l`allemagne - Editions Belin

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C H A P I T R E
Manuel unique séries L, ES, S
4 L’ALLEMAGNE
➜
Programme officiel p. ??? du manuel
PRÉSENTATION GÉNÉRALE
1. Commentaire du programme
• L’Allemagne est à étudier en alternative avec le RoyaumeUni. Le programme précise : « Les deux États européens sont
étudiés sous l’angle de leurs spécificités au sein de l’Union
européenne : par exemple leur position géographique (insularité britannique) ou leur organisation politique (fédéralisme allemand, poids des provinces en Espagne et des
régions en Italie). On prend aussi en compte les diverses
formes de l’ancrage européen de ces États, politiques,
économiques et culturelles. »
• La spécificité – devrait-on dire les spécificités ? – de
l’Allemagne au sein de l’Europe est éclatante. Sa place au sein
de l’UE est éminente : État le plus peuplé, 1re puissance
économique de l’Union, membre fondateur de celle-ci, c’est
un pivot qualitatif. C’est aussi un pivot géographique, puisque
les élargissements récents de l’UE à l’est ont recentré
l’Allemagne, qui joue plus que jamais le rôle de charnière
entre plusieurs Europe : celle de l’ouest à laquelle elle est
fortement ancrée, la Mitteleuropa (Europe Centrale ou
« médiane ») à laquelle la relient des attaches historiques et
culturelles fortes, l’espace baltique (Europe du nord) où
s’élargit son rayonnement, et, bien sûr, l’Europe du sud qui
lui a fourni nombre de Gastarbeiter (travailleurs immigrés)
dans les années du miracle économique d’après-guerre.
• Au niveau intérieur, la réunification exprime une autre
dimension de la spécificité de l’Allemagne : symbole de la
chute des régimes socialistes, elle est l’expression même de
la réunion de deux Europe, mais aussi l’illustration du défi
de mise à niveau d’économies et de sociétés qui, il y a moins
de vingt ans, étaient encore centralisées, planifiées et étatiques. Le chemin à parcourir est encore long pour unifier
économiquement et socialement ces deux Allemagne en une.
• Ce pays au destin unique à la fin du XXe siècle est également
original sur un troisième plan : décentralisé depuis longtemps et réuni depuis peu, il ne connaît pas les tendances
politiques centrifuges qui sont la marque de beaucoup de ses
voisins ; ses Länder, très autonomes, n’ont pas les préoccupations régionalistes de la Catalogne ou de l’Écosse.
L’Allemagne est politiquement et administrativement stable :
c’est un élément fédérateur de l’Union européenne.
2. Le choix des deux études de cas
Les études de cas choisies visent à présenter les contrastes
géographiques, économiques et sociaux principaux du pays.
Derrière eux se profile l’enjeu majeur de la réunification :
intégrer au mieux et au plus vite les nouveaux Länder. Le
choix des exemples retenus s’explique par l’ampleur du fossé
entre l’est et le sud du pays. Certes, l’Allemagne rhénane est
puissante (le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie fournit
le 1er PIB du pays), mais son espace figure explicitement
comme une des questions du programme de Terminale.
Certes, les « villes-États » de Hambourg et de Brème sont
dynamiques, mais leur cas est très localisé au sein d’une
Allemagne du Nord économiquement en recul. C’est donc
l’opposition géographique la plus nette qui a été choisie
comme base des études de cas.
• L’étude de cas no 1 s’intéresse aux deux Länder de l’excellence et de la prospérité affirmées sur la durée. Leurs caractères (tissu industriel dense appuyé sur de nombreuses
PME, savoir-faire solide, capacité d’innovation très élevée)
font la force passée et actuelle de l’économie allemande.
Leur dynamisme dépasse celui du reste du pays, et ce sont
intrinsèquement des puissances économiques de rang
international. Leur étude est déclinée en deux temps : poids
économique d’abord, facteurs de prospérité ensuite.
