◆ CAS CLINIQUE Progrès en Urologie (2006), 16, 376-377 Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 : une cause possible de maladie lithiasique rénale sévère et récidivante Lamine NIANG (1), Mohamed Amine LACKMICHI (1), Sophie PERIE (2), Frédéric THIBAULT (1), Bernard GATTEGNO (1), Philippe THIBAULT (1), Olivier TRAXER (1) (1) Service d’Urologie, (2) Service d’ORL, Hôpital Tenon, Paris, France RESUME Les néoplasies endocriniennes multiples (NEM) se définissent, chez un même sujet, par l’atteinte d’au moins deux glandes endocrines sans lien fonctionnel entre elles. Il en existe 3 types. La NEM de type 1 (ou syndrome de Wermer) est une association lésionnelle héréditaire à transmission autosomique dominante. Au travers d’une observation, nous rappelons les caractéristiques de la NEM de type 1 à l’origine d’une maladie lithiasique sévère et récidivante et nous insistons sur la réalisation systématique d’un bilan étiologique pour tout patient lithiasique dès le premier épisode selon les recommandations du Comité Lithiase de l’Association Française d’Urologie (CLAFU). Mots clés : Lithiase, calcul, hyperparathyroïdie, acromégalie, calcium. La patiente bénéficiait en avril 2004 d’une parathyroïdectomie supérieure et inférieure gauche avec thyroïdectomie totale et d’une chirurgie trans-sphénoïdale en septembre 2004. OBSERVATION Madame M., 57 ans, présentait une maladie lithiasique évoluant depuis 1998 ayant nécessité 8 lithotripsies extra corporelles et 2 néphrolithotomies percutanées pour calculs rénaux bilatéraux et récidivants. L’examen anatomo-pathologique confirmait les deux adénomes parathyroïdiens à cellules principales et l’adénome somatotrope. Aucun élément suspect de malignité n’a été noté sur la thyroïde (multi-hétéro nodulaire avec remaniements fibreux et inflammatoires). Aucun bilan métabolique n’a été réalisé depuis le début de sa maladie mais une analyse morpho-constitutionnelle a été réalisée sur les calculs extraits lors de la dernière NLPC (décembre 2003). Cette analyse était en faveur d’un calcul calcium-dépendant : Wheddelite 60%, Carbapatite 20% et Phosphate Octocalcique 10%. L’ensemble faisant évoquer le diagnostic d’hyperparathyroïdie primaire (HPP). L’HPP était confirmée par le bilan biologique (calcium ionisé : 1.46mmol/l, PTH : 123 pg/ml, calcium total : 2.73 mmol/l, phosphorémie : 0.9, calciurie des 24 heures : 390 mg). L’échographie parathyroïdienne et la scintigraphie au Sesta-MIBI objectivaient deux nodules parathyroidiens supérieur et inférieur gauches et un nodule froid thyroïdien droit. En janvier 2005, la patiente présentait le bilan biologique suivant : PTH sérique et bilan phospho-calcique normaux, IgF1 normalisé à 175 ng/ml et cycle GH normal freinable sous HGPO. L’IRM hypophysaire était sans particularité avec absence de reliquat tumoral visible. Aucune récidive lithiasique n’a été observée. LA NEOPLASIE ENDOCRINIENNE MULTIPLE DE TYPE 1 Les néoplasies endocriniennes multiples (NEM) se définissent, chez un même sujet, par l’atteinte d’au moins deux glandes endocrines sans lien fonctionnel entre elles. Il en existe 3 types. La NEM de type1 (ou syndrome de Wermer) est une association lésionnelle héréditaire à transmission autosomique dominante. Les glandes atteintes sont : les parathyroïdes, le pancréas endocrine, l’antéhypophyse, la corticosurrénale et les tissus endocriniens situés dans les bronches et le thymus. La majorité de ces tumeurs sont bénignes. La patiente était adressée en consultation d’endocrinologie compte tenu de l’HPP et d’un syndrome dysmorphique clinique associé à une hypertension artérielle, un diabète non insulino-dépendant, un syndrome du canal carpien et un syndrome d’apnée du sommeil. Une IRM hypophysaire découvrait alors un processus intra-sellaire de 10 mm de diamètre sans extension supra-sellaire. Biologiquement, l’IgF1 était à 389 ng/ml et l’hormone de croissance (STH ou GH) était élevée et non-freinable par l’épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale. Le diagnostic d’Acromégalie était donc posé. L’ensemble des pathologies endocriniennes s’inscrivait dans le cadre d’une Néoplasie Endocrinienne Multiple de type 1 (NEM 1) avec biologiquement une mutation de la protéine A 541 T au niveau de l’Exon 10 du gène de la Ménine. L’HTA avec discrète hypertrophie ventriculaire gauche, le syndrome d’apnée du sommeil et le syndrome du canal carpien correspondaient à des complications de l’acromégalie. Un scanner abdominal n’a mis en évidence ni syndrome tumoral pancréatique ni syndrome tumoral surrénalien. Les tumeurs des parathyroïdes sont présentent dans 80 à 90% des cas et sont habituellement responsables d’HPP [1-2]. Manuscrit reçu : octobre 2005, accepté : décembre 2005 Adresse pour correspondance : Dr. O. Traxer, Service d’Urologie, 4, rue de la Chine, Hôpital Tenon, 75020 Paris. e-mail : [email protected] Ref : NIANG L., LACKMICHI M.A., PERIE S., THIBAULT F., GATTEGNO B., THIBAULT P., TRAXER O. Prog. Urol., 2006, 16, 376 L. Niang