cession de sa participation majoritaire par un appel d’offres public pour
11
s’accaparer une partie plus importante de l’excédent de valeur que les candidats attribuent aux SCA .
L’État fait de surcroît l’économie d’une négociation et peut alors sélectionner l’acquéreur le mieux
disant, c’est-à-dire celui ayant accepté d’abaisser au plus bas son taux de rentabilité prévisionnel.
Engagé dans un processus de privatisation pour des raisons budgétaires, l’État cherche naturellement
à optimiser la valorisation de sa participation dans les SCA. De ce point de vue, le timing est
primordial car au-delà des perspectives intrinsèques des sociétés, les investisseurs sont plus ou
moins averses aux risques selon la période. Dans les périodes de faible aversion au risque, le taux de
rentabilité attendu des investisseurs (Figure 1) est relativement faible, et les investisseurs sont prêts à
« payer cher » pour les actifs qu’ils convoitent. Or, le business-model défensif des SCA leur ayant
toujours valu d’être considérées comme peu risquées, le suivi de la prime de risque du marché
actions, qui permet de mesurer l’aversion au risque globale, devient alors un facteur important de la
valorisation obtenue par l’État de ses participations. La Figure 1 représente l’évolution de la prime de
risque du marché actions entre janvier 2002 et mai 2015.
Figure 1
Prime de risque du marché actions issue du modèle TRIVAL d’Associés en Finance
11
Zingales, 1995, Insider ownership and the decision to go public, Review of Economic Studies
15
La prime de risque du marché actions était comprise entre 3.8% et 5.6% aux moments des
introductions en bourse des trois SCA. L’État est ainsi parvenu à céder ses participations minoritaires
en évitant la période comprise entre la fin de l’été 2002 et la fin de l’année 2003, où l’aversion au
12
risque des investisseurs avait fortement progressé dans des marchés financiers chahutés (prime de
risque comprise entre 6.5% et 9%). Les conditions de marché étaient de nouveau propices lorsque
l’État a trouvé des acquéreurs pour sa participation majoritaire en décembre 2005 : la prime de risque
des marchés actions était alors de 5.1%, significativement inférieure à sa moyenne de 6.5% entre
janvier 2002 et mai 2015. Le timing des cessions par l’État a donc été bien choisi, lui permettant de
bénéficier de la faible aversion au risque des investisseurs intéressés pour obtenir un prix élevé de sa
participation dans les SCA.
La valorisation des SCA aux moments des cessions de participations
Dans un premier temps, l’introduction en bourse des SCA a permis de juger de l’appétence des
investisseurs pour leurs perspectives de rentabilité, au regard de la perception de leurs risques. La
fixation du prix d’introduction résulte d’un équilibre visant à maximiser le montant obtenu par l’État,
tout en veillant à garantir le placement des titres proposés à la vente et à préserver la flexibilité de la
stratégie financière de l’entreprise. Si une société est introduite à un cours trop faible par rapport à ses
perspectives, les investisseurs vont alors tous souhaiter acheter le titre, entraînant une forte hausse
du cours. Ce mouvement perdurera jusqu’à ce que le cours se rapproche du prix d’équilibre de
l’action. Symétriquement, si une société est introduite à un cours trop élevé, les investisseurs se
désintéresseront du titre, entraînant une forte baisse du cours, qui perdurera jusqu’à son retour à
l’équilibre. Ainsi, l’évolution du cours lors des quelques séances suivant l’introduction en bourse
permet de juger du prix préalablement fixé. Dans ce cas d’espèce, l’État et les SCA sont parvenus à
placer les titres sur le marché sans que les cours des actions ne connaissent de variations
significatives post-introduction. L’équilibre exposé ci-dessus permet donc d’affirmer qu’au regard des
perspectives des sociétés et des conditions de marché de l’époque, les prix d’introduction en bourse
des SCA avaient été correctement fixés. Les prix d’équilibre issus du modèle TRIVAL d’Associés en
Finance confirment cette observation et suggèrent même que les actions ASF et SANEF étaient
13
légèrement surévaluées par les investisseurs par rapport à leurs perspectives de risque/rentabilité .
Dans un second temps, la procédure d’appel d’offres public permet aux candidats de se positionner
pour le contrôle d’une ou plusieurs des SCA via l’acquisition des participations majoritaires détenues
par l’État et compte tenu des mêmes éléments d’évaluation de leurs risques et de leurs perspectives
de flux. L’offre qui finit par l’emporter provient du candidat ayant accepté d’abaisser au plus bas son
taux de rentabilité prévisionnel. Les acquéreurs choisis pour avoir proposé le prix le plus haut sont
donc ceux qui ont accepté de prendre le risque le plus important, en investissant davantage dans
l’opération, et en acceptant le taux de rentabilité le plus bas. Dans ces processus d’enchères, le prix
de cession de la société s’ajuste sur le coût du capital marginal du candidat le mieux disant et dont la
surface financière lui permet de proposer une offre d’achat en numéraire sur la totalité de la
participation mise en vente (conditions sine qua non fixées par l’État).
Suite à l’officialisation du lancement de la procédure, la Commission des Participations et des
Transferts a déterminé un prix minimal par action pour chacune des SCA (47€ pour ASF et SANEF,
51€ pour APRR), et il convenait alors à l’État de recueillir les offres des candidats (9 offres fermes au
total, 1 pour ASF, 4 pour APRR et 4 pour SANEF). Les valeurs minimales fixées par la Commission se
fondaient sur une valorisation multicritères effectuée par des experts indépendants et extériorisaient
12
Le 12 mars 2003, l’indice CAC 40 atteignait son plus bas niveau en séance depuis 1997 à 2401 points.
Les premières valorisations fin de mois d’Associés en Finance extériorisaient des surévaluations respectives
de -1%, -8% et -10% pour APRR, ASF et SANEF au moment de leur intégration au modèle.
13
16
14
une prime définie comme « significative et conforme aux usages » par rapport aux cours de bourse
des SCA avant l’annonce de la poursuite de la cession par l’État. Par rapport aux derniers cours de
15
clôture , elles intégraient des primes de +8% pour ASF, +16% pour APRR et +15% pour SANEF.
La valorisation des SCA du point de vue des acquéreurs a été réalisée par Associés en Finance au 30
décembre 2005, afin d’intégrer l’impact de l’acquisition sur le profil de risque des acquéreurs et
l’évolution des primes de marché, et selon la méthode DCF to Equity, unanimement reconnue par les
évaluateurs. Les résultats sont présentés dans le Tableau 1.
Tableau 1
Valorisation des SCA et prime par rapport à la valeur minimale fixée par la Commission
Valeur minimale Valorisation du Prime par rapport à
Niveau des Prime par rapport à
fixée par la
point de vue
la valeur fixée par offres obtenues la valeur fixée par
la Commission
la Commission
Commission
des acquéreurs
par l'Etat
ASF
47,0 €
48,5 €
3%
51,0 €
9%
APRR
51,0 €
55,2 €
8%
61,0 €
20%
SANEF
47,0 €
56,3 €
20%
58,0 €
23%
La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est produite dans de parfaites
conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public. Les offres retenues extériorisaient des
primes significatives par rapport aux valeurs minimales fixées par la Commission, mais aussi par
rapport à l’ensemble des valorisations réalisées à cette date, qu’elles proviennent des bases de
données d’Associés en Finance ou de l’échantillon de brokers considéré. Les valorisations indicatives
des SCA réalisées par Associés en Finance du point de vue des acquéreurs permettent de décrire au
mieux le processus ayant abouti à la fixation des prix.
14
Journal Officiel de la République Française, 2006, Avis de la Commission des participations et des transferts,
janvier
15
Cours de clôture du 7 juin 2005 : 43.6€ pour ASF, 44.5€ pour APRR, 41.6€ pour SANEF
17
18
I.
La contribution du réseau autoroutier à la dynamique économique
française
Le débat public autour du modèle concessionnaire français est resté centré sur l’analyse de la
rentabilité des SCA (qui constitue le cœur du présent rapport) sans jamais que les caractéristiques du
réseau autoroutier, notamment en termes comparatifs dans l’espace européen, ni ses performances
(sécurité, qualité de service, …) et ni même sa contribution à la dynamique économique française ne
soient « invoquées » dans le cadre de la discussion.
Cette série d’omissions est pour le moins paradoxale et cela pour quatre raisons :
-
La France constitue le territoire le plus vaste de l’Union Européenne et donc, mécaniquement,
l’un des plus difficiles à mailler par un réseau capillaire. D’autant que, comme la population
hexagonale n’est pas la plus dense, l’effort économique par habitant s’en trouve alourdi
(notamment par comparaison avec l’Allemagne). A fortiori, si l’on considère que la collectivité
française a eu à porter financièrement, durant les mêmes décennies, la création d’un
remarquable réseau de train à grande vitesse (et partiellement concurrent de la route). En
dépit de ces contraintes spécifiques d’aménagement de l’espace, le maillage autoroutier du
territoire situe la France aux tous premiers rangs européens.
-
Cette observation « quantitative » est corroborée par des observations de nature plus
« qualitative » qui relèvent de l’accidentalité et de la qualité et diversité des services offerts sur
les réseaux autoroutiers, ainsi que de l’évolution des investissements pour prendre en compte
de nouveaux objectifs environnementaux. Le haut niveau de qualité des infrastructures
routières françaises et, en particulier, des autoroutes, est très généralement salué dans les
classements internationaux.
-
La dernière observation relève des effets induits par la présence d’un réseau autoroutier très
capillaire. La France est la première destination touristique du monde, avec plus de 80
millions de touristes accueillis (et un grand pays de transit au sein de l’Europe), et pourrait voir
ce flux progressivement complété par plusieurs dizaines de millions de visiteurs additionnels
d’ici la fin de la prochaine décennie. Dans ce contexte, les effets économiques associés au
maillage autoroutier doivent être pris en considération. Si l’attractivité de la France, en
particulier pour les investissements étrangers, fait débat, la qualité des infrastructures de
transport fait exception dans le concert du « French bashing ».
-
Le développement des nouveaux modèles de transport routier en émergence ou en
développement en France (covoiturage, auto-partage, autocars inter-régionaux) constituent
également des évolutions qui requièrent des infrastructures autoroutières de grande qualité
(sécurité, information et régulation du trafic, densité des aires de repos et de restauration, …).
Ainsi, au moment où l’Allemagne cherche un moyen de relancer son investissement en
infrastructures, et semble considérer avec davantage d’intérêt le modèle concessionnaire français, il
importe de rappeler que l’analyse de la « performance économique » des autoroutes françaises doit
être jointe au débat sur leur « performance financière ». Tel est l’objet de cette section, organisée en
quatre temps :
-
Nous rappelons tout d’abord que, si le débat sur le modèle autoroutier a été singulièrement
« rétréci » à la mesure de la rentabilité des sociétés concessionnaires, il doit être replacé dans
la perspective, plus large, des considérables besoins d’investissement en infrastructures,
indispensables à la sortie de la crise économique et au développement à long terme (I.1).
19
-
Nous présentons ensuite les caractéristiques et performances des autoroutes françaises, qui
constituent à la fois l’un des réseaux les plus étendus d’Europe et présentant une sécurité et
une qualité de services parmi les plus élevées (I.2).
-
Nous analysons par ailleurs les effets de « diffusion » économiques, à la fois via la « filière »
autoroutière (effets directs et indirects des investissements) et via les « usages » (I.3).
-
Nous soulignons enfin, sous forme de conclusion d’étape, comment les autoroutes constituent
une infrastructure-clé pour l’attractivité du territoire de la France et de son économie (I.4).
I.1. L’enjeu : les considérables besoins d’investissement en infrastructures pour sortir de
la crise économique
La crise économique a laissé les États exsangues (dans l’OCDE) ou les a sérieusement ébranlés
(partout ailleurs ou presque), hypothéquant leur capacité à étendre ou moderniser (ou simplement
créer) leurs infrastructures de transport, d’énergie, de télécommunications, d’eau, autant
d’investissements dont dépend leur croissance à long terme (ainsi que la qualité de vie et la sécurité
de leurs citoyens…).
Les évaluations économiques foisonnent pour alerter sur l’extraordinaire besoin d’investissements en
infrastructures :
-
L’OCDE et McKinsey convergent pour fixer l’ordre de grandeur à 60000 Mds de dollars, au
niveau mondial, toutes infrastructures confondues à 2030 (cf. Figure 1).
-
Le BCG évalue le besoin à 5% du PIB mondial, chaque année, considérant que les
puissances publiques ne peuvent assumer directement que la moitié de cet effort.
Figure 1
Evaluation du besoin mondial d’investissements en infrastructures (2013/2030 – trillions de
dollars)
Source : OECD; IHS Global Insight; GWI; IEA; McKinsey Global Institute analysis
20
Il est intéressant de resituer le récent débat sur les concessions autoroutières dans ce contexte et de
rappeler que la Commission Européenne a estimé la charge d’investissements en matière de
transport sur les décennies 2010 et 2020 à 1500 Mds d’euros.
Le FMI vient d’évaluer l’effet de levier de ces investissements, estimant que 1% du PIB orienté vers
les infrastructures induisait 1,5% de croissance au bout de quatre années, ce qui donne une idée de
la croissance perdue compte tenu des contraintes de financement des États. Le diagnostic formulé
par le FMI est clair :
-
Une baisse substantielle du capital public (en % du PIB) est soulignée au cours des trente
dernières années dans les pays avancés, émergents et en développement, avec tout
particulièrement une fourniture d’infrastructures par habitant dans les pays émergents et à
faible revenu très en retrait des pays de l’OCDE.
-
La hausse des investissements en infrastructures accroît le PIB à court et à long terme,
notamment durant les périodes de ralentissement économique et tout particulièrement
lorsque l’investissement est très efficient (conditions plus généralement rencontrées dans
l’OCDE).
-
Et de conclure que le moment est propice à une relance des investissements dans ces
domaines, avec un coût de l’emprunt faible, une demande déprimée dans l’OCDE, et des
« goulets » infrastructurels de nombreux pays émergents et en développement.
Figure 2
16
Projections de croissance à moyen terme
16
FMI, 2014, World Economic Outlook report
21

La crise économique a laissé les États (d’Europe et l’OCDE en particulier) très
contraints pour financer les infrastructures (eau, énergie, télécom, transports, …)
indispensables à leur développement.

L’effort à soutenir à long terme « pèse » 5% du PIB mondial, mais les États ne peuvent
soutenir cet effort qu’à moitié, ce qui plaide pour des formes de partenariats entre
public et privé, dont le modèle concessionnaire est l’une des formules.

La croissance perdue du fait de cette « missing money » est considérable, 1% du PIB
orienté vers les infrastructures induisant 1,5% de croissance au bout de 4 années.

Ce besoin mondial de développement des infrastructures constitue une formidable
perspective à l’export pour les entreprises françaises, particulièrement performantes
dans ces domaines.
I.2. Caractéristiques et performances des autoroutes françaises
I.2.1. Un réseau autoroutier parmi les plus ramifiés d’Europe…
Le réseau français s’est considérablement densifié au cours des trente dernières années, la longueur
totale des autoroutes passant de 5 300 km en 1980 à 8 300 en 1995, puis à plus de 11 000
désormais. Aujourd’hui, la France dispose, après l’Espagne et l’Allemagne, du troisième réseau
autoroutier en Europe par la taille, représentant environ 16% des infrastructures européennes, alors
que l’Hexagone n’occupe que 12% de la superficie du territoire de l'Union. Il convient en outre, dans
cette hiérarchie :
-
De relativiser la place de l'Espagne dont la fragilité du modèle est apparue lors de la crise
économique qui a révélé un effort d'investissement dont la soutenabilité n'avait pas été
garantie.
-
De reconnaître que, concernant la comparaison avec l’Allemagne, si le réseau de cette
dernière est plus étendu, le nombre de kilomètres d'autoroute par habitant est nettement
supérieur en France (+13%, cf. Figure 3), plus encore en mettant en rapport les PIB de part et
d’autre du Rhin (+19%, cf. Figure 4).
16
14
12
10
8
6
4
2
0
Espagne
Allemagne
France
Italie
Royaume Uni
Portugal
Pays Bas (1)
Suède (1)
Belgique
Autriche
Hongrie
Suisse
Croatie
Denmark (2)
Irlande
Pologne
Finlande
Slovénie
République Tchèque
Bulgarie
Slovaquie
Norvège
Roumanie
Lituanie
Chypres
Luxembourg (1)
Estonie
Milliers km
Figure 3
Longueur des réseaux autoroutiers nationaux dans l’UE (2012)
(1)
Données 2009 (2) Données 2008
Source : Eurostat
22
Figure 4
Poids relatif du réseau autoroutier et du territoire des pays de l’UE
2
1
1
1
1
1
Source : Eurostat, OCDE
L'extension et l’amélioration des infrastructures routières ont permis aux réseaux de transport routiers
français d’absorber un nombre croissant d’usagers. En 2012, la France est le premier pays européen
sur le transport routier de personnes (en passagers-kilomètres, tout véhicule confondu).
Parallèlement à l’augmentation des flux de véhicules, un important rallongement des parcours est
observable, à la fois conséquence et facteur du développement du réseau autoroutier. La durée
moyenne des parcours sur autoroute a ainsi augmenté de 103 % entre 1982 et 1994, et de 55% entre
1994 et 2008, signe que le réseau a permis la banalisation du transport à longue distance (même si la
congestion des autoroutes dans le pourtour des métropoles entre également, en partie, en ligne de
compte).
Figure 5
Intensité du transport routier de personnes
(en millions de passagers-kilomètres par an, 2012)
1 000 000
800 000
600 000
400 000
200 000
Slovaquie
Bulgarie
Lettonie
Roumanie
Slovénie
Croatie
Lituanie
Irlande
Norvège
Denmark
Finlande
Rép. Tchèque
Autriche
Suisse
Suède
Belgique
Pays Bas
Pologne
Espagne
Royaume Uni
Italie
France
0
Source : Eurostat
23
Figure 6
Intensité du transport routier de marchandises (en millions de tonnes-kilomètre par an, 2012)
350 000
300 000
250 000
200 000
150 000
100 000
50 000
Chypres
Estonie
Luxembourg
Croatie
Irlande
Lettonie
Suisse
Slovénie
Danemark
Grèce
Norvège
Autriche
Finlande
Lituanie
Bulgarie
Slovaquie
Belgique
Suède
Roumanie
Hongrie
Portugal
Rép. Tchèque
Pays Bas
Italie
Royaume Uni
France
Espagne
Pologne
Allemagne
0
La construction d’un réseau autoroutier à la fois dense et de qualité a requis un effort d’investissement
continu et soutenu. Cet effort s’inscrit dans la logique plus vaste du développement et de
l’amélioration des infrastructures de transport françaises qui sont un des piliers de l’attractivité et de la
compétitivité de l’économie française.
La France est parmi les trois premiers pays membres de l’UE qui investissent le plus,
comparativement à leur PIB, dans ces infrastructures (et, à nouveau, la fragilité des efforts opérés
dans l’ensemble de la péninsule ibérique ont été mis en lumière par la crise, de sorte que la présence
de l’Espagne et du Portugal aux premiers rangs doit être « revisitée »).
Consacrant en moyenne 0,80% de son PIB par an à ces investissements dans la période 1995-2011,
l’économie française maintient un effort 20% plus élevé que celui de l’Allemagne sur la période. Cette
orientation procède certes de la nécessité de mailler le territoire le plus vaste parmi les pays de
l’Union (et dont la densité de population est inférieure à la moyenne européenne, ce qui induit un
effort par habitant plus marqué), mais également de choix constants dans la politique publique.
Figure 7
Investissements dans les infrastructures de transports, % du PIB (moyenne entre 1995 et 2011)
1,60%
1,40%
1,20%
1,00%
0,80%
0,60%
0,40%
0,20%
0,00%
Source : OCDE, Eurostat
24
L’importance de cet effort d’investissement est particulièrement visible en matière d’infrastructures
routières (y compris concernant les autoroutes). Au cours de la dernière décennie, la France est,
parmi les pays européens, celui qui investit le plus dans ses infrastructures routières. La majorité de
ces dépenses sont d’ailleurs consacrées à l’amélioration et au développement des infrastructures.
Figure 8
Investissement dans les infrastructures routières (milliards d’euros, 2009)
Estonie
Bulgarie
Luxembourg
Lettonie
Slovénie
Lituanie
Slovaquie
Croatie
Portugal
Autriche
Irlande
Danemark
Finlande
Belgique
Hongrie
Suède
Rep. Tchèque
Romania (1)
Pays Bas
Norvège
Suisse
Pologne
Espagne (1)
Royaume Uni
Italie
Allemagne (1)
France
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
Investissement
Entretien
(1) Distinction entre « investissement » et « entretien » non disponible
Source : OCDE
L’intensité de cet effort pour la collectivité légitime, pour être soutenu sur la durée, les formes de
partenariat public-privé qui ont été déployées pour les infrastructures autoroutières, mais désormais
également pour le train à grande vitesse (par exemple la ligne Paris-Bordeaux concédée au
consortium LISEA). Il est manifeste que, la France étant également « championne » de la grande
vitesse ferroviaire (avec plus de villes desservies par ce mode de transport que dans l’ensemble du
reste de l’Europe), la poursuite sur le long terme d’une politique de maillage via tous les grands types
d’infrastructures (sans en « sacrifier » aucun) aurait difficilement pu être assumée sur seuls fonds
publics et a requis des modes de financement permettant de mobiliser la capacité d’investissement
d’acteurs privés.
Le rapport de la Commission Fratzscher (directeur de l'institut de conjoncture DIW), commandé par le
gouvernement allemand et présenté en avril 2015, est consacré au déficit d’investissement dans les
17
infrastructures outre-Rhin . M.Fratzscher considère que le déficit annuel de l’Allemagne en
investissements est de l’ordre de 75 milliards d'euros par an et impacte toujours particulièrement les
infrastructures de transport. Si la formulation du rapport reste « prudente », les échanges au sein de la
Commission ont clairement pointé la limite du modèle autoroutier allemand et la nécessité d’imaginer
des formes nouvelles de partenariat public-privé s’inspirant de modèles voisins :
« Roads as a mode of transport are and will remain of paramount importance for freight traffic and
passenger transport. Which is why maintaining and expanding national roads in particular is of vital
importance to ensuring the German transport system’s capacity and proper functioning. A particular
challenge in this connection is the pent-up need that has developed in recent years for investments
necessary to maintain existing infrastructure. As a long-term solution for ensuring investment in federal
trunk roads, the Commission proposes examining the possibility of establishing a public infrastructure
company for federal trunk roads (transport infrastructure company) that would offer the following:
17
Fratzscher M. ,2014, Increasing Investment in Germany, Report prepared on behalf of the Federal Minister for
Economic Affairs and Energy, Sigmar Gabriel
25
Construction, maintenance and management of federal roads “from a single source”
following the life cycle approach.
- Financing primarily or exclusively from usage charges without leading to any additional
burdens for car users.
- Capacity to borrow without government guarantees so that a clear demarcation to the public
sector is ensured; preservation of public oversight. This particularly means no “privatisation”
of Germany’s federal trunk roads in any form whatsoever.
The structure of a company of this kind should be the subject of a thorough examination by the
Federal Government. Of fundamental importance is the decision regarding the ownership of the
infrastructure company, which provides the basis for determining the company’s tasks and
responsibilities in the context of the general conditions. The Expert Commission is in agreement that
the public sector should hold at least a majority stake in this infrastructure company; some members
even recommend that the infrastructure company should be wholly state-owned. The Expert
Commission recommends that the experience other countries ‒ such as Austria, France and
Switzerland ‒ have gathered in connection with different organisational structures be drawn upon
when working out the concrete terms and details of such a company ». [p.9]
-

La France dispose du troisième réseau autoroutier en Europe par la taille.

La France est le premier pays européen sur le transport de personnes.

La construction d’un réseau autoroutier à la fois dense et de qualité a requis un effort
d’investissement continu et soutenu.

La France est parmi les trois premiers pays membres de l’UE qui investissent le plus
dans les infrastructures de transports.
I.2.2 …et présentant une sécurité et une qualité de services parmi les plus élevées
Les règles de conception des autoroutes et la réglementation en vigueur contribuent à faire de ces
infrastructures le « vecteur » de transport routier sans conteste le plus sûr. Sur l’ensemble des pays
européens, le nombre de personnes tuées sur les autoroutes a diminué de 49% entre 2004 et 2013
contre 44% de diminution pour le reste du réseau routier. Sur cette période, la réduction annuelle
moyenne de la mortalité sur les autoroutes européennes était de 8% contre 6,5% pour les autres
routes. Sur cette même période, la longueur du réseau autoroutier a augmenté de plus de 25%.
Selon l’ASECAP, sur le réseau autoroutier proprement dit, la France se situe à un niveau de
performance élevé avec moins d’un tué par milliard de véh-km, une mortalité inférieure à ces des
autres grands réseaux, Allemagne et, plus encore, Espagne. Cette observation vient confirmer que la
qualité d’un réseau autoroutier ne se mesure pas (à l’évidence) uniquement à sa longueur et à son
maillage.
26
Figure 9
Nombre de tués par milliard de véh-km sur la période 2011-2013
* Données 2011-2012
** Uniquement sur les autoroutes à péage
*** Sur les autoroutes et les autovias
Source : European Transport Safety Counsil (2015)
Figure 10
Evolution à long terme du nombre de tués sur les autoroutes françaises (milliard de véh-km)
18
16
14,4
14
14,6
Variation annuelle du taux de tués : -6,2%
12,6
12
10,8
10
8
6
10,2
9,8
7,3
5,6
5,6
5,5
4
2
4,8
4,5
2,3
2,5
2,1
1,7
1,6
1,6
0
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014
Source : ASFA
La mortalité a été divisée par 10 sur les autoroutes françaises depuis 1980. Ce résultat remarquable
ne procède certes pas des seuls efforts des gestionnaires d’infrastructures (l’évolution de la
réglementation routière et l’amélioration des équipements de véhicules sont également des facteurs
déterminants). Toutefois, la nature des services offerts sur le réseau est également à prendre en
considération. Ainsi, en considérant qu’un accident mortel sur trois est en rapport avec la fatigue et la
somnolence du conducteur, la présence très fréquente d’aires de repos sur les autoroutes françaises
er
concourt à la sécurité (et la différence avec le 1 réseau européen, par sa longueur, qu’est l’Espagne
est également à souligner).
27
Tableau 1
Services fournis aux usagers par les concessionnaires membres du réseau
ASECAP (nombre par 100 km)
Pays
Autriche
Espagne
France
Grèce
Irlande
Italie
Portugal
Total
Aires de
repos
9,83
3,85
6,98
7,60
1,19
7,34
0,20
5,11
Stations
service
4,00
2,91
4,06
2,11
1,19
7,29
2,14
3,64
Restaurants
2,34
3,23
4,74
1,57
3,56
3,13
3,06
2,29
Source: ASECAP
L’ensemble de ces efforts font apparaître les infrastructures routières françaises aux premiers rangs
des classements internationaux. Selon le World Economic Forum qui compare plus de 140 pays, la
e
France est 4 au niveau mondial en termes de compétitivité de ses infrastructures routières, devant le
e
e
e
e
Japon (10 ), l’Allemagne (13 ), les États-Unis (16 ) ou le Royaume Uni (30 ). A l’exception du Japon,
la France est ainsi le seul grand pays parmi les dix premiers du classement mondial. Elle est donc
première parmi les grands pays à soutenir un effort aussi conséquent tant de « quantité » que de
« qualité » de ses infrastructures routières.
Tableau 2
10 premiers pays en termes de qualité des infrastructures routières
1
2
Emirats Arabes
Unis
Portugal
3
Autriche
4
France
5
Pays Bas
6
Singapore
7
Hong Kong
8
Oman
9
Suisse
10
Japon
Source: World Economic Forum
Un des enjeux ayant gagné en attention durant la décennie 2000 est celui de l’amélioration des efforts
dédiés aux performances environnementales des autoroutes françaises. Une telle orientation aboutit
nécessairement à une grande diversité de mesures destinées à :
-
la protection des ressources en eau (traitement des rejets en eau pour préserver les zones
de captage en eau potable, continuité des milieux aquatiques, prévention des risques
d’inondation, …) ;
-
la protection des riverains contre le bruit (réalisation d’écrans anti-bruit, pose de revêtements
acoustiques, isolation de logements, …) ;
28
-
la préservation de la biodiversité (préservation des continuités écologique, valorisation des
trames vertes, …) ;
-
l’éco-rénovation des aires de repos et des aires de services (collecte sélective des déchets,
éclairages basse consommation, …) ;
-
la réduction des émissions de CO2 (informations sur le trafic, mesures de régulation de la
vitesse, déploiement du télépéage, promotion de l’usage collectif des infrastructures
(covoiturage, autocars express))..
Entre 2010 et 2013, ces efforts ont bénéficié de plus d’1 milliard d’investissements grâce aux
engagements du « paquet vert ».