• L’étude de cas no 2 propose d’aborder globalement l’espace
de l’ex-RDA car son unité est incontestable aux yeux de l’histoire : géographiquement parlant, beaucoup de problèmes,
d’enjeux et de perspectives, sont communs à ces cinq nouveaux Länder. Malgré un taux de croissance souvent élevé
(mais le point de départ est bas), des progrès réels, une
capacité d’adaptation indéniable, ils demeurent « à distance » du reste du pays tant le passage à l’économie de
marché a été et est encore difficile pour ses habitants. Si
la réunification économique semble acquise – ou du moins
en bonne voie –, la réunification sociale est loin d’être
accomplie. Mais ces cinq Länder ne sont pas en tous points
identiques : atouts et handicaps diffèrent de l’un à l’autre. Ils
ont le même passé politique mais non les mêmes traditions
économiques. D’où l’intérêt de les comparer.
3. Bibliographie et sitographie
• J.-C. BOYER, Géographie humaine de l’Allemagne, Paris,
A. Colin coll. U, 2000.
L’Allemagne – Chapitre 4 ●
23
• Cl. DEMESMAY et H. STARK, Radioscopies de l’Allemagne,
IFRI, Travaux et recherches, Paris, Documentation française, 2006.
• Cl. MANGIN, L’Allemagne, Paris, Belin coll. Mémento géographie, 2003.
• P. RIQUET, et alt., « L’Allemagne », in Europe du Nord, Europe
médiane, Géographie universelle, Paris, Belin-Reclus, 1996.
• www.amb-Allemagne.fr
• www.destatis.de/themen/d/thm_regional.php, pour les
statistiques officielles et l’atlas interactif d’Allemagne.
• www.statistik-berlin.de/framesets/berl_cont.htm
• www.baden-wuerttemberg.de/, et tous les autres sites
officiels des Länder.
• www.u-cergy.fr/rech/labo/equipes/cirac, site du Centre
d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine.
Brandebourg (devant laquelle passait le mur), et, immédiatement derrière, la Pariser Platz où commençait Berlin-Est.
– Plan 2 : Unter den Linden avec, au bout à gauche, l’université Humboldt. À l’extrême gauche de la photo, le célèbre
hôpital universitaire de la Charité.
– Plan 3 : L’île des musées et la cathédrale, Palais du peuple
(démoli récemment), Hôtel de ville, tour de l’Alexanderplatz
(avec la tour de télévision de 368 m, le plus haut édifice de
Berlin, construite en 1965).
– Plan 4 : Plattenbauten (Marzahn-Hellersdorf est à gauche à
l’extrême arrière-plan).
ÉTUDE DE CAS 1
[p. 80-83]
BAVIÈRE ET BADE-WURTEMBERG
ANALYSE DE LA PHOTOGRAPHIE
D’OUVERTURE
1. Choix de la problématique
[p. 78]
• Le choix d’une photo de Berlin s’impose ici. Redevenue
capitale de l’Allemagne en mai 1999, elle tente de retrouver
une dimension mondiale, ce qui est encore loin d’être réalisé.
Elle participe aussi au recentrage européen de l’Allemagne
en direction de l’est. Symbole fort de la réunification et de
l’internationalisation croissante du rôle politique et culturel
de l’Allemagne, Berlin est aussi une capitale atypique. C’est
de loin la plus grande ville du pays, mais c’est une ville extensive, à la densité moyenne, au bâti et au peuplement discontinus. Chantiers, verdure, friches urbaines émaillent cette
ville-puzzle aux centres multiples et aux paysages variés,
pour ne pas dire hétérogènes. C’est aussi une ville sans
réelle périphérie : Berlin et le désert brandebourgeois
forment un curieux attelage, produit par la géographie et
l’histoire. En 1945, Berlin est deux villes en une, aujourd’hui,
c’est encore un peu une ville en deux.
• Le retour de la fonction de capitale est, pour Berlin, une
réhabilitation et la marque de l’unité allemande retrouvée.
Le quartier gouvernemental, au centre de la photo, a été
construit en bordure de l’emplacement du mur édifié en 1961.
Cet espace marquant du nouveau Berlin veut en être son
centre, jusqu’ici introuvable. L’espace disponible dans une
boucle de la Spree a facilité les choses, permettant à ce nouveau quartier de faire la jonction, au propre comme au figuré,
entre les deux Berlin comme entre les deux Allemagne.
• La photo de Berlin est orientée comme celle de Londres
(p. 97), c’est-à-dire avec la direction de l’est vers le haut.
