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Les bons vieux clichés attribuent
l’agressivité financière au
machisme mâle, mais la science
vient de mettre à nu ce préjugé, attri-
buant cette responsabilité à des hor-
mones stéroïdes comme l’œstrogène et
la testostérone. Ces découvertes font
partie de la finance comportementale,
qui a justement pour objet de dévoiler
comment hommes et femmes se com-
portent dans l’un des deux domaines
où ils mentent le plus et qui consti-
tuent deux aspects intimes de leur
être : l’argent et le sexe.
Si la concentration de testostérone
est plus élevée chez le mâle, est-il exact
d’affirmer que les hommes sont plus
agressifs que les femmes ? Faux, répli-
que la professeure en finance Paola
Sapienzam, de la Kellogg School of
Management à Chicago. Une recher-
che1 menée auprès de plus de 500 étu-
diants en MBA indique au contraire
qu’à concentration égale de testosté-
rone, femmes et hommes adoptent les
mêmes comportements devant le ris-
que. En octobre 2006, l’expérience a
réuni les étudiants durant deux jours au
cours desquels ils ont participé à des
jeux de risque et de gageure financière.
Des échantillons de salive ont été pré-
levés chez chacun d’eux avant et après
le jeu. En général, les femmes ont
moins tendance à prendre des risques
lorsqu’il s’agit de décisions financières
importantes; cette attitude de prudence
peut d’ailleurs déterminer leur choix
de carrière. Ainsi, seulement 36 % des
femmes sondées s’orientent vers des
carrières financières à hauts risques,
comme les banques d’investissement
ou les transactions boursières, contre
57 % des hommes.
PROFIT ET STÉROÏDES EN BOURSE
Cette étude suit de près deux autres
recherches inspirées de la même corré-
lation entre la condition hormonale et le
comportement face au risque. La pre-
mière, réalisée en Angleterre en 2007,
porte sur le degré de risque pris par des
négociants en bourse et l’effet des hor-
mones stéroïdes (testostérone)2. Le pro-
fesseur John Coates, ancien négociant
pour la Deutsche Bank à New York,
curieux de déterminer le lien entre la
testostérone et le succès des opérateurs
boursiers et des risques qu’ils prennent,
a voulu en avoir le cœur net. Après son
retour à Cambridge, en Angleterre, il a
choisi une société de taille moyenne
comptant 260 négociants; il a pris pour
cible quatre femmes, et choisi dix-sept
hommes qui ont participé à l’étude en
temps réel, pendant qu’ils passaient des
ordres variant de 100 000 livres à
500 millions de livres, selon leur expé-
rience et leur responsabilité. Ces opéra-
teurs ont été suivis pendant huit jours
consécutifs : on prélevait un échantillon
de leur salive deux fois par jour, à 10 h et
16 h, et on vérifiait leur performance.
Résultats : le taux de testostérone était
plus élevé lorsque le négociant réalisait
un profit exceptionnel. En outre, plus le
taux de testostérone était élevé le matin,
plus le négociant réalisait de profit
durant la journée.
Des financiers, des psychologues et
des anthropologues ont mené aux
États-Unis une autre étude qui leur a
permis de vérifier le lien entre les hor-
mones et le faciès3. Pour la première
fois, la recherche a mis en lumière la
corrélation directe qui existe chez les
hommes entre la prise de risque et le
type facial d’une part, et la concentra-
tion de testostérone de l’autre.
Une recherche sur les opérations
de fusions et d’acquisitions (« M&A »)
utilise l’âge comme substitut de la tes-
tostérone, selon l’hypothèse que plus
on est jeune, plus la concentration de
testostérone est élevée chez les mâles4.
Ainsi, plus les dirigeants d’entreprise
sont jeunes, plus le ratio d’échecs des
transactions augmente, car les interlo-
cuteurs ont davantage tendance à
adopter un rapport de domination, et
ils le démontrent en contestant un prix
jugé trop faible ou trop élevé.
QUESTION DE GÉNÉTIQUE ?
Il en va de même chez les femmes, chez
qui l’œstrogène joue un rôle similaire à
la testostérone en matière de quête de
pouvoir5. Les sociétés qui comptent une
ou plusieurs femmes parmi les mem-
bres de leur conseil ont tendance à offrir
Œstrogène et testostérone
Guerre des sexes sur la
prise de risques en finance
RISQUE FIDUCIAIRE : FIDRISK
robert Pouliot
CETTE CHRONIQUE est la cin-
quième d’une série consacrée aux
25 principes directeurs préconisés
par FidRisk, un programme com-
munautaire de caisse de retraites,
de fondations et de regroupements
de conseillers, qui vise à promouvoir
de meilleures pratiques fiduciales
en gestion de portefeuille.
POUR PLUS D’INFORMATION :
robert.pouliot@rcp-partners.com