Le théâtre

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Séquence
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Le théâtre
Étudier le texte théâtral
Cette séquence sur le théâtre se veut tournée vers la pratique du jeu théâtral. En effet,
si les élèves de 6e ont étudié le théâtre, c’est souvent dans la perspective d’identifier le
genre (les codes de mise en page, la parole comme moteur de l’action…). L’objectif est
de rappeler ici qu’un texte de théâtre est un texte à jouer avant que d’être un texte à lire.
Nous avons eu à cœur de faire découvrir une œuvre complète de Molière, auteur jugé parfois par certains collègues comme trop difficile aujourd’hui pour des élèves vite dépassés
par une langue ardue. Mais à travers le jeu, et une mise en place simple des enjeux de la
parole pour chaque personnage, le texte s’éclaire souvent. Nous proposons donc une
courte pièce de Molière, tirée de son répertoire de jeunesse, dont la brièveté n’empêche
pas de mettre en place les connaissances nécessaires à l’étude d’une œuvre complète
de théâtre : la construction de la pièce, le type de personnage, les ressorts du comique…
Enfin, nous avons voulu lier cette approche du théâtre à l’étude de la farce étudiée dans
la séquence rire au Moyen Âge.
Image d’ouverture
p. 165
1. Reconnaître les caractéristiques
du texte théâtral
◗ Le but est de faire émerger l’idée de l’artifice : au
théâtre, tout est faux, et se donne pour tel (ici faux
paysage, ombre artificiellement créée par les éclairages...), contrairement au cinéma qui cherche à
coller au réel. Le spectateur n’est pas dupe,
connaît cet artifice ; et pourtant, le rire, les larmes,
la peur, la compassion, la colère, bref l’émotion,
peuvent être au rendez-vous. De quoi parle donc le
théâtre, qui sonne juste et vrai malgré l’artifice ?
La disposition des personnages, qui visiblement
dialoguent alors qu’ils sont côte à côte, et qui
regardent droit devant eux, rappelle aussi un code
fondamental de l’écriture théâtrale : la prise en
compte du public (on étudiera en cours de séquence la double énonciation), partenaire constant de
tout jeu théâtral ; et les élèves que l’on mettra en
situation de jeu dans la séquence devront, par la
position des corps, la maîtrise de l’espace, le
regard, la voix, tenir compte de cette donnée.
Différencier répliques et didascalies
et identifier les destinataires
des répliques
p. 166-168
LECTURE
Pour commencer
1. En 5e, généralement, les élèves ne lisent pas
spontanément du théâtre, même si certains en ont
fait, dans des ateliers ou dans le cadre scolaire les
années précédentes. On fera donc déjà apparaître
l’idée que le théâtre est vécu comme un texte à
jouer plutôt qu’à lire, sans doute parce qu’il a été
conçu pour cela. Peut-être les élèves évoqueront-ils
des problèmes liés à la mise en page (et la question du destinataire est donc posée) ou au côté artificiel pour eux des enjeux entre les personnages.
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Un texte théâtral
2. On reconnaît un texte théâtral :
– aux mots « Acte », « Scène »,
– à la mise en page du dialogue (nom des personnages en majuscules précédant leurs interventions), différente d’un dialogue romanesque,
– à l’utilisation de différents types de caractère
– au fait que le texte est constitué uniquement du
dialogue des personnages.
3. Les éléments en italiques, ou « didascalies »,
indiquent ici qui est le destinataire des répliques
(« à Truffaldin », « à Pantalon »), sur quel ton elles
sont prononcées (« bas », « soupirant »), ou de quels
mouvements des acteurs elles s’accompagnent
(« prenant congé », « tous manifestent leur étonnement », « à part »). Elles sont destinées ici aux
acteurs qui incarnent ces personnages, et au metteur en scène qui doit régler la scène. On demandera aux élèves de jouer leurs propositions, ce qui
leur permettra de constater que :
– le théâtre est bien un monde d’artifice : un acteur
qui parle bas doit être entendu des spectateurs, et
donc forcément des acteurs qui l’entourent, même
si les personnages incarnés eux sont censés ne
pas entendre : comment alors placer la voix ?
– la mise en scène clarifie le texte : où placer les
acteurs – nombreux ici – pour que personne ne
tourne le dos au public, et que les différents destinataires des répliques de Truffaldin apparaissent
clairement au spectateur ? Comment signifier les
intentions des personnages par le corps (par exemple, celle de prendre congé) ? Comment gommer
les déplacements et les mouvements inutiles pour
que reste ce qui est lisible ?
Comprendre la situation
4. Les didascalies indiquent au lecteur qui sont les
personnages présents. Le spectateur voit les
acteurs sur le plateau et comprend aux paroles
échangées que Clarice est la fille de Pantalon, et
Sméraldine une domestique. Il a pu auparavant
identifier grâce à leur costume : le docteur, la
domestique et sa riche maîtresse.
5. Truffaldin est un valet. Il le dit lui-même à la ligne
23 (« je suis le serviteur de mon patron ») et on le
comprend à son utilisation de la désignation « seigneuries » (l. 1 et 19). Lignes 30-31, il affirme être
le valet de Federigo Rasponi, ex-fiancé de Clarice
que tous croyaient mort.
Pantalon lui demande son identité dès la ligne 3
(« Qui êtes-vous, l’ami ? »), repose la question ligne
13 (« Qui êtes-vous ? »), ligne 21 (« Voulez-vous dire
qui vous êtes ? »). Truffaldin y répond seulement
lignes 38-39 (« Je suis Truffaldin Batocchio »), pour
s’entendre répliquer « Peu m’importe de savoir qui
vous êtes » (l. 40) par celui-là même qui insistait
tant.
Ce double décalage produit un effet comique.
Décalage parce que Truffaldin fait dévier la conversation, changement d’attitude de Pantalon parce
que l’identité du maître est devenue plus importante que l’identité du valet, qui vaut donc par sa
fonction, non par sa personne : au comique vient
donc se superposer une certaine cruauté dans les
relations sociales.
6. Truffaldin donne la raison de sa visite à la
ligne 26 (« C’est un étranger qui voudrait vous faire
une visite »), puis aux lignes 30 à 33 : il vient
annoncer l’arrivée de son patron et demander à
Pantalon s’il est prêt à le recevoir. La nouvelle de la
présence d’un Federigo Rasponi, bien vivant et
désireux de voir sa fiancée, vient ruiner les projets
de mariage de Clarice et de Silvio. Pantalon, qui a
donné son accord au précédent mariage puis s’est
engagé pour celui de Clarice et Silvio, se retrouve
dans une situation délicate.
7. À l’annonce de cette arrivée prochaine, Pantalon
est étonné (« Tous manifestent leur étonnement »,
l. 35). Il prend ensuite les choses en main pour
demander des explications, en homme responsable (l. 37) ; mais il refuse ensuite de croire en une
réalité aussi dérangeante (« J’ai peur d’avoir mal
compris », l. 41 ; « vous n’êtes qu’un fou », l. 44).
