C H A P I T R E Manuel unique séries L, ES, S 4 L’ALLEMAGNE ➜ Programme officiel p. ??? du manuel PRÉSENTATION GÉNÉRALE 1. Commentaire du programme • L’Allemagne est à étudier en alternative avec le RoyaumeUni. Le programme précise : « Les deux États européens sont étudiés sous l’angle de leurs spécificités au sein de l’Union européenne : par exemple leur position géographique (insularité britannique) ou leur organisation politique (fédéralisme allemand, poids des provinces en Espagne et des régions en Italie). On prend aussi en compte les diverses formes de l’ancrage européen de ces États, politiques, économiques et culturelles. » • La spécificité – devrait-on dire les spécificités ? – de l’Allemagne au sein de l’Europe est éclatante. Sa place au sein de l’UE est éminente : État le plus peuplé, 1re puissance économique de l’Union, membre fondateur de celle-ci, c’est un pivot qualitatif. C’est aussi un pivot géographique, puisque les élargissements récents de l’UE à l’est ont recentré l’Allemagne, qui joue plus que jamais le rôle de charnière entre plusieurs Europe : celle de l’ouest à laquelle elle est fortement ancrée, la Mitteleuropa (Europe Centrale ou « médiane ») à laquelle la relient des attaches historiques et culturelles fortes, l’espace baltique (Europe du nord) où s’élargit son rayonnement, et, bien sûr, l’Europe du sud qui lui a fourni nombre de Gastarbeiter (travailleurs immigrés) dans les années du miracle économique d’après-guerre. • Au niveau intérieur, la réunification exprime une autre dimension de la spécificité de l’Allemagne : symbole de la chute des régimes socialistes, elle est l’expression même de la réunion de deux Europe, mais aussi l’illustration du défi de mise à niveau d’économies et de sociétés qui, il y a moins de vingt ans, étaient encore centralisées, planifiées et étatiques. Le chemin à parcourir est encore long pour unifier économiquement et socialement ces deux Allemagne en une. • Ce pays au destin unique à la fin du XXe siècle est également original sur un troisième plan : décentralisé depuis longtemps et réuni depuis peu, il ne connaît pas les tendances politiques centrifuges qui sont la marque de beaucoup de ses voisins ; ses Länder, très autonomes, n’ont pas les préoccupations régionalistes de la Catalogne ou de l’Écosse. L’Allemagne est politiquement et administrativement stable : c’est un élément fédérateur de l’Union européenne. 2. Le choix des deux études de cas Les études de cas choisies visent à présenter les contrastes géographiques, économiques et sociaux principaux du pays. Derrière eux se profile l’enjeu majeur de la réunification : intégrer au mieux et au plus vite les nouveaux Länder. Le choix des exemples retenus s’explique par l’ampleur du fossé entre l’est et le sud du pays. Certes, l’Allemagne rhénane est puissante (le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie fournit le 1er PIB du pays), mais son espace figure explicitement comme une des questions du programme de Terminale. Certes, les « villes-États » de Hambourg et de Brème sont dynamiques, mais leur cas est très localisé au sein d’une Allemagne du Nord économiquement en recul. C’est donc l’opposition géographique la plus nette qui a été choisie comme base des études de cas. • L’étude de cas no 1 s’intéresse aux deux Länder de l’excellence et de la prospérité affirmées sur la durée. Leurs caractères (tissu industriel dense appuyé sur de nombreuses PME, savoir-faire solide, capacité d’innovation très élevée) font la force passée et actuelle de l’économie allemande. Leur dynamisme dépasse celui du reste du pays, et ce sont intrinsèquement des puissances économiques de rang international. Leur étude est déclinée en deux temps : poids économique d’abord, facteurs de prospérité ensuite. • L’étude de cas no 2 propose d’aborder globalement l’espace de l’ex-RDA car son unité est incontestable aux yeux de l’histoire : géographiquement parlant, beaucoup de problèmes, d’enjeux et de perspectives, sont communs à ces cinq nouveaux Länder. Malgré un taux de croissance souvent élevé (mais le point de départ est bas), des progrès réels, une capacité d’adaptation indéniable, ils demeurent « à distance » du reste du pays tant le passage à l’économie de marché a été et est encore difficile pour ses habitants. Si la réunification économique semble acquise – ou du moins en bonne voie –, la réunification sociale est loin d’être accomplie. Mais ces cinq Länder ne sont pas en tous points identiques : atouts et handicaps diffèrent de l’un à l’autre. Ils ont le même passé politique mais non les mêmes traditions économiques. D’où l’intérêt de les comparer. 