Le réseau autoroutier français se situe à un niveau de performance élevé avec une
mortalité inférieure à celle des autres grands réseaux (Allemagne et Espagne).

La mortalité sur les autoroutes françaises a été divisée par 10 depuis 1980.

Le World Economic Forum classe la France au 4e rang mondial en termes de
compétitivité de ses infrastructures routières.
I.3. Des effets de « diffusion » économiques incontestables
Sur le plan économique, l’analyse des effets des autoroutes sur le fonctionnement de l’économie doit
intégrer tant la dimension court terme que la dimension long terme. A court terme, la construction et la
mise en œuvre des infrastructures autoroutières induit un certain nombre d’effets directs et visibles sur
l’industrie des transports elle-même, mais aussi sur celle du BTP et sur toutes les activités
fournisseuses des grands projets d’infrastructures. Cependant, pour appréhender avec justesse les
enjeux économiques autour du développement du réseau autoroutier, il faut également prendre en
compte un certain nombre d’effets induits sur les incitations et les contraintes qui conditionnent les
comportements des ménages et des entreprises et dont les résultats ne sont souvent observables
qu’à moyen-long terme.
La science économique est, dans ce domaine, d’un grand secours. Elle permet, en effet, d’objectiver
autant que faire se peut des intuitions qui, si elles ne s’appuient pas sur une quantification rigoureuse,
peuvent prêter à controverse et surtout apparenter le débat auquel donne lieu leur interprétation à une
« discussion de café de commerce ».
L’économie des transports, discipline qui s’est, au cours des trois dernières décennies, autonomisée,
à la fois de la macroéconomie et de l’économie industrielle, a largement contribué à l’analyse des
« prix » et des « quantités » autoroutières. Elle s’est moins concentrée à ce jour sur les effets externes
du développement de la filière autoroutière.
Ce déficit relatif – à combler dans le futur – permet néanmoins de documenter de manière rigoureuse
un certain nombre d’intuitions relatives aux effets d’entraînement, dont les investissements
autoroutiers sont porteurs.
29
Le Tableau 3 représente la recension et l’analyse systématique des travaux de recherche réalisés
18
dans ce domaine . Les conclusions de ces travaux sont présentées de manière résumée dans les
Tableaux 3 et 4 puis structurées de manière littéraire.
Tableau 3
Etudes empiriques sur le lien entre investissements dans les infrastructures de transport et
efficacité des entreprises
Etude
Méthodologie
Résultats
Infrastructures et coûts de production des entreprises
Keeler & Ying
(1988)
Cette étude tente d’évaluer l’impact sur
les coûts des entreprises américaines,
entre 1950 et 1973, de la construction et
de l’ouverture du système fédéral
d’autoroutes aux États Unis.
Nadiri &
Mamunéas (1994)
Etude du lien entre évolution du stock
de capital public et celle des coûts de
production dans différents secteurs
industriels aux États Unis entre 1953 et
1986.
Morrisson &
Schwartz (1996)
Etude de l’impact sur les coûts des
entreprises des investissements publics
dans les infrastructures de transports.
Les
données
concernent
des
entreprises industrielles américaines
regroupées en quatre régions (Nord,
Est, Sud, Ouest)
L’article conclut que l’ouverture et l’exploitation de ce
réseau d’autoroutes a eu un effet positif sur l’efficacité des
entreprises qui y ont accès. Les baisses de coût peuvent
être particulièrement significatives dans certaines
industries : les coûts de production des grandes
entreprises de transport routier américaines ont diminué
de 19% l’entre 1950 et 1973 grâce à l’utilisation de cette
infrastructure. Ces bénéfices dépassent le coût des
investissements dans ces infrastructures (équivalent de
seulement 12,6% des coûts dans les industries
concernées).
Le développement du réseau routier a eu un effet positif
sur les coûts de production de l’industrie américaine : sur
les 12 secteurs étudiés, 11 bénéficient d’une baisse de
coûts significative. En moyenne, pour l’ensemble des
secteurs, suite à une hausse de 10 % du capital investi en
infrastructures de transport les coûts de transport
diminuent de 1,3%. Ces gains de coûts peuvent être
particulièrement élevés dans les industries de biens
durables. Selon le secteur d’activité, les investissements
publics dans les infrastructures de transport peuvent
expliquer entre 1/10 et ½ des gains de productivité
enregistrés au cours de la période..
Entre 1970 et 1987 aux États Unis, chaque million de
dollars investi en infrastructures publiques nationales
permet de réaliser entre 160 et 180000 de dollars
d’économies de coûts pour l’industrie manufacturière.
Ces investissements ont permis de générer entre 15 et
20% d’économies de coûts dans les États du Nord et l’Est
et entre 20 et 30% pour les États du Sud et de l’Ouest.
Infrastructures et productivité des facteurs de production
Aschauer (1989)
Etude sur longue période (1949 –
1981)
du
lien
entre
les
investissements publics dans les
infrastructures et la productivité du
capital ou la productivité globale des
facteurs dans l’économie américaine.
Munnel (1990)
Estimation
de
l’impact
des
investissements publics, dont 2/3
concernent les infrastructures de
base, sur la productivité des secteurs
d’activité non-agricoles aux États
Unis entre 1948 et 1988.
Sur les différentes sous-périodes étudiées l’élasticité de
la productivité du capital par rapport aux variations du
stock du capital public est variable mais toujours positive
(entre 0,38 et 0,56). Ainsi, en moyenne sur la période,
l’augmentation de 10% des infrastructures publiques se
traduit par une augmentation de 3,8 à 5.6% de la
productivité du capital. Aschauer trouve des résultats
similaires lorsqu’il étudie le lien entre investissements
publics dans les infrastructures et productivité globale des
facteurs. Aschauer suggère ainsi que le déclin de la
croissance de la productivité américaine vers la fin de la
période pourrait être reliée au ralentissement des
investissements publics. Ainsi, entre 1950 et 1970, la
croissance annuelle moyenne de la productivité globale
aux États Unis était de 2% alors que la croissance
annuelle du stock du capital public était de 4,1%. Entre
1971 et 1985, alors que la croissance du stock de capital
diminue fortement (1,6%), les gains de productivité
ralentissent aussi (0.8%).
Le coefficient de corrélation entre les deux variables
étudiées est positif et significatif (0.31 à 0.39). Ainsi, une
augmentation de 10% du stock de capital public
augmenterait la productivité du travail d’entre 3,1 et 3.9%.
L’auteur conclut que près de 80% du ralentissement de la
croissance de la productivité du travail serait dû au déclin
du ratio capital public/travail.
18
Ne sont repris ici que les travaux parlant spécifiquement sur les effets externes de la filière autoroutière. Les
recherches plus globales traitant de manière incidente du sujet ne sont pas reprises ici.
30
Fernald (1999)
L’article étudie l’impact de l’évolution
du stock d’infrastructures routières
sur la productivité dans différents
secteurs d’activités regroupés en 9
catégories
selon
l’intensité
d’utilisation du transport routier.
L’estimation porte sur des données
de 29 industries américaines sur une
période allant de 1953 à 1989.
Cadot et al. (2002)
Cette étude analyse le lien
réciproque entre productivité et
investissements
dans
les
infrastructures de transport. L’étude
porte sur 21 régions françaises entre
1985 et 1992.
De Stefanis & Sena
(2005)
Etude
de
l’impact
des
investissements publics dans les
infrastructures sur la productivité
globale des facteurs de production.
L’étude est menée sur l’économie
italienne entre 1970 et 1998. Elle fait
la
distinction
entre
« core
infrastructure »
(qui
comprend
notamment les infrastructures de
transport)
et
« non
core
infrastructure ».
L’auteur conclue qu’il existe une relation positive et
significative entre la croissance des infrastructures
routières et la croissance de la productivité globale des
facteurs dans l’économie. Ainsi, la croissance annuelle du
réseau routier était d’environ 4% avant 1973 et moins
d’1% après cette année. En parallèle, la croissance
annuelle moyenne de la productivité des industries
étudiées était de 1,6% par an avant 1973 et de seulement
0.3% après cette date. Ainsi, la réduction d’1% de la
croissance du réseau routier entraine un ralentissement
d’1,3% de la croissance de la productivité de l’économie.
L’étude obtient une élasticité positive et significative
(0.085) entre les investissements dans les infrastructures
de transport (notamment les routes) et la productivité
globale.
Le retour moyen sur l’investissement (ROI) que les
auteurs calculent (0.157) est inférieur à celui obtenu sur
données américaines, mais néanmoins significatif.
Les estimations déterminent une élasticité entre 0.1 et
0.25 entre les investissements dans les infrastructures de
base (dont les transports) et la productivité globale des
facteurs. Une hausse de 10% du stock de capital public
dans les infrastructures de base se traduirait par une
hausse de 1 à 2.5% de la productivité.
Tableau 4
Etudes empiriques sur le lien entre mobilité et croissance économique
Etude
Munnel & Cook (1990)
Méthodologie
Cet article étudie l’impact des infrastructures
de transport sur la croissance économique
dans les différentes régions des États Unis
entre 1970 et 1988.
Hulten (1996)
Cette étude s’intéresse au lien entre l’usage
efficace des infrastructures (mesuré par un
indicateur synthétique qui agrège l’information
de plusieurs indicateurs qualitatifs) et le
développement économique, mesuré par le
PIB/habitant. L’estimation porte sur un
échantillon de pays à revenu faible ou moyen
sur une période allant de 1970 à 1990.
Aschauer (1998)
Etude du lien entre rythme de croissance
économique, stock de capital public dans les
infrastructures et efficacité d’utilisation du
capital public. L’estimation porte sur 46 pays à
faibles ou moyens revenus, de 1970 à 1990.
Fernald (1999)
Etude de l’impact des investissements publics
dans les infrastructures de transport sur la
croissance aux États Unis.
Résultats
Une augmentation de 10% du capital investi
dans les infrastructures est associée à 1,5%
de croissance supplémentaires en moyenne
pour les différentes régions américaines
étudiées. Parmi les différentes infrastructures,
les autoroutes sont unes de celles qui
contribuent le plus à la croissance
économique. L’augmentation de 10% du
capital investi dans les infrastructures
autoroutières transport est associée à une
augmentation de 0,6 pts de % du taux de
croissance du PIB. La contribution des
infrastructures de transport à la croissance
économique équivaut à 1/5e de la contribution
de l’ensemble des investissements privés.
L’élasticité de la croissance du PIB/tête par
rapport à l’efficacité de l’usage des
infrastructures est positive et significative.
L’amélioration
de
l’efficacité
des
infrastructures de 10% entrainerait une
augmentation supplémentaire de 7,94% du
PIB par tête entre 1970 et 1990, soit une
croissance annuelle moyenne supplémentaire
de 0.38pts de pourcentage.
Selon l’auteur, ¼ du différentiel de croissance
entre l’Afrique et l’Asie pourrait être expliqué
par la qualité de l’usage des infrastructures.
Une augmentation d’1% dans la quantité ou
l’efficacité du capital public entraine 0,29 %
supplémentaire de croissance économique.
Toutefois, ces résultats sont affaiblis si la
croissance du capital publique s’accompagne
d’un creusement du déficit public.
Les
investissements
publics
en
infrastructures de transport (dont une part
non négligeable correspond aux autoroutes)
a contribué en moyenne à hauteur de 1,4 pts
de pourcentage à la croissance économique
américaine avant 1973 et de 0,4 pts de
pourcentage après cette date.
31
Chandra & Thompson
(2000)
Le lien entre investissements publics dans les
infrastructures et la croissance économique
est
étudié
au
travers
l’impact
du
développement du réseau autoroutier entre
États aux États Unis. L’estimation porte sur
des localités non métropolitaines sur la
période de 1969 et 1993.
Demurger (2001)
Etude empirique du lien entre investissement
en infrastructures et le rythme de la croissance
économique en Chine. L’estimation porte sur
des données de 24 régions chinoises sur la
période allant de 1985 à 1998.
Kamps (2006)
Cette étude analyse les effets des
investissements
publics
dans
les
infrastructures sur le rythme de croissance
économique de 22 pays membres de l’OCDE
entre 1960 et 2001.
Calderon & Serven
(2010)
Cette étude analyse le lien entre l’insuffisance
d’infrastructures et la croissance économique.
Elle appuie son argumentaire sur des données
concernant des pays d’Afrique.
Gupta & al. (2011)
Etude du lien entre croissance économique et
investissements publics dans des pays à
faibles revenus.
Warner (2014)
L’étude porte sur 124 pays à revenus faibles
ou moyens sur la période 1960-2011
Zhao (2015)
Cet
article
étudie
les
effets
des
investissements routiers et autoroutiers sur la
croissance des revenus d’impôts fonciers dans
les différents « countys » du Minnesota entre
1995 et 2011.
Le développement des autoroutes a un effet
positif et significatif sur les revenus dans les
localités qui accueillent la nouvelle autoroute.
Comparativement aux localités qui en sont
privées, la croissance des revenus dans
l’ensemble des secteurs y est supérieure de 6
à 8%.
L’ampleur de l’impact de la présence
d’autoroutes varie selon le secteur. Elle est
plus importante dans l’industrie où le
différentiel de croissance des revenus avec
les localités qui ne bénéficient pas
d’autoroutes peut être de 2 à 10% selon l’âge
de l’autoroute.
Cette étude montre qu’outre les différences
en termes d’ouverture, de réformes
économiques,
et
de
localisation
géographique, les différences de dotation en
infrastructures sont un élément essentiel pour
comprendre le différentiel de performances
économiques) entre provinces chinoises.
Parmi les différentes infrastructures, celles
liées aux transports jouent un rôle primordial.
Deux éléments semblent expliquer les
différences en régions, en particulier entre les
plus rapides et les plus lentes, la
spécialisation sectorielle et la qualité des
infrastructures
de
transport
et
de
communication disponibles.
L’élasticité de la production nationale
relativement aux investissements de transport
dans les pays de l’OCDE sur la période 1960
à 2001 est de 0.2. Et, même si les résultats
peuvent varier d’un pays à l’autre, ils restent
globalement significatifs pour les pays de
l’échantillon.
Selon les auteurs, les pays africains
pourraient bénéficier d’une croissance
annuelle moyenne supérieure (+1,5 pts de
pourcentage environ) s’ils réussiraient à
réduire
à
moitié
leur
insuffisance
d’infrastructures
L’étude menée par Gupta et al. obtient une
élasticité de la production nationale par
rapport au capital public d’environ 0,15. Ainsi,
pour les pays concernés, l’accroissement du
stock de capital public de 10% entraine une
croissance moyenne supplémentaire de la
production de 1,5%.
L’accroissement
de
5%
du
ratio
investissement dans les infrastructures/PIB
entrainerait une hausse de 0.70% du taux de
croissance économique annuel moyen à
court ou moyen terme.
La croissance du stock d’infrastructures
autoroutières a un effet positif et significatif
sur la croissance des revenus d’impôts
fonciers. Les effets indirects (spillovers),
c'est-à-dire l’élasticité de la croissance des
revenus d’impôts fonciers à la croissance des
infrastructures autoroutières autour du county
(estimée à 0.030), sont d’ailleurs plus
importants que l’impact direct, c'est-à-dire
l’élasticité de la croissance des revenus
d’impôts fonciers à la croissance des
infrastructures autoroutières dans le county
(estimé à 0.013). Ainsi, selon le calcul des
auteurs chaque dollar supplémentaire investi
dans les grandes autoroutes génère un
accroissement net de 0.871$ de la valeur de
la propriété foncière des counties concernés.
Si l’on essaie de synthétiser de manière littéraire l’ensemble de ces études, on peut établir une
cartographie des effets externes positifs que génère la filière autoroutière.
32
I.3.1 Effets de diffusion via la « filière » autoroutière
La construction et l’exploitation d’autoroutes sont directement génératrices de valeur ajoutée et
d’emploi. En France, l’industrie autoroutière emploie plus de 15 000 personnes directement et génère
19
plus de 9 Mds d’euros de chiffre d’affaires par an . De plus la conception, la construction, la mise en
œuvre des autoroutes, puis leur entretien, impliquent un certain nombre d’industries majeures et sont,
donc, potentiellement créatrices de richesse et d’emplois :
-
Le BTP, l’industrie chimique, métallurgie, etc. pour les travaux de construction ou d’entretien ;
-
L’hôtellerie, la restauration, le commerce, etc. pour l’exploitation proprement dite.
Cette industrie génère, par ailleurs, d’importantes contributions directes aux budgets publics et la
France est encore parmi les pays où cette contribution est la plus significative. Le secteur autoroutier y
a collecté plus d’impôt sur le revenu que les autres pays européens (plus de 1 000 millions d’euros)
ainsi que plus de taxes spécifiques (765 millions d’euros). Au total, parmi les membres de l’UE, c’est
en France que la contribution des concessionnaires d’autoroutes aux recettes fiscales de l’État est la
plus importante : hors TVA, la contribution des concessionnaires d’autoroutes aux recettes fiscales de
l’État est trois fois plus élevée en France qu’en Italie ou en Espagne, deux autres grands réseaux
autoroutiers en Europe.
Figure 11
Contribution des concessionnaires d’autoroutes aux recettes fiscales
1200
1000
800
600
400
200
0
Autriche
Italie
France
Impôt sur le revenu
Espagne
Pologne
Slovénie
Taxes spécifiques
Source: ASECAP
I.3.2 Effets de diffusion via les « usages » des autoroutes
Partie intégrante du réseau d’infrastructures de transport, les autoroutes contribuent directement à
l’économie et à la société à travers leur impact sur la mobilité des personnes et des biens. La capacité
d’accueil de véhicules plus importante que celle des routes traditionnelles et des conditions de
conduite plus sécurisées autorisent une vitesse moyenne plus élevée qui, si les infrastructures sont
efficacement gérées, a des effets importants sur divers aspects de l’activité économique. On peut
distinguer cinq effets externes positifs de l’amélioration du réseau autoroutier :
-
19
la réduction du temps de transport, conséquence immédiate d’une mobilité accrue et dans de
meilleures conditions, génère des gains de temps pour les usagers, à la fois pour les
entreprises et pour les particuliers, qui sont à l’origine d’une part importante des effets
indirects de la construction ou de l’amélioration du réseau autoroutier ;
Le chiffre d’affaire des autoroutes française comprend les revenus des péages, source ASECAP, donnée 2013.
33
-
la mise en place et l’amélioration du réseau autoroutier contribuent également à la réduction
des coûts opérationnels et des coûts d’entretien des véhicules pour l’ensemble des usagers ;
-
l’accroissement de la prévisibilité des temps de transport a des effets importants en matière
d’’organisation des trajets, individuels et collectifs, et contribue de façon non négligeable à
l’amélioration des processus de distribution et de logistique des entreprises ;
-
le développement du réseau autoroutier participe à l’évolution des modes de transport (avec
les conséquences en termes de désengorgement, de pollution, etc.) ;
-
la réduction de l’insécurité routière, avec pour conséquence la baisse des coûts, à la fois
humains et matériels, que celle-ci implique.
I.3.2.1 Via le marché des biens et services
L’existence d’un réseau de transport à la fois développé et rapide influence les ménages tant dans
leur travail qu’en matière de choix de consommation. La réduction du temps et des coûts de transport
facilite la concurrence dans le transport de marchandise, ce qui pour les consommateurs produit un
effet-qualité et un effet-prix. Du fait de la réduction des temps de transport et de l’accroissement de la
prévisibilité, les baisses de coûts permises par les autoroutes améliorent l’accessibilité des entreprises
aux différents marchés. Le nombre croissant de fournisseurs potentiellement proches d’un marché
réduit, directement ou par anticipation, les pressions inflationnistes.
La théorie économique nous enseigne que sur les marchés de biens non-différentiables, cette
situation exerce une pression sur les prix des producteurs et peut générer, in fine, des gains de
pouvoir d’achat pour les ménages. Sur les marchés des biens différenciables, cette situation
encouragera les entreprises à différencier leur offre, contribuant ainsi à la qualité et à la variété de
l’offre disponible et se traduit par une plus grande variété et disponibilité de l’offre et/ou par une baisse
des prix.
I.3.2.2 Via le marché du travail
Le développement du réseau autoroutier exerce une influence sur le fonctionnement du marché de
travail :
-
L’accroissement de la mobilité géographique qu’il implique s’accompagne d’un
élargissement des opportunités d’emploi. Le développement du réseau autoroutier, au
même titre que les autres infrastructures de transport, peut élargir l’accès à des emplois
plus diversifiés, plus qualifiés, mieux rémunérés.
-
Par ailleurs, au-delà de l’effet sur le niveau d’emploi durant la réalisation des projets
d’infrastructures de transport, de nombreuses études montrent d’une part que leur
développement peut avoir un impact positif durable sur l’emploi, et d’autre part que le
capital investi dans le réseau autoroutier et le travail sont des facteurs complémentaires.
L’accroissement du capital investi en autoroutes s’accompagne d’un accroissement de
l’emploi dans les régions concernées et les secteurs associés.
34
I.3.2.3. Via l’organisation des activités économiques
La mise en œuvre et le développement du réseau autoroutier a des effets sur l’organisation et
20
l’articulation des processus de production . En effet, des études récentes montrent que la géographie
industrielle des pays développés a été fortement affectée par le développement des infrastructures de
transport. Klein et Krafts (2010) modélisent les facteurs déterminant la création du Manufacturing Belt
aux États Unis. Leur travail montre que le potentiel du marché, plus que tout autre facteur, a influencé
e
la localisation des industries américaines au XIX siècle. Et les infrastructures de transport influencent
fortement l’étendue du marché potentiel. Des résultats similaires ont été obtenus pour l’Espagne par
Julio Martinez-Galarraga (2010).
Le développement et l’amélioration des infrastructures de transport, en particulier ceux des
autoroutes, influencent à la fois le niveau et la structure des coûts des entreprises.
-
Les conséquences immédiates de l’accroissement de la mobilité (réduction du temps de
transport, baisse des coûts opérationnels, etc.) contribuent directement à la réduction des
coûts des entreprises-usagers.
-
Par ailleurs, les autoroutes peuvent induire des effets indirects importants qui renforcent
ce type d’économie, et génèrent des gains même pour les non-usagers.
o
En réduisant les coûts liés au fonctionnement du système de distribution (ceux de
transport comme ceux de stockage).
o
En intensifiant la concurrence entre fournisseurs, l’amélioration du réseau routier
permet de réduire les coûts des intrants.
o
En provoquant un accroissement virtuel de la taille du marché accessible par les
entreprises et permettent à ces dernières à réaliser, sous certaines conditions, des
économies d’échelle.
La construction du réseau autoroutier participe, par différents moyens, à l’accroissement de la
productivité :
20
21
-
D’une part, l’amélioration de la mobilité influence les modèles de distribution des
entreprises. Le rapprochement entre l’entreprise et ses marchés contribue à réduire
divers coûts de transaction liés aux transports, y compris ceux liés à la réduction de
l’incertitude sur la durée et l’amélioration de la prévisibilité des trajets. Cela encourage les
innovations organisationnelles (comme la méthode de production just in time) qui
améliorent l’efficacité productive grâce à l’optimisation du processus logistique et à la
réduction des besoins de stocks.
-
L’accroissement de la productivité des entreprises passe également par les effets, directs
ou indirects, sur le travail que cette mobilité accrue génère. La réduction du temps de
transport augmente la disponibilité des salariés. L’élargissement virtuel du bassin
d’emploi peut fournir à l’entreprise une main d’œuvre mieux qualifiée et plus adaptée.
-
Cependant, l’effet le plus important passe par ce que l’économie industrielle appelle les
économies d’agglomérations (effet cluster) – des gains de productivité liés au fait que les
21
entreprises se rapprochent les unes des autres . En effet, la réduction des frais de
transport libère les entreprises de la contrainte d’installation près de leurs marchés et
Mohring & Williamson (1969)
Krugman, 1998
35
peut les inciter à se regrouper « géographiquement » afin de tirer parti d’un certain
nombre de phénomènes qui renforcent leur productivité et leur compétitivité : partage de
connaissances et transferts de technologies ; bassins d’emploi plus vastes ;
élargissement de l’offre de fournisseurs. Certains secteurs – finance, technologies de
22
pointe – sont particulièrement sensibles aux effets d’agglomération .
-
Cependant, le lien entre réseau autoroutier et croissance de la productivité n’est pas
linéaire. Il peut varier avec l’âge des infrastructures, leur degré de maturité, l’échelle
d’évaluation, le secteur d’activité auquel on s’intéresse, etc. Par ailleurs, cet effet sur la
productivité est conditionné par l’efficacité de la gestion des autoroutes et du trafic
autoroutier. Ainsi, la mauvaise gestion et la surcharge des réseaux autoroutiers ont
contribué à l’apparition et l’aggravation de problèmes de congestion qui peut entrainer
une baisse significative de la productivité en particulier pour les secteurs les plus liés aux
autoroutes.
La prise en compte de cette contribution des infrastructures à la productivité des entreprises explique
pourquoi le rendement, économique et social, de la construction et de la gestion d’autoroutes
dépasse leur simple rendement financier.
 Parmi les membres de l’UE, c’est en France que la contribution des concessionnaires
d’autoroutes aux recettes fiscales de l’État est la plus importante.
 L’accroissement de la mobilité géographique qu’implique le développement du réseau
autoroutier s’accompagne d’un élargissement des opportunités d’emploi.
 Le développement du réseau autoroutier est à l’origine d’un effet cluster, c'est-à-dire de
gains de productivité liés au fait que les entreprises se rapprochent les unes des autres.
 Les effets externes positifs de la filière autoroutière sont significatifs et démontrés au
plan budgétaire et, plus généralement, au plan macroéconomique.
I.4. Conclusion d’étape : une infrastructure-clé pour l’attractivité du territoire de la France
et de son économie
L’importance du réseau autoroutier français et les efforts pour son développement sur les trente
dernières années sont incontestables. Les besoins spécifiques de l’économie française et les
problèmes associés à l’aménagement de son territoire justifient ces efforts, mais également éclairent
l’ampleur des défis à venir.
Les besoins d’infrastructures de transport efficaces en France sont importants et, compte tenu des
caractéristiques de la géographie et de la démographie de la France mais aussi de son rôle de
territoire de transit, ils continueront à progresser à moyen-long terme. La France est le premier pays
européen par son territoire (550 000 km2, 12% du territoire européen) et deuxième par sa population
(66 millions d’habitants, 13% de la population européenne). Situé au carrefour des flux humains et de
marchandises en Europe, la France absorbe une part non-négligeable des flux de voyageurs et de
marchandises intra-communautaires.
22
Graham, 2005
36
Au-delà des nécessités liées à la géographie, nous sommes là en présence d’un enjeu économique
de premier rang pour l’économie française. Le tourisme qui représente depuis 1999 le premier poste
excédentaire de la balance des paiements française renforce également les besoins de l’économie en
infrastructures de transport. La France reste la première destination touristique du monde avec 83
millions de visiteurs en 2014.
Figure 12
10 premières destinations touristiques (en millions de visiteurs, 2014)
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Source : P3E Dgcis
23
Les ambitions affirmées lors des Assises du Tourisme de 2014 de conforter un leadership français
en matière de tourisme permettent de juger de l’ampleur des défis (et des besoins en termes de
qualité des infrastructures de transport internes à l’Hexagone) :
-
Si la France captait 5% seulement du milliard de touristes supplémentaires escomptés d’ici à
2030 au niveau mondial (selon l’Organisation Internationale du Tourisme), les recettes
induites par les visiteurs étrangers (42,2 Mds d’euros en 2013) pourraient augmenter très
significativement.
-
Une telle perspective est assez plausible, sachant que la France accueille actuellement 8%
des touristes internationaux, mais implique une adaptation rapide de la « chaîne de valeur »
dans la mesure où la courbe de progression supposerait de franchir le cap des 100 millions en
2020, c’est-à-dire à un terme très proche.
-
Sachant que chaque visiteur étranger est à l’origine de 500 euros de dépenses en moyenne ,
l’accueil de 50 millions de personnes représente ainsi un enjeu de 25 milliards par année.
24
23
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/promotion-du-tourisme-en-france/les-assisesdu-tourisme/article/cloture-des-assises-du-tourisme-19
24
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/tourisme/la-place-du-tourisme-dans-l/
37
Figure 13
Progression des flux touristiques mondiaux à long terme
Source : UNWTO
Les enjeux économiques associés ne relèvent pas que des activités touristiques, mais plus largement
de l’attractivité du territoire français qui fait, de manière régulière, l’objet de controverses trop souvent
approximatives et idéologiques. Pour essayer d’y voir plus clair, il faut accepter de recourir à une
pluralité de points de vue.
Il est clair qu’un certain nombre d’enquêtes d’opinions ne pousse guère à l’optimisme. Parmi les plus
souvent mises en avant citons :
e
-
Le Forum Economique Mondial ne classe la France en 2014 qu’au 23 rang de son palmarès
de la compétitivité, le trio de tête étant composé de la Suisse, de Singapour et des États-Unis.
-
Dans le classement IMD, école de commerce de Lausanne qui effectue une enquête de
ème
ème
référence chaque année dans 61 pays, la France recule en 2014 de la 27
à la 32
place
du fait de la baisse de ses exportations et de ses investissements.
Ces classements sont à prendre en considération, mais doivent être relativisés car ils ne sont pas les
seuls. Si l’on balaie de manière systématique les enquêtes de ce type, il en est un certain nombre qui
permettent à la France de redresser la tête :
-
Le classement « Doing Business » 2014 de la Banque Mondiale sur les pays où il est le plus
ème
ème
facile de réaliser des affaires, acte le redressement de la France (de la 38
à la 31
place)
ème
ème
qui se rapproche ainsi du Japon (29 ) et des Pays-Bas (27 ).
-
L’enquête réalisée en 2015 par le cabinet Ernst & Young constate une perception positive du
climat des affaires en France par les investisseurs étrangers qui passe de 62% à 68%.
Tous ces éléments sont, bien sûr, qualitatifs et subjectifs. Cela ne justifie pas pour autant qu’ils soient
sans intérêt car la psychologie joue un rôle éminent en matière d’attraction et d’investissement. Mais
cela ne suffit pas. Rien ne vaut de bons indicateurs objectifs facilement mesurables et donc
incontestables. Dans ce domaine, les chiffres plaident plutôt en faveur de la cause française.
38
Si l’on analyse les projets d’implantation, l’enquête d’Ernst & Young fait état d’une croissance continue
de 2012 (471 projets) à 2014 (608 projets). Quant aux achats effectifs d’entreprises recensés par
« Business France », ceux-ci ont augmenté de 8% de 2013 (685) à 2014 (740). Une autre étude
réalisée par Thomson Reuters classe ainsi la France au troisième rang mondial en 2014, derrière les
États-Unis et l’Irlande, en matière d’Investissements Directs Etrangers avec 74.3 milliards de dollars
investis.
Mais ce qui compte, ce sont les causes de cette attractivité. Il est clair que les facteurs sociaux
constituent une préoccupation essentielle dans les choix d’investissement des entreprises. Dans une
récente étude de l’American Chamber of Commerce, ceux-ci représentent 7 des 12 principaux motifs
d’investissement et dans ce domaine la France est généralement mal classée. Mais ce handicap est
compensé en partie au moins par la qualité des infrastructures dont dispose notre pays.
Et en matière d’infrastructure, la qualité des infrastructures de transport routier est unanimement mise
ème
en avant. C’est le cas du World Economic Forum qui classe la France 8
nation au monde en
ème
matière d’infrastructures de transport et 4
en matière d’infrastructures routières. C’est le cas aussi
d’une autre étude de l’American Chamber of Commerce réalisée avec le cabinet Bain qui classe la
France N° 1 mondial (sur 142 pays) en matière de qualité de son infrastructure routière.
A un moment clé de l’histoire de notre pays où le redressement productif paraît le seul moyen de sortir
de la crise par le haut, il est clair que l’avantage compétitif que nous donne notre investissement
autoroutier se doit, non seulement, de ne pas être remis en cause, mais, au contraire, considéré
comme un atout majeur pour l’avenir.

