risque fiduciaire : FIDRISK Œstrogène et testostérone Guerre des sexes sur la prise de risques en finance Robert Pouliot L es bons vieux clichés attribuent l’agressivité financière au machisme mâle, mais la science vient de mettre à nu ce préjugé, attribuant cette responsabilité à des hormones stéroïdes comme l’œstrogène et la testostérone. Ces découvertes font partie de la finance comportementale, qui a justement pour objet de dévoiler comment hommes et femmes se comportent dans l’un des deux domaines où ils mentent le plus et qui constituent deux aspects intimes de leur être : l’argent et le sexe. Si la concentration de testostérone est plus élevée chez le mâle, est-il exact d’affirmer que les hommes sont plus agressifs que les femmes ? Faux, réplique la professeure en finance Paola Sapienzam, de la Kellogg School of Management à Chicago. Une recherche1 menée auprès de plus de 500 étudiants en MBA indique au contraire qu’à concentration égale de testostérone, femmes et hommes adoptent les mêmes comportements devant le risque. En octobre 2006, l’expérience a réuni les étudiants durant deux jours au cours desquels ils ont participé à des Cette chronique est la cinquième d’une série consacrée aux 25 principes directeurs préconisés par FidRisk, un programme communautaire de caisse de retraites, de fondations et de regroupements de conseillers, qui vise à promouvoir de meilleures pratiques fiduciales en gestion de portefeuille. Pour plus d’information : [email protected] www.conseiller.ca jeux de risque et de gageure financière. Des échantillons de salive ont été prélevés chez chacun d’eux avant et après le jeu. En général, les femmes ont moins tendance à prendre des risques lorsqu’il s’agit de décisions financières importantes; cette attitude de prudence peut d’ailleurs déterminer leur choix de carrière. Ainsi, seulement 36 % des femmes sondées s’orientent vers des carrières financières à hauts risques, comme les banques d’investissement ou les transactions boursières, contre 57 % des hommes. Profit et stéroïdes en bourse Cette étude suit de près deux autres recherches inspirées de la même corrélation entre la condition hormonale et le comportement face au risque. La première, réalisée en Angleterre en 2007, porte sur le degré de risque pris par des négociants en bourse et l’effet des hormones stéroïdes (testostérone)2. Le professeur John Coates, ancien négociant pour la Deutsche Bank à New York, curieux de déterminer le lien entre la testostérone et le succès des opérateurs boursiers et des risques qu’ils prennent, a voulu en avoir le cœur net. Après son retour à Cambridge, en Angleterre, il a choisi une société de taille moyenne comptant 260 négociants; il a pris pour cible quatre femmes, et choisi dix-sept hommes qui ont participé à l’étude en temps réel, pendant qu’ils passaient des ordres variant de 100 000 livres à 500 millions de livres, selon leur expérience et leur responsabilité. Ces opérateurs ont été suivis pendant huit jours conseiller 28 consécutifs : on prélevait un échantillon de leur salive deux fois par jour, à 10 h et 16 h, et on vérifiait leur performance. Résultats : le taux de testostérone était plus élevé lorsque le négociant réalisait un profit exceptionnel. En outre, plus le taux de testostérone était élevé le matin, plus le négociant réalisait de profit durant la journée. Des financiers, des psychologues et des anthropologues ont mené aux États-Unis une autre étude qui leur a permis de vérifier le lien entre les hormones et le faciès3. Pour la première fois, la recherche a mis en lumière la corrélation directe qui existe chez les hommes entre la prise de risque et le type facial d’une part, et la concentration de testostérone de l’autre. Une recherche sur les opérations de fusions et d’acquisitions (« M&A ») utilise l’âge comme substitut de la testostérone, selon l’hypothèse que plus on est jeune, plus la concentration de testostérone est élevée chez les mâles4. Ainsi, plus les dirigeants d’entreprise sont jeunes, plus le ratio d’échecs des transactions augmente, car les interlocuteurs ont davantage tendance à adopter un rapport de domination, et ils le démontrent en contestant un prix jugé trop faible ou trop élevé. Question de génétique ? Il en va de même chez les femmes, chez qui l’œstrogène joue un rôle similaire à la testostérone en matière de quête de pouvoir5. Les sociétés qui comptent une ou plusieurs femmes parmi les membres de leur conseil ont tendance à offrir Deux principes directeurs FidRisk en ressources humaines et en gestion de risque Gouvernance fiduciaire – risque structurel Principe G-6 Qualité des programmes d’attraction, de rétention et de motivation du personnel. Principe G-13 * Efficacité du processus de gestion du risque commercial et d’investissement. des taux plus élevés de dividende, à avoir un niveau d’endettement plus élevé, et elles sont engagées dans un nombre plus restreint d’opérations de fusion et d’acquisition. Selon le professeur Banerjee, de la Nanyang Technological University (NTU) à Singapour, il existe une corrélation directe6 entre la présence de femmes administratrices et le comportement financier des entreprises. Enfin, l’attitude de prise de risque serait génétiquement transmissible, selon une équipe de chercheurs suédois. Ces observations offrent un champ d’étude complètement nouveau tant en finance transactionnelle (pour la coordination de gestionnaires et de négocia- teurs, la coordination organisationnelle et le développement d’équipes) qu’en traitement de la clientèle (pour mieux comprendre les réactions particulières d’un investisseur). Mais ce n’est pas tout. Une recherche portant sur près de 30 000 jumeaux en Suède, et sur les données provenant de la réforme du financement de la retraite en 2000 indique qu’environ 25 % des comportements au moment de prendre des risques découlent de facteurs génétiques7. 3 4 5 6 7 Taking on a London Trading Floor, 2008 Testosterone and Financial Risk Preferences, 2008 Deal or No Deal : Hormones and the M&A Game, 2009 Relationships Between Implicit Power Motivation, Implicit Sexual Motivation, and Gonadal Steroid Hormones : Behavioral, Endocrine, and fMRI Investigations in Humans, 2008 Testosterone vs. Estrogen : Analysis of the Effects of the Women Board Members on Corporate Governance, 2008 Is Financial Risk-Taking Behavior Genetically Transmitted ?, 2008 1 Gender Differences in Financial Risk Aversion and Career Choices are Affected by Testosterone, 2009 2 Endogenous Steroids and Financial Risk novembre 2009 29 www.conseiller.ca