Les communautés ecclésiales de base (CEB)

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Conférence internationale
Initiatives des communautés, politiques publiques et État social au Sud et au
Nord : Les défis de la prochaine décennie
Université du Québec en Outaouais
24 et 25 septembre 2008
Les communautés ecclésiales de base (CEB) en Amérique
latine et le développement : l’expérience brésilienne1.
Par Charmain Levy,
sociologue, professeure,
Département de travail social et
sciences sociales
de l'Université du Québec en
Outaouais.
Introduction
En général, la religion est vue soit comme un empêchement à la création de l’État-nation soit comme une
motivation personnelle que l’État peut manipuler pour faire avancer ses objectifs. La religion est rarement
associée avec le développement comme un facteur positif.
Une religion, ce n'est pas seulement un ensemble de croyances, de rites et de statuts sociaux, c'est aussi
des façons de penser et des normes de conduite, des obligations et des interdictions.2 Du point de vue
1
Ce texte est issu d’une communication présentée dans le cadre de la Conférence internationale
Initiatives des communautés, politiques publiques et État social au Sud et au Nord : les défis de la
prochaine décennie, conférence qui a été organisée conjointement par l’ARUC-ISDC, la CRDC, le GESQ
et l’AQOCI à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) les 24 et 25 septembre 2008.
2
Godelier, Maurice (2007) Au fondement des sociétés humaines, Paris, Albin Michel.
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subjectif, la religion est une forme de conscience. Elle constitue à la fois un mode de représentation que
les êtres humains ont de leurs rapports à la nature, de leur position dans les rapports sociaux et de ces
rapports eux-mêmes, tout comme elle offre à la fois une base à l’orientation de l’existence, dérivée du sens
global qu’elle donne à la vie et une motivation à l’action.
Les croyances servent à classifier, interpréter, légitimer, transmettre socialement et à anticiper les
représentations et les idées. Elle n’est pas seulement caractérisée par une démarche d’ordre cognitif
(appréhension et explication); elle possède aussi une dimension affective (légitimation, motivation). La
religion en effet, constitue une forme d’interprétation du réel, mais précisément pour cette raison, elle est
aussi source d’éthique et incitation à l’agir.3 La religion est un instrument de communication et un
instrument de connaissance ; elle permet un accord sur le sens des signes et le sens du monde. Elle a une
fonction d’intégration logique et sociale des « représentations collectives».4
Pour le peuple brésilien, qui jusqu’à récemment était largement rural et pratiquait une religion populaire –
c’est-à-dire produite par le peuple en dehors du contrôle de l’Église – la religion a joué un rôle
prédominant dans les pratiques de la vie quotidienne comme dans l’ethos individuel et collectif.
Définition des communautés ecclésiales de base (CEB)
Les CEB sont des communautés au niveau territorial parce qu’elles réunissent des gens ayant les mêmes
croyances, vivant dans les mêmes quartiers ou régions et qui se connaissent. En termes d’action, la
communauté prend directement ou indirectement part aux affaires communes.
A l’intérieur de ces
communautés, on retrouve une intimité dans les rapports et les liens entre participants. Ces liens
s’établissent par des croyances religieuses communes et se caractérisent par l’adhésion volontaire à la
communauté. Nous pouvons aussi faire référence au type idéal de Weber autour de la religion
3
Houtart, François, “Religion et éthique: une approche marxiste”, in Social Compass, XXXI/2-3, 1984,
p.236.
4
Bourdieu, Pierre, « Genèse et structure du champ religieux », Revue Française de sociologie, 1971,
vol. XII, no 2, p. 297
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communautaire sotériologique (soteriologische Gemeindereligiositat) où se développe l’éthique de
voisinage et l’assistance fraternelle.5
Enfin, les CEB sont la base parce qu’elles sont principalement constituées des gens qui travaillent avec
leurs mains et dont les conditions matérielles sont précaires. Lorsque leurs membres vivent en région
rurale, c’est dans des petites municipalités et en région urbaine, ils vivent dans la périphérie ou dans les
bidonvilles. Ils forment à la fois la base de l’Église et de la société.