Quelles que soient les variations, au fil du temps, de l’attractivité française, la qualité
des infrastructures, en particulier routières, est constamment le facteur essentiel
attirant les investisseurs étrangers dans l’Hexagone.

Cet atout est non moins important s’il s’agit de considérer les atouts français en
termes touristiques, la progression attendue dans ce domaine à l’avenir (de 80 à plus
de 100 millions en 2020), le maillage de la France par un réseau autoroutier de grande
qualité est une caractéristique déterminante.

Le développement des nouveaux modèles de transport en développement en France
(covoiturage, auto-partage, autocars inter-régionaux) constituent également des
évolutions qui requièrent des infrastructures autoroutières de grande qualité.

Ces éléments doivent être intégrés pour mesurer la contribution du réseau autoroutier
à la dynamique économique française.
39
Le modèle économique des sociétés concessionnaires d’autoroutes
II.
La présentation du modèle économique des SCA nécessite de revenir sur un ensemble de concepts
de la théorie financière, indispensables à la compréhension des enjeux. La juste mesure de la
rentabilité des SCA, régulièrement débattue, est abordée dans la première sous-partie. L’impact des
cycles d’investissement et d’exploitation sur la marge et la rotation des actifs, les spécificités du
modèle concessionnaire et l’incidence de la comptabilité sont les principaux sujets traités. La seconde
sous-partie est consacrée aux différents risques associés à l’activité des SCA et leur impact sur le
coût des ressources de financement. La présentation des modèles d’estimation du coût du capital et
du coût des fonds propres, ainsi que les différents risques affectant l’activité des SCA, est
indispensable aux valorisations menées en partie II de ce rapport.
II.1. Mesures de la rentabilité des SCA et retour sur investissement
II.1.1. Définition et décomposition de la rentabilité
Appréhender et mesurer la rentabilité est au cœur de la démarche d’analyse économique et
financière. La rentabilité se définit comme le rapport d’un résultat aux capitaux investis nécessaires
pour dégager ce résultat, qu’il ne faut en aucun cas confondre avec la marge, qui est le rapport d’un
25
résultat à un volume d’activité .
Cette confusion entre marge et rentabilité est à l’origine de nombreuses erreurs d’appréciation,
notamment lorsqu’il s’agit de mesurer la rentabilité des SCA : lorsque les observateurs pointent du
doigt leurs marges élevées, ils omettent le plus souvent de rappeler l’importance des capitaux
nécessaires à la réalisation du chiffre d’affaires. Une analyse complète de la rentabilité nécessite en
fait la prise en compte de la rotation des actifs (généralement occultée dans le débat), c’est-à-dire le
rapport entre le chiffre d’affaires réalisé et les capitaux investis. La rentabilité d’une entreprise est
alors le produit du taux de marge et du taux de rotation des actifs :
𝑅𝑒𝑛𝑡𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡é =
𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡
𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡
𝐶ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒 𝑑 ′ 𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠
=
×
= 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑒 × 𝑟𝑜𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛
𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠 𝐶ℎ𝑖𝑓𝑓𝑟𝑒 𝑑 ′ 𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠
𝐶𝑎𝑝𝑖𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠
La marge et la rotation des actifs d’une entreprise sont fortement liées à son domaine d’activité :
25
-
Certaines activités permettent d’obtenir des marges élevées pour des rotations faibles. On
parle alors de secteurs à forte intensité capitalistique. La marge obtenue pour un euro de
chiffre d’affaires est élevée, mais la réalisation de cet euro de chiffre d’affaires nécessite des
capitaux importants. Dans un tel secteur, il est nécessaire d’engager un montant élevé de
capitaux avant même de pouvoir réaliser le moindre euro de chiffre d’affaires. C’est
évidemment le cas des SCA, mais aussi plus largement de l’ensemble des sociétés
d’infrastructure, de l’industrie lourde, de la pharmacie, etc.
-
A l’inverse, d’autres secteurs aboutissent à des marges faibles pour une rotation importante
(la distribution, les services, …) et sont désignés comme à faible intensité capitalistique. La
réalisation d’un euro de chiffre d’affaires nécessite alors peu de capitaux, mais la marge
obtenue sur cet euro est faible.
Source : Pierre Vernimmen, 2015, Finance d’Entreprise, avec Pascal Quiry et Yann Le Fur, Dalloz
40
Une entreprise peut ainsi afficher une marge largement inférieure à celle d’une SCA tout en
dégageant une rentabilité identique voire supérieure, si son taux de rotation est très important.
Décomposer la rentabilité d’une entreprise renseigne sur son activité et la constitution de son résultat,
mais ne se référer qu’à la seule marge est nettement insuffisant et peut conduire à des erreurs
d’appréciation. Si la réalisation d’une marge élevée est un indicateur de la santé d’une entreprise,
l’information ne peut s’analyser sans référence au secteur considéré. Réaliser une marge de 20%
relèverait du miracle pour une société de la grande distribution, mais conduirait probablement
n’importe quelle SCA à de graves difficultés financières, eu égard aux engagements auxquels celle-ci
doit faire face. La rotation des actifs est le pendant indissociable de la rentabilité, et les deux éléments
doivent être analysés symétriquement. Pour les SCA, le niveau élevé des marges est indispensable à
la réalisation des investissements considérables engagés pour la construction et l’exploitation des
autoroutes, dont le faible taux de rotation des actifs constitue donc la contrepartie.
Ceci est clairement démontré par la Figure 14, qui met en évidence la relation entre la marge
26
d’exploitation et la rotation de l’actif économique pour 20 secteurs . Dans le modèle TRIVAL, les
concessions autoroutières sont classées dans le secteur « BTP/Concessions », du fait de
l’appartenance respective d’APRR et ASF à Eiffage et Vinci. Afin de faire ressortir les sociétés de
27
l’échantillon les plus proches d’un modèle de « pure concession » du nuage de points, Abertis et
Atlantia sont également présentées séparément.
Figure 14
Marge d’exploitation et de rotation de l’actif économique normatives par secteur
(sources : prévisions TRIVAL)
50%
Rentabilité économique
45%
Immobilier
40%
Abertis & Atlantia
Marge d'exploitation
35%
Services financiers
Santé
30%
Assurances
25%
Logiciels/Jeux
Médias
20%
Agroalimentaire
Luxe
Biens de
consommation
Electronique
Chimie
Télécom
Matériaux de
construction
Services publics
BTP/Concessions
15%
10%
5%
Informatique
Services
Aéronautique/Défense
Energie
Papier
Transports
Automobile
Minerais/Métaux/Acier
Loisirs/Tourisme
Distribution
Biens d'équipement
0%
-
0,50
1,00
1,50
2,00
2,50
3,00
3,50
Rotation de l'actif économique
26
Calculs effectués à partir des prévisions de marge et de rotation normatives issues du modèle TRIVAL (cf.
Annexe 6)
27
En 2014, Abertis et Atlantia réalisent respectivement 88% et 87% de leur chiffre d’affaires dans les
concessions autoroutières contre 15% pour Eiffage et 12% pour Vinci.
41
La Figure 14 permet de constater le lien évident entre le niveau des marges d’exploitation des
entreprises d’un secteur et la rotation de leur actif économique. Dans des marchés à l’équilibre, il
n’existe pas de poule aux œufs d’or : dégager des marges significatives est la contrepartie
d’investissements importants et indispensables à l’activité.
II.1.2. Cycle d’investissement et cycle d’exploitation
Le cycle d’investissement débute dès la constitution de l’entreprise. Les secteurs à forte intensité
capitalistique nécessitent un investissement initial lourd, effectué par les actionnaires et les créanciers
sous la forme des capitaux investis, qui permettent de constituer l’actif économique nécessaire à
l’activité. La plupart de ces actifs ont une durée de vie finie et doivent ensuite être renouvelés ou
remplacés. Pendant le laps de temps où ils pourront être utilisés, ils permettront à l’entreprise de
générer un chiffre d’affaires : c’est le début du cycle d’exploitation. Durant toute la vie de l’entreprise,
les cycles d’investissement et d’exploitation vont coexister, mais le décalage initial perdurera. D’autant
que réaliser un chiffre d’affaires ne permet pas toujours de générer un flux de trésorerie positif : dans
un premier temps, l’activité de l’entreprise se révèle consommatrice de capitaux. Avec le temps,
l’investissement doit finir par porter ses fruits et permet à l’entreprise de générer des flux de trésorerie
disponibles. La durée de vie de l’investissement étant limitée, cette période de génération de
trésorerie n’est pas infinie et les flux générés devront donc être utilisés afin de financer de nouveaux
investissements, nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Si ce n’est pas le cas ou si les
flux générés s’avèrent insuffisants, l’entreprise doit alors de nouveau faire appel aux apporteurs de
capitaux, afin de financer la poursuite de l’activité. Cycle d’investissement et cycle d’exploitation sont
donc étroitement mêlés dans la vie de l’entreprise, mais l’activité générée est toujours le fruit d’un
investissement initial.
Le modèle économique des sociétés concessionnaires comporte certaines spécificités. Par la
signature du contrat de concession, l’État concède la construction, l’entretien et l’exploitation d’un
ouvrage. Les sociétés concessionnaires investissent dans un actif incorporel (le droit d’exploitation
des ouvrages concédés) à durée limitée (la durée de concession) et elles doivent rapidement trouver
des financements importants, afin de réaliser l’ouvrage, dont l’exploitation leur permettra ensuite de se
rémunérer. L’ouvrage concédé peut être à construire dans son intégralité (greenfield) ou déjà
partiellement construit (brownfield).
Les critiques sur la supposée rente dont bénéficieraient les SCA suite aux privatisations résultent
d’une erreur dans la façon d’appréhender la rentabilité d’une concession. En effet, le schéma des flux
générés par une concession peut se décomposer en trois phases successives sur une durée de vie
finie :
-
Une phase d’investissement, consommatrice en flux de trésorerie, qui correspond à la
construction et la mise en service progressive de l’ouvrage ;
Une phase de transition, durant laquelle la concession commence à générer des flux de
trésorerie, mais continue de nécessiter des investissements importants ;
Une phase d’exploitation optimale, génératrice de flux de trésorerie, qui permet aux
actionnaires et créanciers de rentabiliser leurs capitaux investis.
La seule façon de mesurer la rentabilité d’une SCA est donc de la considérer sur l’ensemble de son
existence. Comme évoqué précédemment, les SCA évoluent dans un secteur à forte intensité
capitalistique et requièrent donc, dès la signature du contrat, la mobilisation de capitaux très
importants. En effet, il s’agit initialement de réaliser des travaux lourds sur une longue période,
supposant des investissements importants avant de toucher le moindre revenu. Du fait de l’importance
des capitaux à investir, le financement des sociétés concessionnaires nécessite couramment d’avoir
recours à l’endettement, générant des charges d’intérêt à décaisser dès le lancement des opérations
42
de construction. A mesure de la mise en service de l’ouvrage, l’exploitation commence à générer un
chiffre d’affaires qui devra permettre, au terme de la concession, l’amortissement des investissements
réalisés, le remboursement des emprunts contractés et la rémunération du capital investi. La période
d’exploitation de l’ouvrage est limitée dans le temps, celui-ci revenant sans compensation à l’État à la
fin de la concession. Cette concentration des flux générés par la société concessionnaire sur une
période de temps limitée est une spécificité fondamentale du modèle, qui explique la nécessité de
générer des marges importantes pendant une phase du « cycle de vie » de l’infrastructure. Pendant
ces quelques années d’exploitation optimale, la société concessionnaire doit être en mesure de
générer des flux de trésorerie disponibles très importants afin de faire face à ses engagements vis-àvis de l’État et de ses investisseurs. Comparativement à une société propriétaire de ses actifs, les
marges dégagées par l’activité devront donc être d’autant plus importantes que la société doit
continuer à investir dans l’ouvrage jusqu’à l’échéance de la concession, alors qu’elle en perdra in fine
l’exploitation sans recevoir aucune compensation, selon les termes définis par le contrat de
concession et sous peine de se voir appliquer des pénalités. Ainsi, à l’approche du terme de la
concession, l’État établira, après concertation avec la SCA, l’ensemble des investissements à réaliser
sur les dernières années de la concession afin de lui remettre l’ouvrage en bon état d’entretien. Les
derniers investissements seront donc réalisés par la SCA, alors même que celle-ci ne sera bientôt
plus en droit d’en percevoir le bénéfice. La Figure 15 représente les flux générés par une concession
sur l’ensemble de sa durée de vie.
Figure 15
Schéma des flux générés par une concession
Flux de trésorerie générés par la concession
Fin de vie de la concession
Construction et mise en service
progressive de l'ouvrage
Période de transition
Exploitation optimale
de l'ouvrage
Entre 2002 et 2006, les trois principales SCA françaises (ASF, APRR et SANEF) ont été privatisées
(cf. Annexe 1) alors que les concessions devenaient matures, c'est-à-dire après que l’essentiel des
43
travaux de construction et de mise en place du réseau autoroutier eurent été effectués. Cependant, si
les acquéreurs n’ont pas eu à subir la phase de construction et de mise en service des autoroutes, il
leur a été demandé de payer le droit de les exploiter, en investissant des capitaux très importants sur
une période de temps réduite afin de devenir propriétaire des SCA. Les critiques omettent de rappeler
que la valeur des SCA a été déterminée en tenant compte de l’ensemble des investissements déjà
réalisés, de ceux restant à effectuer et des flux générés jusqu’à la fin de leur durée de vie. La Figure
16 illustre le modèle économique du rachat des SCA en 2002/2005, par rapport au schéma présenté
en Figure 15.
Figure 16
Schéma des flux générés par les SCA privatisées en 2005/2006
Flux de trésorerie générés par la concession
Fin de vie de la concession
Prix d'acquisition
22 Mds€
Investissement 2002/2006 = 39 Mds€
Reprise de dette
17 Mds€
Construction et mise en service
progressive de l'ouvrage
Période de transition
Exploitation optimale
de l'ouvrage
Pendant la phase de privatisation, les acquéreurs ont versé à l’État et aux actionnaires un total de 22
milliards d’euros pour devenir propriétaires des fonds propres des SCA, c'est-à-dire en contrepartie
des flux de trésorerie générés par le droit d’exploiter les autoroutes pendant une durée déterminée. Ils
ont également repris à l’État les dettes de 17 milliards d’euros inscrites aux bilans des SCA,
permettant la réduction de l’endettement public par la déconsolidation des montants afférents. La
valeur totale de privatisation des SCA s’est ainsi élevée à 39 milliards d’euros, comprenant la
compensation des investissements effectués précédemment par l’État pour la construction des
autoroutes et l’abandon des bénéfices futurs potentiels par celui-ci. Les acquéreurs se sont donc vu
accorder le droit d’exploiter un réseau d’autoroutes en partie construites par l’État, mais ont dû
décaisser une somme importante afin de l’obtenir. Le schéma de flux générés par les SCA privatisées
pour leurs acquéreurs correspond donc à un investissement initial de 39 milliards d’euros entre 2002
et 2005, qui génère par la suite des flux de trésorerie jusqu’à l’expiration des concessions.
44
Ces flux sont différents de ceux prévus pour les SCA avant leur privatisation, puisque le schéma de
génération de flux des SCA pour les acquéreurs comprend des engagements d’investissement
supplémentaires demandés par l’État via les contrats de plan et les avenants aux cahiers des charges
et visant à accélérer le développement du réseau. Cette génération de flux n’est pas infinie, puisque
les autoroutes reviendront gratuitement à l’État à l’expiration de la concession, qui sera alors libre d’en
assurer l’exploitation ou de le concéder de nouveau à la société de son choix. L’État sera alors
propriétaire et exploitant d’un réseau d’autoroutes en excellent état d’entretien, dont l’exploitation sera
susceptible de lui rapporter des flux de trésorerie importants dès la récupération des actifs, s’il ne
choisit pas de le concéder de nouveau et d’obtenir ainsi une somme significativement supérieure à
celle versée par les acquéreurs pendant la phase de privatisation, ceux-ci ayant poursuivi depuis lors
leurs investissements afin d’atteindre les objectifs fixés par l’État.
Les SCA disposent ainsi d’une période de temps limitée afin de rentabiliser les importants capitaux
investis, qui ne donneront droit à aucune valeur de remboursement en fin de concession. La
rentabilité d’une SCA doit donc se mesurer sur l’ensemble de son cycle de vie, en considérant les flux
de trésorerie encaissés et décaissés au moment de leur génération. Pour les sociétés privatisées sur
la période 2002/2005, la rentabilité se mesure de manière actuarielle en rapportant les flux de
trésorerie générés entre la privatisation et la fin de vie de la SCA au montant global investi (39
milliards d’euros) pour acquérir l’exploitation de la concession (cf. Annexe 2).
II.1.3. Principaux soldes intermédiaires de gestion et incidence de la comptabilité
La vocation du compte de résultat est de refléter au mieux l’activité de l’entreprise sur un laps de
temps défini (généralement une année), indépendamment des cycles d’investissement et
d’exploitation. Il est ainsi constitué de produits encaissables et de charges décaissables, qui
engendrent des flux de trésorerie sur l’exercice comptable en cours, mais aussi d’éléments théoriques
ou calculés, qui n’engendrent pas de flux de trésorerie, mais permettent d’effectuer des comparaisons
entre exercices. Le chiffre d’affaires des SCA dépend essentiellement de deux paramètres : le niveau
du trafic et le tarif des péages. Le tarif perçu auprès des utilisateurs par la société concessionnaire est
déterminé par le contrat de concession. Chaque année, la révision des tarifs est établie à l’aide d’une
formule, basée sur l’évolution des prix à la consommation. L’application de cette révision est
étroitement surveillée par l’État, qui s’assure de sa transparence et de sa publicité. L’État permet aussi
aux SCA de compenser certains investissements qu’elles ont réalisés par une augmentation de tarif
supplémentaire, en contrepartie de leur récupération par l’État en fin de concession. Ces dernières
29
années, la hausse des tarifs a été modérée (+1.29% en 2014 dont +0.33% de TVA, +0.55% lié aux
investissements et +0.41% lié à l’inflation), notamment en comparaison d’autres services de transport.
En 2015, la hausse des tarifs a été de 0.03% pour les véhicules légers et de 0.04% pour les poids
lourds, mais elle a été gelée pour les concessions historiques. Le Tableau 5 permet de comparer les
hausses tarifaires sur les deux dernières années.
Tableau 5
30
Hausses tarifaires 2014 et 2015 des SCA, du TGV et de la RATP
2014
2015
SCA (toutes concessions confondues)
1.29%
0.00%
TGV
2.80%
2.60%
RATP (Carnet de 10 tickets)
3.01%
2.92%
RATP (Pass navigo zone 1 et 2)
3.07%
4.32%
29
30
Source : ASFA
Source : SNCF, 26 décembre 2014, Evolution tarifaire 2015, communiqué de presse et site de la RATP.
45
Quant au trafic, il est en baisse entre 2008 et 2013 à réseau autoroutier constant, principalement en
raison de la baisse du trafic des poids lourds, très sensible à la conjoncture économique. Compte tenu
de l’augmentation du réseau autoroutier français (+6% entre 2008 et 2013), le trafic est quasi
31
stagnant .
Le premier élément de marge examiné par les observateurs des SCA est l’Excédent Brut
d’Exploitation (EBE), équivalent français de l’EBITDA. L’EBE est la différence entre les produits
d’exploitation encaissables et les charges d’exploitation décaissables, c'est-à-dire le résultat du cycle
d’exploitation des SCA. Il ne prend donc pas en considération les capitaux investis nécessaires à
l’exploitation, ni leur financement. La marge d’EBE des SCA est une des plus élevées tous secteurs
confondus, mais le droit d’exploitation des autoroutes par les SCA est la contrepartie
d’investissements importants, particulièrement lors des premières années de la concession,
enregistrés à leur actif sous le nom « immobilisations du domaine concédé ». Afin de ne pas
enregistrer ces investissements en charge sur le résultat d’une seule année comptable, ce qui
introduirait une variabilité du résultat liée non pas à l’activité mais au cycle d’investissement, la
comptabilité permet de les étaler sur la durée de leur mise en concession. L’amortissement
correspond alors à la charge comptable relative à la dépréciation courante de l’actif de l’entreprise et à
son usure régulière au fil du temps.
Le résultat opérationnel ou résultat d’exploitation (REX), équivalent français de l’EBIT, est obtenu en
déduisant de l’EBE les amortissements et dépréciations. Pour les SCA, l’amortissement représente
une part significative du chiffre d’affaires, comme c’est généralement le cas dans les secteurs à forte
intensité capitalistique. En outre, l’actif construit au fil des investissements doit être intégralement
amorti à l’expiration de la concession puisque l’actif est rendu à l’État pour une valeur nulle. La
concentration des flux générés par les SCA sur une période de temps finie est une spécificité
fondamentale du modèle, qui explique la nécessité de générer des marges importantes : en effet,
l’activité prend fin à l’expiration du contrat de concession et le bénéfice réalisé lors des années
d’exploitation maximale de l’ouvrage doit permettre de financer les investissements futurs auxquels se
sont engagés les concessionnaires afin de maintenir l’ouvrage à niveau, soutenir une dette élevée,
payer les impôts et taxes (dont la redevance domaniale, taxe dont les sociétés autoroutières
s’acquittent en contrepartie de l’occupation du domaine public) et enfin de permettre aux investisseurs
d’obtenir un retour sur les importants capitaux engagés initialement. La Figure 17, construite à partir
des comptes publiés par ASF et APRR depuis leur privatisation (entre 2006 et 2014), illustre cette
situation.
31
Source ASFA : y compris l’augmentation du réseau autoroutier, le trafic global est passé d’une base 100 en
2008 à une base 104.8 en 2013, mais le réseau autoroutier s’est accru de 6% sur la même période. Dans le
détail, le trafic poids lourds est passé d’une base 100 en 2008 à 92.3 en 2013 (le trafic des voitures particulières
atteignant pour sa part un indice de 107.2 sur la même période, mais là-encore y compris accroissement du
réseau).
46
Figure 17
Répartition pour un chiffre d’affaires de 100 des différents postes intermédiaires de gestion
d’une SCA
40
17
43
Frais liés aux travaux,
entretiens et frais de personnel
Amortissements
Résultat
d'exploitation
15
Frais financiers
10
Impôts
18
Résultat net
Les SCA évoluent dans une industrie de coûts fixes : une légère baisse du chiffre d’affaires,
occasionnée par la réalisation d’un ou plusieurs des risques présentés ci-dessus, peut entraîner une
dégradation marquée de la marge et de la rentabilité des capitaux investis. La Figure 17 représente la
répartition du chiffre d’affaires d’une SCA (base 100) et démontre qu’en cas de contraction de
l’activité, celles-ci ne disposent de presque aucune solution pour adapter leur base de coûts. En effet,
les SCA sont tenues d’assurer la continuité de l’exploitation, ce qui implique une flexibilité limitée sur
leurs frais de personnel (davantage liés à la longueur du réseau qu’au trafic), et sont soumises à des
obligations contractuelles concernant les frais d’entretien. Les travaux à réaliser sont définis avec
l’État pour plusieurs années consécutives dans le cadre des contrats de plan, les amortissements ne
dépendent que de la durée de vie résiduelle de la concession et les frais financiers peuvent être
rapidement amenés à progresser, si la détérioration de la conjoncture économique remettait en cause
leur capacité à faire face à leurs engagements. Enfin, les tarifs étant réglementés selon une formule
définie dans le contrat de concession et assise sur l’évolution des prix à la consommation, les SCA ne
maitrisent pas leur politique commerciale et subissent encore davantage les aléas de la conjoncture
économique.
En France, la marge d’EBE constatée en 2014 pour ASF et APRR est de 71% du chiffre d’affaires,
celle de SANEF est de 64%. La marge d’exploitation est également identique à 50% pour ASF et
APRR et à 40% pour SANEF. Il convient de souligner que ces niveaux de marges d’EBE et
d’exploitation sont comparables à ceux des autres SCA en Europe, et constituent une situation
normale par rapport aux conditions d’exploitation d’une concession. En Italie, les marges d’EBE et
d’exploitation d’Autostrade (groupe Atlantia) sont respectivement de 61% et 41% en 2014 (60% et
44% en 2013). Au Portugal, elles sont respectivement de 72% et 43% pour Brisa en 2014 (70% et
40% en 2013). En Espagne, la moyenne des marges d’EBE et d’exploitation des autoroutes détenues
par Abertis est de respectivement 66% et 42% en 2014 (68% et 40% en 2013). Ces niveaux sont
donc globalement très proches des marges des SCA en France. Les quelques différences
s’expliquent aisément : d’une part, la situation économique particulièrement dégradée en Espagne et
47
au Portugal a nécessairement impacté le chiffre d’affaires et donc les résultats des concessions dans
la péninsule ibérique, et d’autre part, le niveau de maturité des concessions est différent. La marge
d’exploitation des concessions autoroutières du groupe Abertis est ainsi passée de 48% en 2008 à
42% en 2014. Au Portugal, la marge d’exploitation de Brisa a également été significativement
impactée par la crise entre 2009 et 2012. En France, les marges d’exploitation des SCA sont
globalement stables sur la période. Les marges d’EBE ont augmenté pour ASF et APRR : elles
passent de 66% à 71% entre 2008 et 2014 pour ASF et de 68% à 71% pour APRR sur la même
période. L’annexe 7 permet de comparer l’évolution des marges des SCA françaises et des
principales SCA européennes cotées entre 2005 et 2014. Le Tableau 6 récapitule ces marges en
2014, ainsi que les différents niveaux de maturité des concessions.
Tableau 6
Comparaison des marges des principales SCA européennes sur l’exercice 2014
SCA
Marge d'EBE
Marge
d'exploitation
Fin de vie moyenne
des concessions
ASF
71%
50%
2033
APRR
71%
50%
2032
SANEF
64%
40%
2029
Autostrade
62%
42%
2038
Brisa
72%
43%
2035
Abertis
66%
42%
2026
 La rentabilité doit s’apprécier sur l’ensemble de la durée de vie de la concession.
 Les marges élevées sont la contrepartie des investissements considérables engagés
