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et Etat — sont à la base des réformes entreprises qui ont été acceptées
sans conflit social.
Pour mieux comprendre ce qui constitue la clé de la réussite des Pays-
Bas en matière de créations d’emplois massives, revenons quelques ins-
tants sur la situation économique et sociale hollandaise au début des
années quatre-vingt. Les Pays-Bas étaient alors en pleine crise. Petite
économie ouverte, elle a subi l’impact négatif sur l’activité des chocs
pétroliers et des pertes d’emplois industriels. L’arrivée sur le marché du
travail des femmes et des cohortes issues du baby boom a fait grimper le
taux de chômage jusqu’à 11,7 % en 1983.Le déficit public a atteint 5,8 %
du produit intérieur brut en 1983, jouant son rôle de stabilisateur auto-
matique : les dépenses publiques liées aux dispositifs de protection
sociale ont alors augmenté sensiblement.
C’est dans ce contexte de crise économique que l’accord de
Wassenaar conclu en 1982 est cité comme instrument essentiel de la
réussite néerlandaise. Deux objectifs sont visés : l’un concerne la stabilité
des prix ; l’autre s’intéresse au partage de l’emploi selon divers moyens
tels que la réduction du temps de travail, la création d’emplois nouveaux
et la lutte contre le chômage des jeunes, qui sont financés par le gel des
salaires. L’assouplissement des règles régissant le marché du travail inter-
vient au creux de la vague récessionniste de 1992 : l’intérim et le temps
partiel se développent, les journées de travail sont de durée inégale.
Deux questions essentielles se posent alors. Tout d’abord, quel est
l’effet de la réduction du temps de travail sur l’emploi ? Ensuite, com-
ment expliquer que l’orientation nouvelle prise par l’Etat — renforce-
ment des contrôles et accès limité aux régimes d’indemnisation du
chômage et d’invalidité — n’ait pas conduit à de fortes tensions sociales
et politiques ? On peut alors légitimement se demander si un affaiblisse-
ment aussi radical de l’Etat-providence a réellement eu lieu. Dans cet
article, nous apportons des éléments de réponse à ces questions en abor-
dant trois thèmes : la flexibilité du marché du travail ; l’impact de la
baisse des coûts salariaux sur la croissance économique ; les mesures de
la politique de l’emploi et, en particulier, le régime d’invalidité. Plus pré-
cisément, dans une première partie, nous analysons les réformes qui ont
conduit à un assouplissement du fonctionnement du marché du travail
aux Pays-Bas tout en insistant sur le fait que celles-ci s’accompagnent de
mesures mettant des limites à la flexibilité dans un objectif de cohésion
sociale. Dans une deuxième partie, nous analysons l’impact de l’abaisse-
ment des coûts salariaux sur la croissance de l’activité économique aux
Pays-Bas et sur la création d’emplois. Dans une troisième partie, nous
montrons comment les mesures de la politique de l’emploi permettent
de combattre le chômage des catégories les plus démunies — les chô-
meurs de longue durée, les jeunes et les personnes peu qualifiées — et,
en particulier, comment un régime d’invalidité très généreux permet
d’écarter du marché du travail 10 % de la population active.
98 Catherine Bruno et Valérie Chauvin