3. Bibliographie et sitographie • J.-C. BOYER, Géographie humaine de l’Allemagne, Paris, A. Colin coll. U, 2000. L’Allemagne – Chapitre 4 ● 23 • Cl. DEMESMAY et H. STARK, Radioscopies de l’Allemagne, IFRI, Travaux et recherches, Paris, Documentation française, 2006. • Cl. MANGIN, L’Allemagne, Paris, Belin coll. Mémento géographie, 2003. • P. RIQUET, et alt., « L’Allemagne », in Europe du Nord, Europe médiane, Géographie universelle, Paris, Belin-Reclus, 1996. • www.amb-Allemagne.fr • www.destatis.de/themen/d/thm_regional.php, pour les statistiques officielles et l’atlas interactif d’Allemagne. • www.statistik-berlin.de/framesets/berl_cont.htm • www.baden-wuerttemberg.de/, et tous les autres sites officiels des Länder. • www.u-cergy.fr/rech/labo/equipes/cirac, site du Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine. Brandebourg (devant laquelle passait le mur), et, immédiatement derrière, la Pariser Platz où commençait Berlin-Est. – Plan 2 : Unter den Linden avec, au bout à gauche, l’université Humboldt. À l’extrême gauche de la photo, le célèbre hôpital universitaire de la Charité. – Plan 3 : L’île des musées et la cathédrale, Palais du peuple (démoli récemment), Hôtel de ville, tour de l’Alexanderplatz (avec la tour de télévision de 368 m, le plus haut édifice de Berlin, construite en 1965). – Plan 4 : Plattenbauten (Marzahn-Hellersdorf est à gauche à l’extrême arrière-plan). ÉTUDE DE CAS 1 [p. 80-83] BAVIÈRE ET BADE-WURTEMBERG ANALYSE DE LA PHOTOGRAPHIE D’OUVERTURE 1. Choix de la problématique [p. 78] • Le choix d’une photo de Berlin s’impose ici. Redevenue capitale de l’Allemagne en mai 1999, elle tente de retrouver une dimension mondiale, ce qui est encore loin d’être réalisé. Elle participe aussi au recentrage européen de l’Allemagne en direction de l’est. Symbole fort de la réunification et de l’internationalisation croissante du rôle politique et culturel de l’Allemagne, Berlin est aussi une capitale atypique. C’est de loin la plus grande ville du pays, mais c’est une ville extensive, à la densité moyenne, au bâti et au peuplement discontinus. Chantiers, verdure, friches urbaines émaillent cette ville-puzzle aux centres multiples et aux paysages variés, pour ne pas dire hétérogènes. C’est aussi une ville sans réelle périphérie : Berlin et le désert brandebourgeois forment un curieux attelage, produit par la géographie et l’histoire. En 1945, Berlin est deux villes en une, aujourd’hui, c’est encore un peu une ville en deux. • Le retour de la fonction de capitale est, pour Berlin, une réhabilitation et la marque de l’unité allemande retrouvée. Le quartier gouvernemental, au centre de la photo, a été construit en bordure de l’emplacement du mur édifié en 1961. Cet espace marquant du nouveau Berlin veut en être son centre, jusqu’ici introuvable. L’espace disponible dans une boucle de la Spree a facilité les choses, permettant à ce nouveau quartier de faire la jonction, au propre comme au figuré, entre les deux Berlin comme entre les deux Allemagne. • La photo de Berlin est orientée comme celle de Londres (p. 97), c’est-à-dire avec la direction de l’est vers le haut. – Plan 1 : chancellerie (les jardins de la chancellerie sont au tout 1er plan, entre la Spree et la voie ferrée, avec, à droite, la maison des Cultures du Monde), ministères et services administratifs du gouvernement et du parlement. À droite, le bâtiment du Reichstag (Bundestag + Bundesrat), surmonté