– Plan 1 : chancellerie (les jardins de la chancellerie sont au
tout 1er plan, entre la Spree et la voie ferrée, avec, à droite,
la maison des Cultures du Monde), ministères et services
administratifs du gouvernement et du parlement. À droite, le
bâtiment du Reichstag (Bundestag + Bundesrat), surmonté
de la coupole due à N. Foster. Encore plus à droite, la porte de
24 ● Chapitre 4 – L’Allemagne
« Une Allemagne “heureuse” ? »
Elle vise à faire réfléchir les élèves sur ce qu’est un espace
économiquement performant en Europe aujourd’hui. Ces
deux Länder fournissent l’exemple idéal de cette Allemagne
qui semble se jouer des difficultés de la conjoncture aussi
bien que des conséquences de la réunification. Excellence
et diversité en sont les caractères majeurs : l’étude de cas
se propose de les exposer, tout en étudiant leurs causes.
Au-delà de la simple étude de cas, c’est aussi l’occasion de
mettre en place dans l’esprit des élèves les contenus du
concept (ou de la métaphore) de Sunbelt.
2. Réponses aux questions
[p. 81]
Question 1. À eux deux, le Bade-Wurtemberg et la Bavière
représentent environ 30 % de la superficie, ??? de la population et 1/3 du PIB de l’ensemble du pays. Leur PIB par habitant est supérieur de 10 % à la moyenne nationale. En outre,
ces deux Länder connaissent presque le plein-emploi grâce
notamment à un secteur industriel d’un poids des plus
élevés où des firmes célèbres ont leur siège. Leur dynamisme démographique constitue une originalité supplémentaire. Le Bade-Wurtemberg est beaucoup plus petit, presque
aussi peuplé, plus industriel et quasiment aussi riche que
la Bavière.
Question 2. Ces deux moteurs de l’économie allemande ont
davantage de points communs que de différences, notamment en matière de compétitivité. Cependant, avec nuance,
il est possible de les distinguer quelque peu. Le BadeWurtemberg est un champion de l’exportation ; il est aussi
« la région [de loin] la plus innovante d’Europe » (doc. 2). La
Bavière, dont le PIB est supérieur de 20 % environ à celui
de son rival et voisin, le précède aussi en matière d’investissements directs à l’étranger. Mais ils sont très proches l’un
de l’autre.
Question 3. Un faible taux de chômage, une population qui
croît, un PIB/habitant nettement au-dessus de la moyenne
allemande, la localisation du siège de firmes importantes au
rayonnement mondial sont les principaux signes de la prospérité de l’Allemagne du Sud. Elle s’appuie sur une recherchedéveloppement et une industrie ultramoderne, composée
pour l’essentiel d’un tissu de PME très performantes.
Question 4. Géographiquement, culturellement et politiquement proches, dotés d’une importante autonomie, ces deux
Länder sont unis dans leur dynamisme. Formant le cœur
technologique de l’Allemagne, ils se livrent une vive concurrence malgré leurs points communs. La Bavière pèse du
poids le plus lourd et Munich a un rayonnement supérieur à
celui de Stuttgart. Le Bade-Wurtemberg est plus jeune et plus
diversifié dans ses activités.
3. Réponses aux questions
[p. 83]
Question 1. Il y a d’abord des aménités naturelles. La région
de Fribourg est la plus ensoleillée d’Allemagne avec l’île
d’Usedom sur la Baltique, à la frontière polonaise, ce qui y
favorise la valorisation de l’énergie solaire. Les paysages
(Alpes bavaroises, Forêt-Noire, lacs nombreux au 1er rang
desquels figure le lac de Constance) fournissent un bon
potentiel touristique. Ce cadre naturel est favorable à une
agriculture productive (vigne, arbres fruitiers notamment).
S’y ajoutent des atouts à ne pas négliger, tels une tradition
de gastronomie de qualité, le nombre des stations thermales
(le thermalisme est une tradition forte en Allemagne), et, last
but not least, la localisation frontalière de ces espaces, au
contact de la France, de la Suisse, de l’Autriche et de la
République tchèque, ce qui renforce et élargit leur attractivité
touristique saisonnière.
Question 2. L’attractivité a aussi un caractère plus durable.
Des parcs scientifiques comme celui de Garching contribuent
à faire venir des chercheurs et des étudiants de tous horizons. Plus généralement, ces deux Länder sont les plus
attractifs d’Allemagne derrière la Rhénanie-Palatinat : outre
l’attraction qu’ils exercent sur les habitants des nouveaux
Länder, ils reçoivent aussi énormément d’étrangers (plus de
15 % de leur population !), surtout des ressortissants de l’UE
(nouveaux membres inclus) et des Turcs.