pour la construction des autoroutes.
 La durée d’exploitation des autoroutes est limitée dans le temps.
 La valeur de privatisation de 39 milliards d’euros inclut la reprise de la dette des SCA,
correspondant aux investissements de construction des autoroutes.
 Le secteur des concessions d’autoroutes est une industrie de coûts fixes.
 Les marges des SCA françaises sont comparables à celles des autres SCA
européennes.
Les trois principales SCA françaises (ASF, APRR et SANEF) ont été suivies dans le modèle TRIVAL
entre leur introduction en bourse et leur privatisation complète. La seconde partie de ce rapport se
consacre à la valorisation de ces sociétés durant cette période. Afin de disposer de l’ensemble des
informations nécessaires à cet exercice de valorisation, la prochaine sous-partie étudie les différents
risques auxquels sont exposées les SCA et leur impact sur le coût des ressources de financement.
48
II.2. Risques et coût des ressources de financement
II.2.1. Rémunération du risque et rentabilité exigée
Les investisseurs en capitaux, qu’ils soient actionnaires ou créanciers, renoncent à un avantage
immédiat (la consommation des dits capitaux) pour des perspectives futures plus élevées. Ils peuvent
choisir d’investir dans un actif dit sans-risque (la plupart du temps les obligations de l’État considéré le
plus solvable) et obtiendront alors une rentabilité correspondant au taux sans-risque (rf). S’ils
choisissent d’investir dans un actif risqué, notamment une entreprise, ils prennent le risque de perdre
tout ou partie de leurs capitaux : les flux générés par un tel investissement sont par nature incertains
et leur réalisation peut être affectée par de nombreux événements. Le taux de rentabilité exigé pour
l’investissement dans une entreprise est égal au taux sans risque (auquel s’ajoute une prime liée à
l’exposition de l’entreprise aux phénomènes globaux affectant l’ensemble du marché). Le modèle
multi-facteurs TRIVAL, développé par Associés en Finance, permet de calculer directement le coût du
capital et le coût des fonds propres d’une entreprise (cf. Annexe 4).
Le coût du capital correspond à la rentabilité exigée par l’ensemble des apporteurs de capitaux de
l’entreprise, c'est-à-dire les actionnaires, qui détiennent les fonds propres, et les créanciers, qui
détiennent la dette. Il s’agit donc du coût global de financement de l’entreprise. La détention de
capitaux propres ou de dette fait courir un risque différent à un investisseur. La dette dispose d’une
priorité de remboursement sur les capitaux propres et donne droit à un coupon généralement fixe (les
intérêts), alors que les capitaux propres donnent droit à une rémunération variable après service des
créanciers (le dividende) et au résidu de la valeur d’entreprise après remboursement de l’ensemble
des dettes. On dit ainsi que les actionnaires sont les créanciers résiduels de l’entreprise. La rentabilité
exigée par les actionnaires est ainsi structurellement supérieure à la rentabilité exigée par les
créanciers.
Le coût du capital dépend du risque opérationnel de l’entreprise et du risque lié à sa taille. Le risque
opérationnel intègre dans TRIVAL un risque de prévision (noté sur une échelle de 1 à 9) et un bêta
sectoriel (calculé à partir des indices sectoriels Euro Stoxx). Plus le risque opérationnel d’une
entreprise est important et plus les investisseurs en exigeront une rentabilité importante. De la même
manière, plus une entreprise est de petite taille, plus les investisseurs exigeront une rentabilité
importante. Dans le modèle TRIVAL, la rentabilité exigée par les apporteurs de capitaux d’une
entreprise (son coût du capital k e) n’est fonction que de son risque opérationnel et de son risque de
taille :
𝑘𝑒 = 𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛é𝑒 à 𝑙 ′ 𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑜𝑝é𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒
Le coût du capital, en tant que taux de rentabilité exigé par les investisseurs (ke), est donc à comparer
32
au taux de rentabilité actuariel (TRIe) décrit au paragraphe II.1.2.
A l’équilibre, ces deux taux sont égaux et la valeur de la concession est égale à l’actualisation des flux
de trésorerie disponibles au coût du capital (méthode DCF to Firm), soit :
𝑛
′
𝑉𝑎𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑑 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒𝑝𝑟𝑖𝑠𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 = ∑
𝑡=1
𝐹𝑙𝑢𝑥 𝑑𝑒 𝑡𝑟é𝑠𝑜𝑟𝑒𝑟𝑖𝑒 𝑑𝑖𝑠𝑝𝑜𝑛𝑖𝑏𝑙𝑒𝑠𝑡
(1 + 𝑘𝑒 )𝑡
32
Le taux de rentabilité actuariel (TRIe) d’une concession permet de rendre nulle la somme actualisée de
l’ensemble des flux de trésoreries générés par la concession tout au long de sa durée de vie (cf. Annexe 5)
49
Le coût des fonds propres correspond à la rentabilité exigée par les actionnaires. Il dépend des
mêmes éléments de risque que le coût du capital (risque de prévision, bêta sectoriel et risque de
taille), auxquels vient s’ajouter le risque financier. Plus une entreprise est endettée, plus son risque
financier est important et plus son coût des fonds propres l’est aussi. En effet, les actionnaires sont les
créanciers résiduels de l’entreprise et le risque qu’ils courent sur leur investissement est d’autant plus
élevé que l’endettement l’est, c'est-à-dire qu’ils ne sont rémunérés que si tous les autres
engagements de l’entreprise ont été remplis (notamment vis-à-vis de leurs banques ou créanciers
obligataires).
La rentabilité exigée par les actionnaires d’une entreprise (son coût des fonds propres) est alors :
𝑘𝐶𝑃 = 𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛é𝑒 à 𝑙 ′ 𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑟𝑒𝑙𝑎𝑡𝑖𝑓 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 + 𝑖𝑙𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡é × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑 ′ 𝑖𝑙𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡é
A l’équilibre, la valeur des fonds propres d’une SCA est égale à l’actualisation des flux actionnaires au
coût des fonds propres (méthode DCF to Equity), soit :
𝑛
𝑉𝑎𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑓𝑜𝑛𝑑𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑝𝑟𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 = ∑
𝑡=1
𝐹𝑙𝑢𝑥 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠𝑡
(1 + 𝑘𝐶𝑃 )𝑡
La partie II de ce rapport est consacrée à la valorisation des SCA par les méthodes DCF to Equity et
DCF to Firm tout au long du processus d’introduction.
II.2.2. Les différents risques affectant les SCA
Le secteur des concessions d’autoroutes est considéré par les investisseurs comme défensif, en
référence à la bonne visibilité de son business-model par rapport à d’autres secteurs particulièrement
cycliques. Toutefois, le secteur des concessions autoroutières est essentiellement une industrie de
coûts fixes et toute modification du chiffre d’affaires a un impact significatif sur la rentabilité des
capitaux investis (cf. partie II.1.3 sur le levier opérationnel). De plus, la société concessionnaire
dispose souvent de peu de marges de manœuvre quant au succès commercial de son ouvrage : la
croissance en volume est très liée à de grands agrégats macroéconomiques, sur lesquels la société
n’a que peu d’emprise, et la croissance en prix est réglementée selon une formule définie dans le
contrat de concession et assise sur l’évolution des prix à la consommation. En cas de crise
économique majeure, l’utilisation des autoroutes se trouve nécessairement impactée par la faiblesse
de la conjoncture, sans que la société concessionnaire ne puisse influer sur la fixation de ses prix.
Ainsi, sans véritable politique commerciale, la société concessionnaire subit l’évolution de la
conjoncture économique et ne peut adapter ni ses investissements, ni sa politique tarifaire.
II.2.2.1. Le risque lié à l’activité économique : le trafic est corrélé aux variations du PIB
Loin d’être en croissance régulière, le niveau de trafic enregistré sur les autoroutes est lié à la
croissance économique. Ceci est particulièrement vrai pour le trafic des poids lourds, extrêmement
sensible à la conjoncture. Une variation de 1% du PIB par habitant entraîne une variation de 1.2% à
33
1.7% du trafic sur autoroutes . Cela signifie que le ralentissement de la croissance économique en
France et la baisse du PIB par habitant au plus fort de la crise (2008 et surtout 2009) ont pesé sur le
33
Source : Commissariat général à la stratégie et à la prospective, juillet 2013 - Estimation des élasticités des
trafics routiers et ferroviaires au PIB
50
trafic enregistré sur le réseau autoroutier. De ce point de vue, les sociétés candidates au rachat des
SCA en 2002 puis en 2005 ont dû faire face à une réalité très décevante par rapport à ce qui pouvait
être anticipé à l’époque. En effet, la croissance annuelle moyenne du PIB par habitant des cinq
34
années précédentes était de +2.5% en France en 2002, mais n’était plus que de +1.4% en 2005. Au
moment des privatisations des autoroutes, le marché tablait donc, a priori, sur des prévisions de
croissance du PIB supérieures à ce qu’elles ont été en réalité. La période de récession de 2008-2009
35
(variation du PIB par tête en France de respectivement -0.4% et -3.4% ) s’est caractérisée par une
forte diminution du trafic (cf. Figure 18).
36
Figure 18
Evolution des kilomètres parcourus sur le réseau autoroutier total (base 100 en 2005) au plus
fort de la crise économique
110
Cumul voitures + poids
lourds
109
108
106
Poids lourds
106
104
Voitures
102
100
98
96
94
94
92
90
2005
2006
2007
2008
2009
Il convient d’ajouter que, s’agissant du trafic poids lourds très sensible à la conjoncture, la baisse est
particulièrement pénalisante pour le chiffre d’affaires des SCA puisqu’elle porte tant sur les volumes
que sur les prix moyens (la grille tarifaire étant plus élevée pour les poids lourds).
II.2.2.2. Le risque de substitution : les autoroutes ont des concurrents
Les autoroutes ne sont pas en situation de monopole, car tout utilisateur routier a la faculté de ne pas
les emprunter lors de ses déplacements, que ce soit au profit des routes nationales ou d’autres
moyens de transport. En particulier en période de crise, les automobilistes ont tendance à délaisser
les autoroutes pour les routes nationales. Ce risque n’est pas à minimiser, comme le montre
l’évolution du trafic sur les autoroutes dans la péninsule ibérique lors des dernières années : en
Espagne, les autoroutes à péage ont subi une chute du trafic de -38% en 2012 et -30% en 2013, les
automobilistes s’étant reportés sur les routes gratuites. En conséquence, plusieurs autoroutes
34
Source : Site Eurostat
Source : Site Eurostat
36
Source : ASFA
35
51
espagnoles sont en situation de faillite. Début 2014, sur les 38 autoroutes payantes en Espagne, 9
concessions se trouvaient proches de la faillite et faisaient l’objet d’études sur des éventuelles
solutions de sauvetage. Au Portugal, la chute du trafic a été encore plus importante. Gratuites pour
certaines jusqu’en 2012, les autoroutes portugaises sont devenues payantes en raison de la crise.
L’instauration de péages sur ces autoroutes est l’une des mesures exigées par les bailleurs de fonds
du pays (FMI, UE et BCE) en échange de l’aide exceptionnelle de 78 Mds€ accordée en mai 2011
pour éviter au pays de sombrer dans la banqueroute. Selon la société spécialisée dans l’information
sur les transports Inrix, le Portugal est le pays où la circulation a le plus diminué en Europe, avec une
baisse du taux d’embouteillages de -50% en 2012 et de -45% en 2013.
Par ailleurs, la concurrence ne se limite pas au réseau routier. Les autoroutes sont également en
concurrence avec le transport aérien et le transport ferroviaire. Ces dernières années ont notamment
vu la démocratisation des vacances à bas coûts (séjours courts ou longs) sur des destinations
proches et accessibles par avion. La stagnation de la circulation routière ces dernières années a
bénéficié au développement des transports en commun tant pour la longue distance que pour les
déplacements quotidiens. Entre 1995 et 2010, le transport ferroviaire de voyageurs grandes lignes a
augmenté de +2.9% par an. Pour les déplacements quotidiens, le transport ferroviaire régional a
progressé en volume de +4.4% par an depuis 1995.
II.2.2.3. Le risque lié au prix du pétrole : le trafic est sensible au prix des carburants
Le prix du pétrole a une incidence claire sur la santé des différents secteurs de transports. Pour le
transport routier de marchandises, le coût du carburant constitue l’un des coûts les plus importants
avec la main-d’œuvre, mais également celui présentant le plus de variations entre les pays. La part du
37
coût de l’énergie dans les coûts totaux des transports est estimée à 25% . Le prix du carburant à la
pompe, celui qui intéresse les transporteurs, est le reflet non seulement des prix du pétrole brut mais
aussi des taxes et du coût de la transformation et de la distribution. Pour l’ensemble du transport
38
routier, une croissance de 1% des prix du gazole entraine une diminution de -0.33% du trafic en
véhicules par kilomètre et de -0.31% de la demande de transport en tonnes par kilomètre.
II.2.2.4. Le risque de désaffection : l’automobile n’est plus en croissance, ce qui affecte le
trafic
Indépendamment des vicissitudes de la conjoncture économique, le marché de l’automobile n’est plus
en croissance, notamment par rapport aux « Trente Glorieuses », qui avaient coïncidé avec la phase
de construction du réseau autoroutier. Qu’il s’agisse d’un phénomène de désamour vis-à-vis d’un
moyen de transport polluant, de l’impact d’une démographie vieillissante, ou même des conséquences
de phénomènes plus récents comme le co-voiturage, force est de constater que le parc de voitures ne
croît plus et que le parcours moyen par véhicule régresse également. Ce phénomène est illustré dans
la Figure 19 et la Figure 20, qui représentent l’évolution du parc de voitures et le parcours moyen
39
annuel des véhicules en service en France entre 1990 et 2013 .
37
Source : Parlement européen, Direction générale des politiques internes, 2009, L’impact des fluctuations des
prix du pétrole sur les transports, étude
38
Source : Christophe Rizet et Hajera Bouguerra, septembre 2013, Evolution des élasticités du transport routier
de fret au prix du gazole, Les cahiers scientifiques du transport
39
Source : INSEE, Service de l’Observation et des Statistiques, Parc et parcours moyen des véhicules en service
en 2013
52
Figure 19
Evolution entre 1990 et 2013 des parcours moyens par an des voitures particulières et des
poids lourds en France (en km/véhicule)
14,000
42,000
13,800
40,000
13,600
13,400
38,000
13,200
13,000
36,000
12,800
12,600
12,400
34,000
Parcours moyen voitures particulières (échelle de gauche)
Parcours moyen poids lourds (échelle de droite)
32,000
12,200
12,000
30,000
Figure 20
Taux de croissance annuel du parc de voitures particulières et des poids lourds entre 1990 et
2013 (en%)
5%
Parc de voitures particulières
4%
Parc de poids lourds
3%
2%
1%
0%
-1%
-2%
-3%
Le parc de voitures particulières est quasi-stable depuis 2005 (autour de 30 millions de véhicules et
une croissance inférieure à 1% par an). Pendant ce temps, le parcours moyen par véhicule particulier
ne cesse de diminuer, et celui des poids lourds est chaotique, marquant une forte baisse depuis le
début de la crise économique en 2008. La Loi sur la Transition énergétique prévoit même une
réduction de 30% du recours aux énergies fossiles en 2030, ce qui impactera nécessairement les
systèmes de transport.
53
II.2.2.5. Le risque prix : les SCA ne contrôlent pas leurs tarifs
La révision des tarifs est régie par les contrats de concession. Les SCA n’ont donc pas la maîtrise de
leurs tarifs, qui évoluent principalement en fonction de l’évolution des prix à la consommation. De plus,
le passé récent a mis en exergue un risque politique sur ces tarifs : ainsi, fin janvier 2015, le
gouvernement a décidé de surseoir à la hausse prévue des tarifs de péages pour 2015. Suite à cette
annonce contraire aux indications des contrats de concession, les titres Vinci et Eiffage ont évolué
sous pression en bourse (-9% pour Eiffage entre le 26 janvier et le 29 janvier, -4% pour Vinci tandis
que l’indice CAC40 est resté quasi-stable sur cette même période). Le marché semble, à ce momentlà, avoir intégré les conséquences financières d’un tel gel des tarifs pour 2015, 2016 et 2017. Le
Tableau 7 indique le niveau des révisions tarifaires annuelles depuis 2000 pour les SCA concernées
par la privatisation de 2006. Elle est de 0% en 2015 suite à la décision de l’État de geler les tarifs.
Tableau 7
40
Hausses tarifaires du réseau historique depuis 2000 pour les véhicules légers
ASF ESCOTA SANEF SAPN APRR AREA ATMB COFIROUTE SFTRF
Hausse réseau
historique
2000 0,89%
0,94%
0,83% 1,66% 1,59% 0,80% 0,99%
1,33%
1,30%
1,11%
2001 2,02%
2,46%
2,08% 2,90% 2,50% 2,45% 2,52%
2,28%
3,66%
2,27%
2002 2,04%
2,04%
1,32% 2,25% 1,17% 1,17% 3,29%
1,90%
2,26%
1,71%
2003 2,17%
2,17%
1,73% 2,69% 2,05% 1,51% 2,10%
1,70%
1,98%
2,01%
2004 2,65%
2,15%
1,89% 2,53% 2,37% 1,53% 3,45%
1,61%
1,79%
1,67%
2005 2,04%
2,04%
1,77% 2,39% 2,26% 1,44% 1,56%
1,41%
1,54%
2,14%
2006 2,25%
2,24%
2,05% 2,74% 2,47% 1,64% 1,96%
1,61%
1,73%
1,97%
2007 2,00%
1,81%
0,96% 1,68% 0,91% 0,75% 1,21%
0,91%
1,07%
1,42%
2008 2,45%
2,53%
3,30% 4,30% 2,47% 1,64% 1,82%
1,94%
1,92%
2,55%
2009 3,10%
3,20%
1,89% 3,30%
1,89%
2,28%
2,70%
2,68%
2,60%
2010 0,83%
0,90%
0,00%
0,50%
0,00%
0,41%
0,00%
0,54%
2011 2,47%
2,49%
1,89% 2,48% 2,12% 2,08% 0,76%
2,07%
2,40%
2,24%
2012 2,42%
2,05%
2,31% 3,03% 2,58% 2,55% 2,60%
2,53%
3,75%
2,45%
2013 2,24%
1,74%
1,71% 2,29% 1,94% 1,93% 2,09%
1,91%
3,19%
2,01%
2014 1,56%
1,06%
1,09% 0,69% 1,13% 1,17% 1,24%
1,24%
2,34%
1,27%
0,00%
1,85%
0,00%
2015
0,00%
1,79%
II.2.2.6. Le risque réglementaire : le rôle de l’État
Une autre source de risque pour les sociétés concessionnaires réside dans les relations particulières
qu’elles entretiennent avec l’État. Le concédant, qui donne le droit au concessionnaire d’exploiter
l’ouvrage, en demeure le propriétaire tout au long de la vie de la concession. A ce titre, l’État est une
partie prenante essentielle de la société concessionnaire (cf. Annexe 5), et son influence particulière
fait peser un risque réglementaire important sur les SCA, que ce soit au titre des droits qui lui sont
accordés dans le cadre du contrat de concession ou de ceux dont il peut se prévaloir au titre de
l’intérêt général. Par exemple, l’État dispose souvent d’une option de rachat de la concession,
exerçable dans un motif d’intérêt général : à compter d’une date déterminée dans le contrat de
concession, l’État peut, après expiration d’une période de préavis, procéder au rachat de la
40
Source : ASFA
54
concession avant la date prévue contre le versement à la société concessionnaire d’une indemnité
correspondant au préjudice subi. Cette incertitude quant à la durée réelle de leur exploitation constitue
un risque pour les sociétés concessionnaires, infléchissant le rapport de force en faveur de l’État. Les
SCA sont aussi tenues de respecter des obligations strictes quant à la continuité de l’exploitation de
l’ouvrage, aux investissements à réaliser, aux modifications à lui apporter et aux tarifs pratiqués.
L’influence de l’État fait courir un risque de sanctions sur les sociétés concessionnaires, mais peut
aussi impacter le processus et la rapidité de leur prise de décision.
Au-delà des droits qui lui sont conférés par le contrat de concession, l’État peut se retrouver en
situation de remettre en cause les dits contrats, bien que ceux-ci constituent le fondement juridique
régissant sa relation avec les SCA. Cette menace est d’autant plus importante que l’ouvrage exploité
est considéré par les utilisateurs comme un service public et que l’État concédant peut ainsi se
prévaloir de l’intérêt général. Dans ce nouveau rôle dépassant celui de propriétaire des actifs, parfois
actionnaire et toujours concédant, l’État peut alors tenter de négocier au forceps des aménagements
des contrats passés avec les sociétés concessionnaires, voire refuser de remplir certains de ses
engagements contractuels. La multiplicité des intérêts de l’État est alors un facteur de risque important
pour les SCA, qui subissent la conjoncture politique en sus de la conjoncture économique. Enfin, l’État
n’a qu’une parole mais elle s’exprime au travers de plusieurs voix : différents acteurs publics peuvent
se targuer d’une légitimité sur le sujet autoroutier et les SCA se retrouvent alors soumises aux aléas
des déclarations de plusieurs interlocuteurs, dont l’influence sur les décisions étatiques est parfois
difficile à discerner.
En avril 2006, la société espagnole Abertis et la société italienne Atlantia ont fait les frais de ce risque
réglementaire suite à l’annonce de leur rapprochement. Les autorités italiennes, par le ministère des
infrastructures, ont reproché, à Atlantia de ne pas avoir respecté ses engagements en termes
d’investissements et d’extension du réseau autoroutier de la péninsule. Le ministère a donc
unilatéralement décidé d’intégrer de nouvelles mesures dans le contrat de concession, dont le gel des
hausses tarifaires. Ceci devait entraîner la révision du système légal de concessions d’autoroutes et
notamment le régime des tarifs et les exigences en matière d’investissement, créant ainsi une
incertitude sur la valeur future d’Atlantia et remettant en cause les termes de l’échange de titres prévu
entre les deux sociétés. Face à la volonté évidente de l’État d’entraver l’exécution du projet, les deux
sociétés décidèrent finalement de l’abandonner.
II.2.2.7. Le risque financier : un très fort endettement des SCA
Comme indiqué précédemment, les SCA mobilisent des capitaux importants dans le cadre de leur
activité : il s’agit d’abord de financer la construction des autoroutes, puis les investissements prévus
dans les contrats de concession, et enfin le prix d’acquisition payé à l’État et aux autres actionnaires
entre 2002 et 2005. L’important besoin en capitaux des SCA nécessite le recours à l’endettement, ce
qui leur fait subir un risque financier significatif. Celui-ci est de plusieurs ordres : un risque de taux,
impactant la rentabilité finale de l’investissement, un risque de refinancement, et un risque de faillite.
Ils sont détaillés dans la partie II.2.3 consacrée à l’endettement.
II.2.3. Risque d’endettement et régime fiscal
Comme expliqué dans la partie II.1.1 de ce rapport, la dette située au niveau des SCA correspond
principalement aux investissements de construction du réseau et a été reprise par les actuels
propriétaires des SCA au moment des privatisations de 2005/2006. Afin de financer le rachat des
SCA, ceux-ci ont également souscrit une dette d’acquisition. En fonction du montage financier mis en
place (cf. Annexe 8) cette dette d’acquisition a été positionnée soit au sein d’une structure financière
ad hoc détenue par l’acquéreur et détenant les actions de la SCA, soit directement au niveau de
55
l’acquéreur et de la SCA. Ainsi, afin de considérer le schéma financier dans son ensemble, il est
nécessaire d’analyser le cumul de la dette d’acquisition et de la dette reprise au moment des
privatisations : en effet, les cash-flows générés par l’exploitation des SCA doivent in fine permettre le
remboursement de l’intégralité des dettes, peu importe l’endroit où elles sont situées. Garant de
l’ensemble de la dette, les acquéreurs ne peuvent s’affranchir du remboursement de l’intégralité de
celle-ci à l’échéance des concessions. La distribution de dividendes par les SCA est la conséquence
d’une politique d’optimisation de la structure financière, visant à utiliser les conditions de financement
avantageuses offertes par le marché du crédit, à l’image d’un particulier qui renégocierait son emprunt
immobilier quand les taux le permettent. La structure de la dette étant souvent complexe, les
acquéreurs cherchent ainsi à optimiser le coût de la dette en considérant les opportunités offertes par
les marchés financiers, au bénéfice des SCA.
La durée très longue du contrat de concession d’infrastructure a des conséquences sur le mode de
financement de la concession. Par l’importance des montants engagés, l’endettement est un mode de
financement indispensable aux SCA. Plusieurs refinancements au cours de la durée de vie de la
concession sont inévitables, car la maturité des ouvrages est bien plus longue que la maturité des
41
emprunts auxquels ils sont adossés . Ainsi, les SCA sont exposées à un risque de refinancement : le
financement nécessaire peut ne pas être disponible à la date voulue ou les conditions obtenues
peuvent être désavantageuses. Les difficultés de refinancement connues au moment de
l’assèchement du marché du crédit durant la crise financière récente ont démontré la réalité de ce
risque. Entre la fin de l’année 2011 et le début de l’année 2012, Eiffarie, structure ad hoc détenue par
Eiffage et portant la dette d’acquisition et les actions d’APRR, a rencontré des difficultés pour
refinancer cette dette, compte tenu des conditions de marché du moment. La ligne bancaire de sûreté
a dû être réduite pour cause d’absence de crédits bancaires et ce malgré un coût (la marge sur
Euribor) multiplié par plus de 5 par rapport à 2006. Le taux d’intérêt est alors passé de 4.7% à 7.7%,
et la maturité de la dette a été réduite de 7 à 5 ans. Soumises à l’évolution des marges de crédit
appliquées par les créanciers au moment des nécessaires refinancements, les SCA sont aussi
exposées à l’évolution des taux d’intérêt sur la partie de leur endettement à taux variable. L’évolution
des taux d’intérêt constitue donc une source d’incertitude et affecte directement leur rentabilité. Du fait
de leur niveau élevé d’endettement net, les frais financiers constituent l’une des charges les plus
importantes des concessionnaires (15% du CA, cf. Figure 17). Une forte progression des taux d’intérêt
est donc susceptible de mettre en péril leur rentabilité, occasionnant un risque quant au
remboursement de l’intégralité de la dette.
Le poids de l’endettement fait que tout élément susceptible d’impacter le chiffre d’affaires ou la marge
des SCA peut mettre en péril l’équilibre financier, compliquer le refinancement de la dette et menacer
au final la solvabilité des SCA. Les créanciers considèrent la visibilité du secteur comme sa principale
vertu. Ceux-ci sont particulièrement attentifs aux flux de trésorerie des SCA, car elles n’ont aucun actif
qui puisse être gagé et saisi, contrairement à la majorité des entreprises. Des annonces telles que
celles intervenues au début de l’année 2015 concernant le gel des tarifs sont susceptibles de
compliquer le refinancement des SCA, décrédibilisant les contrats passés avec l’État auprès des
créanciers. Les emprunts des SCA sont remboursés progressivement grâce aux flux de trésorerie
générés par l’exploitation. Le prix payé par les acquéreurs au moment des privatisations de
2005/2006, à l’origine de l’importante dette d’acquisition souscrite, a été défini en fonction des
conditions juridiques et contractuelles de l’époque. Par conséquent, la stabilité du cadre tarifaire et
fiscal est une condition indispensable à la confiance des marchés financiers, sensibles à la visibilité du