Les CEB sont constituées de 20 à 100 membres qui se réunissent environ une fois par semaine pour la
lecture biblique. En général, ces communautés sont le fruit de l’initiative des agents pastoraux, mais
certaines proviennent des membres d’une communauté où il n’y a ni de chapelle ni de prêtre. Comme la
plupart des mouvements religieux, les CEB encouragent la participation et l’élargissement des laïcs dans
le culte comme dans la société. Les membres d’une CEB sont principalement occupés à l’organisation
religieuse de la communauté, qui signifie souvent des activités comme des actions évangéliques et la
promotion de la vie communautaire. Ces actions visent à former des communautés où les chrétiens
partagent la co-responsabilité de la vie et de la mission de l’Église.
A l’intérieur des CEB, il existe plusieurs ministères, groupes et pastorales, qui ont tous leur propre leader
élu dans des conseils représentatifs ou nommés par les agents pastoraux.
Un acteur de développement : étude de la période émergente (1960-1980)
Les communautés ecclésiales de base (CEB) ont vu le jour en Amérique latine dans plusieurs centres
urbains et en milieu rural pendant les années 1960, puis elles se sont développées au cours des années
1970 et 1980, en pleine période de dictature militaire, d’expansion économique et de concentration des
richesses. De 1975 à 1985, elles créent d’autres organisations pour résoudre des problèmes locaux
spécifiques et, de par leur quantité et le nombre de leurs actions, elles deviennent une force reconnue sur
le plan régional et même national.
5
Cf. Max Weber, in Löwy, M., The War of Gods, op.cit., 1996, p.33; Weber, Max, Economie et Société,
Paris, Plon, 1971, pp.351-522; et Gerth, H.H. et Mills, C. Wright (ed) From Max Weber: Essays in
Sociology, New York, Oxford University Press, 1946, pp.329-330.
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Au Brésil, dès le début, ces petits groupes d’inspiration religieuse ont d’abord amorcé une réflexion sur les
problèmes d’ordre matériel et collectif de leurs membres, pour ensuite passer à l’action. Dans les années
1970, à São Paulo, ces groupes ont donné naissance à des mouvements de revendications locales axés sur
des biens et des services urbains comme les transports, les crèches, l’accès à l’eau potable et à la propriété.
Les solutions à ces problèmes résident principalement dans la compréhension des classes populaires de la
réalité, dans l’organisation de groupes locaux et dans l’action collective qui présente des demandes à
l’État et à ses agences.
Pendant les années 1970, il y a des coopératives alimentaires, des groupes de mères, de jeunes, des
commissions embryonnaires luttant pour l’eau potable, des garderies d’enfants, des dispensaires de santé
et des écoles publiques. Ces années se caractérisent par la transition de l’isolement individuel à l’entraide
mutuelle à l’intérieur des communautés et des quartiers. C’est le début d’un réseau de fraternité et de
solidarité qui sert de fondation et nourrit la mobilisation populaire et les mouvements revendicatifs. Ces
derniers n’obtiennent pas seulement leur demandes matérielles, mais aussi le droit de s’organiser
collectivement, de s’exprimer et en général, le droit à la participation sociale. Ils étaient des lieux de
résistance au modèle de développement et de création d’une identité populaire parmi une population en
transition sociale et culturelle. Ils étaient des lieux où on apprend à remettre les rapports de pouvoir en
question, à rechercher et à repenser sa propre réalité. La remise en cause de la réalité est un processus
pédagogique et de mobilisation qui comprend un grand nombre de personnes. C’est le moment où se
forment l’esprit critique et l’identité.
Comme le coup d’état de 1964 avait fait disparaître les mouvements sociaux précédents, et avec eux la
participation de la population à des actions collectives, les formes d’action collective parmi les couches
pauvres de la société étaient pratiquement inexistantes. De 1975 à 1985, les CEB sont pratiquement les
seuls mouvements populaires et organisations à représenter les classes populaires. Elles créent d’autres
organisations pour résoudre des problèmes locaux spécifiques et, de par leur quantité et le nombre de leurs
actions, elles deviennent une force reconnue sur le plan régional et même national. A la même époque,
l’Église brésilienne devient la principale force cohésive de groupes d’opposition au régime militaire. Les
CEB sont le principal instrument d’engagement de l’Église dans l’option préférentielle pour les pauvres et
pour redéfinir sa place dans la société.
