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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008
thématique
Dossier
Description du système
KiSS/GPR54
Les kisspeptines sont les ligands natu-
rels de GPR54, qui est un récepteur
couplé aux protéines G s’exprimant
notamment à la surface des neurones
à GnRH dans l’aire préoptique de
l’hypothalamus. Le rôle majeur de ce
récepteur dans la régulation neuro-
endocrine de l’axe gonadotrope a été
décrit pour la première fois en 2003
par deux équipes indépendantes qui
ont identifié des mutations homo-
zygotes du gène codant pour GPR54
chez des patients atteints d’hypogona-
disme hypogonadotrope isolé (1, 2).
Le gène KiSS1 code pour les kiss-
peptines. Ce gène a été initialement
décrit comme un gène suppresseur de
tumeur chez l’homme (4). Les kiss-
peptines sont des neuropeptides issus
d’une prohormone de 145 acides
aminés, qui va subir, à la suite de l’ac-
tion d’une proconvertase, un clivage
générant notamment un peptide de
54 acides aminés, appelé Kp54 ou
métastine. Plusieurs peptides plus
petits correspondant à la partie C
terminale de Kp54 ont également
été purifiés à partir du placenta. Pour
des raisons expérimentales, les kiss-
peptines de 10 et 54 acides aminés
(Kp10 et Kp54) ont été principale-
ment utilisés, la fonction biologique
des peptides intermédiaires reste à
déterminer.
Le gène KiSS1 est exprimé dans le
noyau arqué (ARC) de l’hypotha-
lamus des primates mais également
dans le noyau antéroventral périventri-
culaire (AVPV) chez les rongeurs, ce
qui est concordant avec une fonction
de régulation de l’axe gonadotrope.
Kisspeptines et régulation
de l’axe gonadotrope
L’axe gonadotrope est composé de
trois structures, l’hypothalamus,
l’hypophyse et les gonades, qui vont
interagir entre elles. L’hypothalamus
contient les neurones à GnRH qui
vont synthétiser la GnRH de façon
pulsatile durant la vie fœtale, à la
puberté puis tout au long de la vie
adulte. La GnRH est sécrétée dans
le système porte hypophysaire et
stimule les cellules gonadotropes
qui vont synthétiser la LH (luteini-
zing hormone) et la FSH (follicle-
stimulating hormone). Ces deux
hormones vont à leur tour activer
la synthèse de testostérone et d’es-
tradiol par les cellules gonadiques.
La maturation de l’axe gonadotrope
pendant la période juvénile chez
l’animal de laboratoire ou pendant
l’enfance dans l’espèce humaine
est indispensable à la survenue de
la puberté et à l’acquisition d’une
fonction de reproduction normale.
Le rôle des kisspeptines dans l’initia-
tion de la puberté a été suggéré à la
suite de la description de mutations
inactivatrices de GPR54 (1, 2) chez
des patients ayant un déficit gonado-
trope congénital. Très rapidement,
les différents modèles expérimen-
taux ont démontré que Kp10 et Kp54
étaient les sécrétagogues les plus
puissants de la GnRH chez l’adulte,
quelle que soit l’espèce étudiée.
L’administration de kisspeptines
en intracérébroventriculaire ou en
périphérie chez le rongeur mâle et
chez la femelle, chez le singe mâle
ou bien chez le mouton, entraîne une
augmentation de la concentration
plasmatique en LH et FSH (3). Cet
effet est bloqué par l’administration
préalable d’agoniste de la GnRH, ce
qui signifie que l’effet des kisspep-
tines passe par une stimulation de
la sécrétion de la GnRH ou de son
action.
Une approche très puissante pour
analyser la fonction d’une nouvelle
hormone et de son récepteur consiste
à invalider les gènes de la souris
codant pour ceux-ci. Un modèle
de souris invalidée pour le récep-
teur GPR54 (souris GPR54-/-) a été
généré. Ces souris sont infertiles,
avec des concentrations plasmati-
ques très basses de gonadotrophines
et de stéroïdes circulants, les autres
hormones hypophysaires sont
normales, elles ont donc un déficit
gonadotrope isolé. Un traitement par
GnRH exogène permet une augmen-
tation de la sécrétion de gonadotro-
phines et rétablit le pic préovulatoire
de LH chez la femelle, ce qui indique
que les fonctions hypophysaires et
gonadiques sont préservées. Sur le
plan anatomique, il n’y a pas d’ano-
malie de migration des neurones à
GnRH. L’injection de kisspeptines
chez les souris GPR54-/- n’induit
pas d’augmentation des gonadotro-
phines LH et FSH (3). Ces neuro-
peptides agissent donc directement
et uniquement sur l’axe gonadotrope
via un récepteur : GPR54. Lors d’un
traitement par testostérone chez le
mâle adulte et par estrogènes chez la
femelle adulte, les souris GPR54-/-
ont un comportement sexuel adapté
à leur sexe, ce qui confirme que
GPR54 n’est pas nécessaire à l’ac-
quisition d’un comportement sexuel
mâle ou femelle (5).
Le gène KiSS1 a également été inva-
lidé chez la souris par deux groupes
différents. Les souris KiSS1-/-
ont un déficit gonadotrope sévère
comme les souris GPR54-/-. Il faut
noter qu’un groupe a rapporté que
50 % des femelles ont un phéno-
type moins sévère avec des gonades
dont le poids est similaire à celui des
souris non invalidées (6). Des études
complémentaires sont nécessaires
pour comprendre cette différence,
elle pourrait dépendre du protocole
d’invalidation utilisé. Chez les souris
KiSS1-/-, l’injection périphérique
en sous-cutané de Kp10 restaure la
sécrétion des gonadotrophines, ce
qui confirme l’effet hormonal des
kisspeptines et élimine définitive-
ment un rôle dans le développement
de l’axe gonadotrope (3).
Chez l’homme, les mutations inacti-
vatrices de GPR54 sont responsables
de la survenue d’un hypogonadisme
hypogonadotrope qui peut être
congénital (1). Les travaux démon-
trant l’effet hormonal des kisspep-
tines dans l’espèce humaine sont