secteur.
Enfin, comme l’ensemble des délégations de service public, les SCA ont été exemptées de la réforme
de 2013 sur le plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt. Jusqu’à cette date, toutes les
entreprises françaises bénéficiaient du régime de la déductibilité totale de ces intérêts pour le calcul
des impôts, qui constituait alors le régime fiscal normal. Afin de maintenir l’équilibre des contrats
41
La maturité moyenne des emprunts des sociétés européennes est estimée entre 5 et 7 ans.
56
passés, les délégations de service public, structurellement endettées, continuent de bénéficier de ce
régime : le prix payé en 2005/2006 au moment des privatisations a été déterminé en prenant en
compte ce régime fiscal et cette exemption ne constitue donc pas un avantage ou une aubaine. Pour
les mêmes raisons, les contrats de concession, garants de l’équilibre économique, prévoient une
compensation au bénéfice des SCA en cas de modification du cadre fiscal, notamment si celle-ci est
susceptible de compromettre l’équilibre de la concession. L’intégration des SCA au régime du
plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt aurait donc probablement occasionné une
compensation de la part de l’État, et n’aurait pas eu impact sur les comptes publics.
 L’estimation du coût du capital et du coût des fonds propres est nécessaire à la
valorisation des SCA.
 En France, le parc de voitures particulières est quasi-stable depuis 2005.
 Le chiffre d’affaires subit l’évolution de la conjoncture économique.
 L’influence de l’État fait peser un risque réglementaire important sur les SCA.
 Les SCA sont structurellement exposées à un risque de refinancement.
57
La valorisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes
III.
Suite à l’ordonnance du 28 mars 2001 ayant aligné le régime juridique et financier des Sociétés
d’Economie Mixte Concessionnaires d’Autoroutes (SEMCA) sur le droit commun, le Premier Ministre
Laurent Fabius a annoncé la mise en place d’un plan de relance de l’économie comprenant
notamment l’ouverture minoritaire du capital d’ASF, accompagnée de son introduction en bourse.
Cette seconde partie est dédiée à la valorisation des SCA depuis cet événement et jusqu’à la cession
par l’État de l’intégralité de sa participation. Initiée en mars 2002, la privatisation des SCA a été
définitivement acquise au début de l’année 2006, avec le choix des acquéreurs des participations
majoritaires mises en vente par l’État. Cependant, la privatisation partielle des SCA avait déjà été
engagée lors des différentes introductions en bourse et l’État ne détenait alors plus que 50.6% du
capital d’ASF, 70.2% du capital d’APRR et 75.7% du capital de SANEF. Les deux étapes de la
privatisation doivent donc être analysées distinctement, afin de considérer les conditions financières
qui prévalaient à l’époque. Ayant suscité de vifs débats à la fois sur la forme, le fond et les montants,
le processus ayant abouti à la valorisation de chacune des trois SCA est étudié avec minutie, à la fois
compte tenu des informations disponibles à l’époque, mais aussi de l’évolution des principales
hypothèses.
La première sous-partie est consacrée à l’étude de la perception du risque des SCA tout au long du
transfert de leur capital vers le privé. La juste mesure des risques est nécessaire à l’évaluation du coût
des ressources de financement, tandis que les primes de marché renseignent sur l’aversion au risque
des investisseurs à un instant donné et permettent de juger du timing de l’opération. La seconde souspartie est centrée sur l’analyse des valorisations publiées à cette époque, qu’elles proviennent des
bases de données d’Associés en Finance, de l’État ou d’un échantillon de brokers. La confrontation
avec les prix proposés lors de l’appel d’offres permet de juger des primes de contrôle payées par les
acquéreurs finaux. La dernière sous-partie est consacrée à la procédure d’appel d’offres et vise à
expliciter la formation des prix proposés par les acquéreurs pour la participation majoritaire détenue
par l’État dans les SCA. En utilisant les données issues des bases d’Associés en Finance, la
revalorisation des SCA du point de vue des acquéreurs permet de conduire un ensemble de
simulations et de tester la sensibilité des valorisations à l’évolution des paramètres de marché.
III.1. Evaluation du coût des ressources de financement
III.1.1. Paramètres d’évaluation du coût des ressources de financement
Après avoir explicité les différents modèles d’estimation du coût des ressources de financement d’une
société (cf. partie II.2.1 et Annexe 4), il convient de quantifier la perception du risque des apporteurs
de capitaux afin d’aboutir à une évaluation chiffrée, indispensable à la valorisation des SCA (cf. partie
II.2.1). Dans le modèle TRIVAL, l’évaluation du coût des ressources de financement des SCA
nécessite :
-
L’estimation des risques opérationnels et financiers, à travers une note de risque de prévision
établie sur une échelle allant de 1 (peu risqué) à 5 (très risqué), un bêta sectoriel calculé sur
les indices sectoriels Euro Stoxx et une note de risque financier établie sur une échelle allant
de 1 (peu risqué) à 5 (très risqué) ;
-
L’estimation d’un risque lié à la taille ou risque de liquidité, à travers la valeur d’entreprise et
différentes données sur les échanges boursiers des actions des SCA.
58
III.1.1.1. Risque de prévision, bêta sectoriel et risque lié à la taille
L’estimation de la note de risque de prévision des SCA provient de la synthèse au sein d’une matrice
des forces/faiblesses et opportunités/menaces, des différents risques économiques affectant leur
modèle économique (cf. partie II.2.2). Cette matrice permet d’uniformiser l’estimation du risque de
prévision quelle que soit la société considérée et de la resituer parmi les entreprises de l’échantillon.
Cependant, elle doit aussi s’interpréter au regard des spécificités sectorielles, qui ne peuvent pas
toujours être intégrées. Elle est présentée dans le Tableau 8.
Tableau 8
Grille d’analyse du risque de prévision d’une SCA
Activités de la société
Barrières à l'entrée
Modification de l'environnement technologique et du business
model à moyen terme
Cyclicité du chiffre d'affaires
Croissance
Volatilité des coûts de production
Risque juridique et règlementaire (si pertinent)
Risque systémique (si pertinent)
Risque de création (si pertinent)
Avantages compétitifs de la société
Part de marché
Mix produits
Diversité de l'offre
Capacité à maintenir les marges en environnement moins
favorable
Gouvernance, transparence, fiabilité informations
Capacité à gérer la croissance externe (si pertinent)
Originalité de l'activité (si pertinent)
Taux de change
Sensibilité aux parités monétaires
1
2
3
4
5
x
x
x
x
x
x
x
1
2
3
4
5
x
x
x
x
x
1
x
x
2
3
4
5
Appliquée au modèle économique des SCA, cette analyse souligne leur modèle économique défensif,
mais rappelle l’existence de certains risques, particulièrement significatifs dans une industrie de coûts
fixes proposant un produit unique et substituable. A l’époque de leur suivi dans le modèle TRIVAL, les
notes de risque de prévision des SCA étaient parmi les plus faibles de l’échantillon, aboutissant à une
note de risque de prévision de 1 sur une échelle de 1 (risque faible) à 5 (risque élevé).
A partir du risque de prévision et d’un bêta sectoriel calculé sur les indices Euro Stoxx, Associés en
Finance détermine un coefficient de risque économique relatif centré sur 1, ainsi qu’un coefficient de
taille relatif également centré sur 1, en comparant la valeur d’entreprise à la moyenne de l’échantillon.
Appliqués aux primes de marché, ces coefficients permettent d’estimer directement le coût du capital
(cf. Annexe 4).
III.1.1.2. Risque financier et risque de liquidité
Le calcul du coût des fonds propres nécessite la prise en compte de la structure de financement de la
société. Le risque financier mesure la capacité des SCA à faire face à leurs engagements financiers,
dans le cadre de leur scénario de développement. Son calcul prend en compte la structure financière
(dettes par rapport à la valeur de marché de la société), la taille et la volatilité des actifs, ainsi que la
59
couverture des charges financières par l’exploitation. A l’époque de leur cotation, les notes de risque
financier des SCA suivies dans TRIVAL étaient comprises entre 2 et 3 sur une échelle de 1 (risque
faible) à 5 (risque élevé). En agrégeant le risque financier au risque de prévision et au bêta sectoriel,
Associés en Finance détermine un coefficient de risque relatif, centré sur 1. De la même manière, les
échanges boursiers et la taille du flottant des sociétés de l’échantillon servent à déterminer un
coefficient d’illiquidité relatif, centré sur 1. Appliqués aux primes de marché, ces coefficients
permettent de calculer le coût des fonds propres des sociétés (cf. Annexe 4).
Au début des années 2000, chacune des trois SCA a été cotée pendant une période allant d’une
année pour SANEF à près de 8 années pour APRR (cf. Annexe 1). Au cours de leur vie boursière,
Associés en Finance et plusieurs autres bureaux d’étude ont initié un suivi des trois valeurs, exprimant
leur opinion sur le risque de chacune des sociétés, et son incidence sur le coût des fonds propres et le
coût du capital. L’objet des deux prochaines sous-parties est d’analyser les différentes publications
d’époque afin de quantifier la perception du risque des SCA par les investisseurs. Cette quantification
de la perception du risque est indispensable à la juste valorisation des SCA, car le coût du capital et le
coût des fonds propres qui en découlent servent de taux d’actualisation dans les modèles DCF to Firm
et DCF to Equity unanimement reconnus par les évaluateurs (cf. partie II.2.1). La partie III.I.2 recouvre
la période relative aux introductions en bourse, alors que la partie III.1.3 se consacre au moment de
l’annonce de la cession de la participation majoritaire de l’État.
III.1.2. Evaluation du coût des ressources de financement au moment de l’introduction en
bourse des SCA
L’introduction en bourse des trois SCA s’est déroulée sur une période de trois années (de mars 2002
à mars 2005), durant lesquelles se sont succédées différentes situations de marché. L’indice CAC 40,
qui atteignait un niveau historiquement bas à la fin du premier trimestre 2003 (2618 points), repartit à
la hausse au second semestre et s’établissait à plus de 4000 points à la fin du mois de mars 2005
(4068 points). Les conditions de marché au moment de l’introduction en bourse des trois SCA
n’étaient donc pas similaires et cette sous-partie traite chacune d’entre elles de manière isolée, au fur
et à mesure du processus d’introduction.
III.1.2.1. Evaluation du coût des ressources de financement issues des bases de données
d’Associés en Finance
Après une courte période d’observation du comportement boursier des SCA, celles-ci furent intégrées
au modèle TRIVAL. Le bureau d’étude d’Associés en Finance suit actuellement 500 sociétés, dont
350 au sein de la zone euro. Les données extraites des bases de données d’Associés en Finance
permettent de juger de la perception de leur risque à cette époque et de son implication en termes de
coût des ressources de financement.
A son intégration à TRIVAL en juillet 2002, les paramètres de risque opérationnel et financier d’ASF
sont détaillés dans le Tableau 9.
Tableau 9
Risques opérationnels et financiers d’ASF dans le modèle TRIVAL au 31 juillet 2002
SCA
ASF
Risque de
prévision
1
Beta
sectoriel
0.89
Coefficient de risque
économique relatif
0.58
Risque
financier
3
Coefficient de
risque relatif
0.62
60
Le coefficient de risque relatif en fonds propres d’ASF était de 0.62, ce qui signifie que le risque pour
un actionnaire d’ASF était perçu comme significativement inférieur au risque moyen de l’échantillon de
sociétés suivies.
Au même moment, les paramètres de risque de taille et d’illiquidité d’ASF sont détaillés dans le
Tableau 10.
Tableau 10
Risque de taille et d’illiquidité d’ASF dans le modèle TRIVAL au 31 juillet 2002
SCA
ASF
Valeur d'entreprise
(M€)
14 231
Coefficient de taille
relatif
0.86
Coefficient d'illiquidité
relatif
0.95
Le coefficient de taille relatif d’ASF était de 0.86, ce qui signifie que sa valeur d’entreprise était déjà
supérieure à la moyenne de l’échantillon de sociétés suivies. En effet, plus une société a une valeur
d’entreprise importante, plus le risque associé à sa taille (et donc le coefficient de taille relatif) est
faible. Son coefficient d’illiquidité relatif était de 0.95, soit dans la moyenne de l’échantillon.
Après l’éclatement de la bulle Internet et le choc consécutif aux attentats du 11 septembre 2001, les
marchés actions avaient subi une forte baisse, et l’indice CAC 40 s’établissait à 3415 points au 31
juillet 2002 contre près de 7000 points en septembre 2000. Considérées comme des références dans
le monde de l’expertise financière, les primes de marché issues du modèle TRIVAL (cf. Annexe 3)
entre 2002 et 2005 sont présentées dans la Figure 21.
Figure 21
Evolution des primes de marchés entre 2002 et 2005
8.0%
7.0%
6.0%
Prime de risque:
4.9%
5.0%
4.0%
3.0%
Ordonnée à
l'origine: 4.1%
2.0%
1.0%
0.0%
Prime d'illiquidité:
1.6%
-1.0%
Prime de risque
Prime d'illiquidité
Ordonnée à l'origine
61
De la même manière, Associés en Finance calcule des primes de risque économique et de taille pour
le calcul direct du coût du capital. Au 31 juillet 2002, l’ordonnée à l’origine du plan s’établissait à
2.20%, la prime de risque économique à 4.46% et la prime de taille à 2.57%.
En y appliquant les coefficients de risque économique et de taille relatifs d’ASF aux primes de marché,
on obtient le calcul du coût du capital d’ASF détaillé dans le Tableau 11.
Tableau 11
Coût du capital d’ASF dans le modèle TRIVAL au 31 juillet 2002
SCA
ASF
Coefficient
Prime de
Coefficient
de risque
risque
de taille
économique économique
relatif
(1)
(2)
(3)
0.58
4.46%
0.86
Prime de Ordonnée
Coût du capital
taille
à l'origine
(4)
2.57%
(5)
2.20%
(1)*(2)+(3)*(4)+(5)
7.00%
Le coût du capital d’ASF, c'est-à-dire la rentabilité attendue par l’ensemble des apporteurs de
capitaux, s’établissait à 7.00%. Ce chiffre se compare à la rentabilité attendue par l’ensemble des
apporteurs de capitaux des entreprises de la zone euro à l’époque, qui était alors de 9.23%. Grâce au
faible risque associé à son modèle économique et à sa taille importante, le coût du capital d’ASF était
parmi les plus faibles de l’échantillon (le niveau minimum correspondait alors à Unilever à 6.34% et le
niveau maximum à Gemplus à 13.30%).
En appliquant les coefficients de risque relatif et d’illiquidité relatif d’ASF aux primes de marché
présentées en Figure 18, on obtient le calcul du coût des fonds propres d’ASF détaillé dans le
Tableau 12.
Tableau 12
Coût des fonds propres d’ASF dans le modèle TRIVAL au 31 juillet 2002
SCA
ASF
Coefficient
de risque
relatif
0.62
Prime de
risque
4.88%
Coefficient
d'illiquidité
relatif
0.95
Prime
d'illiquidité
Ordonnée à
l'origine
Coût des fonds
propres
1.63%
4.13%
8.70%
La rentabilité attendue par les actionnaires d’ASF au 31 juillet 2002 était de 8.70%. Ce chiffre se
compare à la rentabilité attendue des marchés actions, qui était alors de 10.65%. Il confirme que le
risque global (y compris effet liquidité et effet de la structure financière pour l’actionnaire) pour un
actionnaire d’ASF était inférieur au risque moyen de l’échantillon et que ce dernier attendait une
rentabilité inférieure à la rentabilité des marchés actions. Intégrées à TRIVAL en novembre 2004 et
mars 2005, soit immédiatement après leur introduction en bourse respective, APRR et SANEF
faisaient l’objet d’une analyse de leur risque parfaitement similaire à celle menée pour ASF.
Initialement modélisées avec les mêmes paramètres de risque qu’ASF (risque de prévision de 1 et
risque financier de 3), leur coefficient de risque relatif en fonds propres était alors de 0.64.
III.1.2.2. Evaluation du coût des ressources de financement issues de la base de données
Thomson Reuters pour un échantillon de brokers
Associés en Finance n’était pas la seule société à effectuer un suivi régulier d’ASF à cette époque.
Suite à son introduction en bourse le 28 mars 2002 au prix de 25€, plusieurs bureaux d’études
62
français et étrangers ont progressivement initié un suivi du cours de bourse de la société. Les bases
de données Thomson Reuters permettent d’accéder aux publications émises par un échantillon
d’entre eux. L’analyse de leurs publications laisse apparaître que l’ensemble des bureaux d’étude
privilégient la méthode de valorisation par actualisation des flux de trésorerie pour ASF et soulignent
son business-model défensif. Leur méthode d’évaluation du coût des ressources de financement
nécessite l’estimation d’un risque et d’une prime de marché, et est donc assez similaire à celle
employée par Associés en Finance. Les principales différences sont :
-
L’utilisation d’un bêta empirique par les brokers, qui est instable et ne reflète donc pas
toujours le profil de risque de la société ;
-
L’estimation de la prime de risque (cf. Annexe 4).
Tous ne publient pas le coût du capital et/ou le coût des fonds propres utilisé(s) dans leurs
valorisations, et le Tableau 13 récapitule les informations répertoriés lors de cette analyse.
Tableau 13
Coût des ressources de financement d’ASF en 2002 chez les brokers
Date de publication
17 mai 2002
10 juillet 2002
29 juillet 2002
19 août 2002
11 septembre 2002
4 octobre 2002
9 octobre 2002
16 octobre 2002
Bureau d'étude
HSBC
Morgan Stanley
HSBC
UBS
BNP Paribas
UBS
HSBC
Crédit Lyonnais
Cours
Coût du
capital
Coût des
fonds propres
27.30 €
26.60 €
24.55 €
25.94 €
26.53 €
24.63 €
23.66 €
23.94 €
6.6%
6.3%
6.7%
6.6%
7.0%
6.1%
-
8.8%
10.0%
10.2%
10.2%
Il convient de rappeler que ces études de brokers ont été publiées à des dates différentes et ne font
donc pas toutes référence à la même situation de marché. Cependant, on constate une certaine
homogénéité des estimations des différents bureaux, notamment pour l’évaluation du coût du capital
d’ASF. Celui-ci est systématiquement évalué entre 6.1% (HSBC en octobre 2002) et 7.0% (UBS,
également en octobre 2002), proche de l’évaluation d’Associés en Finance à 7.0% au 31 juillet 2002.
Pour ce qui est du coût des fonds propres, l’évaluation minimale est de 8.8% et provient de l’initiation
de la couverture de la valeur par HSBC, publiée le 17 mai 2002. A cette époque, l’indice CAC 40
s’établissait à 4443 points et entamait une chute qui allait le mener début 2013 sous les 2500 points.
Au moment de leurs publications, Morgan Stanley, UBS et Crédit Lyonnais font référence à un coût
des fonds propres situé entre 10.0% et 10.2%, alors que le niveau des marchés actions étaient déjà
largement inférieur (indice CAC 40 à 3656 points en juillet 2002, 3493 points au 19 août 2002 et 3068
points au 16 octobre 2002), justifiant une prime de marché plus importante.
Cette analyse est confirmée par l’évolution de la prime de risque d’Associés en Finance au cours de
l’année 2002 (cf. Figure 21). Malgré ces éléments, le coût des fonds propres utilisé par les bureaux
d’étude est supérieur à l’évaluation d’Associés en Finance au 31 juillet 2002 (8.70%, cf. Tableau 12),
mais le faible historique de cotation de la valeur explique les difficultés des brokers quant à
l’évaluation de son risque.
Associés en Finance a intégré APRR à son modèle TRIVAL avant les premières publications de
brokers (cf. Tableau 14). Au 31 décembre 2004, le coût du capital estimé dans TRIVAL d’APRR était
63
de 6.2% et le coût des fonds propres était de 7.4%. Les premiers bureaux d’étude ont initié leur
couverture de la valeur en début d’année 2005 et le Tableau 14 récapitule les informations répertoriés
lors de cette analyse.
Tableau 14
Coût des ressources de financement d’APRR début 2005 chez les brokers
Date de publication
10 janvier 2005
13 janvier 2005
27 janvier 2005
7 février 2005
29 mars 2005
Bureau d'étude
Société Générale
Lehman Brothers
Crédit Suisse
ING
Société Générale
Cours
44.40 €
45.00 €
46.10 €
46.32 €
43.34 €
Coût du
capital
6.2%
5.8%
6.4%
6.1%
Coût des
fonds propres
8.3%
7.6%
6.5%
-
Sur les trois premiers mois de l’année 2005, les bureaux d’études évaluent en moyenne le coût du
capital d’APRR à 6.1% et le coût des fonds propres à 7.5%. Ces résultats sont très similaires à ceux
publiés par Associés en Finance dès la fin de l’année 2004. La perception du risque d’APRR était
donc assez homogène parmi les observateurs de marché.
Le schéma est voisin pour SANEF, Associés en Finance ayant intégré la valeur au modèle dès la fin
du mois de mars 2005, alors que les premières études de broker dataient du mois de mai 2005, tel
que détaillé dans le Tableau 15. Au 31 mars 2005, le coût du capital estimé dans TRIVAL de SANEF
était de 5.8% et le coût des fonds propres était de 7.1%.
Tableau 15
Coût des ressources de financement de SANEF en 2005 chez les brokers
Date de publication
10 mai 2005
20 mai 2005
26 mai 2005
Bureau d'étude
Société Générale
ING
UBS
Cours
38.60 €
40.40 €
40.25 €
Coût du
capital
6.2%
6.5%
Coût des
fonds propres
6.5%
-
Le coût du capital de SANEF estimé par Société Générale et UBS, respectivement 6.2% et 6.5%, est
légèrement supérieur à l’estimation d’Associés en Finance (5.8%). Le coût des fonds propres utilisé
par ING dans sa modélisation (6.5%) est légèrement inférieur à celui estimé par Associés en Finance
(7.1%).
III.1.3. Evaluation du coût des ressources de financement au moment de l’annonce de la
poursuite de la cession du capital des SCA
Alors que SANEF n’est introduite en bourse que depuis quelques mois, le Premier Ministre Dominique
de Villepin annonce, le 8 juin 2005, l’intention de l’État de poursuivre la cession de sa participation
dans les SCA.
L’objectif de cette sous-partie est d’évaluer le coût des ressources de financement des SCA à veille de
l’annonce du Premier Ministre. Les évaluations du coût du capital et du coût des fonds propres sont
des élément primordiaux de la valorisation des SCA, car elles serviront de taux d’actualisation des flux
de trésorerie.
64
III.1.3.1. Evaluations du coût des ressources de financement issues des bases de données
d’Associés en Finance
Le 7 juin 2005, les trois sociétés étaient cotées et suivies dans le modèle TRIVAL, permettant ainsi de
comparer la perception de leur risque. Les paramètres de risque des SCA sont détaillés dans le
Tableau 16.
Tableau 16
Risques opérationnels et financiers des SCA dans le modèle TRIVAL au 7 juin 2005
SCA
ASF
APRR
SANEF
Risque de
prévision
Beta
sectoriel
Coefficient de risque
économique relatif
Risque
financier
Coefficient de
risque relatif
1
1
1
0.83
0.83
0.83
0.55
0.55
0.55
3
3
3
0.60
0.60
0.60
A la veille de l’annonce du Premier Ministre, la perception du risque de chacune des trois sociétés
était identique. Issues du même secteur, celles-ci se voyaient attribuer les mêmes notes de risque de
prévision et de risque financier. La perception de leur risque avait très peu évolué et les SCA
figuraient toujours parmi les sociétés les moins risquées de l’échantillon.
Au 7 juin 2005, les paramètres de risque de taille et d’illiquidité des SCA sont détaillés dans le
Tableau 17.
Tableau 17
Risque de taille et d’illiquidité des SCA dans le modèle TRIVAL au 7 juin 2005
SCA
ASF
APRR
SANEF
Valeur d'entreprise
(M€)
18 175
9 075
7 388
Coefficient de taille
relatif
0.85
0.91
0.93
Coefficient d'illiquidité
relatif
0.97
1.03
1.08
La valeur d’entreprise de chacune des trois SCA était toujours supérieure à la moyenne de
l’échantillon. Cependant, les introductions en bourse n’ayant ouvert qu’une faible part du capital des
SCA au marché, leurs coefficients d’illiquidité relatifs étaient situés dans la moyenne de l’échantillon.
Au 7 juin 2005, en appliquant les coefficients de risque économique relatif et de taille relatif des SCA
aux primes de marché, on obtient le calcul du coût du capital des SCA détaillé dans le Tableau 18.
Tableau 18
Coût du capital des SCA dans le modèle TRIVAL au 7 juin 2005
SCA
ASF
APRR
SANEF
Coefficient de
Prime de
Coefficient
risque économique
risque
de taille
relatif
économique
relatif
0.55
5.23%
0.85
0.55
5.23%
0.91
0.55
5.23%
0.93
Prime de
taille
Ordonnée
à l'origine
Coût du
capital
1.24%
1.24%
1.24%
1.42%
1.42%
1.42%
5.35%
5.42%
5.45%
Dotées du même risque économique, le coût du capital des trois SCA ne diffère que très légèrement
et uniquement du fait de faibles écarts de taille. Les coûts du capital obtenus se comparent à la
65
rentabilité attendue par l’ensemble des apporteurs de capitaux des entreprises de la zone euro, qui
était alors de 7.89% et se classent parmi les plus faibles de l’échantillon (le niveau minimum
correspondant alors à Iberdrola à 5.31% et le niveau maximum à Aixtron à 11.78%).
De la même manière, en appliquant les coefficients de risque relatifs et d’illiquidité relatifs des SCA
aux primes de marché présentées en Figure 21, on obtient le calcul du coût des fonds propres des
SCA détaillé dans le Tableau 19.
Tableau 19
Coût des fonds propres des SCA dans le modèle TRIVAL au 7 juin 2005
SCA
ASF
APRR
SANEF
Coefficient
de risque
relatif
0.60
0.60
0.60
Prime de
risque
5.61%
5.61%
5.61%
Coefficient
d'illiquidité
relatif
0.97
1.03
1.08
Prime
d'illiquidité
Ordonnée à
l'origine
Coût des fonds
propres
0.59%
0.59%
0.59%
2.76%
2.76%
2.76%
6.69%
6.73%
6.75%
Les rentabilités attendues par les actionnaires des SCA au 7 juin 2005 étaient respectivement de
6.69% pour ASF, 6.73% pour APRR et 6.75% pour SANEF. Comparées à la rentabilité attendue des
marchés actions, qui était alors de 8.96%, les SCA restent, même après la prise en compte de leur
structure financière. parmi les sociétés cotées les moins risquées de l’échantillon.
Les investisseurs associaient alors un risque semblable à chacune des SCA, et le coût de leurs
ressources de financement ne se distinguait que par de faibles effets taille et liquidité. Par rapport à
leur intégration au modèle, la perception du risque des SCA avait très peu varié. La baisse
significative du coût du capital et du coût des fonds propres des SCA entre juillet 2002 et juin 2005 est
alors essentiellement due à l’évolution des paramètres de marché, notamment la hausse des marchés
actions (indice CAC 40 à 4181 points en hausse de +22% par rapport au 31 juillet 2002) et la baisse
des taux d’intérêt (taux du bund 10 ans à 3.16% contre 4.75% au 31 juillet 2002).
III.1.3.2. Evaluation du coût des ressources de financement issues de la base de données
Thomson Reuters pour un échantillon de brokers
Différents brokers ont publié une mise à jour de leur valorisation durant l’été 2005, suite aux annonces
du Premier Ministre Dominique de Villepin. Le Tableau 20 récapitule ces publications.
Tableau 20
Coût des ressources de financement d’ASF après juin 2005 chez les brokers
Date de publication
14 juin 2005
4 juillet 2005
21 juillet 2005
21 juillet 2005
27 juillet 2005
Bureau d'étude
Société Générale
Morgan Stanley
Société Générale
UBS
Morgan Stanley
Cours
44.70 €
47.30 €
48.10 €
48.10 €
48.75 €
Coût du
capital
5.5%
6.2%
5.5%
6.2%
6.1%
Coût des
fonds propres
7.4%
-
Les publications de bureaux d’étude donnent une estimation du coût du capital d’ASF située entre