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Les CEB s’engagent dans diverses luttes sociales et deviennent instigatrices d’une conscientisation des
classes populaires. En 1985, d’après l’Église, le nombre de CEB se chiffre entre 80 000 et 100 000, et
elles comptent quelque 2 millions de membres. Durant les années 1980, les CEB ont activement soutenu
les mouvements de revendications locales, l’apparition d’un mouvement syndical et de nouveaux partis
politiques menant la lutte pour la démocratisation politique, économique et culturelle de la société.
Dans ce cas, la religion opère ainsi une double reconversion de l’ordre spirituel en ordre politique et de
l’espérance spirituelle en espérance politique. Elle peut en effet alternativement s’identifier à un
mouvement politique et se mettre en retrait de la vie politique et même la nier. Elle peut alternativement
jouer sur le registre de l’acceptation du réel et celui de son refus, selon les circonstances.
Pour les fidèles des CEB, la notion de justice fait que l’action politique est une entreprise créatrice à
laquelle les fidèles ont l’obligation de participer. Les fidèles sont responsables du monde où ils vivent.
Dans ce sens, la théologie offre aux croyants une connaissance de Dieu, leur permettant d’échapper à la
corruption de monde et de communier avec le divin. La religion, comme idéologie, possède ainsi la
capacité de mobiliser les croyants autour du désir de transformer le monde. Löwy fait remarquer que
Bloch considérait la religion, comme forme de protestation et de rébellion, comme l’une des plus
importantes formes de conscience utopiste, et l’une des plus riches expressions du principe d’espoir. En
plus, avec son potentiel d’anticipation créative, la religion contribue à former l’espace imaginaire de
l’être-à-venir (not-yet-being).6
Ainsi, les CEB répondent à un besoin humain concret du point de vue religieux et identitaire ces migrants
brésiliens. Comme le quartier se compose d’un mélange hétérogène de familles provenant de diverses
régions avec des pratiques et une symbolique différentes, les CEB représentent la construction de la
communauté et créent une unité de croyances et de pratiques au milieu de cette diversité religieuse. Il est
6
Löwy, M., The War of Gods, op.cit., 1996, p.15, Cf. Ernest Bloch, Das Prinzip Hoffnung,
Frankfurt/Main: Suhrkamp Verlag, 1959, 3 vols; Atheismus im Christentum, Zur Religion des Exodus
und des Reichs, Frankfurt/Main: Suhrkamp Verlag, 1968.
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important de signaler que l’adhésion au catholicisme des CEB se fait non seulement par la
conscientisation mais en particulier par le partage de symboles et du discours religieux et politique.7
L’expérience religieuse est intégrée dans le tissu de l’action sociale, à laquelle elle contribue en lui
donnant une direction. Le sens de la foi se trouve dans l’action des chrétiens. La promotion de la justice
sociale et de la participation politique est légitime et même nécessaire à l’expression de la foi religieuse. Il
est à noter que les membres des CEB apprennent sur la politique non seulement par les messages
explicites, mais encore par des modèles implicites de pouvoir et d’autorité légitime qu’ils voient en
pratique dans l’Église et dans la communauté.8
Il faut noter que les CEB et les mouvements sociaux de base ont émergé en opposition au développement
pendant les années 1980 et appartiennent aux nouvelles formes d’action collective et mobilisation sociale
qui caractérise cette décennie. La résistance au développement était une des façons que les groupes du Sud
ont essayé de construire des nouvelles identités.
Les mouvements sociaux formulent leur projet politique (pouvoir, influence) selon l’intensité des conflits
sociaux, les luttes et les mouvements sociaux qui l’ont précédé, les caractéristiques de leurs leaders et de
leurs structures organisationnelles. Les mouvements sociaux provoquent la mobilisation et génèrent des
revendications matérielles à partir des conditions sociales. Mais ils formulent aussi des idées et pensées
qui véhiculent un changement social.