Le personnage de Truffaldin
8. Truffaldin s’adresse-t-il à Sméraldine aux lignes 9
(« Et vous, qui êtes-vous ? »), 19, 24 (Ainsi donc,
pour en revenir à notre sujet... »), 27-28 (« À propos
de fiancés, nous parlerons »), 36 (« Revenons à
nous... »). Il est clair qu’il cherche à la séduire. Ce
jeu de la séduction pourrait se rendre par des
regards, des sourires, des poses avantageuses, des
tentatives pour se rapprocher, des clignements
d’yeux, un changement dans la voix, plus veloutée…
9. Truffaldin ne se montre pas vraiment respectueux envers Pantalon. Il adopte bien les codes du
valet en apparence (l’expression soumise « vos seigneuries », l’admiration du début), mais il ne
répond pas à sa question de la ligne 3. Il prend le
contrôle de la scène en posant lui-même les questions (lignes 4-5 et 9), refuse encore une fois de se
plier à l’interrogatoire de Pantalon (« Doucement,
doucement, pas de brutalités », l. 14) et joue sur
les mots quand il feint de lui obéir (« Je suis le serviteur de mon patron », l. 23). Il le traite avec
condescendance (« Le pauvre vieux ! », l. 42), le
néglige, alors qu’il est manifestement le maître
pour parler plutôt à la servante et prend lui-même
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à la fin la décision de se retirer (« Si vous permettez… », l. 59-60).
Une de ses répliques (« le pauvre vieux », l. 42) ne
s’adresse à aucun autre acteur, mais traduit les
pensées du personnage et s’adresse au public.
C’est un aparté.
Goldoni invente là un personnage de valet séducteur, sûr de lui, gouailleur et insolent. Aux élèves de
traduire physiquement la chose. On pourra leur
demander d’inventer la silhouette de ce Truffaldin,
de le faire bouger, s’arrêter, s’asseoir, s’adresser à
un partenaire…
10. Lignes 49-51, Truffaldin est stupéfait : il a quitté Federigo Rasponi quelques heures auparavant
bien vivant, et ne connaît pas cette histoire d’assassinat. Les autres n’ont plus eu de ses nouvelles depuis la lettre leur annonçant sa mort et mettant fin au projet de son mariage avec Clarice.
Truffaldin croit qu’on lui annonce que son maître
est mort entre le moment où il lui a donné l’ordre
d’annoncer sa visite et sa conversation avec
Pantalon. On peut parler ici de quiproquo. Sa
réplique des lignes 49-53 est au début un aparté,
puis ensuite il s’adresse à Pantalon : c’est bien
parce que Panatalon n’entend pas toute la réplique
que le quiproquo peut continuer.
Pour conclure
11. Cet extrait montre bien que le texte théâtral
est constitué de répliques et de didascalies, que le
seul échange des répliques fait progresser l’histoire et construit les personnages. Il montre aussi
qu’il existe des conventions de l’écriture théâtrale
(mise en page, apartés), que tout – texte, jeu,
décor, costumes – est fait pour rendre les choses
claires pour le public, destinataire de toute
réplique.
12. Voir jouer une scène plutôt que la lire permet
de comprendre aussitôt le caractère d’un personnage (l’insolence de Truffaldin) et ses intentions
(séduire Sméraldine). C’est souvent le seul moyen
aussi de percevoir le comique de la scène.
2. Rire au théâtre
Le comique de mots
et le comique de situation
p. 169-170
LECTURE
Pour commencer
1. On laissera les élèves raconter le plus précisément possible une scène de film, de téléfilm ou de
série télévisée comique à leurs yeux. On fera émerger alors le comique de caractère, de situation, de
répétition, de mots... présent(s) dans leur choix
La situation
2. Tandis que les Gantémouflon dorment, quelqu’un s’est introduit chez eux. Le bruit les réveille
comme l’indiquent les didascalies : « Soudain le
silence qui entoure le sommeil des époux est brisé
par un bruit de pas inquiétant qui semble venir de
derrière la porte de la chambre (qui n’est autre que
la porte d’entrée puisqu’elle sépare ladite chambre
du palier) ». Dans une telle situation, on s’attendrait
que les personnages se lèvent pour aller voir, ou
menacent l’individu, ou appellent la police au téléphone… Or, ils parlent…
3. Le désaccord entre les personnages porte sur le
choix du mot juste pour qualifier ce bruit de pas. La
discussion se clôt par le refus de Georges de prendre en compte les commentaires de sa femme.
Puis il se rendort…
4. Ce décalage entre les événements et les réactions des personnages crée un effet comique lié à
l’absurde de la situation.
Le jeu sur les mots
5. Les Gantémouflon travaillent le cuir (l. 26 à 35) :
leur nom rappelle gants et moufles, objets de
peausserie, mais aussi mouflon, mammifère
proche du bouquetin.
6. On relèvera les didascalies qui évoquent le réveil
progressif de Georges : « dans un demi-sommeil »
(l. 2), « dans un tiers de sommeil » (l. 4), « dans une
miette de sommeil » (l. 6) et on demandera aux élèves de jouer leurs propositions.
7. Pour évoquer le bruit des pas, Marie-Gisèle utilise les verbes « couiner », « crisser », « recouiner »
(l. 13), « crouiner » (l. 19). « Recouiner » est une
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invention verbale transparente avec le préfixe indiquant la répétition, « crouiner » procède d’un
mélange plus inventif (couiner-crier ?) que Georges
semble considérer comme normal puisqu’il le reprend à son compte : le dérèglement langagier est
partagé par les deux personnages.
8. Dans sa dernière réplique, Georges utilise :
– des énumérations : « escarpins, mocassins, bottes et souliers à semelles double piqûre » (l. 27),
« une chaussure qui plisse, qui coince, qui craque
ou qui bâille, une pantoufle qui souffle ou une espadrille qui braille » (l. 31-33)
– des exagérations : « depuis Louis X le Hutin »
(l. 28), « reconnaître à cent mètres, les yeux bandés et par mauvais temps » (l. 30-31).
Ces énumérations et exagérations révèlent un personnage suffisant, prétentieux, sûr de lui.
Pour conclure
9. Dans cet extrait, l’auteur utilise du comique de
situation, en proposant pour ses personnages une
réaction absurde, et du comique de mots, en jouant
sur le nom des personnages, en procédant à des
inventions verbales, en boursouflant le langage
d’exagérations et d’énumérations, en personnifiant
les chaussures (« un pas qui a quelque chose derrière la tête », l. 34-35). On peut aussi parler de
comique de caractère, avec la suffisance dangereuse de Georges. On laissera les élèves creuser la
veine du ridicule dans les choix des silhouettes
(faux gros ventre pour Georges…), des costumes
(bonnet de nuit…), des accessoires (boules Quies
que Georges enlèverait...)
