page 14 - Octobre 2000 Communication - Commerce Électronique Éditions du Juris-Classeur
Cette analyse nous paraît inadaptée, inutile et vaine. La définition de la
loi de 1986 sur l'audiovisuel, dont la nuance s'arrête à distinguer la com-
munication audiovisuelle de la correspondance privée, n'était pas destinée
à régir l'ensemble de la nouvelle économie dont on ne soupçonnait
d'ailleurs pas alors l'émergence. La qualification de “ communication
audiovisuelle ”, parmi lesquelles le législateur français distingue désor-
mais les services de radiodiffusion sonore et de télévision et les services
mal définis de “ communication en ligne autre que la correspondance
privée ”, a été défendue avec pour objectif d'imposer à l'ensemble des ser-
vices de “ la Toile ” les formalités déclaratives de l'article 43, de les sou-
mettre au contrôle d'un organisme, le CSA
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, et de permettre la mise en
jeu de la responsabilité du déclarant en qualité de responsable de publica-
tion de presse, évitant ainsi aux plaignants d'avoir à démontrer l'élément
intentionnel des infractions poursuivies. Mais cette responsabilité pénale
sans faute, qui repose sur un droit de la presse connu seulement de
quelques rares spécialistes, n'a naturellement pas vocation à s'étendre à
l'ensemble de l'économie mondiale.
Les inconvénients ont été dénoncés, mais sans succès
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. En réalité, une
première distinction devrait être opérée entre le contenant et le contenu.
Le contenant, c'est un réseau maillé de télécommunications capable de
transporter toute information numérisée. Le contenu, ce sont les sites
accessibles sur le Web et les informations transmises.
Sur le contenu, la qualification juridique devrait dépendre autant de la
finalité des sites que des techniques utilisées. Le contenu d'un site peut
selon les cas ou simultanément s'apparenter à une plaquette institutionnel-
le de présentation de société, un simple échange de données informatisées
(EDI), une galerie marchande, un annuaire aux fonctionnalités avancées
(moteurs de recherche), une publicité ou promotion d'un organe de presse
générale ou spécialisée ou un site audiovisuel (radio, télévision…).
Le site proprement dit, à la fois identifiant, adresse IP et enveloppe du
contenu mentionné plus haut, constitue l'interface graphique entre les
données qu'il contient et l'utilisateur.
Internet est multiple et complexe et il serait vain de vouloir lui trouver
une qualification globale.
Réaliste, la Directive sur certains aspects juridiques du commerce élec-
tronique du 8 juin 2000
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définit des “ services de la société de l'informa-
tion ”
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, et évite avec raison de retenir un rattachement unique et global à
une situation multiforme. Sa transposition en droit français, du seul fait
du rattachement à la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, risque de
constituer un obstacle judiciaire non négligeable au développement de la
nouvelle économie.
B. - La qualification juridique des communications commerciales
sur Internet
Il existe plusieurs formes de communications commerciales. Elles
obéissent à des règles juridiques différentes. Cette diversité des règles est
encore accentuée par la multiplicité des lois nationales simultanément
applicables.
1. - Définitions de la Publicité
Compte tenu des textes qui régissent le droit de la publicité, il est
nécessaire de dégager autant que possible une définition de la publicité
adaptée à Internet.
Pour les professionnels, c'est la technique de communication utilisée
qui permet de qualifier la publicité. Ils distinguent généralement la publi-
cité proprement dite, dans laquelle l'annonceur communique sur l'imagi-
naire attaché à la marque, des autres formes de communication telles que
le parrainage, la promotion des ventes, ou le marketing direct.
Ces communications font en effet appel à des métiers différents, même
si la technologie les rapproche sur Internet.
Mais les lois qui régissent la publicité font appel à d'autres critères et
trois catégories de définitions coexistent sans que l'on puisse y trouver
une logique unique.
- Définition par référence aux supports de communication. - Cette
définition est en France consacrée par l'article 3 de la loi du 29 décembre
1979
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sur l'affichage. Sur Internet, la référence au support utilisé pourrait
permettre de déjà distinguer clairement la publicité, par exemple sous
forme de bannières ou le message audiovisuel, des sites institutionnels
(qui s'apparentent souvent mieux aux plaquettes institutionnelles ou à des
catalogues de produits), de la presse, ou des galeries marchandes.
Naturellement, dans cette approche, tout ce qui constitue Internet ne doit
pas indistinctement être qualifié de support de communication.
- Définition selon l'objectif ou la nature de la communication. - En
télévision diffusée en clair, c'est l'objectif de promotion qui qualifie la
publicité, tant au niveau communautaire que national. Ainsi, dans la
Directive Télévision sans frontières
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, on entend par publicité télévisée
toute forme de message télévisé rémunéré dans le but de promouvoir la
fourniture, moyennant paiement, de biens ou de services.
Cette définition par l'objectif, adaptée au cadre restreint du support
télévision classique, serait en revanche trop large pour Internet, car, nous
l'avons vu, Internet est aussi un vecteur de transmission de données -
comme le sont les ondes hertziennes, le papier ou le câble - qui véhicule
aussi bien la presse, les données informatiques, la télévision ou la corres-
pondance privée.
