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mt médecine de la reproduction, vol. 7, n°4, juillet-août 2005
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L’identification récente des kisspep-
tines comme régulateur de la
puberté repose sur des analyses de liai-
son génétique, sur l’identification d’un
récepteur orphelin et sur son invalida-
tion. L’histoire commence par la publi-
cation presque simultanée au cours du
dernier trimestre de 2003 de trois publi-
cations importantes. La première en date
est française [1]. N. De Roux
et al
ont étu-
dié une famille où cinq enfants souffraient
d’hypogonadisme hypogonadotrophique
isolé (c’est-à-dire sans l’anosmie qui défi-
nit le syndrome de Kallmann). Une étude
de liaison génétique a permis de locali-
ser l’anomalie génétique responsable en
19p13 et un séquençage plus précis a mis
en évidence une délétion de 155 nucléo-
tides dans la partie codante du gène du
récepteur orphelin GPR54. Une étude
analogue réalisée par SB Seminara
et al
[2] dans une autre famille a montré chez
les sujets atteints une mutation 443 t > C
dans l’exon 3, qui substitue une sérine à
la place d’une leucine en position 148.
Seminara
et al
[2] et aussi Funes
et al
[3]
ont réalisé des invalidations de GPR54
chez la souris. Les animaux GPR54 -/-
étaient viables mais présentaient une
absence de développement des gonades
et des organes sexuels. La concentration
circulante des hormones gonadotropes
était basse.
Le récepteur GPR54 avait été identifié en
1999 par Lee
et al
[4] comme un récep-
teur orphelin, lié aux protéines G, parta-
geant une homologie de séquence de
40 % avec deux des récepteurs de la gala-
nine, mais incapable de lier cette der-
nière. Les ligands endogènes ont été iden-
tifiés en 2001 par quatre groupes
indépendants [5-8] comme les membres
d’une famille de peptides, les kisspep-
tines. Le composé principal est un pep-
tide de 145 acides aminés, doté d’une
séquence Arg-Phe en C-terminal. Il est à
l’origine de fragments protéolytiques C-
terminaux de 54 (le plus abondant), 14,
13 et 10 acides aminés qui tous se lient
à GPR54. Le fragment de 54 acides ami-
nés, qui inhibe aussi la chémotaxie et le
caractère invasif de cellules exprimant
GPR54 [7, 9], a été aussi appelé mesta-
tine. Deux articles récents ont apporté
des précisions sur le mécanisme d’action
des kisspeptines.
Résultats
Dans un article de la revue
Endocrino-
logy
, Navarro
et al
ont montré que le
décapeptide de rongeur administré par
voie intraventriculaire chez le rat prépu-
bère et adulte entraînait une sécrétion
significative de FSH avec une ED50 100
fois plus élevée que pour la sécrétion de
LH. La sécrétion de FSH était aussi aug-
mentée par l’administration systémique
(par voies intra-péritonéale [IP] et vei-
neuse[IV]) du peptide. Cette action était
abolie par l’administration d’un antago-
niste synthétique puissant de la GnRH.
Elle persistait dans différents modèles
d’insuffisance de leptine (privation de
nourriture, immuno-neutralisation de la
leptine ou résistance à la leptine) ou après
blocage des voies de l’oxyde nitrique ou
des acides aminés excitateurs.
Dans un gros article de PNAS, Messager
et al
ont aussi étudié ces mécanismes
chez la souris. Ils ont tout d’abord mon-
tré que les transcrits de GPR54 étaient
colocalisés dans l’hypothalamus de sou-
ris avec les neurones à GnRH, ce qui sug-
gère une action directe des kisspeptines
à ce niveau. Ces neurones sont anato-
miquement normaux chez les souris
GPR54 -/- et ont des projections dans
l’éminence médiane. L’hypogonadisme
chez ces souris n’est donc pas dû à une
migration anormale des neurones à
GnRH comme dans le cas de la mutation
KAL1, mais provient plutôt d’un défaut
de la libération de GnRH. La kisspeptine
injectée ip, qui entraîne une augmenta-
tion nette de FSH et LH chez les souris
normales, est sans effet chez les souris
GPR 54 -/-, ce qui montre que le peptide
agit uniquement par l’intermédiaire du
récepteur GPR54. Enfin, une mesure
directe montre que la kisspeptine admi-
nistrée de manière centrale par voie intra-
ventriculaire entraîne une forte libération
de GnRH dans le liquide céphalorachi-
dien avec une augmentation parallèle de
LH dans le sang.
Discussion
L’ensemble de ces données, et d’autres
de la littérature, montrent que les kiss-
peptines stimulent la sécrétion de LH et
aussi de FSH, qu’ils soient administrés
par voie périphérique ou centrale. Cet
effet est bloqué par l’administration d’un
antagoniste du GnRH ou bien chez les
souris dont le récepteur GPR54 a été inva-
lidé. Bien que le récepteur GPR54 soit
aussi très abondant dans l’hypophyse,
une action directe à ce niveau des kiss-
peptines n’est pas, à l’heure actuelle, sup-
portée par les résultats expérimentaux.
Conclusion
Les kisspeptines agissent sur l’hypotha-
lamus pour augmenter la sécrétion de
GnRH et donc secondairement celle de
LH et FSH. Cette action a lieu en aval, ou
indépendamment, des autres facteurs
régulateurs neuro-endocriniens.
Jacques Hanoune
Navarro VM, Castellano JM, Fernandez-Fer-
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Les kisspeptines stimulent directement
la sécrétion de GnRH