Question 3. Le terme de Sunbelt est une métaphore climatique, ici toute relative : le soleil est au rendez-vous, certes,
mais l’ensoleillement n’est égal qu’aux 2/3 de celui de la
Côte d’Azur. Sa signification est plus générale, et a plusieurs
degrés : une Sunbelt est attractive (de façon à la fois saisonnière et permanente), ce qui conduit à un dynamisme
démographique par excédent migratoire principalement.
Une Sunbelt est par ailleurs économiquement « moderne » :
énergies nouvelles et renouvelables, activités de haute
technologie en sont la marque. Ces conditions sont ici
réunies.
4. Réponse organisée au sujet
Le Bade-Wurtemberg et la Bavière sont les deux Länder
les plus riches de toute l’Allemagne. Ils appartiennent à
l’espace géographique le plus développé du pays sur le
plan économique.
• Leur dynamisme, lui aussi supérieur à celui des autres
Länder, est fondé sur une tradition solide de savoir-faire
(grâce à un tissu remarquable de PME diversifiées et juxtaposées à de grandes firmes transnationales), combinée à
une modernité rare favorisant fortement la recherche et ses
applications techniques. Cette capacité d’innovation stimule
aussi les flux matériels et financiers entre ces régions et
l’extérieur, et en fait ainsi des acteurs de l’économie monde
au sens plein du terme. Le faible taux de chômage est aussi
un facteur d’attractivité pour les Allemands de l’Est et plus
largement pour les autres Européens. Des atouts naturels de
qualité complètent le visage de cette Sunbelt allemande sur
les plans agricole et touristique.
• Ces points communs, qui n’excluent pas la compétition,
distinguent ces deux Länder du reste du pays. Ils constituent
la partie la plus prospère de l’Allemagne du sud, elle-même
la plus favorisée des grands ensembles géographiques de
l’Allemagne. Le Land économiquement le plus puissant est
sans doute la Rhénanie du Nord-Westphalie mais il est beaucoup moins dynamique. La plaine d’Allemagne du Nord-Ouest
(Basse-Saxe, Schleswig-Holstein) est nettement moins performante, à l’exception des deux villes-États (Hambourg et
Brème). Enfin, les nouveaux Länder sont largement distancés : certains, comme la Saxe, profitent cependant d’un effet
de proximité.
Compte tenu des problèmes auxquels se heurte une partie
notable du pays, on peut affirmer sans trop de nuances que
cette Sunbelt est bien une « Allemagne heureuse ».
ÉTUDE DE CAS 2
[p. 84-85]
RECONSTRUIRE L’ALLEMAGNE DE L’EST
1. Choix de la problématique
« Quel avenir pour les nouveaux Länder ? »
Même si l’opposition est-ouest n’est plus le seul critère de
différenciation de l’espace allemand (voir cours p. 90), la
question de la mise à niveau des nouveaux Länder reste
cruciale, notamment au plan social. Il est donc indispensable
de s’y intéresser. C’est, au contraire de l’étude de cas précédente, d’un phénomène spécifique à l’Allemagne qu’il s’agit,
résultat d’une histoire récente unique, mais ô combien déterminante pour l’ensemble du continent européen. C’est aussi
l’occasion de s’intéresser à une Allemagne méconnue et
moins homogène que prévu.
L’Allemagne – Chapitre 4 ●
25
2. Réponses aux questions
[p. 85]
Question 1. Tous les indicateurs des nouveaux Länder sont
en retrait par rapport au reste de l’Allemagne et témoignent
de la faiblesse de cet espace géographique. C’est un espace
sous-peuplé : 1/6 de la population du pays y occupe 1/3 de
sa superficie. La dépopulation (trois à dix fois plus forte que
la moyenne nationale) accentue le phénomène. Le PIB par
habitant est lui-même inférieur d’1/3 environ à la moyenne
du pays, alors que le chômage y est deux fois plus élevé (et
même trois fois plus que dans les Länder de la Sunbelt).