Le comique de caractère
p. 171-172
4. Père Ubu condamne les Nobles à chaque fois
après s’être assuré de l’ampleur de leurs possessions, c’est donc un homme intéressé.
5. Ce goût obsessionnel de la possession se traduit dans les majuscules « MA », « MES » (l. 36-37).
Utilisation correcte de l’adjectif possessif pour
« MES biens », mais on attendrait plutôt « la liste » :
c’est un personnage presque enfantin qui apparaît
ici, un enfant gâté au pouvoir inquiétant car illimité.
Pour conclure
6. Le comique est lié ici à l’outrance même du personnage, l’exagération de sa cruauté. Ce comique
de caractère est renforcé par un comique de mots
(inventions verbales qu’on fera relever, contraste
entre le langage et la fonction).
3. Une farce de Molière
On peut étudier cette pièce au fil du texte. Pour le
travail que nous proposons ici, nous avons choisi
de privilégier trois axes de lecture (la construction
de l’histoire, le personnage de Sganarelle, la farce)
à partir de scènes précises. Au préalable, on pourra demander aux élèves de lire l’ensemble de la
pièce, téléchargeable sur le site Magnard
(www.magnard.fr/lemedecinvolant), ou, au contraire, faire de cette lecture complète l’aboutissement
de cette étude, pour dépasser une vision trop morcelée du texte.
Comprendre la progression
de l’intrigue / La construction
de l’histoire
p. 181
LECTURE
Cette fiche porte uniquement sur les scènes 1, 10,
15 et 16
1. Père Ubu est investi de l’autorité :
– lignes 2 et 5, il utilise le futur (proche et simple),
signe que sa volonté ne peut que se réaliser
– ligne 4, il utilise l’impératif (« amenez », « passezmoi »)
– ligne 7, il questionne et on lui répond.
2. Ubu interroge cinq nobles et les condamne tous
à passer à la trappe. Ubu les condamne à être jetés
dans un trou tellement plein que les nobles sont
empilés. Il répète « dans la trappe » (l. 17-18, 23,
28, 33, 47) et cette répétition, prévisible, fait rire.
3. Cette attitude témoigne de la cruauté du Père Ubu.
Scène 1
1. Cette première scène met en place les personnages et leurs liens :
– Sabine, à qui Valère vient se confier.
– La cousine de Sabine, Lucile, dont Valère est
secrètement amoureux.
– L’oncle de Sabine et père de Lucile, Gorgibus qui
a prévu pour sa fille un autre mariage, avec un certain Villebrequin.
– Le valet de Valère, Sganarelle.
On pourra proposer aux élèves d’analyser le nom
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des personnages, puisqu’il s’agit bien de personnages types, présents dans tout le théâtre de
Molière : Lucile, ou Lucie, la lumineuse (du latin
lux), objet de l’amour, personnage type de jeune
fille. Valère (du latin valere, être en bonne santé),
jeune homme éclatant. Villebrequin, nom d’outil,
qui n’apparaît pas dans la pièce mais sert seulement à la construction de l’histoire, comme un
outil. Sganarelle, nom de valet de comédie.
À partir des sonorités du nom Gorgibus, on fera travailler les élèves, en y associant des silhouettes
possibles.
2. Cette première scène dévoile une histoire qui
commence en pleine crise : Valère est amoureux,
Lucile l’aime en retour, mais le père de Lucile a
prévu pour sa fille un autre mariage sans tenir
compte de ses sentiments, et la date de ce mariage approche. Même si les élèves sont gênés par la
langue, on pourra leur demander de relever le
champ lexical de l’amour : « épouse » (l. 3),
« mariés » (l. 4), « aimé » (l. 5), « amour » (l. 5),
« mariage » (l. 8), « épouser » (l. 14-15).
3. Il va s’agir dans toute la pièce de résoudre le
problème découvert dans la scène 1. Sabine a imaginé un plan, qui repose sur le mensonge et le
déguisement. Lucile fait semblant d’être malade, et
un complice imite un médecin qui ordonnera un
séjour à la campagne, loin de la surveillance paternelle, permettant ainsi un mariage secret. Le valet
apparaît dès cette scène comme celui qui devra
résoudre les problèmes du maître.
4. Cette scène nous révèle le caractère de
Gorgibus, le père, dont Sabine évoque « l’avarice »
(l. 6-7) (on rappellera le principe de la dot, au centre de la question du mariage au XVIIe) mais aussi la
naïveté, voire la bêtise (« le bon vieillard, qui est
assez crédule », l. 9 ; « Il n’y a rien de si facile à
duper que le bonhomme », l. 20). Ce dernier détail
est d’importance, l’homme sera donc facile à tromper.
5. Cette première scène apporte donc beaucoup
d’informations, mais certaines sont déjà connues
de Valère: le projet de mariage décidé par Gorgibus,
les confidences de Lucile à Sabine. Par contre,
Sabine dévoile ici à Valère, le stratagème de la fausse maladie, le projet du médecin complice.
On voit bien que cette première scène sert à mettre en place le cadre de l’histoire pour que le spectateur-lecteur la comprenne, et que c’est à lui qu’étaient destinées les premières informations. On a
donc défini, grâce aux questions 1 à 5, la notion de
scène d’exposition.
6. Tous en scène ! Valère est un amoureux malheureux qui attend de Sabine des nouvelles de la
femme aimée. On l’imagine dans un grand état de
tension, d’énervement. Le but est d’amener les élèves à réfléchir à ce que l’acteur dit au-delà des
mots, par son attitude physique et ses déplacements : l’affolement de Valère, ça peut être un
acteur qui marche de long en large, ou au contraire
qui se retrouve enfermé comme un lion en cage... Il
peut aussi être immobile puisqu’il se sent paralysé
et sans idée, il peut tourner autour de Sabine...
On pourra également proposer aux élèves de comparer deux façons de commencer, selon que c’est
Sabine qui rejoint Valère ou l’inverse : à quoi l’acteur
qui attend l’autre peut-il occuper son personnage ?
Scène 10
7. La scène 1 nous a appris que c’était Sganarelle,
le valet, qui était chargé de résoudre le problème
de Valère. La première réplique de Sganarelle
(« Merveille sur merveille », l. 1) indique qu’il a bien
réussi. On demandera donc aux élèves comment
faire croire qu’on est médecin : quels gestes, quelles paroles, quel costume ont pu permettre d’en
convaincre Gorgibus ?
8. Grammaire Cette belle satisfaction prend fin
brutalement et laisse place à l’affolement, comme
l’indique l’exclamation « Ah ! ma foi, tout est
perdu » (l. 9-10). La didascalie indique qu’il a aperçu Gorgibus : on peut en conclure que Gorgibus l’a
aperçu aussi alors qu’il ne porte plus son déguisement de médecin.