5.5% et 6.2%, légèrement supérieure à l’estimation d’Associés en Finance (5.35%). Pour ce qui est du
66
coût des fonds propres, seul Morgan Stanley publie une estimation (7.4%) de nouveau supérieure à
l’estimation d’Associés en Finance (6.7%).
Concernant APRR, quelques brokers publient une étude suite à l’annonce de juin 2005, mais sans
référence explicite aux coûts des ressources de financement. UBS et Société Générale mettent à jour
leur valorisation sur SANEF en utilisant des coûts du capital respectifs de 6.5% et 6.2%, supérieurs à
l’estimation d’Associés en Finance (5.5%), tel que détaillé dans le Tableau 21.
Tableau 21
Coût des ressources de financement de SANEF après juin 2005 chez les brokers
Date de publication
8 juin 2005
20 juillet 2005
Bureau d'étude
UBS
Société Générale
Cours
51.62 €
48.40 €
Coût du
capital
6.5%
6.2%
Coût des
fonds propres
-
III.1.4. Conclusions sur le coût des ressources de financement des SCA
En juin 2005, les SCA étaient considérées comme des sociétés peu risquées. Leur endettement
important justifiait seulement une note de risque financier moyenne et ne contrebalançait pas le faible
risque associé à leur modèle économique défensif. Concomitamment, l’analyse des publications d’un
échantillon de brokers amène à des conclusions identiques.
Cependant, s’il existe un consensus parmi les acteurs de marché autour de la mesure du risque des
SCA, aucun d’entre eux ne nie l’existence de ce risque. Quelques différences subsistent et
s’expliquent par une valorisation du risque fondamentale chez Associés en Finance, basée sur une
analyse du modèle économique de la société, alors que les brokers s’attachent davantage à des
bêtas constatés, souvent peu significatifs d’un point de vue statistique du fait du faible historique de
cotation des SCA. De plus, les primes de marché calculées dans TRIVAL sont réévaluées
quotidiennement et constituent des références dans le domaine de la valorisation (cf. Annexe 3).
La privatisation totale des SCA s’est déroulée en deux étapes, mais la perception du risque des SCA
a très peu évolué tout au long du processus de privatisation. En fin d’année 2005, les notes de risque
financier d’ASF et de SANEF ont été abaissées à 2 (sur une échelle de 1 à 5) suite à la forte
progression de leurs cours. A la fin de l’année 2005, les coûts du capital respectifs des SCA étaient de
5.10% pour ASF, 5.23% pour APRR et 5.28% pour SANEF et les coûts des fonds propres respectifs
de 5.62% pour ASF, 6.34% pour APRR et 5.70% pour SANEF. Ces données sur le coût des
ressources de financement sont des éléments primordiaux pour qui souhaite juger de la valorisation
des SCA aux différents moments où l’État a mis en vente une partie de leur capital. Comme indiqué
en partie II.2.1, la valeur d’entreprise de la concession est évaluée en actualisant les flux de trésorerie
disponibles au coût du capital, alors que la valeur des fonds propres de la concession est obtenue en
actualisant les flux de trésorerie pour l’actionnaire au coût des fonds propres.
En s’engageant dans un processus de privatisation, l’État cherche à obtenir la valorisation maximale
des SCA. S’il ne peut véritablement agir sur les perspectives de flux de trésorerie générés par les
concessions, il maitrise le calendrier des opérations et cherche à céder ses participations au moment
opportun. Le timing des opérations est donc primordial, car le montant obtenu pour ses actions
dépend des perspectives de flux offertes par les sociétés, mais aussi de l’aversion au risque des
investisseurs au moment du lancement de leur mise en vente.
Le business-model défensif des SCA leur ayant toujours valu d’être considérées comme peu risquées,
42
le suivi de la prime de risque du marché actions , qui permet de mesurer l’aversion au risque globale,
42
Ecart entre la rentabilité attendue du marché actions et le taux sans risque à long terme (Bund à 10 ans)
67
devient alors le principal facteur permettant à l’État d’influer sur la valorisation obtenue de ses
participations. La Figure 22 représente l’évolution de la prime de risque du marché actions entre
janvier 2002 et mai 2015.
Figure 22
Prime de risque du marché actions dans le modèle TRIVAL depuis 2002
La prime de risque du marché actions était comprise entre 3.8% et 5.6% aux moments des
introductions en bourse des trois SCA. L’État est ainsi parvenu à céder ses participations minoritaires
en évitant la période comprise entre la fin de l’été 2002 et la fin de l’année 2003, où l’aversion au
43
risque des investisseurs avait fortement progressé dans des marchés financiers chahutés . Les
conditions de marché étaient de nouveau propices lorsque l’État a trouvé des acquéreurs pour sa
participation majoritaire en décembre 200a5 : la prime de risque des marchés actions était alors de
5.1%, significativement inférieure à sa moyenne de 6.5% entre janvier 2002 et mai 2015. Le timing
des cessions par l’État a donc été bien choisi, lui permettant de bénéficier de la faible aversion au
risque des investisseurs intéressés pour obtenir un prix élevé de sa participation dans les SCA.
La partie III.2 est consacrée à l’étude des différentes valorisations des SCA publiées tout au long du
processus de privatisation.
 Le risque des SCA est faible, relativement à d’autres secteurs d’activité.
 La perception du risque des SCA a peu évolué durant le processus de privatisation.
 Aucun observateur de marché ne nie l’existence de ce risque.
 Le coût des ressources de financement des SCA s’est réduit entre 2002 et 2005, du fait
de la baisse de l’aversion au risque des investisseurs.
 Le timing des cessions par l’État a été bien choisi, lui permettant de bénéficier de la
faible aversion au risque des investisseurs pour obtenir un prix élevé de sa participation
dans les SCA.
43
Le 12 mars 2003, l’indice CAC 40 atteignait son plus bas niveau en séance depuis 1997 à 2401 points.
68
III.2. Valorisation des SCA lors des différentes cessions de participation par l’État
La privatisation totale des trois principales SCA françaises s’est déroulée à l’issue d’un processus en
deux étapes : l’ouverture minoritaire du capital par une introduction en bourse, puis la cession de la
participation majoritaire détenue par l’État à l’issue d’un appel d’offres. La recherche financière
confirme l’intérêt d’un tel procédé pour l’État, qui souhaite vendre l’ensemble de sa participation dans
les SCA et cherche à maximiser le produit de la cession. En cédant dans un premier temps une
participation minoritaire auprès du public, l’État bénéficie de l’appétence d’investisseurs multiples et de
leur information sur la valorisation de la société. Ainsi, lors de la cession de sa participation majoritaire
par un appel d’offres public, il profite de cette information supplémentaire pour s’accaparer une partie
44
plus importante de l’excédent de valeur que les candidats au rachat attribuent aux SCA . L’État fait
de surcroît l’économie d’une négociation et peut alors sélectionner l’acquéreur le mieux disant, c’est-àdire celui ayant accepté d’abaisser au plus bas son taux de rentabilité prévisionnel.
III.2.1. Valorisation des SCA au moment de leur introduction en bourse
La cession de la participation de l’État dans les SCA a débuté avec l’introduction en bourse d’ASF, qui
s’est déroulée le 28 mars 2002 par la mise en vente de 49.4% du capital à un prix de l’action de 24€.
Plus de deux années plus tard, dans un contexte politique marqué par les changements
gouvernementaux consécutifs aux élections présidentielles de 2002, APRR et SANEF suivaient la
voie ouverte par ASF : l’ouverture du capital d’APRR fut annoncée le 29 juillet 2004 et l’introduction en
Bourse se déroula le 25 novembre 2004 par la mise en vente de 29.8% de con capital à un prix de
l’action de 40.5€. L’introduction en bourse de la SANEF eut lieu le 24 mars 2005 par la mise en vente
de 24.3% du capital à un prix de l’action de 40€.
L’objet de cette sous-partie est d’analyser les valorisations effectuées par les différents opérateurs de
marché à l’époque, et de les positionner par rapport aux prix d’introduction en bourse.
III.2.1.1. Valorisations issues des bases de données d’Associés en Finance
L’intégration des SCA au modèle TRIVAL permet une valorisation indépendante et régulière du prix
d’équilibre de l’action de chacune des SCA : l’actualisation des flux générés pour l’actionnaire au coût
des fonds propres (cf. partie III.1) permet de déterminer le prix d’équilibre de l’action. Les résultats font
l’objet d’une publication mensuelle. Le prix d’équilibre est réévalué quotidiennement afin de prendre
en compte l’évolution des marchés financiers et les potentielles modifications de la valorisation par
l’analyste en charge du suivi des valeurs.
Les premières valorisations de fin de mois des SCA dans le modèle TRIVAL suite à leurs introductions
en bourse sont récapitulées dans le Tableau 22.
Tableau 22
Valorisation des SCA dans TRIVAL au moment de leur introduction en bourse
SCA
Date d'introduction en bourse
Cours d'introduction en bourse
Première publication dans le Plan de Marché
Cours coté
Progression du cours depuis l'introduction
Prix d'équilibre TRIVAL
Potentiel de progression dans TRIVAL
44
ASF
APRR
SANEF
28 mars 2002 25 novembre 2004 24 mars 2005
24.00 €
40.50 €
40.00 €
31 juillet 2002 30 novembre 2004 31 mars 2005
25.80 €
43.00 €
39.40 €
8%
6%
-2%
23.62 €
42.37 €
35.40 €
-8%
-1%
-10%
Zingales, 1995, Insider ownership and the decision to go public, Review of Economic Studies
69
A la fin du mois ayant suivi leur intégration dans le modèle TRIVAL, la valorisation d’équilibre des trois
SCA était inférieure au cours coté. Cette valorisation était également en deçà du cours d’introduction
en bourse pour ASF et SANEF. Seule APRR affichait un prix d’équilibre supérieur à son cours
d’introduction. L’évolution du cours de l’action et du prix d’équilibre des différentes SCA entre leur
intégration à TRIVAL et la fin du mois de juin 2005 est disponible en Annexe 6.
L’introduction en bourse des SCA permet de juger de l’appétence des investisseurs pour leurs
perspectives de rentabilité, au regard de la perception de leur risque (cf. partie II.1). La fixation du prix
résulte d’un équilibre visant à maximiser le montant obtenu par l’État, actionnaire de la société avant
l’introduction, ou la SCA émettant de nouveaux titres, tout en garantissant le placement des titres
proposés à la vente et tout en préservant la flexibilité et la stratégie financière de l’entreprise. De plus,
les sociétés nouvellement cotées espèrent afficher une performance boursière légèrement positive
lors de leur première journée de cotation, afin de débuter leur vie boursière par une bonne image
auprès des investisseurs. Si une société est introduite à un cours trop faible par rapport à ses
perspectives de rentabilité/risque, les investisseurs vont alors tous souhaiter acheter le titre, entraînant
une forte hausse du cours. Ce mouvement perdurera jusqu’à ce que le cours se rapproche du prix
d’équilibre de l’action. Symétriquement, si une société est introduite à un cours trop élevé, les
investisseurs ne s’intéresseront pas au titre ou souhaiteront le vendre, entraînant une forte baisse du
cours, qui perdurera jusqu’à ce que ce dernier se rapproche du prix d’équilibre de l’action. Ainsi,
l’évolution du cours suite à l’introduction en bourse permet de juger du prix préalablement fixé.
Dans ce cas d’espèce, le Tableau 22 permet de constater que la hausse du cours des SCA entre leur
introduction en bourse et leur intégration au modèle TRIVAL a été modérée (respectivement +8% et
+6% pour ASF et APRR) ou négative (-2% pour SANEF). L’État et les SCA sont donc parvenus à
placer les titres sur le marché sans que le cours des actions ne connaisse de variation significative
post-introduction.
L’équilibre exposé ci-dessus permet donc d’affirmer que les prix d’introduction en bourse ont été
correctement fixés, au regard des perspectives de risque/rentabilité des SCA et des conditions de
marché de l’époque (cf. partie III.1). Les prix d’équilibre dans TRIVAL confirme cette observation et
permettent même de souligner qu’Associés en Finance considérait alors les cours de bourse et
d’introduction d’ASF et de SANEF comme légèrement surévalués par rapport à leurs perspectives de
risque/rentabilité.
III.2.1.2. Valorisations issues de la base de données Thomson Reuters pour un échantillon de
brokers
Les objectifs de valorisation publiés par les brokers dans les quelques temps ayant suivi les
introductions en bourse des SCA, également établies grâce à des modèles de valorisation par
actualisation des flux de trésorerie, permettent aussi de juger des prix d’introduction en bourse.
Suite à l’introduction en bourse d’ASF, les valorisations des bureaux d’étude ayant initié un suivi de la
valeur sont détaillées dans le Tableau 23.
70
Tableau 23
Valorisation d’ASF par les brokers en 2002
Date de publication
17 mai 2002
10 juillet 2002
25 juillet 2002
29 juillet 2002
19 août 2002
11 septembre 2002
4 octobre 2002
4 octobre 2002
4 octobre 2002
4 octobre 2002
4 octobre 2002
9 octobre 2002
10 octobre 2002
15 octobre 2002
16 octobre 2002
Bureau d'étude
HSBC
Morgan Stanley
Société Générale
HSBC
UBS
BNP Paribas
UBS
ING
ABN Amro
Société Générale
BNP Paribas
HSBC
CDC Ixis
BNP Paribas
Crédit Lyonnais
Cours
Objectif
Potentiel
27.30 €
26.60 €
24.12 €
24.55 €
25.94 €
26.53 €
24.63 €
24.63 €
24.63 €
24.63 €
24.63 €
23.66 €
22.56 €
23.94 €
23.94 €
27.00 €
28.30 €
27.80 €
27.00 €
27.00 €
27.50 €
27.00 €
30.00 €
27.12 €
27.90 €
27.90 €
27.00 €
28.00 €
27.50 €
27.40 €
-1.1%
6.4%
15.3%
10.0%
4.1%
3.7%
9.6%
21.8%
10.1%
13.3%
13.3%
14.1%
24.1%
14.9%
14.5%
A l’exception d’ING, l’ensemble des brokers s’accordaient alors sur une valorisation d’ASF comprise
entre 27€ et 28€ par action. Celle-ci était ainsi légèrement supérieure au cours coté (entre +4% et
+24% en fonction de la période), au cours d’introduction (24€) et au cours d’équilibre dans TRIVAL au
moment de la première publication d’ASF dans le Plan de Marché (23.62€). Associés en Finance a
par la suite revu sa modélisation à la hausse suite aux différentes publications du groupe, et le cours
d’équilibre était de 27.72€ au 31 octobre 2002 (cf. Annexe 6).
Le Tableau 24 récapitule les valorisations effectuées par les brokers suite à l’initiation de leur
couverture d’APRR.
Tableau 24
Valorisation d’APRR par les brokers début 2005
Date de publication
10 janvier 2005
13 janvier 2005
27 janvier 2005
27 janvier 2005
7 février 2005
29 mars 2005
29 mars 2005
Bureau d'étude
Société Générale
Lehman Brothers
Crédit Suisse
Natexis
ING
Crédit Suisse
Société Générale
Cours
Objectif
Potentiel
44.40 €
45.00 €
46.10 €
46.99 €
46.32 €
43.34 €
43.34 €
51.00 €
48.00 €
50.60 €
47.00 €
51.40 €
49.50 €
51.00 €
14.9%
6.7%
9.8%
0.0%
11.0%
14.2%
17.7%
La valorisation d’APRR par les brokers lors des trois premiers mois de l’année 2005 est comprise
entre 47€ et 51.4€, supérieure au cours de bourse, au cours d’introduction (40.5€) et au cours
d’équilibre dans TRIVAL de 42.37€ à la fin du mois de novembre 2004. Cependant, les marchés
financiers avaient assez fortement progressé entre la fin du mois de novembre, première publication
d’APRR dans le Plan de Marché, et le début de l’année 2015 (cf. Annexe 6). L’indice CAC 40, qui
s’établissait à 3753 points fin novembre 2004, dépassait 4068 points à la fin du premier trimestre 2005
et le cours d’équilibre dans TRIVAL d’APRR atteignait alors 47.5€. La progression du cours d’APRR
depuis son introduction en bourse reflétait l’évolution des marchés actions.
71
Le Tableau 25 récapitule les valorisations effectuées par les brokers suite à l’initiation de leur
couverture de SANEF :
Tableau 25
Valorisation de SANEF par les brokers suite à son introduction en bourse
Date de publication
10 mai 2005
20 mai 2005
26 mai 2005
Bureau d'étude
Société Générale
ING
UBS
Cours
Objectif
Potentiel
38.60 €
40.40 €
40.25 €
48.00 €
49.70 €
48.00 €
24.4%
23.0%
19.3%
Concernant SANEF, la valorisation d’Associés en Finance suite à son introduction en bourse
demeurait largement inférieure à celle des brokers, avec un prix d’équilibre de 39.19€ proche du cours
de bourse à la fin du mois de mai 2015, contre un potentiel de hausse compris entre +19% et +24%
chez les brokers.
Suite aux introductions en bourse des SCA, les objectifs de cours publiés par les brokers étaient
régulièrement supérieurs au cours de bourse.
III.2.2. Valorisation des SCA au moment de la poursuite de la cession du capital des SCA
Dans son discours de politique générale du 8 juin 2005, le Premier Ministre Dominique de Villepin a
annoncé sa décision de poursuivre la cession par l’État de ses participations dans les SCA. Cette
déclaration a constitué le point de départ du processus de privatisation totale des SCA, les acteurs de
marché anticipant alors la mise en vente prochaine de la participation majoritaire détenue par l’État
dans chacune des SCA. A cette date, l’État détenait encore 50.6% du capital d’ASF, 70.2% du capital
d’APRR et 75.7% du capital de SANEF.
III.2.2.1. Valorisations issues des bases de données d’Associés en Finance
Au 7 juin 2005, alors que les cours des SCA n’étaient pas encore impactés par l’annonce du Premier
Ministre, les valorisations des SCA dans le modèle TRIVAL sont détaillées dans le Tableau 26.
Tableau 26
Valorisation des trois SCA suite aux annonces de juin 2005
SCA
Cours coté
Prix d'équilibre TRIVAL
Potentiel
ASF
43.57 €
43.60 €
0%
APRR
44.46 €
49.19 €
11%
SANEF
41.60 €
39.40 €
-5%
ASF était alors considérée dans le modèle TRIVAL comme parfaitement à l’équilibre, APRR était
sous-évaluée et SANEF légèrement surévaluée. Par la suite, au fur et à mesure des spéculations sur
la valeur de privatisation des SCA, les cours de bourse des trois sociétés vont progresser de manière
assez significative.
72
III.2.2.2. Valorisations issues de la base de données Thomson Reuters pour un échantillon de
brokers
Les différents bureaux d’études réalisant un suivi régulier des SCA publiaient alors les valorisations
détaillées dans les Tableaux 27, 28 et 29.
Tableau 27
Valorisation d’ASF par les brokers suite aux annonces de juin 2005
Date de publication
14 juin 2005
30 juin 2005
4 juillet 2005
21 juillet 2005
21 juillet 2005
27 juillet 2005
Bureau d'étude
Société Générale
Natexis
Morgan Stanley
Société Générale
UBS
Morgan Stanley
Cours
Objectif
Potentiel
44.70 €
46.88 €
47.30 €
48.10 €
48.10 €
48.75 €
42.00 €
52.00 €
49.20 €
42.00 €
42.80 €
49.20 €
-6.0%
10.9%
4.0%
-12.7%
-11.0%
0.9%
Tableau 28
Valorisation d’APRR par les brokers suite aux annonces de juin 2005
Date de publication
20 juillet 2005
22 juillet 2005
Bureau d'étude
Société Générale
ING
Cours
Objectif
Potentiel
51.80 €
49.82 €
51.00 €
50.40 €
-1.5%
1.2%
Tableau 29
Valorisation de SANEF par les brokers suite aux annonces de juin 2005
Date de publication
8 juin 2005
20 juillet 2005
Bureau d'étude
UBS
Société Générale
Cours
Objectif
Potentiel
51.62 €
48.40 €
48.00 €
48.00 €
-7.0%
-0.8%
En juillet 2005, le potentiel de hausse de cours des SCA chez les brokers s’était assez
significativement réduit par rapport à la période de leur introduction en bourse. ASF était alors
valorisée entre 42€ et 52€ par action, pour un cours de bourse oscillant aux environs de 47/48€. Le
potentiel de hausse d’APRR était considéré comme quasi-nul et les deux brokers publiant une
valorisation de SANEF affichaient un objectif de cours inférieur au cours coté, alors que son potentiel
de hausse était considéré comme très important à son introduction et que les conditions de marché
s’étaient depuis significativement améliorées.
III.2.2.3. Valorisations issues des travaux de la Commission des Participations et des
Transferts
Le 21 juillet 2005, le Ministre de l’Economie et des Finances a saisi la Commission des Participations
et des Transferts en vue d’autoriser la cession de la participation majoritaire détenue par l’État dans
73
les trois SCA. A cette date, le cours de bourse des trois sociétés avait déjà fortement augmenté par
rapport à la veille de l’annonce de la privatisation totale, les actionnaires minoritaires anticipant une
prime sur le rachat de leurs actions. La Commission avait la charge de déterminer la valeur minimale
de chacune des SCA, et choisit de se baser sur une valorisation multicritères effectuée par des
experts indépendants. Elle a alors considéré que les méthodes auxquelles doit être accordée la
pondération la plus importante sont l’actualisation des flux de trésorerie, l’actualisation des dividendes
et l’analyse des cours de bourse. Les deux premières méthodes intègrent bien la capacité bénéficiaire
de l’entreprise et ses perspectives d’avenir pour une société dont les contrats de concession ont un
terme connu. S’agissant des cours de bourse, la Commission a estimé qu’il convenait de considérer
principalement ceux précédant l’annonce de la privatisation, le 8 juin 2005 et d’y ajouter une prime
significative, conformant aux usages, l’État transférant aux acquéreurs le contrôle intégral de la
société. Sur ces bases, la Commission a estimé que :
-
la valeur de la société ASF ne saurait être inférieure à 47€ par action ;
la valeur de la société APRR ne saurait être inférieure à 51€ par action ;
la valeur de la société SANEF ne saurait être inférieure à 47€ par action.
Les valorisations minimales de la Commission sont alors assez proches des estimations des brokers
et intègrent une prime par rapport au dernier cours coté avant l’annonce et par rapport à la valorisation
d’équilibre d’Associés en Finance.
Avant que le choix des acquéreurs ait été effectué par l’État, les valorisations des différents
participants de marché étaient assez concordantes, et aucun n’estimait alors la valorisation des SCA
comme étant significativement supérieure au prix de rachats définitifs (cf. partie III.3.1). De plus, le
timing de l’opération s’est avéré plutôt réussi, l’aversion au risque des participants de marché étant
alors à un niveau historiquement bas (cf. partie III.1.4), permettant à l’État de se voir proposer des prix
élevés par les potentiels acquéreurs. La partie III.3 est consacrée au déroulement de la procédure
d’appel d’offres et vise à expliciter la formation des prix proposés par les acquéreurs pour la
participation majoritaire détenue par l’État dans les SCA.
 Lors d’une introduction en bourse, la fixation du prix résulte d’un équilibre visant à
maximiser le montant obtenu par le cédant, tout en garantissant le placement des titres
proposés à la vente, et tout en préservant la flexibilité et la stratégie financière de
l’entreprise.
 Compte tenu des perspectives futures de risque/rentabilité des SCA, les prix
d’introduction en bourse ont été correctement fixés.
 Avant le lancement de l’appel d’offres, les valorisations d’Associés en Finance, de l’État
et des brokers étaient concordantes.
III.3.
III.4. Processus de valorisation par les participants à l’appel d’offres
III.4.1. Modalités de la procédure d’appel d’offres
La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est déroulée à l’issue d’un
appel d’offres public, après l’obtention de l’autorisation de la Commission des Participations et des
74
Transferts. Le 7 novembre 2005, à l’issue de la première partie de la procédure, 9 offres fermes
avaient été retenues parmi les 18 candidats qui avaient manifesté leur intérêt.
III.3.1.1. Cession de la participation de 50.6% de l’État au capital d’ASF
La participation majoritaire détenue par l’État dans ASF n’avait fait l’objet que d’une offre émanant de
Vinci. Le groupe était dans une situation particulière puisqu’il détenait déjà 23% du capital, assortis
d’un pacte d’actionnaires avec l’État et d’accords de coopération avec ASF. De plus, parmi les
potentiels acquéreurs, seul Vinci était capable d’absorber une entité financière de la taille d’ASF
(valeur d’entreprise supérieure à 18 milliards au 7 juin 2005). Sa proposition d’un prix de 50€ par
action, porté à 51€ une fois finalisée juridiquement l’attribution à ASF de la concession de la section
Lyon-Balbigny de l’autoroute A 89, a été acceptée.
III.3.1.2. Cession de la participation de 70.2% de l’État au capital d’APRR
Quatre offres ont été déposées pour la participation majoritaire détenue par l’État dans APRR :
-
Une offre d’Abertis ;
Une offre déposée par Autostrade au nom d’un consortium constitué avec la Caisse des
dépôts et consignations, la CNP, AGF, Predica et AXA ;
Une offre déposée par Cintra, au nom d’un consortium constitué par Boréalis, Teachers et la
Caja de Madrid ;
Une offre déposée par Eiffage au nom d’un consortium constitué avec Macquarie.
L’État a retenu l’offre remise par Eiffage, qui proposait un prix de 61€ par action.
III.3.1.3. Cession de la participation de 75.7% de l’État au capital de SANEF
Quatre offres ont été déposées portant sur la participation majoritaire détenue par l’État dans SANEF :
-
Une offre déposée par Abertis au nom d’un consortium constitué avec AXA, la Caisse des
dépôts et consignations, la CNP, Predica et la FFP ;
Une offre déposée par Cintra au nom d’un consortium constitué par Boréalis, Teachers et la
Caja de Madrid ;
Une offre déposée par Eiffage au nom d’un consortium constitué avec Macquarie ;
Une offre déposée par le groupe Sacyr/Itinere au nom d’un consortium constitué avec le
Groupe industriel Marcel Dassault, Sogécap et Generali France.
L’État a retenu l’offre remise par Abertis, qui proposait un prix de 58€ par action.
III.4.2. Valorisation indicative des SCA du point de vue des acquéreurs
Les concurrents se positionnent pour le contrôle d’une ou plusieurs des SCA, compte tenu des
mêmes éléments d’évaluation de son risque et de ses perspectives de flux. Il n’existe qu’une
valorisation intrinsèque de la société, mais l’offre qui finit par l’emporter provient du candidat ayant
accepté d’abaisser au plus bas son taux de rentabilité prévisionnel. Les acquéreurs choisis pour avoir
proposé le prix le plus haut sont donc ceux qui ont accepté de prendre le risque le plus important, en
investissant davantage dans l’opération, et en acceptant le taux de rentabilité le plus bas.
75
L’objectif de cette partie est de valoriser les SCA en se plaçant du point de vue de leurs acquéreurs,
au moment du processus d’appel d’offres.
Pour ce faire, la méthode d’actualisation des flux de trésorerie, unanimement reconnue pour la
valorisation des SCA, est utilisée. Dans la section précédente, ont été expliqués les mécanismes de
détermination des paramètres de risque et de liquidité dans TRIVAL, permettant de calculer le coût du
capital et le coût des fonds propres servant de taux d’actualisation des flux de trésorerie. L’utilisation
du coût des ressources de financement des SCA est privilégiée dans le cadre d’une valorisation ex
nihilo, mais n’est pas toujours adéquate lors d’un appel d’offres tel qu’initié par l’État. En effet, dans
ces processus d’enchères, le prix d’un actif s’ajuste sur le coût du capital marginal de l’investisseur le
mieux disant et dont la surface financière lui permet de proposer une offre d’achat. La valeur
intrinsèque est calculée en fonction du risque de la cible, mais le prix proposé est fonction du coût du
capital de l’acheteur. La participation majoritaire détenue par l’État était officiellement en vente, un prix
minimal avait été déterminé par la Commission des Participations et des Transferts (cf. partie III.2.2),