Question 2. Il y a beaucoup d’éléments communs à ces
Länder. Mais ils présentent aussi des différences sensibles :
un gradient croissant de difficultés est visible du Sud au
Nord. Le Sud (Saxe notamment) est plus peuplé, plus urbanisé, plus industriel (une tradition maintenue pendant la
période de la RDA), et le PIB par habitant y est plus élevé
qu’au Nord (Mecklembourg-Poméranie occidentale notamment) où la ruralité domine cette Allemagne du vide. Deux
Länder sont particulièrement touchés par la dépopulation :
Thuringe et Mecklembourg-Poméranie occidentale.
Question 3. On peut identifier au moins quatre types d’effets
économiques liés à la réunification :
• le déclin historique d’espaces, de routes commerciales
et de zones portuaires asphyxiées par la recomposition
territoriale (Rostock) ;
• la reconversion de l’industrie et son redéploiement à l’est
(énergie à Boxberg, automobile à Leipzig) ;
• le rattrapage tertiaire (Leipzig redevient une grande ville de
foires et d’expositions internationales comme avant-guerre) ;
• la proximité entre la Saxe et la Bavière favorise la création
d’un tissu industriel cohérent au sud-est de l’Allemagne.
Question 4. Les importants efforts (publics notamment)
entrepris depuis la réunification ont des conséquences
sensibles. Mais les résultats sont contrastés : la réelle
modernisation passe par d’importantes suppressions d’emplois, des migrations intérieures encore fortes, des friches
industrielles nombreuses, la réorientation de certains axes
économiques. Le mécontentement s’exprime par un vote
protestataire d’extrême-droite inquiétant. S’y ajoutent des
inégalités régionales : tous ces Länder n’ont pas le même
passé, le même savoir-faire et ne sont donc pas armés de
façon égale face à l’avenir.
3. Réponse organisée
Les nouveaux Länder, auxquels colle l’image de perdants de
la réunification sur les plans économique et social, sont-ils
durablement distancés par le reste du pays ?
• Leur bilan, plus de quinze ans après leur entrée dans la
RFA, a pourtant des caractères positifs : la majorité des
habitants s’est adaptée à sa nouvelle vie, l’économie de
pénurie a disparu, les infrastructures ont été spectaculairement modernisées (des centres-villes aux autoroutes), la
26 ● Chapitre 4 – L’Allemagne
reconversion industrielle s’est faite à marche forcée, la pollution (fameuse à l’époque de la RDA) a beaucoup diminué. Au
total, la croissance économique est au rendez-vous.
Mais les coûts ont été et demeurent élevés : le chômage de
masse (20 % environ) en est l’élément le plus spectaculaire.
Avec 16 % de la population, l’Allemagne de l’est fournit à peine
10 % du PIB. Sous-emploi, bas salaires et manque de perspectives maintiennent d’importants courants de migration vers
les Länder de l’ouest, et favorisent l’expression politique
radicale de l’insatisfaction chez les jeunes qui restent.
Cette Allemagne sous perfusion d’aides publiques demeure
socialement en difficulté.
• Elle n’est certes pas homogène : on distingue les régions
peuplées et industrielles du sud des espaces périphériques
ruraux, à relativement faible densité humaine, du nord, que
la proximité de l’espace économique baltique ne stimule pas
réellement. Les difficultés de l’est s’expriment selon un gradient croissant du sud au nord. Berlin peine à redevenir une
métropole internationale de 1er rang.
• L’est de l’Allemagne est aujourd’hui un espace économique
pleinement intégré au reste du pays et étroitement lié à
l’ouest. Mais, socialement et géographiquement, le clivage
entre les deux Allemagne subsiste très sensiblement.
CARTES DE RÉFÉRENCE
[p. 86-87]
1. Cartes de la page 86
Doc. 1. L’organisation du territoire allemand.
La carte de l’organisation du territoire présente les Länder et
leurs capitales politiques. Elle permet de montrer les différences de taille, produites par l’histoire, entre les territoires
composant la fédération. Les capitales sont de trois types :
la ville principale du Land (cas le plus fréquent) comme
Munich, une ville moyenne (plus rare) comme Wiesbaden et
non Francfort pour la Hesse, enfin la ville-État (il y en a trois :
Hambourg, Brème et Berlin), à l’origine hanséatique.
Doc. 2. Les densités de population.