- Définition par référence aux produits. -Les tribunaux français défi-
nissent curieusement parfois la publicité par référence aux produits, tout
au moins pour les produits réglementés. Dans la loi Évin, le législateur
définit la publicité indirecte par rapport à la publicité, mais ne définit pas
la publicité
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.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que doivent être
considérés comme publicité, un jeu concours, un article d'information
dans la presse, des reportages consacrés à un rallye automobile, et plus
récemment la seule mention du nom du mécène d'un prix scientifique.
Concernant le mécénat elle précise que toute utilisation publique d'une
marque de cigarette, quelle que soit sa finalité, constitue une publicité en
faveur du tabac (Décision appliquée à la simple mention du nom du
mécène lors de la remise d'un prix scientifique par une association portant
le nom d'une marque de tabac
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).
Cette position restrictive conduit évidemment à des aberrations et, dans
la lignée de ces décisions, le BVP
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est conduit à refuser son visa à toutes
publicités qui montrerait un verre, dès lors que par sa forme ou sa couleur
il pourrait contenir de l'alcool, et quand bien même la publicité serait des-
tinée à promouvoir un produit sans relation avec l'alcool.
Mais cette définition très extensive n'est fort heureusement retenue par
la Chambre Criminelle de la Cour de cassation que pour des produits
spécifiques dont la publicité est réglementée ou interdite. Elle n'en accen-
tue pas moins, plus que nécessaire, le champ de l'incertitude et de l'impré-
visibilité juridique.
Si la confusion est de rigueur pour définir la publicité, c'est que le non
professionnel la confond avec d'autres formes de communications, pour-
tant très différentes et faciles à distinguer et qui obéissent à des régimes
juridiques distincts.
2. - Définition du Marketing direct
À la différence de la publicité, le marketing direct vise le consomma-
teur identifié, et pas seulement un groupe. Ces techniques font générale-
condamnant la SA coopérative “ Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne ”
à payer à l'association “ Fédération Logement Consommation et Environnement d'Ille-
et-Vilaine ” la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du NCPC.
12. Paradoxalement, l'obligation de déclaration au CSA, rarement respectée, est main-
tenant supprimée, et le contrôle du contenu des sites Internet devrait prochainement être
confié à une institution d'autorégulation, à créer.
13. Lire à ce sujet l’“ État des lieux de la communication audiovisuelle 1998 ”, rapport
d'information présenté au Sénat par J.-P. Hugo ainsi que le rapport au premier Ministre
“ L'Internet un vrai défi pour la France ” de Patrice Martin-Lalande : “ Il est nécessaire
de lever les incertitudes que provoquent certaines inadéquations des textes actuels avec
ce nouveau media et d'assurer ainsi la sécurité juridique sur deux plans : national, en
précisant et modifiant le droit français, international en organisant la convergence des
règles nationales, leur articulation et la définition d'une capacité d'arbitrage commune. ”
14. Directive 2000/31/CE (JOCE, 17 juill. 2000) sur certains aspects juridiques des
services de la société de l'information et notamment du commerce électronique, dans le
marché intérieur (“ Directive sur le Commerce électronique ”).
15. Aux fins de la présente directive, on entend par “ services de la société de l'infor-
mation tout service fourni normalement contre rémunération, à distance au moyen d'é-
quipements électroniques de traitement (y compris par compression numérique) et de
stockage de données, à la demande individuelle d'un destinataire de service… ”. La
communication commerciale entre dans cette catégorie.
16. Article 3 : “ Au sens de la présente loi, constitue une publicité, à l'exclusion des
enseignes et préenseignes, toute inscription, forme ou image destinée à informer le
public ou attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir les-
dites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ”.
17. Directive 97/36 modifiant la directive 89/552 : “ On entend par publicité télévisée ”
toute forme de message télévisé, que ce soit contre rémunération ou paiement similai-
re, ou de diffusion à des fins d'auto-promotion par une entreprise publique ou privée
dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou de profession
libérale dans le but de promouvoir la fourniture, moyennant paiement, de biens ou de
services, y compris les biens immeubles, ou de droits et d'obligations.
18. C. déb. boiss., art. L. 17 (aujourd'hui intégré au Code de la santé publique) : “ Est
considérée comme propagande ou publicité indirecte toute propagande ou publicité en
faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre
qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une
dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinc-
tif, rappelle une boisson alcoolique ”.
C. santé publ., art. L. 355-26 (aujourd'hui transposé au Code de la santé publique) :
“ Est considérée comme propagande ou publicité indirecte toute propagande ou publi-
cité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article
autre que le tabac ou un produit du tabac lorsque, par son graphisme, sa présentation,
l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif,
elle rappelle le tabac ou un produit du tabac ”.
19. Cass. crim., 29 juin 1999: n°3965 P+F.
20. Bureau de Vérification de la Publicité.