et il convenait alors de recueillir les offres des potentiels acquéreurs. La valorisation des SCA de leur
point de vue nécessite l’estimation de leur coût des fonds propres avant et après l’acquisition des
SCA, ainsi que des hypothèses de détermination des flux qui pouvaient être retenues à l’époque. Les
valorisations indicatives obtenues sont ensuite comparées aux autres éléments de valorisation des
SCA à l’époque (cf. partie III.2.2).
III.3.2.1. Risque et coût des ressources de financement des acquéreurs avant l’acquisition des
SCA
Au 7 juin 2005, les paramètres de risque opérationnel et financier de Vinci, Eiffage et Abertis sont
détaillés dans le Tableau 30
Tableau 30
Risque opérationnels et financiers de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 7 juin 2005
Risque de
prévision
Beta
sectoriel
Coefficient de risque
économique relatif
Risque
financier
Coefficient de
risque relatif
Vinci
2
0.83
0.79
2
0.74
Eiffage
2
0.81
0.78
3
0.80
Abertis
2
0.83
0.79
2
0.74
A cette date, le risque d’Eiffage est aperçu comme légèrement supérieur à celui de Vinci et d’Abertis,
notamment du fait d’une note de risque financier supérieure. Avec des coefficients de risque relatif
compris entre 0.74 et 0.80, les trois sociétés étaient de risque légèrement inférieur à la moyenne de
l’échantillon (minimum Electrabel avec un coefficient de risque relatif de 0.46, maximum Fiat avec
1.90), mais leur risque était supérieur à celui des SCA.
Au 7 juin 2005, les paramètres de risque de taille et d’illiquidité des trois acquéreurs sont détaillés
dans le Tableau 31.
Tableau 31
Risque de taille et d’illiquidité de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 7 juin 2005
Vinci
Valeur
Coefficient de
d'entreprise (M€) taille relatif
13 943
0.86
Coefficient
d'illiquidité relatif
0.84
Eiffage
4 048
1.00
0.98
Abertis
13 675
0.87
0.91
76
Les coefficients de taille relatifs des acquéreurs étaient inférieurs à la moyenne de l’échantillon pour
Vinci et Abertis, et dans la moyenne pour Eiffage. Les valeurs d’entreprise d’ASF et APRR était alors
respectivement supérieures à celles de Vinci et Eiffage. Symétriquement, la liquidité de Vinci et
Abertis était légèrement supérieure à celle d’Eiffage.
En appliquant les coefficients de risque relatifs et d’illiquidité relatifs des trois acquéreurs aux primes
de marché présentées en Figure 18, on obtient le calcul du coût des fonds propres détaillé dans le
Tableau 32.
Tableau 32
Coût des fonds propres de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 7 juin 2005
Coefficient de
risque relatif
Prime de
risque
Vinci
0.74
5.61%
Coefficient
d'illiquidité
relatif
0.84
Eiffage
0.80
5.61%
0.98
Abertis
0.74
5.61%
0.91
Prime
d'illiquidité
Ordonnée à
l'origine
Coût des
fonds propres
0.59%
2.76%
7.40%
0.59%
2.76%
7.84%
0.59%
2.76%
7.44%
Les rentabilités attendues par les actionnaires des acquéreurs au 7 juin 2005 étaient respectivement
de 7.40% pour Vinci (6.69% pour ASF), 7.84% pour Eiffage (6.73% pour APRR) et 7.44% pour Abertis
(6.75% pour SANEF). Elles doivent être comparées à la rentabilité attendue des marchés actions, qui
était de 8.96% et font figurer les acquéreurs parmi les sociétés cotées peu risquées (le coût des fonds
propres d’Electrabel société la moins risquée de l’échantillon, était de 5.84%, celui de Fiat, alors
société la plus risquée de 14%).
III.3.2.2. Impact de l’acquisition des SCA sur le risque et coût des ressources de financement
des acquéreurs
Les SCA étant de taille significative, leur acquisition a eu un impact sur la perception du risque des
acquéreurs, et donc sur le coût du capital et le coût des fonds propres. Suite à l’annonce du choix des
acquéreurs, mi-décembre 2005 par l’État, les paramètres de valorisation des trois acquéreurs ont été
modifiés dans le modèle TRIVAL (en décembre 2005 pour Abertis et Eiffage et début janvier 2006
pour Vinci) afin de tenir compte de ces nouvelles acquisitions, comme détaillé dans le Tableau 33.
Tableau 33
Risques opérationnels et financiers de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 30 décembre
2005 (prise en compte des modifications apportées à Vinci début janvier 2006)
Risque de
prévision
Beta sectoriel
Coefficient de risque
économique relatif
Risque
financier
Coefficient de
risque relatif
Vinci
2
0.81
0.80
3
0.81
Eiffage
2
0.91
0.81
4
1.04
Abertis
1
0.81
0.56
2
0.45
A fin décembre 2005, la perception dans TRIVAL du risque des acquéreurs avait été modifiée. D’un
point de vue opérationnel, le risque de prévision de Vinci et Eiffage est resté stable, alors que celui
d’Abertis a été abaissé à 1 pour tenir compte de sa plus grande diversification géographique et du
rallongement de la durée de vie moyenne de ses concessions. Abertis restait alors un acteur de
77
« pure concession », alors que le risque de prévision de Vinci et Eiffage prenait en compte l’activité de
BTP.
D’un point de vue financier, l’acquisition d’ASF et d’APRR respectivement par Vinci et Eiffage a
augmenté la perception de leur risque financier. Celui-ci est passé de 2 à 3 pour Vinci et de 3 à 4 pour
Eiffage (toujours sur une échelle de 1 à 5). Les SCA étaient déjà fortement endettées et le
financement de leur acquisition a nécessité la levée de dettes supplémentaires pour les acquéreurs.
Le schéma de financement de la part du capital mis en vente par l’État, ainsi que des actions
détenues par le public est détaillé en Annexe 8.
La valorisation des SCA est réalisée au 30 décembre 2005, afin d’intégrer l’impact de l’acquisition sur
le profil de risque des acquéreurs et l’évolution des primes de marché. A cette date, en appliquant les
coefficients de risque relatifs et d’illiquidité relatifs des trois acquéreurs aux primes de marché
présentées en Figure 21, on obtient le calcul du coût des fonds propres détaillé dans le Tableau 34.
Tableau 34
Coût des fonds propres de Vinci, Eiffage et Abertis dans TRIVAL au 30 décembre 2005
Coefficient
de risque
relatif
Prime de
risque
Coefficient
d'illiquidité
relatif
Vinci
0.81
5.00%
0.83
0.75%
2.66%
7.33%
Eiffage
1.04
5.00%
0.95
0.75%
2.66%
8.58%
Abertis
0.45
5.00%
0.89
0.75%
2.66%
5.59%
Prime
Ordonnée à Coût des fonds
d'illiquidité
l'origine
propres
Le niveau du coût des fonds propres de Vinci est légèrement inférieur à celui constaté le 7 juin 2005,
l’effet de la hausse de son risque relatif ayant été neutralisé par la baisse de l’espérance de rentabilité
du marché entre juin et décembre 2005, passée de 8.96% à 8.41%. Le niveau du coût des fonds
propres d’Eiffage est supérieur suite à la hausse de son risque financier. Et enfin, le coût des fonds
propres d’Abertis est significativement inférieur à celui de fin juin, suite à la baisse de son risque de
prévision et à la baisse de l’exigence de rentabilité du marché sur la période.
III.3.2.3. Valorisation indicative des SCA du point de vue des acquéreurs
La valorisation des SCA du point de vue des acquéreurs au 30 décembre 2005 est réalisée selon la
méthode DCF to Equity (cf. partie II.2.1 pour la définition de la méthode), qui nécessite l’estimation
des flux de trésorerie disponibles pour l’actionnaire. Les paramètres et hypothèses de valorisation
utilisés sont les suivants :
-
45
Prise en compte de la survaleur (ou goodwill) : au moment du lancement de la procédure
d’appel d’offres par la Commission des participations et des transferts, les acquéreurs
potentiels disposent des comptes annuels des SCA sur l’année 2004 et de la valorisation
boursière de la société. Les acquéreurs souhaitant détenir l’intégralité du capital des SCA,
45
leur valorisation tient compte de la survaleur constatée au moment de l’acquisition. Celle-ci
est ensuite amortie sur la durée de la concession, mais son amortissement n’est pas
déductible du calcul des impôts.
Différence entre la valeur de marché de la SCA et sa valeur comptable
78
-
Prise en compte de la dette d’acquisition : afin de considérer le montage financier dans son
ensemble, les SCA sont valorisées en intégrant la dette d’acquisition, qui doit être remboursée
et rémunérée par les flux générés par l’exploitation des autoroutes. L’intégralité de la dette est
ensuite amortie sur la durée de la concession, selon un schéma de remboursement conforme
à celui envisagé à l’époque.
-
Durée de vie des concessions : la durée de vie des concessions utilisée correspond à celle
restante au 30 décembre 2005, soient 29 ans pour ASF, 28 ans pour APRR et 25 ans pour
SANEF.
-
Croissance du chiffre d’affaires : le périmètre de concession d’ASF, APRR et SANEF est
considéré comme constant. Aucun investissement compensé supplémentaire n’est intégré
dans le plan d’affaires. Ainsi, la croissance du chiffre d’affaires est impactée par l’évolution
des tarifs, selon une formule assise sur l’inflation, et la croissance du trafic à kilomètres
constants.
-
Coût de la dette : les refinancements en cours de concession étant inévitables, le coût de la
dette utilisé correspond au taux moyen à long-terme d’époque pour des sociétés de risque
financier comparable à celui des SCA.
Compte tenu des paramètres définis ci-dessus et en actualisant les flux de trésorerie pour l’actionnaire
au coût des fonds propres des acquéreurs, la valorisation indicative des fonds propres des SCA
obtenue du point de vue des acquéreurs est indiquée dans le Tableau 35.
Tableau 35
Valorisation indicative des fonds propres des SCA du point de vue des acquéreurs
Coût des fonds propres
de l'acquéreur
Valeur par
action
ASF
7.33%
48.5 €
APRR
8.58%
55.2 €
SANEF
5.59%
56.3 €
Le Tableau 36 résume les différents niveaux de valorisation des trois SCA obtenus par différentes
sources.
Tableau 36
Primes implicites par rapport à la valeur minimale fixée par la commission
Valeur minimale Valorisation du
Niveau des
Prime par
Prime par
fixée par la
point de vue
rapport au prix offres retenues rapport au prix
fixé par l'Etat
Commission
des acquéreurs fixé par l'Etat
par l'Etat
ASF
47.0 €
48.5 €
3%
51.0 €
9%
APRR
51.0 €
SANEF
47.0 €
55.2 €
8%
61.0 €
20%
56.3 €
20%
58.0 €
23%
Les valeurs minimales fixées par la Commission des Participations et des Transferts pour chacune
des SCA se basent sur une valorisation multicritères effectuée par des experts indépendants et
46
extériorisent une prime définie comme « significative et conforme aux usages » par rapport aux
cours de bourse des SCA avant l’annonce du 8 juin 2005. Par rapport aux cours de clôture du 7 juin
46
Méthodologie détaillée dans le Journal Officiel de la République Française, 31 janvier 2006, Avis de la
Commission des participations et des transferts
79
2005, ces valeurs minimales intègrent déjà des primes de 8% pour ASF, 16% pour APRR et 15% pour
SANEF. Au 31 décembre 2005, les valorisations des SCA du point de vue des acquéreurs sont
supérieures à ces valeurs minimales de 3% pour ASF, 8% pour APRR et 20% pour SANEF. A l’issue
du processus d’appel d’offre, les offres retenues par l’État extériorisent des primes légèrement
supérieures (respectivement 9%, 20% et 23% pour ASF, APRR et SANEF). Le niveau des offres
retenues est supérieur à la valorisation d’Associés en Finance du point de vue des acquéreurs. La
valorisation d’ASF du point de vue de Vinci et l’offre de Vinci retenue par l’État extériorisent des
primes inférieures à celles affichées pour les deux autres SCA. Cependant, il convient de rappeler
qu’ASF avait été la première des trois SCA à être introduite en bourse : la valorisation boursière de la
société avait ainsi bénéficié de l’information et de l’appétence de nombreux investisseurs pendant plus
47
de deux ans et demi, contre environ un an pour APRR et seulement quelques mois pour SANEF . La
valorisation boursière de la société, et donc de la participation majoritaire détenue par l’État, avait
ainsi d’ores et déjà profité d’une partie du transfert des effets de productivité et de gouvernance,
expliquant le niveau de prime plus faible au moment de sa cession suite à la procédure d’appel
d’offres.
III.3.2.4. Valorisations issues de la base de données Thomson Reuters pour un échantillon de
brokers
Au cours des derniers mois précédant l’annonce officielle du niveau des offres retenues, les bureaux
d’études réalisant un suivi régulier des SCA mettent à jour leurs valorisations, tel que détaillé dans la
Figure 23.
Figure 23
Valorisation d’ASF par les brokers les mois précédant les résultats de l’appel d’offres
54 €
Objectif de cours
52 €
Prix offert par Vinci :
51 euros
50 €
Moyenne des cours cibles
des analystes : 48,5 euros
48 €
46 €
44 €
42 €
40 €
ING
24/08/05
MS
12/10/05
SG
13/10/05
Natexis
13/10/05
UBS
13/10/05
DB
2/12/05
Suite au lancement du processus d’appel d’offres, les objectifs de cours de l’échantillon de brokers
analysé avaient progressivement augmenté, reflétant l’attrait spéculatif lié à la privatisation (moyenne
47
De plus, la montée progressive de Vinci au capital d’ASF, qui s’était soldée par la mise en place d’un pacte
d’actionnaires avec l’État stabilisant sa participation au capital d’ASF à 23% en novembre 2004, avait occasionné
un courant acheteur sur l’action ASF profitant à son cours de bourse, ainsi que l’entrée à son conseil
d’administration du PDG de Vinci. Un accord de coopération industrielle avait également été signé entre Vinci et
ASF à la fin du mois de juin 2004.
80
des cours cibles de 46.2€ entre l’annonce de la privatisation et fin juillet 2005 et 48.5€ entre août et
début décembre 2005). Les analystes pour la plupart ajoutaient à leur valorisation par DCF une prime
de contrôle. Cependant, le prix offert par Vinci et retenu à l’issue de l’appel d’offres restait supérieur à
la plupart des objectifs de cours des analystes post-annonce, comme le montre la Figure 24.
Figure 24
Valorisation d’APRR par les brokers les mois précédant les résultats de l’appel d’offres
65 €
Prix offert par Eiffage :
61 euros
Objectif de cours
60 €
55 €
Moyenne des cours cibles
des analystes : 52,8 euros
50 €
45 €
40 €
ING
24/08/05
MS
12/10/05
SG
13/10/05
Fortis
13/10/05
Le prix offert par Eiffage et retenu à l’issue de l’appel d’offres était nettement supérieur à la moyenne
des cours cibles des analystes (52.8€ entre août 2005 et mi-décembre 2005), mais aussi à l’ensemble
des valorisations de l’échantillon (cf. Figure 25).
Figure 25
Valorisation de SANEF par les brokers les mois précédant les résultats de l’appel d’offres
60 €
58 €
Prix offert par Abertis :
58 euros
Objectif de cours
56 €
54 €
52 €
Moyenne des cours cibles
des analystes : 50,3 euros
50 €
48 €
46 €
44 €
42 €
40 €
ING
24/08/05
MS
18/10/05
Natexis
18/10/05
SG
19/10/05
UBS
08/11/05
DB
2/12/05
81
La moyenne des cours cibles des différents bureaux d’étude entre août 2005 et décembre 2005 était
de 50.3€. Mi-octobre 2005, au moment de la publication des comptes sur les 9 premiers mois, les
estimations de cours cibles des analystes s’échelonnaient de 42.8€ pour Morgan Stanley à 51€ pour
Natexis, pour un cours de référence de 49.7€. Début décembre, le cours cible estimé par la Deutsche
Bank était de 57€ pour un cours ayant atteint 56.25€. Le prix offert par Abertis et retenu à l’issue de
l’appel d’offres restait supérieur aux différents cours cibles des brokers, malgré la forte progression du
cours de l’action entre la fin du mois d’août 2005 et la date d’annonce des acquéreurs.
La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est produite dans de parfaites
conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public. Les offres retenues extériorisent des
primes significatives par rapport au cours de clôture des actions des SCA à la veille de l’annonce de la
cession, mais aussi par rapport à l’ensemble des valorisations réalisées à cette date, qu’elles
proviennent des base de données d’Associés en Finance ou de l’échantillon de brokers considéré.
Les valorisations indicatives des SCA réalisées par Associés en Finance du point de vue des
acquéreurs permettent de décrire au mieux le processus ayant abouti à la fixation des prix. La
reconstitution du modèle permet également de mener un certain nombre de simulations, afin de tester
la sensibilité de la valorisation aux différentes hypothèses. Les résultats obtenus sont présentés dans
la prochaine sous-partie.
82
III.5. Sensibilité de la valorisation d’une SCA aux différentes hypothèses
Comme indiqué dans la partie II.2.2 de ce rapport, l’activité des SCA est particulièrement sensible à
l’évolution de différents paramètres, en particulier :
-
l’évolution des tarifs et du trafic
le niveau des taux d’intérêt et les conditions du marché du crédit
la durée de vie de la concession
S’ils n’affectent pas directement l’activité des SCA, le niveau du coût des fonds propres est aussi
indispensable à la valorisation (cf. partie III.1.4).
L’étude de la sensibilité de la valorisation d’une SCA aux différents paramètres est menée à partir du
modèle utilisé dans la partie III.3.2 en agrégeant les informations des trois SCA afin de former une
SCA synthétique, représentative du secteur dans son ensemble.
III.5.1. Hypothèses utilisées dans le scenario central
La croissance du chiffre d’affaires dépend de l’évolution des tarifs et du trafic. A kilomètres constants,
l’évolution du trafic a fortement souffert lors des dernières années. Le scenario central d’analyse de la
sensibilité sera élaboré à partir d’un trafic stable. L’évolution des tarifs est redéfinie régulièrement
dans les contrats de plan signés entre l’État et chacune des SCA, selon une formule assise sur
l’inflation. En moyenne, l’évolution des tarifs comprend 70% de l’inflation, à laquelle s’ajoute, le cas
échéant, 10% à 15% de l’inflation et une partie fixe, liées aux investissements compensés prévus par
les contrats de plan. Pour le calcul des sensibilités, aucune compensation n’est prise en compte : le
scenario central se base sur un périmètre inchangé tout au long de la période d’étude.
Alors que la zone euro est confrontée au ralentissement de sa croissance économique et au recul de
l’inflation, la banque centrale européenne a mis en place début 2015 un programme d’achat massif de
titres sur le marché secondaire, visant à repousser le spectre de la déflation. Dans ces circonstances,
les taux d’intérêt des emprunts d’État, mais aussi des obligations corporate, se sont fortement
contractés, atteignant des niveaux parfois historiquement faibles. Le scenario central de calcul des
sensibilités intègre un coût de la dette à long-terme des SCA à 4%, similaire à celui employé pour des
sociétés de risque financier comparable, et un taux d’inflation à long-terme de 1.5%.
Un prolongement de la durée de vie de la concession permet de capter des flux de trésorerie
supplémentaires, ainsi que d’étaler le remboursement de la dette et l’amortissement des
investissements initiaux sur une plus longue période. Inversement, une réduction de la durée de vie
de la concession a un impact négatif sur la valorisation de la SCA qui se verrait amputée de flux de
trésorerie, et devrait rembourser sa dette et amortir ses investissements sur une échéance plus
courte.
Fin 2005, les coûts des fonds propres d’ASF, APRR et SANEF dans TRIVAL étaient respectivement
de 6.69%, 6.73% et 6.57%. A la date de ce rapport, les trois SCA ont été retirées de la cote et du
modèle TRIVAL. Cependant, Abertis et Atlantia présentent des modèles économiques et des profils
financiers proches d’une SCA et leurs coûts des fonds propres respectifs sont de 4.75% et 5.33%. La
Figure 16 présenté en partie III.1.4 de ce rapport permet d’observer le niveau historiquement bas de la
rentabilité attendue des marché actions. Dans ces circonstances, le scénario central de calcul des
sensibilités intègre un coût des fonds propres de 5%.
Les hypothèses utilisées pour servir de base à l’étude de la sensibilité de SCA sont récapitulées dans
le Tableau 37.
83
Tableau 37
Hypothèses retenues pour le scenario central
Hypothèses de
départ
Taux d'inflation
1.5%
Croissance en prix
0.7x Inflation
Croissance du trafic
0%
Taux de la dette
4%
Durée de vie de la SCA
28 ans
Coût des fonds propres
5%
III.5.2. Etude des sensibilités
Sur la base du scenario central, le Tableau 38 présente la sensibilité de la valorisation aux différents
paramètres, chaque paramètre étant considéré séparément des autres.
Tableau 38
Sensibilité de la valeur des fonds propres d’une SCA aux différents paramètres
Scenario
Variation en
-150 bp -100 bp -50 bp
+50 bp +100 bp +150 bp
central
points de base
Evolution du
trafic
-26%
-18%
-9%
0%
10%
21%
33%
Inflation
-14%
-10%
-5%
0%
5%
11%
16%
Coût de la dette
6%
4%
2%
0%
-2%
-4%
-6%
Coût des fonds
propres
17%
11%
5%
0%
-5%
-9%
-13%
Variation en
années
-5 ans
-2 ans
Scenario
central
Durée de vie
résiduelle
-13%
-5%
0%
+2 ans +5 ans
4%
11%
La simulation permet de mesurer l’impact de la prépondérance des coûts fixes sur la valorisation
d’une SCA : une baisse du taux de croissance annuel du trafic de -0.5% tout au long de la durée de
vie résiduelle de la concession impacterait la valeur des fonds propres de -9%. L’évolution de
l’inflation affecte aussi le chiffre d’affaires, du fait des formules d’évolution des tarifs, et se répercute
sur la valorisation. Cependant, l’impact d’une baisse/hausse d’une même proportion de
-0.5% est d’ampleur moindre, car la part des coûts corrélés à l’inflation est supérieure à la part de
ceux corrélés au trafic. Si une baisse du trafic linéaire durant toute la durée de vie de la concession
paraît difficilement envisageable, la crise économique récente alerte sur la possibilité d’une baisse du
trafic pendant plusieurs années dans un contexte de faible croissance économique. Une simple
baisse de -1% du trafic pendant trois années aurait un impact de -4% sur la valeur des fonds propres
d’une SCA.
Le coût de la dette à long-terme est un paramètre essentiel de la valorisation d’une SCA. En
l’occurrence, une baisse du coût de la dette de -150 points de base revaloriserait les fonds propres de
84
+6%, mais ne suffirait même pas à compenser une baisse du taux de croissance annuel du trafic de
-0.5%.
La perception du risque des SCA par les investisseurs évolue avec la manifestation des différents
risques et impacte leur coût des fonds propres. Une hausse de +100 points de base aurait pour
conséquence une baisse de -9% de leur valorisation.
Le prolongement de la durée de la concession a parfois été accordé par l’État aux SCA afin de
compenser des décisions qui leur étaient préjudiciables ou des investissements supplémentaire mis à
leur charge. Sur la base de notre scénario central, un prolongement de 2 années a un impact de +4%
sur la valorisation d’une SCA et contrebalance un gel des tarifs sur 2 années consécutives.
 Lors d’un appel d’offres, le prix d’un actif s’ajuste sur le coût du capital de l’investisseur
le mieux disant.
 La cession de la participation majoritaire de l’État au capital des SCA s’est produite
dans de parfaites conditions de transparence, à l’issue d’un appel d’offres public.
 Les offres retenues extériorisent des primes significatives par rapport à l’ensemble des
valorisations antérieures.
 La valeur des actions d’une SCA est particulièrement sensible à l’évolution du chiffre
d’affaires et au coût de la dette de celle-ci.
85
Annexes
Annexe 1 - Chronologie de la privatisation des trois principales SCA
Tableau 39
Chronologie de la privatisation d’ASF, APRR et SANEF
Date
Evénement
28 mars 2001
Annonce par Laurent Fabius d'un plan de
relance de l'économie comprenant l'ouverture
minoritaire du capital d'ASF
28 mars 2002
Introduction en bourse d'ASF
Juillet 2002
Intégration d'ASF au modèle TRIVAL
25 novembre 2004
Introduction en bourse d'APRR
Novembre 2004
Intégration d'APRR au modèle TRIVAL
24 mars 2005
Introduction en bourse de SANEF
Mars 2005
Intégration de SANEF au modèle TRIVAL
8 juin 2005
Annonce par Dominique de Villepin de la
poursuite de la cession par l'Etat de sa
participation dans les SCA
Août 2005
Lancement de la procédure d'appel d'offres
14 décembre 2005
Annonce des différents repreneurs
Mars 2006
Sortie de TRIVAL de SANEF
24 avril 2006
Retrait de la cote de SANEF
Mai 2006
Sortie de TRIVAL d'ASF
3 novembre 2006
Retrait de la cote d'ASF
Juin 2010
Sortie de TRIVAL d'APRR
18 décembre 2012
Retrait de la cote d'APRR
86
Annexe 2 - Compléments de théorie de financière
L’actif économique
L’actif économique se compose des immobilisations et du besoin en fonds de roulement (BFR). Les
immobilisations correspondent aux actifs durables de l’entreprise, c'est-à-dire n’ayant pas vocation à
être consommés ou vendus sur un seul exercice. Elles sont le résultat de l’ensemble des
investissements réalisés par l’entreprise. Le besoin en fonds de roulement (ressource en fonds de
roulement s’il est négatif) correspond à la différence à financer entre les encaissements et les
décaissements de l’entreprise dans le cadre de son exploitation courante.
Les flux de trésorerie disponibles
Les flux de trésorerie générés par l’actif économique de l’entreprise sont appelés flux de trésorerie
disponibles (FTD), ou Free Cash-Flow (FCF) par les anglo-saxons. Ils peuvent être calculés en
partant de l’EBE, dernier solde intermédiaire de gestion ne prenant en compte que des éléments
encaissables ou décaissables, c'est-à-dire engendrant des flux de trésorerie. L’entreprise étant
redevable d’un impôt sur les sociétés (IS) sur l’EBE réalisé, celui-ci est imputé de l’impôt sur les
sociétés. Cependant, afin de favoriser l’investissement des entreprises, la fiscalité permet d’intégrer
les amortissements au calcul de l’impôt sur les sociétés. Le flux de trésorerie disponible est donc
calculé en ajoutant à l’EBE après impôts le gain fiscal sur les amortissements, puis en déduisant
l’ensemble des capitaux utilisés au cours de l’exercice, qu’ils soient à court-terme (financement du
besoin en BFR) ou à long-terme (investissements nets des désinvestissements).
𝐹𝑇𝐷 = 𝐸𝐵𝐸 ∗ (1 − 𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑑 ′ 𝐼𝑆) + 𝑎𝑚𝑜𝑟𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 ∗ 𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑑′𝐼𝑆 − ∆𝐵𝐹𝑅 − 𝑖𝑛𝑣𝑒𝑠𝑡𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑛𝑒𝑡𝑠
Le taux de rentabilité actuariel d’une concession
Une concession génère des flux de trésorerie sur une durée de vie finie. Pendant la période de
construction et de mise en service de l’ouvrage, les flux de trésorerie disponibles sont négatifs et
doivent être financés par les apporteurs de capitaux. Au fur et à mesure de la mise en service de
l’ouvrage, les flux de trésorerie deviennent positifs grâce à l’exploitation de l’ouvrage. A la fin de la
durée de concession, l’État récupère gratuitement l’ouvrage, qui ne génère alors plus aucun flux de
trésorerie pour les investisseurs. Les flux de trésorerie utilisés sont les FTD présentés plus haut et
sont donc hors considération de structure financière.
Le taux de rentabilité actuariel (TRIe) d’une concession permet de rendre nulle la somme actualisée
de l’ensemble des flux de trésoreries générés par la concession tout au long de sa durée de vie, soit :
𝑛
𝑇𝑅𝐼𝑒 𝑡𝑒𝑙 𝑞𝑢𝑒 ∑
𝑡=0
𝐹𝑇𝐷𝑡
=0
(1 + 𝑇𝑅𝐼𝑒 )𝑡
La formule est identique pour une concession reprise au cours de sa durée de vie. Le repreneur devra
alors seulement décaisser un montant initial important, compensant les investissements réalisés
depuis le début de la construction de l’ouvrage.
87
Annexe 3 – Le modèle TRIVAL