Elle met en évidence l’inégale répartition de la population. La
densité moyenne du pays est de 230 hab./km2, mais elle
dépasse 1 500 dans les trois villes-États (plus de 3 700 à
Berlin), atteint 530 en Rhénanie du Nord-Westphalie, descend à 88 dans le Brandebourg et à 77 en MecklembourgPoméranie occidentale (l’Allemagne du « vide »). Basse
Bavière et plaine d’Allemagne du Nord figurent aussi dans
cette catégorie. On remarque bien les régions les plus peuplées : axe rhénan (vallées affluentes comprises), estuaires,
Allemagne « traversière » (cf. P. Riquet, Géo universelle),
métropoles du sud et de l’est (Munich, Nuremberg, Dresde,
Berlin). Les très grandes agglomérations (Ballungsgebiete)
et leur localisation expriment un relatif équilibre spatial,
altéré pourtant par le tropisme rhénan : c’est là le cœur de
la dorsale européenne.
Doc. 3. La production industrielle.
Elle permet d’éclairer les deux études de cas. La division de
l’industrie en trois catégories conduit à identifier trois types
d’espaces. Celui de la haute technologie est bien circonscrit :
c’est la Sunbelt. Celui de l’industrie manufacturière est localisé en plusieurs pôles traditionnels dispersés sur le reste du
pays (Rhin moyen et Saxe surtout). Enfin, l’industrie lourde
reste encore présente, surtout en Rhénanie. Au total, la
production industrielle est plutôt dispersée, mais selon des
spécialisations régionales.
Doc. 4. Le PIB/habitant en parité de pouvoir d’achat.
Cette carte révèle clairement trois ensembles géographiques
homogènes (à l’exception de Brème et Hambourg), donc
trois Allemagne économiques.
2. L’Allemagne dans son contexte
européen
[p. 87]
• Les cartouches historiques sont un aide-mémoire. Ils
rappellent les étapes contemporaines de la formation du
territoire et donc de l’évolution des limites de l’Allemagne :
l’unité, la partition, la réunification.
• La grande carte choisit de mettre en avant trois caractères
des rapports spatiaux de l’Allemagne au reste de l’Europe :
la centralité, l’ouverture et les types dominants de relations
selon la direction géographique. Leur mise en évidence se
fait au travers des structures territoriales, de l’armature
urbaine et des réseaux qui l’animent, et enfin des types de
flux majeurs. Cette carte est destinée à être comparée à ses
homologues concernant le Royaume-Uni (p. 105), l’Espagne
(p. 123) et l’Italie (p. 141).
COURS 1
[p. 88-89]
L’ÉVOLUTION SINGULIÈRE
D’UN PILIER DE L’EUROPE
Doc. 1. Le CBD de Francfort, dominé par le gratte-ciel de
la tour de la foire (256 m de haut, 70 étages, masqué sur
la photo), présente un paysage qui l’a fait surnommer
« Mainhattan ». Le rôle de Francfort, sur les rives du Main,
affluent du Rhin, est ancien. Sa position de carrefour en
fait un passage obligé des routes commerciales dès le
Moyen Âge, mais sa prospérité est surtout liée à l’industrialisation du XIXe siècle. L’industrie y demeure toujours forte
(Aventis, Opel) et le Main est une route fluviale transeuropéenne majeure (Rhin-Danube). Mais Francfort est d’abord
une métropole de services : banques, assurances, édition,
agences de publicité ont créé près de 600 000 emplois à
« Bankfurt ».
Doc. 2. Willy Betz est un exemple de firme allemande « transeuropéenne » dont le dynamisme, la fortune et le rayon-
nement reposent sur les élargissements successifs de l’UE,
notamment vers l’Europe de l’est, et sur le rôle éminent des
transports routiers dans l’économie et le commerce européens. Qui n’a jamais vu un de ses camions sur une autoroute ? C’est aussi l’exemple d’une adaptation opportuniste
de son organisation aux faiblesses juridiques de l’UE : la pratique du « dumping social », appliquée à l’emploi des chauffeurs routiers venus de l’est, enfreint la légalité à l’ouest mais
s’avère difficile à combattre.
Doc. 3. L’évolution du taux de chômage en Allemagne (c’està-dire son doublement) depuis quinze ans met au jour les
graves problèmes structurels du pays. Durant les années
1990, le marché du travail s’est dégradé, et le chômage
de longue durée s’est beaucoup aggravé. La faiblesse de
la croissance des années 1990 (plus de deux fois inférieure
à celle du Royaume-Uni pendant la même période) en est la
cause principale, avec les séquelles de la réunification (mise
à niveau de l’appareil productif de l’ex-RDA). On observe que
cet indicateur oppose nettement la Sunbelt aux nouveaux
Länder. Si la progression du chômage est générale, son
rythme et ses taux sont géographiquement bien distincts.