9. Sganarelle doit donc endormir la méfiance de
Gorgibus et inventer une explication à son allure
ordinaire.
10. Sganarelle s’adresse au public dans la dernière réplique, les élèves auront reconnu un aparté.
Cet aparté annonce une nouvelle piste pour l’histoire, on avancera le mot de rebondissement.
11. Tous en scène ! On travaille ici sur les couleurs
différentes que peut prendre une silhouette selon
le sentiment dominant du personnage. On pourra
demander aux élèves, d’exprimer, tout en marchant, par la silhouette, le doute, le bonheur, la
colère, la haine, la peur…
Scènes 15 et dernière
12. L’histoire se termine bien pour chacun des personnages : même si le mensonge de Sganarelle
est découvert, Gorgibus pardonne à tous ceux qui
l’ont trompé et autorise le mariage de Valère et
Lucile, « ayant un si brave gendre » (l. 42).
13. Un tel changement d’attitude paraît étonnant,
tout comme il est étonnant qu’il ne s’irrite pas
d’avoir été dupé. On voit bien ici que Molière ne
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s’embarrasse pas de vraisemblance et de logique :
l’essentiel est que l’histoire se termine bien. On
pourra énumérer les moyens qu’il utilise dans
d’autres pièces pour parvenir à ce dénouement
heureux (le médaillon, l’enfant volé et retrouvé…)
et on définira les caractéristiques de la comédie.
14. Sganarelle, pour sauver le bonheur de son maître, a couru des risques : scène 15, ligne 32, il est
question de le pendre. La vie du valet est de peu
de poids à côté du bonheur des maîtres, on rappellera qu’il en va ainsi aussi dans les Fourberies
de Scapin, par exemple. C’est son intelligence qui
le sauve, et son éloquence, puisqu’il convainc
Gorgibus de ne pas insister au risque de se ridiculiser (voir Scapin, utilisant le même procédé pour
obtenir le pardon de Géronte dans la scène finale
des Fourberies de Scapin).
15. Tous en scène ! L’objectif est de faire réfléchir
les élèves à l’équilibre du plateau et au choix de la
distance avec le public. La question se pose particulièrement dans une scène où tous les personnages sont présents et où il faut éviter la confusion.
Analyser un personnage de théâtre /
Un personnage, Sganarelle
p. 182
Cette fiche porte uniquement sur les scènes 1 à 5.
Scènes 1 et 2
1. Sganarelle est le valet de Valère, on l’append
dans la première scène : « si vous faisiez habiller
votre valet en médecin ? » (l. 19). Quand il s’adresse à lui, Valère l’appelle par son prénom
(« Mon pauvre Sganarelle », l. 1) et le tutoie (« que
j’ai de joie de te voir », l. 1), tandis que Sganarelle
l’appelle « Monsieur » (l. 4) et le vouvoie
(« employez-moi », l. 4).
2. Valère considère Sganarelle comme un imbécile :
« C’est un lourdaud, qui gâtera tout » (l. 21). Il a du
mépris pour lui, en raison de son rang de valet (« ce
maroufle », l. 22).
3. Dans sa première réplique, Sganarelle semble
confirmer le jugement négatif de son maître : ses
compétences semblent singulièrement limitées et ne
reposent nullement sur l’intelligence : « voir quelle
heure il est à une horloge, voir combien le beurre
vaut au marché, abreuver un cheval » (l. 6-7).
4. Sganarelle commence par refuser (« je suis
assez votre serviteur pour n’en rien faire du tout »,
l. 11-12), la tâche lui semblant trop difficile (« et par
quel bout m’y prendre, bon Dieu ? », l. 12). Il accepte finalement la proposition de Valère (« Laissezmoi faire [...] je vous réponds de tout », l. 30-31)
quand celui-ci lui propose de l’argent (« je te donnerai dix pistoles », l. 14). C’est donc un homme
intéressé. Il n’y a pas entre le maître et le valet
affection et désir d’entraide ; au mépris de Valère
répond l’indifférence de Sganarelle.
Scènes 4 et 5
6. Sganarelle parvient bien à faire croire à Gorgibus
qu’il est médecin : celui-ci le désigne par son titre
(« Très humble serviteur à Monsieur le médecin ! »,
sc. 4, l. 9), acquiesce à ses propos absurdes
(« J’en suis fort ravi », sc. 4, l. 16). Il obéit aussi à
ses ordres (« Oui-da ; Sabine, vite, allez quérir de
l’urine de ma fille », sc. 4, l. 27 ; « Vite, une table,
du papier, de l’encre », sc. 5, l. 14 ; « si vous le
trouvez à propos, je l’y ferai loger », sc. 5, l. 21) et
lui demande conseil (« Monsieur le médecin, j’ai
grand’peur qu’elle ne meure », sc. 4, l. 28).
Pour construire son personnage de médecin,
Sganarelle utilise le champ lexical de la médecine
(voir fiche 3, question 6).
On rappellera qu’au XVIIe siècle les connaissances
des médecins français n’ont guère évolué depuis
l’Antiquité, puisque les références absolues sont
Hippocrate (460-377 avant notre ère) et Galien
(131-201 avant notre ère), qui pense que la maladie est un dérèglement des humeurs. À la même
époque, le médecin anglais Harvey découvre les
principes de la circulation du sang, traités par le
mépris par les médecins français qui continuent de
tuer leurs patients par ignorance.
On expliquera également le terme « humeur » (sc.
5, l. 8) : selon les théories médicales de l’époque,
le corps humain contient quatre humeurs fondamentales (liquides sécrétés par certains organes) :
le sang, le flegme, la bile jaune, la bile noire. La
santé depend de leur équilibre.
Pour faire croire à son statut de médecin,
Sganarelle utilise d’autres outils : il veut ausculter
sa malade (« Mais encore, voyons un peu », l. 21),
feint de connaître le latin (l’enseignement de la
médecine se fait en latin au XVIIe), se montre prétentieux (« je suis le plus grand, le plus habile, le
plus docte médecin », l. 15 ; « Tous les autres
médecins ne sont, à mon égard, que des avortons
de médecine », l. 18-19 ; « moi, qui suis un médecin hors du commun », l. 35-36). Il parle aussi d’un
ton péremptoire (« Il n’importe », l. 23 : « Ah ! qu’elle s’en garde bien ! » (l. 29) ; « Faites-la pisser
copieusement », l. 40), observe et interprète les
symptômes, pour en conclure son diagnostic
(« Sentez-vous de grandes douleurs à la tête, aux
reins ? », sc. 5, l. 4).
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Des photos de la mise en scène de Dario Fo, les
élèves pourront déduire qu’il porte aussi le costume du médecin du XVIIe siècle. Le déguisement a
donc ici une fonction dramatique, puisqu’il fait
avancer l’action.