de la coupole due à N. Foster. Encore plus à droite, la porte de 24 ● Chapitre 4 – L’Allemagne « Une Allemagne “heureuse” ? » Elle vise à faire réfléchir les élèves sur ce qu’est un espace économiquement performant en Europe aujourd’hui. Ces deux Länder fournissent l’exemple idéal de cette Allemagne qui semble se jouer des difficultés de la conjoncture aussi bien que des conséquences de la réunification. Excellence et diversité en sont les caractères majeurs : l’étude de cas se propose de les exposer, tout en étudiant leurs causes. Au-delà de la simple étude de cas, c’est aussi l’occasion de mettre en place dans l’esprit des élèves les contenus du concept (ou de la métaphore) de Sunbelt. 2. Réponses aux questions [p. 81] Question 1. À eux deux, le Bade-Wurtemberg et la Bavière représentent environ 30 % de la superficie, ??? de la population et 1/3 du PIB de l’ensemble du pays. Leur PIB par habitant est supérieur de 10 % à la moyenne nationale. En outre, ces deux Länder connaissent presque le plein-emploi grâce notamment à un secteur industriel d’un poids des plus élevés où des firmes célèbres ont leur siège. Leur dynamisme démographique constitue une originalité supplémentaire. Le Bade-Wurtemberg est beaucoup plus petit, presque aussi peuplé, plus industriel et quasiment aussi riche que la Bavière. Question 2. Ces deux moteurs de l’économie allemande ont davantage de points communs que de différences, notamment en matière de compétitivité. Cependant, avec nuance, il est possible de les distinguer quelque peu. Le BadeWurtemberg est un champion de l’exportation ; il est aussi « la région [de loin] la plus innovante d’Europe » (doc. 2). La Bavière, dont le PIB est supérieur de 20 % environ à celui de son rival et voisin, le précède aussi en matière d’investissements directs à l’étranger. Mais ils sont très proches l’un de l’autre. Question 3. Un faible taux de chômage, une population qui croît, un PIB/habitant nettement au-dessus de la moyenne allemande, la localisation du siège de firmes importantes au rayonnement mondial sont les principaux signes de la prospérité de l’Allemagne du Sud. Elle s’appuie sur une recherchedéveloppement et une industrie ultramoderne, composée pour l’essentiel d’un tissu de PME très performantes. Question 4. Géographiquement, culturellement et politiquement proches, dotés d’une importante autonomie, ces deux Länder sont unis dans leur dynamisme. Formant le cœur technologique de l’Allemagne, ils se livrent une vive concurrence malgré leurs points communs. La Bavière pèse du poids le plus lourd et Munich a un rayonnement supérieur à celui de Stuttgart. Le Bade-Wurtemberg est plus jeune et plus diversifié dans ses activités. 3. Réponses aux questions [p. 83] Question 1. Il y a d’abord des aménités naturelles. La région de Fribourg est la plus ensoleillée d’Allemagne avec l’île d’Usedom sur la Baltique, à la frontière polonaise, ce qui y favorise la valorisation de l’énergie solaire. Les paysages (Alpes bavaroises, Forêt-Noire, lacs nombreux au 1er rang desquels figure le lac de Constance) fournissent un bon potentiel touristique. Ce cadre naturel est favorable à une agriculture productive (vigne, arbres fruitiers notamment). S’y ajoutent des atouts à ne pas négliger, tels une tradition de gastronomie de qualité, le nombre des stations thermales (le thermalisme est une tradition forte en Allemagne), et, last but not least, la localisation frontalière de ces espaces, au contact de la France, de la Suisse, de l’Autriche et de la République tchèque, ce qui renforce et élargit leur attractivité touristique saisonnière. Question 2. L’attractivité a aussi un caractère plus durable. Des parcs scientifiques comme celui de Garching contribuent à faire venir des chercheurs et des étudiants de tous horizons. Plus généralement, ces deux Länder sont les plus attractifs d’Allemagne derrière la Rhénanie-Palatinat : outre l’attraction qu’ils exercent sur les habitants des nouveaux Länder, ils reçoivent aussi énormément d’étrangers (plus de 15 % de leur