Même si les membres des CEB n’agissent qu’au niveau local, ils comprennent leurs actions comme une
bonne action de foi dans la perspective de libération et comme une lutte pour des droits universels. La
méthodologie des CEB accorde de la valeur à la participation aux activités religieuses et politiques, ce qui
est important à cause de la traditionnelle exclusion des classes populaires de la vie politique. Nous devons
garder en mémoire la tradition de passivité, de résignation et de fatalisme qui domine dans la culture
7
Higuet, Etienne, “O misticismo na experiência católica”, in Higuet, Etienne (ed.), Religiosidade popular e
misticismo no Brasil, São Paulo, Paulinas, 1984, p.43.
8
Levine, Daniel H., Popular Voices in Latin American Catholicism, Princeton, Princeton University Press,
1992, p.4.
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populaire. Dans les CEB, la religiosité, comme attribut culturel, se construit dans un champ privilégié pour
l’organisation et le maintien des mouvements populaires. Par ailleurs, les mouvements se présentent
comme un terrain fertile pour la reproduction de l’Église. La nature du nouveau contenu religieux –
éthique et politique – donne un sens à la nouvelle forme d’organisation et est continuellement nourrie par
cette même forme. L’indivisibilité entre la forme et le contenu, entre le sacré et le profane, se projette dans
une solide identité qui se manifeste dans les mouvements populaires.9
L’influence de l’Église (CEBs, la Commission Pastorale de la Terre, la théologie de la Libération) :
•
Les pauvres sont le sujet de leur propre libération
•
Une valorisation des connaissances populaires
•
Un nouveau sens politique aux symboles catholiques
•
Priorité au mouvement communautaire, au réseautage et à la participation directe
•
L’organisation pacifique
•
Une pédagogie de base et la démocratie directe
•
L’harmonie des classes.
Grace aux CEB, on assiste dans le tiers-monde à un foisonnement d’associations et de mouvements
sociaux non institutionnalisés. Les années 1980 marquent une reprise de l’initiative populaire. Il ne s’agit
pas d’une politique d’animation des masses par les structures de l’État, mais d’une réponse à la pauvreté et
à la modernisation.
Il faut voir dans cette mobilisation des solidarités locales, capables de s’organiser efficacement en marge
du pouvoir étatique, un renforcement de la société civile. Ces associations et organisations de toutes sortes
visent à résoudre une situation de crise comme la production, l’abandon des cliniques médicales, et de la
politique de l’habitation par l’État.
Cette mobilisation répond à une triple réaction :
9
Doimo, Ana Maria, Movimento Social urbano, Igreja e participacao popular, Petropolis, Vozes, 1984,
pp.110-111.
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La réaction contre les mesures antisociales, voir anti-démocratiques, télécommandées de
l’extérieur, tel que l’ajustement structurel;
La désaffection à l’égard d’un pouvoir étatique étatisant, extraverti et décroché de sa base sociale
La revanche des cultures locales devant les promesses non tenues de la modernisation.
Pendant les années 1980, s’articule un réseau d’opposition politique et du développement regroupé autour
de l’Église et plus tard autour de la gauche intellectuelle et le mouvement syndical. Ce sont des
mouvements de caractère démocratique. Leurs pratiques comprennent : la recherche collective de
solutions aux problèmes vécus, le débat, la résolution de conflits internes et la négociation. Une autre
caractéristique est leur base sociale hétérogène en termes d’espace physique (le quartier) qui regroupe des
individus de divers milieux (migrants d’autres régions) et de diverses professions (travailleurs industriels,
de la construction civile, ou des services informels). Une autre caractéristique est leur autonomie par
rapport aux relations politiques, qui n’est pas clientéliste.