7. Grammaire Scène 5, lignes 6-13, Sganarelle utilise principalement des phrases complexes. Il fait
preuve ainsi d’une maîtrise du langage qu’on n’attendait pas du « lourdaud » décrit par Valère.
8. Dans ces scènes, Sganarelle se montre intelligent et adroit : il amène Gorgibus à la conclusion
souhaitée : « Nous avons un fort beau jardin, et
quelques chambres qui y répondent ; si vous le
trouvez à propos, je l’y ferai loger. » (sc. 5, l. 20-21).
9. Gorgibus et Lucile s’adressent à Sganarelle avec
beaucoup de déférence : ils le vouvoient, l’appellent
« Monsieur ». C’est pour Sganarelle une revanche
sociale, à laquelle la tromperie lui permet d’accéder.
10. Tous en scène ! Sganarelle cherche à impressionner son auditoire, à masquer son ignorance
derrière des formules ronflantes.
Pour conclure
11. Le personnage principal de cette pièce est
bien Sganarelle, valet, socialement inférieur, méprisé de tous, qui trouve dans la ruse l’occasion de se
faire une place, et de voir ses talents reconnus.
Ces scènes le confirment bien, puisque c’est lui qui
fait progresser l’action en obtenant de Gorgibus
qu’il envoie sa fille à la campagne. C’est lui qui
parle le plus, c’est de lui que les autres dépendent.
On précisera aux élèves que Molière a fréquemment utilisé un personnage nommé Sganarelle
dans ses pièces, et que c’est Molière lui-même qui
jouait ce rôle (ce qui confirme donc son statut de
personnage principal). On le rencontre dans
Sganarelle ou le Cocu Imaginaire, L’École des maris,
Le Mariage Forcé, Don Juan, L’Amour médecin, Le
Médecin malgré lui. Mais son statut social change
d’une pièce à l’autre : bon bourgeois souvent naïf
et simpliste ou valet. Mais pas un valet subtil
comme Scapin…
Reconnaître les procédés comiques
de farce / Une farce
p. 183
Le titre de la pièce
1. Cette question permettra de vérifier que l’histoire est bien comprise, avec un titre en conformité
avec l’intrigue : « Tout est bien qui finit bien », « Un
habile valet », « Le triomphe de l’amour »…
2. Le médecin est un personnage respecté, détenteur du savoir, lié à la maladie et donc à la mort. À
l’époque de Molière, son vêtement renforce cette
image, car être médecin c’est en porter les signes :
longue robe noire et collerette blanche, haut
chapeau à boucle, il est un personnage sombre et
imposant.
3. Dans les scènes 14 et 15, Sganarelle se comporte en acrobate, lui qui sort et rentre en sautant
par la fenêtre.
4. Ainsi donc, ce médecin volant, c’est Sganarelle
l’acrobate, qui met à mal la dignité du médecin, en
en faisant un personnage de cirque. Le déguisement a alors une fonction satirique, puisqu’il permet
de tourner en ridicule la profession de médecin.
On pourra alors évoquer la dimension critique de la
pièce, et rappeler que Molière a parlé des médecins toute sa vie, les ridiculisant pour lutter contre
l’obscurantisme de ce siècle, où l’on ne sait que
purger et saigner, ce dont le malade ne se remet
généralement pas.
Des mots en délire (scènes 4 et 5)
5. C’est Sganarelle-médecin qui parle le plus, pour
impressionner Gorgibus, le noyer sous un flot de
mots et masquer son ignorance.
6. Vocabulaire Pour créer cette personnalité de
médecin, Sganarelle utilise des mots appartenant
au champ lexical de la médecine : « Hippocrate »
(l. 12), « Galien » (l. 12), « malade » (l. 13), « médecin » (l. 15…), « cœur » (l. 20), « sang » (l. 23),
« altération » (l. 24), « maladie » (l. 25), « urine »
(l. 25), « egrotante » (l. 26), « ordonnance » (l. 30),
« inflammation » (l. 31), « intestins » (l. 31)…
7. Sganarelle se sert du latin, langue de l’enseignement de la médecine ; seulement, Per omnia
saecula saeculorum est un extrait de prière et non
une formule de médecine. Il mêle également l’arabe (salamec, la paix soit avec vous), l’italien (signor
si, oui monsieur), l’espagnol (Segnor, no, non monsieur). Visiblement, ce sont des bribes de phrases
entendues par le valet sans qu’il les comprenne, et
que le médecin utilise comme un écran de fumée,
sans que Gorgibus se rende compte de rien. C’est
donc bien le langage de la médecine qui est en
cause ici, langage vidé de sens, incompréhensible
pour celui qui l’entend mais aussi parfois pour celui
qui l’utilise : le médecin est un charlatan, son discours des formules incantatoires.
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8. Dans certains passages, le langage se dérègle
sans que personne s’en aperçoive :
– soit parce que ce sont des évidences : « Une personne ne se porte pas bien quand elle est
malade » (sc. 4, l. 12-13), « Tant pis, c’est une
marque que vous ne vous portez pas bien » (sc. 5,
l. 3), « il n’est rien de plus contraire à la santé que
la maladie » (l. 10-11)
– soit parce que ce sont des aberrations scientifiques : « le sang du père et de la fille ne sont qu’une même chose ; et par l’altération de celui du
père, je puis connaître la maladie de la fille » (sc. 4,
l. 23-25)
– soit parce que les mots n’ont plus aucun sens :
« le plus docte médecin qui soit dans la faculté
végétale, sensitive et minérale » (sc. 4, l. 15).
Des corps très présents (sc. 4)
9. Cette question vise à faire comprendre que le
jeu sert à clarifier le texte de théâtre, qui fonctionne comme un « texte à trou ». Si Sabine dit à
Sganarelle « Hé ! ce n’est pas lui qui est malade,
c’est sa fille » (l. 22), c’est bien parce qu’il a commencé à l’examiner. On pourra demander aux
élèves de proposer des jeux de scène pour cette
première « auscultation ». Sganarelle se justifie en
avançant de pseudos théories médicales, dont les
élèves pourront souligner l’absurdité manifeste.
Gorgibus, lui, le croit, puisqu’il ne proteste pas et
ne remet pas Sganarelle en cause à ce moment-là.
C’est la bêtise de Gorgibus qui est ainsi soulignée,
mais aussi la crédulité de tous les patients qui se
fient aux discours des médecins, même quand ce
sont des charlatans.
10. Sganarelle insiste lourdement sur l’idée d’uriner, à travers le mot « pisser » (six occurences des
lignes 38 à 44), terme familier, en décalage avec
l’image du médecin. L’insistance sur des fonctions
« honteuses » du corps crée un effet comique.