population !), surtout des ressortissants de l’UE (nouveaux membres inclus) et des Turcs. Question 3. Le terme de Sunbelt est une métaphore climatique, ici toute relative : le soleil est au rendez-vous, certes, mais l’ensoleillement n’est égal qu’aux 2/3 de celui de la Côte d’Azur. Sa signification est plus générale, et a plusieurs degrés : une Sunbelt est attractive (de façon à la fois saisonnière et permanente), ce qui conduit à un dynamisme démographique par excédent migratoire principalement. Une Sunbelt est par ailleurs économiquement « moderne » : énergies nouvelles et renouvelables, activités de haute technologie en sont la marque. Ces conditions sont ici réunies. 4. Réponse organisée au sujet Le Bade-Wurtemberg et la Bavière sont les deux Länder les plus riches de toute l’Allemagne. Ils appartiennent à l’espace géographique le plus développé du pays sur le plan économique. • Leur dynamisme, lui aussi supérieur à celui des autres Länder, est fondé sur une tradition solide de savoir-faire (grâce à un tissu remarquable de PME diversifiées et juxtaposées à de grandes firmes transnationales), combinée à une modernité rare favorisant fortement la recherche et ses applications techniques. Cette capacité d’innovation stimule aussi les flux matériels et financiers entre ces régions et l’extérieur, et en fait ainsi des acteurs de l’économie monde au sens plein du terme. Le faible taux de chômage est aussi un facteur d’attractivité pour les Allemands de l’Est et plus largement pour les autres Européens. Des atouts naturels de qualité complètent le visage de cette Sunbelt allemande sur les plans agricole et touristique. • Ces points communs, qui n’excluent pas la compétition, distinguent ces deux Länder du reste du pays. Ils constituent la partie la plus prospère de l’Allemagne du sud, elle-même la plus favorisée des grands ensembles géographiques de l’Allemagne. Le Land économiquement le plus puissant est sans doute la Rhénanie du Nord-Westphalie mais il est beaucoup moins dynamique. La plaine d’Allemagne du Nord-Ouest (Basse-Saxe, Schleswig-Holstein) est nettement moins performante, à l’exception des deux villes-États (Hambourg et Brème). Enfin, les nouveaux Länder sont largement distancés : certains, comme la Saxe, profitent cependant d’un effet de proximité. Compte tenu des problèmes auxquels se heurte une partie notable du pays, on peut affirmer sans trop de nuances que cette Sunbelt est bien une « Allemagne heureuse ». ÉTUDE DE CAS 2 [p. 84-85] RECONSTRUIRE L’ALLEMAGNE DE L’EST 1. Choix de la problématique « Quel avenir pour les nouveaux Länder ? » Même si l’opposition est-ouest n’est plus le seul critère de différenciation de l’espace allemand (voir cours p. 90), la question de la mise à niveau des nouveaux Länder reste cruciale, notamment au plan social. Il est donc indispensable de s’y intéresser. C’est, au contraire de l’étude de cas précédente, d’un phénomène spécifique à l’Allemagne qu’il s’agit, résultat d’une histoire récente unique, mais ô combien déterminante pour l’ensemble du continent européen. C’est aussi l’occasion de s’intéresser à une Allemagne méconnue et moins homogène que prévu. L’Allemagne – Chapitre 4 ● 25 2. Réponses aux questions [p. 85] Question 1. Tous les indicateurs des nouveaux Länder sont en retrait par rapport au reste de l’Allemagne et témoignent de la faiblesse de cet espace géographique. C’est un espace sous-peuplé : 1/6 de la population du pays y occupe 1/3 de sa superficie. La dépopulation (trois à dix fois plus forte que la moyenne nationale) accentue le phénomène. Le PIB par habitant est lui-même inférieur d’1/3 environ à la moyenne du pays, alors que le chômage y est deux fois plus élevé (et même trois fois plus que dans les Länder de la Sunbelt). Question 2. Il y a beaucoup d’éléments communs à ces Länder. Mais ils présentent aussi des différences sensibles : un gradient croissant de difficultés est visible du Sud au Nord. Le Sud (Saxe notamment) est plus peuplé, plus urbanisé, plus industriel (une tradition maintenue