Le modèle d’évaluation TRIVAL d’Associés en Finance permet de mesurer l’évolution des paramètres
d’évaluation des marchés financiers (primes de risque et d’illiquidité, primes de marché, taux d’intérêt,
spread emprunteurs).
TRIVAL est un modèle d’équilibre des actifs financiers. Les gérants institutionnels l’utilisent pour les
aider à la fois dans l’allocation de portefeuille par grandes classes d’actifs (obligations, actions, titres
risqués ou peu risqués, titres liquides ou peu liquides, etc.), et dans la sélection de titres individuels. Il
est également utilisé par les différents évaluateurs dans le cadre d’opérations de marché ou de
rapprochement d’entreprises. La particularité de TRIVAL est de prendre en compte explicitement la
liquidité à côté des deux paramètres « classiques » que sont la rentabilité et le risque anticipés. Il
constitue une référence en matière de rentabilité attendue sur le marché actions, et corrélativement de
primes de marché.
L’univers TRIVAL
Le modèle permet de faire cohabiter dans un même échantillon près de 500 sociétés : environ 360
sociétés de la zone Euro et environ 140 sociétés hors zone euro (principalement des grandes sociétés
nord-américaines ou européennes hors zone euro) de taille très différente, avec des flottants
s’étageant de 25 millions € pour le plus faible à 455 milliards € pour le plus élevé (environ 200
milliards € pour le flottant le plus élevé parmi les sociétés de la zone euro).
Les paramètres de marché sont calculés à partir du sous-échantillon des valeurs de la zone Euro et
mis à jour quotidiennement.
La rentabilité anticipée est basée sur le calcul des excédents de trésorerie disponibles pour les
actionnaires, à partir de plans de développement élaborés par le bureau d’analyse financière
d’Associés en Finance. Cette méthode, utilisée par l’ensemble des évaluateurs, permet d’englober
dans la répartition des flux tant les dividendes que les rachats d’actions. Ces excédents de trésorerie
sont déterminés par simulation des bilans compte tenu des besoins d’investissement et d’une
structure financière normative. Celle-ci est liée à la volatilité de la valeur des actifs financés qui
conditionne la plus ou moins grande confiance des prêteurs. Le coût de la dette est composé d’un
taux pivot affecté d’un écart de taux conforme à la notation de l’entreprise et du spread constaté sur le
marché pour celle-ci.
Le modèle de simulation comporte trois périodes. La première vise à passer de la structure actuelle
d’endettement à la structure cible, compte tenu de la capacité de croissance interne et externe de
l’activité démontrée par la société considérée. La seconde fait converger les variables de rentabilité du
groupe considéré vers celles de la moyenne de son secteur d’activité. La troisième période fait
converger l’ensemble des secteurs de manière à observer une disparition de la rente économique et
d’achever la simulation en calant la valeur finale sur la valeur comptable des fonds propres résiduels.
Le modèle prend en compte plus d’une vingtaine de variables par société. Son objectif est avant tout
de faire ressortir les écarts sous-jacents de croissance d’activité, de rentabilité et d’utilisation des
capitaux permanents entre les sociétés qui sont directement concurrentes, clientes, etc. Il permet ainsi
d’afficher une cohérence macroéconomique.
Les flux disponibles pour l’investisseur sont calculés après paiement de l’impôt sur les sociétés, des
frais financiers et des flux de la dette, remboursements ou nouveaux emprunts. Le taux de rentabilité
anticipé ressortant de ce calcul est donc un taux de rentabilité attendu sur les fonds propres exprimés
en valeur de marché après impôt sur les sociétés, mais avant imposition de l’actionnaire.
88
De l’actif économique à l’actif financier coté
Les simulations microéconomiques sur un portefeuille d’actifs industriels ne correspondent pas
toujours à la réalité financière et juridique de l’actif financier coté. Un premier ajustement passe par la
prise en compte des intérêts minoritaires, des participations qui ne sont pas consolidées par
intégration globale, et des plus et moins-values latentes sur actifs financiers. Un second ajustement
passe par la prise en compte au niveau de la « part du groupe » des différents titres (actions
ordinaires, actions préférentielles) et l’adoption d’un nombre d’actions normalisé.
Le taux de rentabilité anticipé est le taux d’actualisation qui rend la somme de la valeur actuelle des
flux prévus et des ajustements liés aux comptes consolidés évoqués dans le paragraphe précédent
égale à la capitalisation boursière. C’est donc un taux de rentabilité attendue sur les fonds propres
exprimés en valeur de marché après impôts sur les sociétés mais avant imposition de l’actionnaire.
Le risque anticipé
Une des particularités des modèles développés par Associés en Finance est de se référer non pas à
un coefficient bêta calculé ex-post à partir des cours de bourse mais à un risque anticipé. Les
premiers présentent en effet l’inconvénient de coefficients de corrélation peu convaincants entraînant
leur instabilité et leur faible significativité.
Le risque relatif résulte de la combinaison d’un risque de prévision, d’un risque financier et d’un risque
sectoriel.
Le risque de prévision correspond au degré de confort avec lequel l’analyste peut faire des projections
pour l’avenir. Le risque de prévision est la perception externe de l’ensemble des facteurs de variabilité
des bénéfices, qu’ils soient liés à des facteurs internes à l’entreprise (produits, stratégie, qualité de
gestion, qualité de l’information) ou à son environnement (concurrence dans le secteur, degré de
réglementation). Il intègre une note qualitative propre au bureau d’analyse financière d’Associés en
Finance représentant la synthèse de douze critères d’appréciation des forces et faiblesses de la
société concernée. Il est directement lié à la variabilité anticipée des mouvements du cours de bourse
de l’action concernée vis à vis de changements d’environnement économique ou des « surprises » sur
les résultats. Le risque de prévision s’étage sur une échelle de 1 à 9, pour une note médiane de 5.
Le risque financier s’apparente aux notations des agences de rating financier. Le risque financier, qui
s’étage sur une échelle croissante entre 1 et 5 (3 étant la note médiane), mesure la solidité de la
structure financière et la capacité de la société à faire face à ses engagements financiers dans le
cadre de son scénario de développement. Il tient compte, sur la base des flux prévisionnels élaborés
par Associés en Finance, de la structure financière de la société (dettes sur valeur d’entreprise), de la
taille et la volatilité des actifs, de la couverture des charges financières par l’exploitation et du nombre
d’années de cash flows que représente la dette.
Le risque sectoriel correspond au bêta boursier de l’indice sectoriel auquel appartient la société
analysée.
La liquidité
Elle est évaluée dans le modèle par la liquidité structurelle, à savoir le flottant, comme c’est désormais
le cas dans la pondération des grands indices boursiers, et par la liquidité conjoncturelle. Le
coefficient affecté à la liquidité est normé à un.
89
La liquidité structurelle s’exprime par le rapport de l’inverse du logarithme du flottant d’un groupe coté
à la moyenne des inverses des logarithmes du flottant de chacune des sociétés de l’échantillon.
La liquidité conjoncturelle est appréhendée par l’inverse du logarithme du montant de capitaux
négociables pour une variation de 1 % du cours.
Les sociétés sont rangées par ordre de liquidité décroissante afin d’obtenir une pente positive comme
dans le cas de la prime de risque. Les valeurs très liquides ont un coefficient d’illiquidité inférieur à 1,
les valeurs peu liquides ayant un coefficient d’illiquidité supérieur à 1.
L’ajout dans TRIVAL du facteur liquidité dans la valorisation des actifs financiers apporte une réelle
contribution. On constate en effet en général une indépendance entre le risque et la liquidité, c’est à
dire que par sous-échantillon de liquidité le risque est invariant, et que par sous-échantillon de risque,
la liquidité est également invariante.
La régression entre les taux actuariels obtenus et les deux attributs de risque relatif et d’illiquidité
relative, permet de déterminer, compte tenu du niveau de risque opérationnel et de la taille de l’entité,
le taux de rentabilité normalement exigé pour cette entreprise. C’est le coût des fonds propres.
Les paramètres obtenus par cette régression sont la prime de risque, la prime d’illiquidité, et un résidu.
La prise en compte de la liquidité permet de mieux expliquer les valorisations, puisque le coefficient de
détermination (R2) de la double régression est en général supérieur à 65 % (75 % actuellement).
90
Annexe 4 - Le coût du capital et le coût des fonds propres
Le coût du capital
Le modèle TRIVAL permet de calculer directement le risque de l’actif économique et donc le coût du
capital d’une entreprise.
Le risque de l’actif économique d’une entreprise est fonction de son risque opérationnel et de son
risque de taille. Le risque opérationnel intègre un risque de prévision (noté sur une échelle de 1 à 9) et
un bêta sectoriel (calculé à partir des indices sectoriels Euro Stoxx). Le risque de taille est fonction de
la valeur d’entreprise. Les entreprises de l’échantillon sont réparties par décile afin de déterminer pour
chacune d’entre elle un coefficient de risque opérationnel et un coefficient de taille, centrés sur 1. Plus
le risque opérationnel d’une entreprise est important et plus les investisseurs en exigeront une
rentabilité importante. De la même manière, plus une entreprise est de petite taille et donc moins
liquide, plus les investisseurs exigeront une rentabilité importante, conformément à la théorie de la
préférence pour la liquidité.
La rentabilité exigée par les apporteurs de capitaux d’une entreprise (son coût du capital k e) n’est
donc fonction que de son risque opérationnel et de son risque de taille :
𝑘𝑒 = 𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛é𝑒 à 𝑙 ′ 𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑜𝑝é𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑡𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒
A partir des prévisions établies sur plus de 500 sociétés cotées, Associés en Finance détermine à la
fin de chaque séance boursière les primes de marché (prime de risque opérationnel, prime de taille et
résidu), en régressant la rentabilité économique anticipée des sociétés sur leur risque économique et
leur risque de taille.
Ces primes de marché constituent des primes de référence pour de nombreux évaluateurs externes et
acteurs de l’expertise : les primes de marché d’Associés en Finance sont les plus fréquemment
utilisées dans les expertises AMF (Etude d’Afival - Le Cercle des Echos 2013) et elles sont également
utilisées dans le Vernimmen depuis près de 20 ans.
La prime de risque opérationnel permet de juger de la perception des investisseurs du risque
opérationnel lié à la détention d’une partie de la valeur d’entreprise d’une société. Lorsque les
marchés financiers sont en période de stress, l’aversion au risque des investisseurs est importante et
ceux-ci réclament une prime de risque importante pour engager leurs capitaux dans les entreprises. A
l’inverse, en période de bulle financière, l’aversion au risque des investisseurs est faible et la prime de
risque proposée aux apporteurs capitaux se réduit considérablement.
La prime de taille illustre la perception des investisseurs du risque supplémentaire lié à la détention
d’une part de la valeur d’entreprises de petite taille. Si la préférence pour la liquidité des investisseurs,
et donc pour les entreprises liquides et de grande taille, est établie, celle-ci ne s’exerce pas dans la
même mesure au cours du temps. Les investisseurs vont parfois exiger un supplément de rentabilité
important pour sortir de leur « habitat préféré ». En d’autres circonstances de marché, ils pourront être
moins sensibles à ce paramètre et accepter alors une rémunération moindre.
Le coût du capital correspond à la rentabilité exigée par l’ensemble des apporteurs de capitaux de
l’entreprise, c'est-à-dire les actionnaires, qui détiennent les fonds propres, et les créanciers, qui
détiennent la dette. Il s’agit donc du coût global de financement de la valeur d’entreprise, qui est la
somme de la valeur des capitaux propres et de la valeur de la dette. La détention de capitaux propres
ou de dette fait courir un risque différent à un investisseur. La dette dispose d’une priorité de
remboursement sur les capitaux propres et donne droit à un coupon généralement fixe (les intérêts),
91
alors que les capitaux propres donnent droit à un coupon variable après service des créanciers (le
dividende) et au résidu de la valeur d’entreprise après remboursement de l’ensemble des dettes. On
dit ainsi que les actionnaires sont les créanciers résiduels de l’entreprise. La rentabilité exigée par les
actionnaires est différente, mais aussi structurellement supérieure à la rentabilité exigée par les
créanciers.
Le coût du capital peut donc aussi s’écrire comme la moyenne pondérée par leur valeur du coût des
fonds propres (kCP) et du coût de la dette (kD), soit :
𝑘𝑒 = 𝑘𝐶𝑃 ×
𝑉𝐶𝑃
𝑉𝐷
+ 𝑘𝐷 × (1 − 𝐼𝑆) ×
𝑉𝐶𝑃 + 𝑉𝐷
𝑉𝐶𝑃 + 𝑉𝐷
Cependant, cette écriture peut s’avérer trompeuse : comme précédemment expliqué, le coût du
48
capital dépend du risque l’actif économique et non de son financement. Modigliani et Miller ont
d’ailleurs démontré l’indépendance du coût de capital à la structure financière de l’entreprise. Si une
entreprise est financée uniquement par des fonds propres, le coût de ses fonds propres est égal au
coût du capital. Si cette entreprise choisit de modifier sa structure financière en souscrivant de la
dette, elle va renchérir le coût de ses fonds propres : les actionnaires étant les créanciers résiduels de
l’entreprise, le risque associé à leur investissement sera d’autant plus important que l’entreprise est
endettée, et ils en exigeront une rentabilité supérieure. L’entreprise aura ainsi levé une ressource de
financement moins couteuse (la dette), au prix du renchérissement du coût de son financement initial
(les fonds propres). Modigliani et Miller démontrent que, dans des marchés à l’équilibre, ces deux
effets se compensent parfaitement et que le coût du capital de l’entreprise endettée sera identique à
celui de l’entreprise désendettée.
Ainsi, et malgré la formulation présentée plus haut, le coût du capital ne dépend ni du coût des fonds
propres et du coût de la dette, ni de la structure financière : ce sont le coût des fonds propres et le
coût de la dette qui dépendent du coût du capital et de la structure financière de l’entreprise.
Le coût des fonds propres
TRIVAL permet de calculer directement le coût des fonds propres d’une entreprise. La rentabilité
exigée par les actionnaires dépend alors du risque opérationnel, une nouvelle fois évalué à travers le
risque de prévision et le bêta sectoriel, du risque financier, lié à la structure de financement de l’actif
de l’entreprise, et du risque de taille, mesuré par la liquidité pour les sociétés cotées. Plus une
entreprise est endettée, plus son risque financier est important et plus son coût des fonds propres l’est
aussi. En effet, les actionnaires sont les créanciers résiduels de l’entreprise et il est donc logique que
leur risque soit une fonction croissante de l’endettement. Les entreprises de l’échantillon sont une
nouvelle fois réparties par décile afin de déterminer pour chacune d’entre elle un coefficient de risque
relatif, synthétisant le risque opérationnel et le risque financier, et un coefficient d’illiquidité, centrés sur
1.
La rentabilité exigée par les actionnaires d’une entreprise (son coût des fonds propres) est alors :
𝑘𝐶𝑃 = 𝑜𝑟𝑑𝑜𝑛𝑛é𝑒 à 𝑙′𝑜𝑟𝑖𝑔𝑖𝑛𝑒 + 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 𝑟𝑒𝑙𝑎𝑡𝑖𝑓 × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑟𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒 + 𝑖𝑙𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡é × 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑒 𝑑′𝑖𝑙𝑙𝑖𝑞𝑢𝑖𝑑𝑖𝑡é
48
Franco Modigliani et Merton Miller, juin 1958, « The cost of Capital, Corporation Finance and the Theory of Investment »,
The American Economic Review, Vol. 48, No. 3
92
Les primes de marché (prime de risque et prime d’illiquidité) sont calculées de la même manière que
pour la rentabilité exigée par l’ensemble des apporteurs de capitaux.
La prime de risque relatif permet de juger de la perception des investisseurs des risque opérationnels
et financiers liés à la détention d’actions. Elle est une mesure de leur aversion au risque
La prime d’illiquidité illustre la perception des investisseurs du risque supplémentaire lié à la détention
d’actions d’entreprises peu liquides. Les investisseurs en actions ont une préférence pour la liquidité
reconnue, mais qui varie au fil du temps : la prime d’illiquidité permet de se rendre compte de son
ampleur.
93
Annexe 5 - L’État comme partie prenante
49
Freeman , définit une partie prenante comme « un individu ou un groupe d’individus qui peut affecter
ou être affecté par la réalisation des objectifs organisationnels » et plaide pour la prise en compte des
intérêts de l’ensemble des dites parties prenantes dans la prise de décision d’une entreprise. Si cette
démarche s’est rapidement imposée, la question de l’identification des parties prenantes et de la
mesure de leur influence sur l’entreprise considérée a fait l’objet d’une étude par Mitchell, Agle et
50
Wood . Les auteurs mesurent la prépondérance d’une partie prenante sur une entreprise en fonction
de trois paramètres, que sont le pouvoir d’influence, le degré de légitimité et l’urgence relative du
pouvoir qu’elle prétend exercer. Une partie prenante réunissant ces trois attributs sera considérée
comme une référence dans l’organisation de l’entreprise.
Dans le cadre économique des SCA, l’État, qu’il soit ou non actionnaire des sociétés
concessionnaires, cumule sans contestation possible l’ensemble des caractéristiques d’une partie
prenante de référence : son pouvoir d’influence et son degré de légitimité sont clairement établis par
les prérogatives qui lui sont accordées dans le contrat de concession, et l’urgence relative de son
pouvoir apparait à travers les droits qui lui sont offerts au titre de l’intérêt général et de la protection
des utilisateurs.
Garant du bien-être social, l’État doit concilier la protection des citoyens et la gestion des comptes
publics, au cœur de la démarche de concession : la concession de travaux publics lui permet de
développer une infrastructure de qualité dans des secteurs consommateurs en capitaux, pour un
apport en fonds publics faible (des subventions peuvent être accordées, mais l’essentiel du
financement de l’infrastructure demeure à la charge de la société concessionnaire) et sans se départir
de son droit d’influence sur les décisions prises par la société concessionnaire.
L’influence exercée par l’État sur la gestion des sociétés concessionnaires est puissante, légitime et
urgente, mais obéit à différents objectifs. Le management d’une société concessionnaire joue un rôle
décisif dans l’équilibre entre les différentes parties prenantes, en tentant d’aligner des intérêts parfois
divergents dans un cadre réglementaire strictement défini par le contrat de concession.
49
50
Freeman, 1984, Strategic Management: A stakholder approach, working paper
Mitchell, Agle et Wood, 1997, Theory of stakeholder identification and salience working paper
94
Annexe 6 - Graphique de cours et de prix d’équilibre TRIVAL des SCA
Les graphiques ci-dessous présentent l’évolution du cours de l’action et du prix d’équilibre TRIVAL
des SCA entre leur introduction et la fin du mois de juin 2005 (l’annonce de la privatisation des SCA
ayant eu lieu le 8 juin 2005 lors du discours de politique générale prononcé par Dominique de
Villepin).
ASF
50.00
Cours
45.00
Prix d'équilibre
40.00
CAC rebasé
35.00
30.00
25.00
20.00
mai-05
mars-05
janv.-05
nov.-04
sept.-04
juil.-04
mai-04
mars-04
janv.-04
nov.-03
sept.-03
juil.-03
mai-03
janv.-03
mars-03
nov.-02
sept.-02
juil.-02
15.00
APRR
52.00
50.00
48.00
Cours
Prix d'équilibre
CAC rebasé
46.00
44.00
42.00
40.00
45.00
44.00
43.00
42.00
41.00
40.00
39.00
38.00
37.00
36.00
35.00
SANEF
Cours
Prix d'équilibre
CAC rebasé
mars-05
avr.-05
mai-05
juin-05
95
Annexe 7 - Evolution du chiffre d’affaires et des marges d’EBE et d’exploitation depuis 2005 des SCA
françaises et des principales SCA européennes cotées
Tableau 40
Evolution du CA et des marges d’EBE et d’exploitation pour les principales SCA européennes
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2474
2625
2811
2895
2967
3074
3170
3192
3308
3420
64%
43%
65%
44%
66%
44%
66%
50%
67%
49%
68%
51%
69%
52%
69%
51%
71%
49%
71%
50%
ASF/ESCOTA
CA
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
Abertis (Autoroutes dont SANEF à partir de 2006)
CA
1209
2537
2751
2756
2907
3078
3098
3220
4139
4106,2
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
80%
63%
72%
48%
72%
50%
70%
48%
69%
69%
45%
70%
45%
68%
68%
40%
66%
42%
1152
1225
1334
1368
1391
1452
1489
1495
1553
1603
65%
39%
66%
43%
66%
45%
65%
44%
65%
44%
65%
45%
66%
46%
66%
45%
65%
44%
64%
40%
1571
1670
1803
1834
1860
1940
2022
2039
2099
2149
64%
41%
64%
44%
67%
48%
68%
47%
68%
47%
68%
48%
69%
49%
70%
50%
70%
50%
71%
50%
SANEF/SAPN
CA
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
APRR/AREA
CA
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
COFIROUTE
CA
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
889
966
1039
1077
1111
1150
1202
1209
1241
1384
68%
53%
69%
53%
71%
55%
71%
54%
71%
53%
71%
51%
71%
50%
71%
50%
72%
51%
67%
48%
BRISA
CA
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
577
586
646
686
677
674
661
591
543
576
72%
51%
71%
50%
71%
43%
70%
40%
71%
33%
70%
8%
68%
36%
70%
34%
70%
40%
72%
43%
2554
2719
2779
2883
2947
3146
3329
3180
3539
3678
65%
66%
64%
64%
64%
62%
60%
59%
60%
44%
61%
41%
ATLANTIA (Autoroutes)
CA
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
ATMB
CA
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
128
140
142
146
142
153
163
167
172
58%
30%
61%
35%
60%
35%
58%
33%
57%
45%
58%
46%
60%
48%
57%
46%
58%
46%
1900
1991
1976
2011
2036
2472
1872
1973
2076
2272
45%
41%
39%
36%
67%
64%
50%
46%
41%
38%
38%
34%
58%
54%
54%
51%
53%
50%
48%
46%
2846,4
2952,3
3151,3
3207,4
3236,7
3264,2
3391,5
3530,2
3603,8
3754,2
marge d'EBITDA (%)
90%
87%
87%
marge d'EBIT (%)
58%
55%
61%
Données : Rapports annuels des sociétés et CapitalIQ
87%
66%
87%
66%
87%
66%
88%
67%
88%
69%
87%
70%
88%
71%
ASFINAG
CA
marge d'EBITDA (%)
marge d'EBIT (%)
Sun & Baelt (DKK)
CA
96
Annexe 8 - Analyse de la dette d’acquisition d’ASF, APRR et SANEF
Analyse de la dette d’acquisition d’ASF
La structure de financement de l’acquisition d’ASF par Vinci en 2006 est complexe. Vinci était déjà
actionnaire d’ASF à hauteur de 23%. Les 77% restants ont été acquis, pour 51%, directement auprès
de l’État en mars 2006 et, pour 26%, dans le cadre d’une offre de garantie de cours suivie d’une offre
publique de retrait jusqu’en novembre de la même année. La répartition de l’endettement a été
réallouée au sein du groupe en janvier 2007.
En 2006, le financement des 77% par Vinci est assuré par une augmentation de capital de 2.5 Mds€,
un emprunt hybride de 0.5 Md€, un prélèvement sur la trésorerie de 3.1 Mds€ et une dette
d’acquisition de 3 Mds€. La structure du groupe est présentée sur la Figure 23.
Figure 23
Structure de l’endettement suite à l’acquisition d’ASF par Vinci, avant janvier 2007
VINCI SA
Augmentation de capital : 2,5 mds€
Emprunt hybride : 0,5 md€
Prélèvement sur la trésorerie : 3,1 mds€
Dette d'acquisition : 3 mds€
100%
VINCI Concessions
23%
77%
100%
ASF
VINCI Park
Endettement net :
8 Mds€
Endettement net :
0,4 Md€
En janvier 2007, la structure de financement de l’acquisition est présentée dans la Figure 23. Vinci a
en effet, réalloué le financement d’ASF à différents niveaux du groupe. Ainsi, ASF a versé un
dividende exceptionnel de 3.3 Mds€ (2.6 Mds€ à Vinci SA et 0.7 Md€ à ASF Holding), lequel a été
financé par un endettement équivalent. Ce dividende exceptionnel a permis de rembourser une partie
de la dette d’acquisition logée au niveau de Vinci SA. En janvier 2007, la structure financière de
l’acquisition se présentait comme suit : une augmentation de capital de Vinci SA pour 3.6 Mds€, une
dette bancaire d’acquisition de 1.75 Md€ au niveau de Vinci SA, une émission obligataire pour 0.5
Md€ au niveau de Vinci SA et une augmentation de l’endettement net d’ASF de 3.3 Mds€.
97
Figure 24
Structure du financement de l’acquisition d’ASF post janvier 2007
Augmentation de capital : 2,5 mds€
Emprunt hybride : 0,5 md€
Prélèvement sur la trésorerie : 0,55 md€
Dette d'acquisition : 1,75 mds€
VINCI SA
1,2 Md€
100%
1,2 Md€
VINCI Concessions
100%
Dividende
exceptionnel :
2,6Mds€
77%
0,7 Md€
Dividende exceptionnel :
0,5Md€
100%
ASF Holding
VINCI Park
Endettement net :
1,2 Md€
Endettement net :
0,9 Md€
23%
Dividende exceptionnel :
0,7Md€
ASF
Endettement net :
11,3 Mds€
98
Analyse de la dette d’acquisition d’APRR
Le consortium formé par Eiffage et le groupe Macquarie a réalisé l’acquisition d’APRR à travers un
véhicule commun, Financière Eiffarie, dont Eiffage et le groupe Macquarie sont actionnaires à 50%
plus une action et 50% moins une action respectivement. L’acquisition d’APRR a été principalement
financée par une dette bancaire à hauteur de 3.9 Mds€ (au 31 décembre 2006), complété par un
apport en fonds propres et une avance en compte courant d’actionnaires (fin 2006, le montant déjà
versé est de 4.84 Mds€). L’acquisition représente 6.9 Mds€ pour 100% des titres. La Figure 25
représente la structure de financement d’APRR. 70.2% des titres APRR ont été acquis directement
auprès de l’État et, le solde dans le cadre d’une offre de garantie de cours suivie d’une offre publique
de retrait entre le 17 mars 2006 et le 13 avril 2006. A la suite de cette période, le consortium n’ayant
pas obtenu les 95% du capital nécessaires au retrait de la Bourse, APRR continue d’être coté.
Figure 25
Structure de financement d’APRR au 31 décembre 2006
Eiffage
Groupe Macquarie
50% + 1 action
50% - 1 action
Financière
Eiffarie
100%
Eiffarie
Dette d'acquisition :
4,84 Md€
100%
APRR
99
Analyse de la dette d’acquisition de SANEF
La dette d’acquisition et les titres SANEF ont été apportés par le consortium formé par Abertis et ses
co-investisseurs à une holding dédiée, HIT (Holding d’Infrastructures de Transports) comme illustré
dans la Figure 26. Cette acquisition a été financée de la manière suivante : 1.5 Md€ d’obligations
remboursables intégralement à échéance, 1.15 Md€ sous forme de crédit syndiqué et 2 Mds€ de
fonds propres apportés par les actionnaires. Après le rachat de 75.65% du capital de la SANEF, HIT a
lancé une offre de garantie de cours suivie d’une offre publique de retrait entre le 21 février 2006 et le
20 mars 2006.
Figure 26
Structure de financement de SANEF au 31 décembre 2006
AXA, CDC, CNP,
FFP et PREDICA
Abertis
52,5%
47,5%
HIT
Dette d'acquisition
100%
SANEF
100
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