11. Dans sa mise en scène de la pièce pour la
Comédie-Française, Dario Fo faisait apparaître
Sabine remplissant de vin blanc un pot de chambre.
Cela correspond au moment où Gorgibus ordonne à
Sabine d’aller chercher de l’urine de sa fille pour
satisfaire la requête du médecin. Si Sganarelle
déclare « elle n’est pas tant mauvaise, pourtant »
(sc. 4 ; l. 31-32), c’est qu’il l’a goûtée. On demandera aux élèves de réagir, mais on leur signalera
qu’au XVIIe, pour connaître l’état des humeurs, il fallait examiner, humer, voire goûter les excréments et
l’urine du malade. Sganarelle semble, lui, prendre
goût à la chose, c’est donc qu’il ne s’agit pas
d’urine !
Une histoire qui s’emballe (sc. 14 et 15)
12. Sganarelle est « attrapé ce coup-là » (sc. 14,
l. 10) puisque Gorgibus exige que Narcisse et son
frère le médecin s’embrassent en sa présence,
alors que c’est Sganarelle qui usurpe ces deux
identités. Comme Gorgibus est parti à la recherche
de Sganarelle-médecin en enfermant à clé chez lui
Sganarelle-Narcisse, Sganarelle est donc dans
l’embarras.
13. Sganarelle contourne le problème en sautant
par la fenêtre, en s’échappant pour aller à la rencontre de Gorgibus, une fois son déguisement de
médecin enfilé.
14. La tromperie est de plus en plus élaborée
puisque Sganarelle joue les deux rôles par la fenêtre alternativement, en changeant de voix et de
costume en quelques secondes.
15. Si depuis la scène 4, on pouvait parler de théâtre dans le théâtre, puisqu’un personnage s’y
déguisait en un autre personnage, le dispositif de
la scène 15 renforce cette notion : mensonge et
illusion, changement de costume, et fenêtre qui
cadre l’action comme une scène de théâtre pour le
spectateur Gorgibus.
Pour conclure
17. Dans les scènes 4, 14 et 15, Molière utilise du
comique de mots (scène 4), du comique de situation (un maître trompé par son valet, un idiot se
révélant plutôt malin, un piège se retournant contre
son inventeur) et du comique de caractère (la naïveté de Gorgibus, annoncée dès la scène 1). Les
acteurs peuvent accentuer ce comique, en prenant
le public à partie, en accentuant la suffisance du
faux médecin, en proposant un rythme très rapide
pour les « passages de rôle » de Sganarelle, en
mimant la dispute, en imaginant un dispositif pour
rendre crédible la bagarre entre deux personnes…
en jouant sur l’excès, qui fait partie de l’univers de
la farce.
VOCABULAIRE
Des mots pour parler des personnages
p. 184
Il nous a semblé que les élèves avaient des difficultés à parler des personnages par manque de
vocabulaire plus que par difficulté de compréhension des textes. Ces exercices cherchent donc à
mettre à leur disposition une palette de mots utiles
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dans l’analyse d’un personnage, de théâtre comme
de roman, avec cette spécificité du théâtre que
l’élève doit déduire du seul dialogue cette analyse.
ORTHOGRAPHE
-é, -er, -ait, -ez ?
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1. ◗ À travers cet enchaînement de phrases interrogatives, les élèves reconnaîtront un indécis. On
peut leur proposer d’aller plus loin et de parler
d’immaturité, voire de bêtise.
◗ Il s’agit de montrer aux élèves qu’ils peuvent
comprendre l’essentiel d’une réplique même si le
détail du vocabulaire ou la construction des phrases leur pose problème. À partir de « peu de
choses qui me soient impossibles », « un génie
assez beau », « on n’a guère vu d’homme qui fût
plus habile ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait
acquis plus de gloire que moi », les élèves construiront l’image d’un vantard. On leur rappellera
qu’il s’agit de déduire des paroles et du comportement, et non de croire ce que chacun dit de luimême ou des autres, puisque ce même Scapin dit :
« et je puis dire sans vanité », alors que le reste de
ses propos prouve cette même vanité.
◗ Il est clair que c’est une amoureuse qui parle
(« les tendres sentiments que vous pouvez avoir
pour moi »), et une amoureuse qui s’adresse à
celui qu’elle aime. Or, elle n’est pas dans la lamentation ni l’exaltation, mais dans l’analyse : « Je ne
doute point que vos paroles ne soient sincères »,
« je crains un pouvoir qui combattra dans votre
cœur... » On peut donc la définir comme lucide.
◗ À travers les paroles de Scapin, on découvre un
homme malhonnête, mais aussi intelligent et doué
pour la « mise en scène ».
2. b. Gorgibus se dit « ravi », et donc croit
Sganarelle. Or celui-ci vient de proférer une énormité : « une personne ne se porte pas bien quand
elle est malade » et une absurdité « le plus docte
médecin de la faculté végétale, sensitive et minérale ». Il est donc crédule (= naïf) et sot.
c. Quant à Sganarelle, il enchaîne des phrases
complexes, utilise des références à deux médecins, des accumulations : il parle donc avec éloquence (= verve, adresse) et aplomb.
1. a. et b. On rencontre des :
-é (1. confié – 5. parlé) participes qu’on peut remplacer par « pris » (« ma cousine m’a pris... », « pour
vous dire que j’ai pris... »)
-er (3. parler – 4. chercher), infinitifs qu’on peut
remplacer par « prendre » (« il lui faudra prendre... »,
« allez-vite prendre »)
-ez (2. Employez-moi – 2. envoyez-moi), impératifs
qui donnent des ordres.
2. Valère désirait épouser Lucile, la fille de
Gorgibus. Mais celui-ci avait prévu de la marier à
Villebrequin, un riche vieillard, sans se préoccuper
des sentiments de sa fille. Sabine et Valère
cherchèrent donc à imaginer un plan pour duper
Gorgibus. Comme la science des médecins impressionnait facilement ce père naïf, le valet
Sganarelle, une fois déguisé en médecin, put le
persuader d’envoyer sa fille à la campagne, où
Valère pouvait la rencontrer, l’enlever et l’épouser
plus facilement qu’en ville. L’amoureux espérait
que ce plan fonctionnerait.
3. 1. On me l’a indiqué par bonheur. – 2. Il ne faut
pas qu’elle s’avise de se laisser mourir sans l’ordonnance de la médecine. – 3. Je l’y ferai loger. –
4. Je me suis introduit chez lui et lui ai conseillé de
faire prendre l’air à sa fille.
4. 1. Hé, Monsieur, vous voulez désespérer ce pauvre garçon ? – 2. Mais voyez l’impudence de ce
coquin-là, de vous aller trouver pour faire son
accord. Je vous prie de ne m’en pas parler – 3. Ma
foi, vous parlez fort à votre aise.
5. 1. Je vous serai bien obligé, monsieur Gorgibus.