La reprise récente de la croissance atténue cependant ce
tableau dans la dernière période.
COURS 2
[p. 90-91]
UN ESPACE AUX DYNAMIQUES
COMPLEXES
Doc. 1. L’opposition quelque peu manichéenne entre une
Allemagne de l’ouest développée et des nouveaux Länder
en retard est commode et renvoie à des représentations
mentales fortes en France (cf. l’ex-rideau de fer). Elle est bien
sûr pertinente, mais elle manque de nuances et nuit à une
approche fine de l’espace allemand et de son organisation.
La littérature lui ajoute souvent un troisième élément, lui
aussi cher au cœur des Français, à savoir l’espace rhénan,
partie allemande de la dorsale (ou mégalopole) européenne.
Là encore, il convient d’y regarder d’un peu plus près. C’est
pourquoi est proposée ici une division de l’Allemagne en cinq
ensembles (voir colonne 2 de la légende) résultants de la
combinaison des phénomènes suivants : la structure spatiale fondée sur un réseau de type christallérien (base de la
structuration des espaces, y compris à l’est), la division des
compétences (donc des fonctions dominantes) entre des
métropoles spécialisées et relativement dispersées au sein
de la structure politique fédérale, l’inégalité de richesse et
de prospérité (est/ouest, mais aussi, à un degré moindre,
nord/sud), les dynamiques de distanciation (cf. Mecklembourg de plus en plus excentré) et de rapprochement (Saxe
et Sunbelt), le tout dans un espace européen ouvert (cf.
carte p. 87), qui est représenté ici à une plus grande échelle.
L’Allemagne – Chapitre 4 ●
27
Par-delà les conventions, c’est donc une organisation spatiale
complexe, originale et évolutive qui apparaît.
ESPACES VÉCUS
[p. 92-93]
UNE JEUNESSE À MARZAHN
1. Choix du sujet
La rubrique « espaces vécus » est l’occasion d’aborder
la réalité géographique sous l’angle de la perception des
espaces de vie par leurs habitants. C’est évidemment un peu
artificiel dans un manuel scolaire. Cependant, il a semblé
utile d’en profiter pour approcher « autrement » la géographie de l’Allemagne, à une grande échelle. On convient d’ordinaire que c’est un pays riche, mais sa capitale est sans doute
l’une des plus pauvres de l’Europe « occidentale ». Elle juxtapose des quartiers « branchés » et des grands ensembles
où vit une population socialement défavorisée. C’est vrai
aussi de Londres ou de Paris, mais Berlin est originale par les
effets de sa réunification. La jeunesse peu qualifiée de ses
grands ensembles (dont Marzahn-Hellersdorf est l’archétype, très étudié par les médias allemands) constitue un
grand problème social dont les caractères diffèrent pourtant
de ses équivalents dans les autres grandes villes d’Europe.
2. Réponses aux questions
Question 1. Ce district, situé en périphérie de l’ex-Berlin-Est,
fait partie des plus défavorisés socialement de la capitale,
alors que c’est aussi l’un des plus jeunes. Faible qualification
de la main-d’œuvre, faible taux de diplômés et chômage
supérieur à une moyenne berlinoise déjà parmi les plus élevées du pays, en sont les caractères dominants. S’y ajoutent
encore la promiscuité au niveau du logement (cf. la superficie
par habitant), la spectaculaire croissance du nombre d’assistés, et une forte dépopulation, alors que le quartier compte
un nombre négligeable d’immigrés. Ce profil social se trouve
particulièrement localisé dans la moitié nord du district qui
groupe près des ??? des habitants, le sud connaissant un
habitat individuel plus diffus pour une population socialement moins fragile.
Question 2. La répulsivité du district s’exprime d’abord par le
solde migratoire, puisqu’il perd encore plus de 1 % de ses
habitants tous les ans. Les Plattenbauten, construits par les
pouvoirs publics de l’ex-RDA sur le modèle de leurs homologues français, sous l’influence directe de l’école de Le
Corbusier, vieillissent très mal car ils ont été construits à
l’économie. De plus, ils sont localisés à proximité d’industries
polluantes qui, pourtant, offrent aujourd’hui peu d’emplois.