pendant la période de la RDA), et le PIB par habitant y est plus élevé qu’au Nord (Mecklembourg-Poméranie occidentale notamment) où la ruralité domine cette Allemagne du vide. Deux Länder sont particulièrement touchés par la dépopulation : Thuringe et Mecklembourg-Poméranie occidentale. Question 3. On peut identifier au moins quatre types d’effets économiques liés à la réunification : • le déclin historique d’espaces, de routes commerciales et de zones portuaires asphyxiées par la recomposition territoriale (Rostock) ; • la reconversion de l’industrie et son redéploiement à l’est (énergie à Boxberg, automobile à Leipzig) ; • le rattrapage tertiaire (Leipzig redevient une grande ville de foires et d’expositions internationales comme avant-guerre) ; • la proximité entre la Saxe et la Bavière favorise la création d’un tissu industriel cohérent au sud-est de l’Allemagne. Question 4. Les importants efforts (publics notamment) entrepris depuis la réunification ont des conséquences sensibles. Mais les résultats sont contrastés : la réelle modernisation passe par d’importantes suppressions d’emplois, des migrations intérieures encore fortes, des friches industrielles nombreuses, la réorientation de certains axes économiques. Le mécontentement s’exprime par un vote protestataire d’extrême-droite inquiétant. S’y ajoutent des inégalités régionales : tous ces Länder n’ont pas le même passé, le même savoir-faire et ne sont donc pas armés de façon égale face à l’avenir. 3. Réponse organisée Les nouveaux Länder, auxquels colle l’image de perdants de la réunification sur les plans économique et social, sont-ils durablement distancés par le reste du pays ? • Leur bilan, plus de quinze ans après leur entrée dans la RFA, a pourtant des caractères positifs : la majorité des habitants s’est adaptée à sa nouvelle vie, l’économie de pénurie a disparu, les infrastructures ont été spectaculairement modernisées (des centres-villes aux autoroutes), la 26 ● Chapitre 4 – L’Allemagne reconversion industrielle s’est faite à marche forcée, la pollution (fameuse à l’époque de la RDA) a beaucoup diminué. Au total, la croissance économique est au rendez-vous. Mais les coûts ont été et demeurent élevés : le chômage de masse (20 % environ) en est l’élément le plus spectaculaire. Avec 16 % de la population, l’Allemagne de l’est fournit à peine 10 % du PIB. Sous-emploi, bas salaires et manque de perspectives maintiennent d’importants courants de migration vers les Länder de l’ouest, et favorisent l’expression politique radicale de l’insatisfaction chez les jeunes qui restent. Cette Allemagne sous perfusion d’aides publiques demeure socialement en difficulté. • Elle n’est certes pas homogène : on distingue les régions peuplées et industrielles du sud des espaces périphériques ruraux, à relativement faible densité humaine, du nord, que la proximité de l’espace économique baltique ne stimule pas réellement. Les difficultés de l’est s’expriment selon un gradient croissant du sud au nord. Berlin peine à redevenir une métropole internationale de 1er rang. • L’est de l’Allemagne est aujourd’hui un espace économique pleinement intégré au reste du pays et étroitement lié à l’ouest. Mais, socialement et géographiquement, le clivage entre les deux Allemagne subsiste très sensiblement. CARTES DE RÉFÉRENCE [p. 86-87] 1. Cartes de la page 86 Doc. 1. L’organisation du territoire allemand. La carte de l’organisation du territoire présente les Länder et leurs capitales politiques. Elle permet de montrer les différences de taille, produites par l’histoire, entre les territoires composant la fédération. Les capitales sont de trois types : la ville principale du Land (cas le plus fréquent) comme Munich, une ville moyenne (plus rare) comme Wiesbaden et non Francfort pour la Hesse, enfin la ville-État (il y en a trois : Hambourg, Brème et Berlin), à l’origine hanséatique. Doc. 2. Les densités de population. Elle met en évidence l’inégale répartition de la population. La densité moyenne du pays est de 230 hab./km2, mais elle