et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 376-377 La découverte d’une NEM chez un patient doit faire rechercher des cas familiaux similaires. Ce ne fut pas le cas pour notre patiente. Le gêne majeur de prédisposition de la NEM1 a été cloné en 1997, il est constitué de 10 exons facilement accessible à une analyse conformationnelle. Les exons sont entièrement séquencés. Une mutation est retrouvée chez plus de 85% des patients présentant une NEM1 cliniquement bien authentifiée, comme ce fut le cas pour notre patiente [1-2]. DISCUSSION Les manifestations cliniques des NEM dépendent du type de tumeurs endocriniennes. La lithiase urinaire est révélatrice d’une HPP dans environ 19% des cas. Pour notre patiente le diagnostic d’HPP a été posé tardivement (après sept récidives lithiasiques). Un bilan métabolique de première intention selon les recommandations du CLAFU aurait pu faire suspecter l’HPP [3]. Cette observation met l’accent sur l’importance de l’évaluation médicale de la maladie lithiasique. De la même façon, l’analyse morpho-constitutionnelle des calculs par spectrophotométrie infra-rouge doit être systématique. Dans cette observation, c’est l’analyse du calcul qui a fait suspecter l’HPP, mais là encore cette analyse n’a été réalisée que 6 ans après le début de la maladie lithiasique alors que la patiente avait déjà bénéficié d’une NLPC. Enfin, la découverte d’une HPP doit systématiquement faire évoquer la possibilité d’une NEM. Pour notre patiente la découverte de l’acromégalie a été suggérée devant le syndrome dysmorphique mais aussi l’HTA, le diabète et le syndrome du canal carpien, complications habituelles de l’acromégalie. L’élévation de l’IgF1 non freinée par l’HGPO confirme le diagnostic d’acromégalie et l’IRM hypophysaire montre le plus souvent un processus intracellaire comme pour notre patiente. Parfois, le processus est supra ou latéro-sellaire. L’adénomectomie sélective par voie trans-phénoïdale reste le traitement de référence de l’acromégalie. Pour notre patiente cette voie d’abord a permis l’exérèse complète de l’adénome et la normalisation de l’IgF1 en post-opératoire. La radiothérapie peut être indiquée en cas d’exérèse partielle de la tumeur et le traitement médical est préconisé pour les jeunes patients dont les fonctions hypophysaires doivent être respectées. La prise en charge de ces patients doit donc être multidisciplinaire avec participation des endocrinologues. Il est cependant essentiel de rappeler que le bilan phospho-calcique initial peut et doit être réalisé par l’urologue qui reste souvent le premier et le seul interlocuteur dans la maladie lithiasique. Enfin, il faut garder à l’esprit que le retard diagnostique est source d’un surcoût dans la prise en charge de ces patients. Pour le cas présent, il est difficile de chiffrer ce surcoût mais il faut noter que cette patiente était prise en charge dans notre service depuis de nombreuses années pour pathologie lithiasique sans qu’une évaluation métabolique n’ait été réalisée. CONCLUSION Notre observation met l’accent sur le bilan métabolique des patients lithiasiques. Au travers d’une présentation clinique rare, nous souhaitons insister sur l’importance du bilan métabolique pour tout patient lithiasique selon les recommandations du CLAFU. L’analyse morpho-constitutionnelle du calcul par spectro-photométrie infra-rouge doit être systématique si le calcul est disponible. Une prise ne charge multidisciplinaire des patients lithiasiques doit être organisée pour une évaluation optimale de la maladie lithiasique. Enfin, la découverte d’une hyperparathyroïdie doit systématiquement faire rechercher une NEM en vue d’un diagnostic et d’une prise en charge précoces. REFERENCES 1. THE EUROPEAN CONSORTIUM ON MEN1. Identification of the multiple endocrine neoplasia type1: European consortium on MEN1. Hum. Mol. Genet., 1997 ; 6 : 1177-1183. 2. CALENDER A., GOUDET P. et le Groupe d'Étude des Néoplasies EndocriNIENNES MULTIPLES (GENEM). Les néoplasies endocriniennes multiples de type 1 : NEM1-Syndrome de Wermer. Ann. Endocrinol., 2003; 64 : 383-388. 3. TRAXER O. : Le bilan des patients lithiasiques : Quand, comment et pourquoi ? Prog Urol FMC 2000 ; 10 : 3-10. ____________________ SUMMARY Multiple endocrine neoplasia type 1: a possible cause of severe and recurrent urolithiasis. Multiple endocrine neoplasia (MEN) is defined by the presence of at least two functionally unrelated endocrine gland tumours in the same subject. There are three types of MEN. MEN type 1 (or Wermer syndrome) is an autosomal dominant cancer syndrome. In the light of a case report, the authors recall the characteristics of MEN type 1 responsible for severe and recurrent urolithiasis and emphasize the need for systematic aetiological work-up for all patients presenting a first episode of urolithiasis according to the guidelines of the Association Française d’Urologie Stone Committee (CLAFU). Key words: urolithiasis, calculi, hyperparathyroidism, acromegaly, calcium. ____________________ 377