Les caractéristiques des nouvelles pratiques sociales :
-
Elles sont nettement politiques, dans la mesure où elles ne se situent pas en marge de l’État,
mais par rapport à lui et aux autres appareils d’organisation de la société;
-
Cependant, elles postulent plus ou moins clairement d’autres modalités d’action politique,
fondées sur l’autonomie des groupes de base et la méfiance vis-à-vis de toutes les
organisations centralisées;
-
Elles postulent de même plus ou moins clairement d’autres finalités de l’action politique,
celle-ci ayant moins pour objet l’exercice ou l’orientation du pouvoir d’État que la
transformation des groupes populaires en sujets collectifs de leur avenir, capables de maîtriser
dans chaque faisceau de circonstances locales et historiques les conditions concrètes
d’amélioration de leur situation;
-
Cette action collective est recherchée dans la plénitude de ses dimensions, c’est-à-dire que
l’on peut discerner dans ces pratiques une volonté plus ou moins affirmée de défendre les
intérêts des groupes concernés non seulement dans le domaine de revenu, mais aussi dans des
domaines tels que la santé, l’éducation, la préservation de l’environnement et des ressources
collectives, la situation des femmes et des jeunes, etc. – et de ne pas lutter seulement contre
l’exploitation mais aussi et surtout contre l’exclusion au triple plan économique, social et
culturel;
-
Ces pratiques ne visent pas seulement une modification des conditions et des contraintes
externes, mais aussi une transformation interne des groupes concernés, c’est-à-dire,
l’élimination des caractéristiques ou de tendances considérées a un titre ou a un autre comme
négatives, telles que l’autoritarisme, les inégalités entre sexes, la corruption.
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Conclusion
La spécificité des CEB réside dans leur travail de conscientisation qui, à travers les valeurs, les croyances
et les pratiques religieuses des classes populaires, vise à améliorer leur compréhension objective de leur
situation, leur identité collective et leur participation dans les organisations collectives. A l’intérieur de
l’Église, les CEB visent à maintenir la présence de l’Église dans la société et à réussir leur mission sociale
de promotion de l’égalité et de la justice par la mobilisation collective et l’organisation des classes
populaires. A l’intérieur de la société, les CEB sont un espace d’éducation populaire qui promeut la
construction d’organisations séculaires autonomes, ainsi qu’un lieu pour développer et implanter des
concepts tels que les droits humains et la citoyenneté dans une société où il n’existe que très peu de
démocratie politique et économique. Le nouveau message des CEB est que la foi chrétienne demande un
engagement dans la justice sociale et dans les droits humains, ce qui en retour, demande un travail de
transformation sociale de la réalité temporelle. Le Salut est perçu comme étant à la fois individuel et
collectif. La participation des catholiques à l’Église et dans leur communauté est considérée comme un
élément central dans les idées et les pratiques des CEB et de l’Église progressiste.
À propos de ce dernier point, la conscientisation des individus des classes populaires, avec l’aide des
structures de l’Église brésilienne, est une plaque tournante dans la formation de mouvements populaires,
de syndicats autonomes, d’organisations non gouvernementales (ONG) et même de partis politiques. Ceci
ne signifie nullement que les CEB aient conscientisé la majorité de la population des classes populaires.
Ils y ont plutôt érigé une minorité active au niveau communautaire dans l’Église et dans la société.
Cependant, plusieurs de ces membres sont des individus actifs dans les mouvements populaires et ils
réussissent à attirer de nouveaux participants à ces mouvements et à avoir ainsi un impact politique.
L’importance des CEB ne réside donc pas dans la quantité d’individus qu’elles rejoignent, mais plutôt
dans la création d’un leadership populaire doté d’une nouvelle culture et d’un nouveau comportement
politique. Les CEB réunissent, animent et créent une conscientisation au sein de communautés qui
acquièrent éventuellement la capacité de prendre en mains leurs propres demandes et luttes. Le travail
ecclésial des CEB vise à élaborer un système de valeurs et une vision chrétienne du monde présents dans
la réflexion des membres des CEB et dans leur choix d’actions.10
10
Nobrega, L. M. P., CEBs e educação popular, op.cit., pp.23-24.
Par ce travail, les CEB sont
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responsables de la formation d’un leadership fort et actif et d’un nombre substantiel de membres
impliqués dans des organisations civiles. En d’autres termes, les CEB ont réussit à créer et à maintenir des
organisations collectives populaires représentant les intérêts des classes populaires en temps de répression
politique et de difficultés économiques. Il est important de noter qu’une activité qui est centrale à leur
répertoire est la protestation et la manifestation publique pacifique, pour faciliter la participation active à
la base dans l’action collective et à faire pression sur les autorités gouvernementales.
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