dépasse 1 500 dans les trois villes-États (plus de 3 700 à Berlin), atteint 530 en Rhénanie du Nord-Westphalie, descend à 88 dans le Brandebourg et à 77 en MecklembourgPoméranie occidentale (l’Allemagne du « vide »). Basse Bavière et plaine d’Allemagne du Nord figurent aussi dans cette catégorie. On remarque bien les régions les plus peuplées : axe rhénan (vallées affluentes comprises), estuaires, Allemagne « traversière » (cf. P. Riquet, Géo universelle), métropoles du sud et de l’est (Munich, Nuremberg, Dresde, Berlin). Les très grandes agglomérations (Ballungsgebiete) et leur localisation expriment un relatif équilibre spatial, altéré pourtant par le tropisme rhénan : c’est là le cœur de la dorsale européenne. Doc. 3. La production industrielle. Elle permet d’éclairer les deux études de cas. La division de l’industrie en trois catégories conduit à identifier trois types d’espaces. Celui de la haute technologie est bien circonscrit : c’est la Sunbelt. Celui de l’industrie manufacturière est localisé en plusieurs pôles traditionnels dispersés sur le reste du pays (Rhin moyen et Saxe surtout). Enfin, l’industrie lourde reste encore présente, surtout en Rhénanie. Au total, la production industrielle est plutôt dispersée, mais selon des spécialisations régionales. Doc. 4. Le PIB/habitant en parité de pouvoir d’achat. Cette carte révèle clairement trois ensembles géographiques homogènes (à l’exception de Brème et Hambourg), donc trois Allemagne économiques. 2. L’Allemagne dans son contexte européen [p. 87] • Les cartouches historiques sont un aide-mémoire. Ils rappellent les étapes contemporaines de la formation du territoire et donc de l’évolution des limites de l’Allemagne : l’unité, la partition, la réunification. • La grande carte choisit de mettre en avant trois caractères des rapports spatiaux de l’Allemagne au reste de l’Europe : la centralité, l’ouverture et les types dominants de relations selon la direction géographique. Leur mise en évidence se fait au travers des structures territoriales, de l’armature urbaine et des réseaux qui l’animent, et enfin des types de flux majeurs. Cette carte est destinée à être comparée à ses homologues concernant le Royaume-Uni (p. 105), l’Espagne (p. 123) et l’Italie (p. 141). COURS 1 [p. 88-89] L’ÉVOLUTION SINGULIÈRE D’UN PILIER DE L’EUROPE Doc. 1. Le CBD de Francfort, dominé par le gratte-ciel de la tour de la foire (256 m de haut, 70 étages, masqué sur la photo), présente un paysage qui l’a fait surnommer « Mainhattan ». Le rôle de Francfort, sur les rives du Main, affluent du Rhin, est ancien. Sa position de carrefour en fait un passage obligé des routes commerciales dès le Moyen Âge, mais sa prospérité est surtout liée à l’industrialisation du XIXe siècle. L’industrie y demeure toujours forte (Aventis, Opel) et le Main est une route fluviale transeuropéenne majeure (Rhin-Danube). Mais Francfort est d’abord une métropole de services : banques, assurances, édition, agences de publicité ont créé près de 600 000 emplois à « Bankfurt ». Doc. 2. Willy Betz est un exemple de firme allemande « transeuropéenne » dont le dynamisme, la fortune et le rayon- nement reposent sur les élargissements successifs de l’UE, notamment vers l’Europe de l’est, et sur le rôle éminent des transports routiers dans l’économie et le commerce européens. Qui n’a jamais vu un de ses camions sur une autoroute ? C’est aussi l’exemple d’une adaptation opportuniste de son organisation aux faiblesses juridiques de l’UE : la pratique du « dumping social », appliquée à l’emploi des chauffeurs routiers venus de l’est, enfreint la légalité à l’ouest mais s’avère difficile à combattre. Doc. 3. L’évolution du taux de chômage en Allemagne (c’està-dire son doublement) depuis quinze ans met au jour les graves problèmes structurels du pays. Durant les années 1990, le marché du travail s’est dégradé, et le chômage de longue durée s’est beaucoup aggravé. La faiblesse de la croissance des années 1990 (plus de deux fois inférieure à celle du Royaume-Uni pendant la