Cependant, des initiatives d’habitants du quartier se multiplient pour tenter de le faire vivre ou du moins d’en valoriser
28 ● Chapitre 4 – L’Allemagne
des points forts. L’Allemagne pratique depuis longtemps
cette forme de démocratie directe (Bürgerinitiative).
Question 3. L’absence de perspectives économiques et
sociales touche les populations les plus fragiles : ce sont
elles qui sont le plus fréquemment « assignées à résidence ». Le vote extrémiste, dit « protestataire », se produit
ici comme en France : c’est l’exutoire au manque d’avenir
plus qu’une affirmation idéologique. Celle-ci est d’ailleurs
peut-être plus réelle dans le vote en faveur de l’extrême
gauche (Die Linke) que de l’extrême droite (néo-nazis), car
« l’Ostalgie » (la nostalgie de l’époque de la RDA et de son
plein-emploi) est un sentiment récurrent à l’est.
Question 4. • Marzahn-Hellersdorf est un exemple très
représentatif des problèmes des grands ensembles dans
l’ex-RDA. Absents ou presque (Hambourg) du reste de l’Allemagne, on les trouve dans toutes les villes de l’est comme
héritage de l’urbanisme socialiste.
• Ces quartiers sont aujourd’hui répulsifs : ils se vident en
partie de leurs habitants, et ceux qui restent sont rarement
qualifiés, souvent assistés, victimes d’un chômage massif.
Beaucoup sont jeunes et les étrangers y sont très rares.
• Des sentiments contradictoires les traversent : le désespoir s’exprime certes politiquement par le vote protestataire,
stérile, mais la volonté de prise en main de leur destin par les
habitants est également forte, s’exprimant par le dynamisme
de la vie associative.
• S’ils ont des points communs avec nos grands ensembles,
les Plattenbauten s’en distinguent donc aussi très fortement.
Marzahn-Hellersdorf montre qu’à son échelle et malgré elle,
Berlin est un laboratoire spatial de la réunification.
CROQUIS
[p. 94-95]
L’ALLEMAGNE, UN CENTRE DE L’UE
1. Fiche méthode (« la pratique »)
Croquis 1. En interrelations étroites avec ses partenaires.
On appelle noyau dur de l’Europe les pays fondateurs de la
CEE auxquels on peut ajouter le Royaume-Uni. Ils sont les
pôles entre lesquels les relations économiques sont les plus
fortes. L’Allemagne est le 1er investisseur dans l’ensemble
des PECO. Elle en reçoit beaucoup de migrants, y compris les
Aussiedler, de souche allemande, venus de Russie.
Croquis 2. Le carrefour de l’espace européen.
Le schéma veut marquer la centralité de localisation qui
caractérise l’Allemagne en Europe, et lui donne un rôle de
pivot dans quatre directions. La réunification a recentré
l’Allemagne et élargi son rôle vers l’est.
Croquis 3. Deux Allemagne réunifiées.
La RFA et la RDA sont ici séparées par les pointillés qui symbolisent l’ex-rideau de fer. Berlin était elle-même coupée en deux.
Croquis 4. Une fédération de régions ouvertes aux coopérations transnationales.
L’Allemagne est une fédération de seize régions ou Länder
(singulier : Land). Ils ont une large autonomie et disposent
de moyens financiers étendus : ils sont maîtres de leur politique économique, de leur politique d’éducation... Le pouvoir
central, lui, se limite aux fonctions régaliennes. Exemples de
coopérations transnationales : La Grande Région (Sarlorlux),
l’eurorégion Pomerania (Allemagne du NE, Pologne du NordOuest, sud de la Suède).
Croquis 5. Le cœur de la dorsale européenne.
La dorsale (cf. Étienne Juillard, L’Europe rhénane, 1970),
ou mégalopole, s’étend de Manchester à la Toscane ; c’est
l’espace le plus peuplé, le plus urbanisé, le plus actif et le
plus riche de l’Europe. L’axe rhénan en constitue la partie
allemande.
Croquis 6. Les cinq Allemagne.
Voir colonne 2 de la légende de la carte de la page 91.
2. Croquis réalisé
Voir croquis réalisé sur www.editions-belin.com/geo1.asp
L’Allemagne – Chapitre 4 ●
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