– 2. J’ai parlé à votre frère. Il m’a assuré qu’il vous
pardonnait.
3. 1er groupe : 1. lâche – 12. poltron – 16. peureux
2e groupe : 2. réfléchi – 11. logique
3e groupe : 3. impulsif – 8. violent – 14. passionné
4e groupe : 4. coléreux – 18. emporté
5e groupe : 5. attentif – 17. compréhensif
6e groupe : 6. bon – 9. gentil
7e groupe : 7. tranquille – 13. calme
8e groupe : 10. irrespectueux – 15. insolent
PARCOURS D’ORAL
Mettre en scène
p. 186-187
1 • Donner vie au personnage
Ce parcours propose des exercices de théâtre qui
permettent peu à peu aux élèves d’affronter le
regard des spectateurs, d’explorer la relation
acteur-spectateur comme une relation de travail en
commun et non de jugement, de découvrir aussi la
liberté d’invention que possède l’acteur au-delà du
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texte.
Ce travail nécessite de l’espace, du temps (séance
d’une heure et demie ou de deux heures) et la possibilité pour les élèves de s’isoler du groupe.
On peut commencer par un exercice de concentration si l’on en sent le besoin (s’asseoir, fermer la
main droite et l’ouvrir au ralenti, le plus lentement
possible…), ou au contraire par un exercice d’échauffement (parcourir la salle rapidement, sans
courir, sans tourner en rond, et en évitant l’autre au
dernier moment…). On peut aussi considérer que
cet exercice, très physique, tient lieu d’échauffement.
Nous avons choisi de travailler d’abord la silhouette, sans texte support, pour rappeler que le corps
est le premier outil du comédien, et que jouer est
une pratique physique et non intellectuelle.
◗ Les élèves qui « bougent » testent tous en même
temps la même partie du corps comme point de
départ du mouvement. On leur annonce en cours
de mouvement la nouvelle partie du corps qui servira de « moteur ». Il importe de leur laisser le
temps de dépasser leur anxiété, leur réserve, de
trouver des idées. On leur recommandera de ne
surtout pas aller trop vite, pour approfondir dans la
lenteur la qualité du mouvement et la maîtrise du
corps.
◗ Il s’agit au départ d’exagérer, d’explorer à fond le
mouvement, puis peu à peu de gommer l’excès
pour arriver à une silhouette de théâtre. C’est à ce
moment-là que les élèves-observateurs pourront
chercher quel personnage rencontré dans les
extraits ils rapprochent de ces silhouettes. Les élèves découvriront ici en quoi l’œil du spectateur est
important pour progresser dans le jeu, puisqu’on
ne peut voir l’effet produit par ce que l’on propose.
On leur rappellera que le metteur en scène est
aussi le premier spectateur et que son rôle est de
faire le tri dans tout ce que trouve l’acteur lorsqu’il
« cherche son personnage ».
Les deux groupes intervertissent les rôles.
Le passage au jeu avec texte est difficile : penser
en même temps à dire le texte, à jouer les déplacements, à rendre les intentions et à conserver la
silhouette trouvée pose problème. On peut dans un
premier temps demander aux élèves de jouer les
personnages et la situation, mais avec leurs propres mots ; et seulement ensuite de passer au
texte.
2 • Varier le ton, jouer avec sa voix
C’est un exercice très classique qui permet aux élèves de découvrir le décalage qui peut exister entre
les mots et l’intention du locuteur, et combien le
ton est parfois plus révélateur que le contenu des
propos.
Les élèves s’installent en cercle. Il est important
qu’ils soient concentrés et ne laissent pas de blanc
entre les interventions, enchaînant aussitôt. S’ils
ont du mal à comprendre l’indication donnée, on
peut leur fournir un exemple, ou leur recommander
de s’inspirer de ce que feront leurs camarades. Il
vaut mieux ne pas intervenir en cours de route, ne
pas interrompre pour commenter avant la fin du
tour. On veillera à ne pas commencer le tour de
parole chaque fois par le même élève ; on peut s’amuser à donner d’autres lignes directrices dans
ces manières de dire : en pleurant, en riant, en
bâillant, en mangeant, avec un accent étranger…
On leur demandera ensuite comment ils ont vécu
l’exercice, quelles phrases, notamment, prenaient
un sens particulier selon la manière dont elles
étaient dites.
3 • Mettre en scène
Nous avons choisi un texte contemporain, qui ne
pose aucun problème de langue, mais pour lequel
les élèves doivent tout inventer pour donner vie aux
personnages et donner sens au dialogue. Il ne s’agit absolument pas de répondre aux questions de
façon théorique avant de jouer, mais d’intégrer la
réponse au jeu à chaque étape (on leur précisera
qu’il n’y a pas de bonnes et de mauvaises réponses
aux questions, et que les propositions finales peuvent être très différentes et toutes intéressantes).
Les élèves peuvent travailler au choix à deux ou à
trois (2 acteurs, ou 2 acteurs + 1 metteur en
scène, si ce regard extérieur sur le travail et les propositions des acteurs est indispensable, bien qu’il
ne soit pas facile à remplir pour un élève de 5e). On
leur laissera le temps d’élaborer cette mise en
scène avant de proposer leur travail au reste du
groupe, en donnant des indications sur les étapes
à suivre au fur et à mesure.
Avant toute chose, les deux acteurs du groupe procéderont à une lecture très neutre du texte.
→ Étape 1 Qui parle ? Quelle silhouette (âge,
démarche, costume, voix, trait de caractère principal...) mettre sur les noms de Livio et Sam ? Les
acteurs choisissent, se familiarisent avec la silhouette qu’ils ont créée (ils la font bouger, se lever,
faire la vaisselle, courir, s’endormir, se brosser les
dents…) et jouent la scène en tenant compte de ce
premier choix.
→ Étape 2 Où sommes-nous ? Il n’est pas question d’en chercher des indices dans le texte, mais
de faire une proposition (un café, un parc, un hall
de gare, une chambre d’hôpital, un commissariat
de police, un cimetière, un plateau de télévision, la
salle à manger de grand-mère…) Où le personnage
se tient-il dans ce lieu ? De quels éléments ce lieu
est-il constitué ? Il s’agit pour les deux acteurs de
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visualiser le lieu dans lequel leur personnage doit
évoluer. À eux ensuite de rejouer la scène.
→ Étape 3 Pourquoi chacun des personnages
entre-t-il dans ce lieu ? Par où entre t-il ? A-t-il l’habitude d’y venir ? Lequel des deux y entre en premier ? Une fois ces choix fixés, les acteurs rejouent
la scène.
→ Étape 4 Il ne s’agit pas de se cacher derrière un
gadget, mais d’imaginer un objet signifiant pour le
personnage, ou un élément qui vient enrichir la relation entre eux, ou un élément qui contribue à créer
le lieu. Attention toutefois à ne pas se cacher derrière les meubles (les chaises et les tables, notamment). Les acteurs peuvent aussi faire le choix de
se passer d’accessoires.