même période) en est la cause principale, avec les séquelles de la réunification (mise à niveau de l’appareil productif de l’ex-RDA). On observe que cet indicateur oppose nettement la Sunbelt aux nouveaux Länder. Si la progression du chômage est générale, son rythme et ses taux sont géographiquement bien distincts. La reprise récente de la croissance atténue cependant ce tableau dans la dernière période. COURS 2 [p. 90-91] UN ESPACE AUX DYNAMIQUES COMPLEXES Doc. 1. L’opposition quelque peu manichéenne entre une Allemagne de l’ouest développée et des nouveaux Länder en retard est commode et renvoie à des représentations mentales fortes en France (cf. l’ex-rideau de fer). Elle est bien sûr pertinente, mais elle manque de nuances et nuit à une approche fine de l’espace allemand et de son organisation. La littérature lui ajoute souvent un troisième élément, lui aussi cher au cœur des Français, à savoir l’espace rhénan, partie allemande de la dorsale (ou mégalopole) européenne. Là encore, il convient d’y regarder d’un peu plus près. C’est pourquoi est proposée ici une division de l’Allemagne en cinq ensembles (voir colonne 2 de la légende) résultants de la combinaison des phénomènes suivants : la structure spatiale fondée sur un réseau de type christallérien (base de la structuration des espaces, y compris à l’est), la division des compétences (donc des fonctions dominantes) entre des métropoles spécialisées et relativement dispersées au sein de la structure politique fédérale, l’inégalité de richesse et de prospérité (est/ouest, mais aussi, à un degré moindre, nord/sud), les dynamiques de distanciation (cf. Mecklembourg de plus en plus excentré) et de rapprochement (Saxe et Sunbelt), le tout dans un espace européen ouvert (cf. carte p. 87), qui est représenté ici à une plus grande échelle. L’Allemagne – Chapitre 4 ● 27 Par-delà les conventions, c’est donc une organisation spatiale complexe, originale et évolutive qui apparaît. ESPACES VÉCUS [p. 92-93] UNE JEUNESSE À MARZAHN 1. Choix du sujet La rubrique « espaces vécus » est l’occasion d’aborder la réalité géographique sous l’angle de la perception des espaces de vie par leurs habitants. C’est évidemment un peu artificiel dans un manuel scolaire. Cependant, il a semblé utile d’en profiter pour approcher « autrement » la géographie de l’Allemagne, à une grande échelle. On convient d’ordinaire que c’est un pays riche, mais sa capitale est sans doute l’une des plus pauvres de l’Europe « occidentale ». Elle juxtapose des quartiers « branchés » et des grands ensembles où vit une population socialement défavorisée. C’est vrai aussi de Londres ou de Paris, mais Berlin est originale par les effets de sa réunification. La jeunesse peu qualifiée de ses grands ensembles (dont Marzahn-Hellersdorf est l’archétype, très étudié par les médias allemands) constitue un grand problème social dont les caractères diffèrent pourtant de ses équivalents dans les autres grandes villes d’Europe. 2. Réponses aux questions Question 1. Ce district, situé en périphérie de l’ex-Berlin-Est, fait partie des plus défavorisés socialement de la capitale, alors que c’est aussi l’un des plus jeunes. Faible qualification de la main-d’œuvre, faible taux de diplômés et chômage supérieur à une moyenne berlinoise déjà parmi les plus élevées du pays, en sont les caractères dominants. S’y ajoutent encore la promiscuité au niveau du logement (cf. la superficie par habitant), la spectaculaire croissance du nombre d’assistés, et une forte dépopulation, alors que le quartier compte un nombre négligeable d’immigrés. Ce profil social se trouve particulièrement localisé dans la moitié nord du district qui groupe près des ??? des habitants, le sud connaissant un habitat individuel plus diffus pour une population socialement moins fragile. Question 2. La répulsivité du district s’exprime d’abord par le solde migratoire, puisqu’il perd encore plus de 1 % de ses habitants tous les ans. Les Plattenbauten, construits par les pouvoirs publics de l’ex-RDA sur le modèle de leurs homologues français, sous l’influence directe de l’école de Le Corbusier, vieillissent très mal car ils ont été construits à l’économie. De plus, ils sont localisés à proximité d’industries polluantes qui, pourtant, offrent aujourd’hui peu d’emplois. Cependant, des initiatives d’habitants du quartier se multiplient pour tenter de le faire vivre ou du moins d’en valoriser 28 ● Chapitre 4 – L’Allemagne des points forts. L’Allemagne pratique depuis longtemps cette forme de démocratie directe (Bürgerinitiative). Question 3. L’absence de perspectives économiques et sociales touche les populations les plus fragiles : ce sont elles qui sont le plus fréquemment « assignées à résidence ». Le vote extrémiste, dit « protestataire », se produit ici comme en France : c’est l’exutoire au manque d’avenir plus qu’une affirmation idéologique. Celle-ci est d’ailleurs peut-être plus réelle dans le vote en faveur de l’extrême gauche (Die Linke) que de l’extrême droite (néo-nazis), car « l’Ostalgie » (la nostalgie de l’époque de la RDA et de son plein-emploi) est un sentiment récurrent à l’est. Question 4. • Marzahn-Hellersdorf est un exemple très représentatif des problèmes des grands ensembles dans l’ex-RDA. Absents ou presque (Hambourg) du reste de l’Allemagne, on les trouve dans toutes les villes de l’est comme héritage de l’urbanisme socialiste. • Ces quartiers sont aujourd’hui répulsifs : ils se vident en partie de leurs habitants, et ceux qui restent sont rarement qualifiés, souvent assistés, victimes d’un chômage massif. Beaucoup sont jeunes et les étrangers y sont très rares. • Des sentiments contradictoires les traversent : le désespoir s’exprime certes politiquement par le vote protestataire, stérile, mais la volonté de prise en main de leur destin par les habitants est également forte, s’exprimant par le dynamisme de la vie associative. • S’ils ont des points communs avec nos grands ensembles, les Plattenbauten s’en distinguent donc aussi très fortement. Marzahn-Hellersdorf montre qu’à son échelle et malgré elle, Berlin est un laboratoire spatial de la réunification. CROQUIS [p. 94-95] L’ALLEMAGNE, UN CENTRE DE L’UE 1. Fiche méthode (« la pratique ») Croquis 1. En interrelations étroites avec ses partenaires. On appelle noyau dur de l’Europe les pays fondateurs de la CEE auxquels on peut ajouter le Royaume-Uni. Ils sont les pôles entre lesquels les relations économiques sont les plus fortes. L’Allemagne est le 1er investisseur dans l’ensemble des PECO. Elle en reçoit beaucoup de migrants, y compris les Aussiedler, de souche allemande, venus de Russie. Croquis 2. Le carrefour de l’espace européen. Le schéma veut marquer la centralité de localisation qui caractérise l’Allemagne en Europe, et lui donne un rôle de pivot dans quatre directions. La réunification a recentré l’Allemagne et élargi son rôle vers l’est. Croquis 3. Deux Allemagne réunifiées. La RFA et la RDA sont ici séparées par les pointillés qui symbolisent l’ex-rideau de fer. Berlin était elle-même coupée en deux. Croquis 4. Une fédération de régions ouvertes aux coopérations transnationales. L’Allemagne est une fédération de seize régions ou Länder (singulier : Land). Ils ont une large autonomie et disposent de moyens financiers étendus : ils sont maîtres de leur politique économique, de leur politique d’éducation... Le pouvoir central, lui, se limite aux fonctions régaliennes. Exemples de coopérations transnationales : La Grande Région (Sarlorlux), l’eurorégion Pomerania (Allemagne du NE, Pologne du NordOuest, sud de la Suède). Croquis 5. Le cœur de la dorsale européenne. La dorsale (cf. Étienne Juillard, L’Europe rhénane, 1970), ou mégalopole, s’étend de Manchester à la Toscane ; c’est l’espace le plus peuplé, le plus urbanisé, le plus actif et le plus riche de l’Europe. L’axe rhénan en constitue la partie allemande. Croquis 6. Les cinq Allemagne. Voir colonne 2 de la légende de la carte de la page 91. 2. Croquis réalisé Voir croquis réalisé sur www.editions-belin.com/geo1.asp L’Allemagne – Chapitre 4 ● 29