→ Étape 5 Au bout de combien de temps Sam
prend-il la parole ? Que se passe-t-il entre les deux
personnages avant qu’ils ne parlent ? Et surtout,
POURQUOI Sam interroge-t-il Livio : il croit l’avoir
entendu parler ? il a peur de la solitude ? ils sont
avec d’autres personnes ? il est fou et entend des
voix ? c’est son métier d’interroger ? il veut lui faire
avouer qu’il le trompe avec sa femme ? il est
furieux après lui parce qu’il l’a déconcentré dans la
construction d’un château de cartes ?…
POURQUOI Livio lui répond-il, et par une question :
il se moque de lui ? l’autre l’impressionne ? il est
poli ? il ne veut pas contrarier l’autre ? il ne comprend pas ce qu’on lui demande ?…
Ce choix vient se rajouter aux autres, la scène est
jouée encore une fois.
→ Étape 6
Le rythme de la scène est essentiel. Et surtout,
l’idée qu’il y a du jeu en dehors des paroles, et
donc des moments de silence qui ont du sens, des
échanges de regard qui vont évoluer la relation plus
que les mots... Aux élèves d’inventer cette part du
jeu.
Reste à connaitre le texte, et à répéter ce résultat
final pour mieux se l’approprier, avant de le présenter aux autres.
→ Étape 7
Il s’agit de former un œil de spectateur, comparer
des mises en scènes, en demandant aux élèves de
dépasser leur classique « c’était bien »… On leur
propose donc ici des outils d’analyse et on leur
demande d’observer :
1. La relation aux autres, spectateurs ou partenaire : le regard, la position des corps, la façon dont
on a tenu compte du partenaire dans le jeu, dont
on a réagi à ses paroles ou ses déplacements…
2. La création du personnage : la concentration, la
silhouette, le texte, le trait de caractère essentiel
qui structure le personnage.
3. La prise en compte de l’espace : on insistera
surtout sur la suppression des déplacements inuti-
les et on montrera combien une réplique prend de
force quand elle est dite par un acteur solidement
installé sur ses deux pieds.
Après la proposition de travail du groupe d’acteurs,
on demandera aux spectateurs de rendre compte de
ce qu’ils ont vu, puis on donnera quelques conseils
pour améliorer le travail et les acteurs rejoueront leur
scène en tenant compte de ces conseils. Si l’on veut
noter ce travail, c’est lors de cette dernière étape
qu’il est le plus judicieux de le faire.
BILAN
Molière, Les Fourberies de Scapin
p. 188-189
QUESTIONS
Le personnage de Géronte
1. Dans ses deux premières questions, Géronte se
parle à lui-même. Cela révèle un homme tourmenté, en proie au doute, à l’embarras. Mais en même
temps, ces répliques s’adressent aussi au public,
destinataire de toute réplique. On les appelle des
apartés.
2. Tout au long de cette scène, Géronte cherche à
faire avouer à son fils ce qu’il a bien pu faire. Pour
cela, il utilise des phrases impératives (« Parlons
un peu d’affaire », l. 7 ; « Tenez vous », l. 14) et
interrogatives (« Qu’est-ce donc qu’il s’est passé
ici ? », l. 18 ; « Qu’avez-vous fait dans mon absence ? », l. 20).
Le comique de la scène
3. D’après les didascalies, Léandre court vers
Géronte, qui l’évite : il y a là du comique de situation, lié à des attitudes contradictoires.
4. Léandre utilise pour répondre à son père des
phrases interrogatives (« Et quoi ? », l. 13 ; « Comment ? », l. 15 ; « Ce qui s’est passé ? », l. 19).
Elles traduisent son embarras (il ne sait ce que sait
exactement son père et ne veut pas se dévoiler), sa
gêne (il croyait son père dans l’ignorance de ses
actes) et aussi sa peur (dire la vérité lui semble
impossible, il ne peut ici affronter le désaccord avec
son père). Elles traduisent aussi son incapacité à
inventer, son manque de repartie. Cette tactique provoque l’exaspération du père (« Ce n’est pas moi qui
veux que vous ayez fait, mais qui demande ce que
c’est que vous avez fait », l. 22-23), mais le tient
aussi en échec (l’interrogatoire n’ira pas plus loin).
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5. On peut parler de comique de mots dans les
répliques suivantes : « Regardez-moi entre deux
yeux » (l. 16), « Ce n’est pas moi qui veut que vous
ayez fait, mais qui demande ce que c’est que vous
avez fait » (l. 22-23).
6. Ces deux questions sont assez ouvertes : on
peut considérer que Léandre l’a emporté, puisque
son père n’en sait pas plus qu’auparavant. On peut
aussi considérer que Géronte a repris la main sur
son fils, puisque à nouveau il lui dicte sa conduite
et que Léandre semble le craindre, lui qui n’ose
rien avouer.
Ce père qui vocifère et gesticule sans rien obtenir
est un père ridicule ; mais ce père inquisiteur (il fait
subir à son fils un interrogatoire) et froid (il refuse
d’embrasser son fils : son autorité bafouée est
plus importante que son bonheur de revoir son fils
après si longtemps) est aussi un père terrifiant.
Bibliographie
Thierry COLIGNON et Christine MONNET, Molière et
ses personnages, Mango Document.
Dario FO, Le Gai Savoir de l’acteur, l’Arche, 1990.
Alain HÉRIL et Dominique MÉGRIER, 60 Exercices
d’entrainement au théâtre, Retz, 1992.
Sylvie JEDYNAK, Maîtres et Serviteurs, CRDP MidiPyrénées, 1997.
Anne UBERSFELD, Lire le théâtre, Collection Sup
lettres Belin, 1996.
RÉÉCRITURE
7. LÉANDRE – Ah ! mon père, que j’ai de joie de te
voir de retour !
GÉRONTE – Doucement. Parlons un peu d’affaire.
LÉANDRE – Souffre que je t’embrasse, et que…
GÉRONTE – Doucement, te dis-je.
LÉANDRE – Quoi ? Tu me refuses, mon père, de t’exprimer mon transport par mes embrassements !
GÉRONTE – Oui ! Nous avons quelque chose à démêler ensemble.
LÉANDRE – Et quoi ?
GÉRONTE – Tiens-toi, que je te voie en face.
LÉANDRE – Comment ?
GÉRONTE – Regarde moi entre deux yeux.
LÉANDRE – Hé bien ?
GÉRONTE – Qu’est-ce donc qui s’est passé ici ?
LÉANDRE – Ce qui s’est passé ?
GÉRONTE – Oui. Qu’as-tu fait de mon absence ?
LÉANDRE – Que veux-tu, mon père, que j’aie fait ?
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