p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 91 Séquence 6 Le théâtre Étudier le texte théâtral Cette séquence sur le théâtre se veut tournée vers la pratique du jeu théâtral. En effet, si les élèves de 6e ont étudié le théâtre, c’est souvent dans la perspective d’identifier le genre (les codes de mise en page, la parole comme moteur de l’action…). L’objectif est de rappeler ici qu’un texte de théâtre est un texte à jouer avant que d’être un texte à lire. Nous avons eu à cœur de faire découvrir une œuvre complète de Molière, auteur jugé parfois par certains collègues comme trop difficile aujourd’hui pour des élèves vite dépassés par une langue ardue. Mais à travers le jeu, et une mise en place simple des enjeux de la parole pour chaque personnage, le texte s’éclaire souvent. Nous proposons donc une courte pièce de Molière, tirée de son répertoire de jeunesse, dont la brièveté n’empêche pas de mettre en place les connaissances nécessaires à l’étude d’une œuvre complète de théâtre : la construction de la pièce, le type de personnage, les ressorts du comique… Enfin, nous avons voulu lier cette approche du théâtre à l’étude de la farce étudiée dans la séquence rire au Moyen Âge. Image d’ouverture p. 165 1. Reconnaître les caractéristiques du texte théâtral ◗ Le but est de faire émerger l’idée de l’artifice : au théâtre, tout est faux, et se donne pour tel (ici faux paysage, ombre artificiellement créée par les éclairages...), contrairement au cinéma qui cherche à coller au réel. Le spectateur n’est pas dupe, connaît cet artifice ; et pourtant, le rire, les larmes, la peur, la compassion, la colère, bref l’émotion, peuvent être au rendez-vous. De quoi parle donc le théâtre, qui sonne juste et vrai malgré l’artifice ? La disposition des personnages, qui visiblement dialoguent alors qu’ils sont côte à côte, et qui regardent droit devant eux, rappelle aussi un code fondamental de l’écriture théâtrale : la prise en compte du public (on étudiera en cours de séquence la double énonciation), partenaire constant de tout jeu théâtral ; et les élèves que l’on mettra en situation de jeu dans la séquence devront, par la position des corps, la maîtrise de l’espace, le regard, la voix, tenir compte de cette donnée. Différencier répliques et didascalies et identifier les destinataires des répliques p. 166-168 LECTURE Pour commencer 1. En 5e, généralement, les élèves ne lisent pas spontanément du théâtre, même si certains en ont fait, dans des ateliers ou dans le cadre scolaire les années précédentes. On fera donc déjà apparaître l’idée que le théâtre est vécu comme un texte à jouer plutôt qu’à lire, sans doute parce qu’il a été conçu pour cela. Peut-être les élèves évoqueront-ils des problèmes liés à la mise en page (et la question du destinataire est donc posée) ou au côté artificiel pour eux des enjeux entre les personnages. Séquence 6 © Magnard, 2006 91 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 92 Un texte théâtral 2. On reconnaît un texte théâtral : – aux mots « Acte », « Scène », – à la mise en page du dialogue (nom des personnages en majuscules précédant leurs interventions), différente d’un dialogue romanesque, – à l’utilisation de différents types de caractère – au fait que le texte est constitué uniquement du dialogue des personnages. 3. Les éléments en italiques, ou « didascalies », indiquent ici qui est le destinataire des répliques (« à Truffaldin », « à Pantalon »), sur quel ton elles sont prononcées (« bas », « soupirant »), ou de quels mouvements des acteurs elles s’accompagnent (« prenant congé », « tous manifestent leur étonnement », « à part »). Elles sont destinées ici aux acteurs qui incarnent ces personnages, et au metteur en scène qui doit régler la scène. On demandera aux élèves de jouer leurs propositions, ce qui leur permettra de constater que : – le théâtre est bien un monde d’artifice : un acteur qui parle bas doit être entendu des spectateurs, et donc forcément des acteurs qui l’entourent, même si les personnages incarnés eux sont censés ne pas entendre : comment alors placer la voix ? – la mise en scène clarifie le texte : où placer les acteurs – nombreux ici – pour que personne ne tourne le dos au public, et que les différents destinataires des répliques de Truffaldin apparaissent clairement au spectateur ? Comment signifier les intentions des personnages par le corps (par exemple, celle de prendre congé) ? Comment gommer les déplacements et les mouvements inutiles pour que reste ce qui est lisible ? Comprendre la situation 4. Les didascalies indiquent au lecteur qui sont les personnages présents. Le spectateur voit les acteurs sur le plateau et comprend aux paroles échangées que Clarice est la fille de Pantalon, et Sméraldine une domestique. Il a pu auparavant identifier grâce à leur costume : le docteur, la domestique et sa riche maîtresse. 5. Truffaldin est un valet. Il le dit lui-même à la ligne 23 (« je suis le serviteur de mon patron ») et on le comprend à son utilisation de la désignation « seigneuries » (l. 1 et 19). Lignes 30-31, il affirme être le valet de Federigo Rasponi, ex-fiancé de Clarice que tous croyaient mort. Pantalon lui demande son identité dès la ligne 3 (« Qui êtes-vous, l’ami ? »), repose la question ligne 13 (« Qui êtes-vous ? »), ligne 21 (« Voulez-vous dire qui vous êtes ? »). Truffaldin y répond seulement lignes 38-39 (« Je suis Truffaldin Batocchio »), pour s’entendre répliquer « Peu m’importe de savoir qui vous êtes » (l. 40) par celui-là même qui insistait tant. Ce double décalage produit un effet comique. Décalage parce que Truffaldin fait dévier la conversation, changement d’attitude de Pantalon parce que l’identité du maître est devenue plus importante que l’identité du valet, qui vaut donc par sa fonction, non par sa personne : au comique vient donc se superposer une certaine cruauté dans les relations sociales. 6. Truffaldin donne la raison de sa visite à la ligne 26 (« C’est un étranger qui voudrait vous faire une visite »), puis aux lignes 30 à 33 : il vient annoncer l’arrivée de son patron et demander à Pantalon s’il est prêt à le recevoir. La nouvelle de la présence d’un Federigo Rasponi, bien vivant et désireux de voir sa fiancée, vient ruiner les projets de mariage de Clarice et de Silvio. Pantalon, qui a donné son accord au précédent mariage puis s’est engagé pour celui de Clarice et Silvio, se retrouve dans une situation délicate. 7. À l’annonce de cette arrivée prochaine, Pantalon est étonné (« Tous manifestent leur étonnement », l. 35). Il prend ensuite les choses en main pour demander des explications, en homme responsable (l. 37) ; mais il refuse ensuite de croire en une réalité aussi dérangeante (« J’ai peur d’avoir mal compris », l. 41 ; « vous n’êtes qu’un fou », l. 44). Le personnage de Truffaldin 8. Truffaldin s’adresse-t-il à Sméraldine aux lignes 9 (« Et vous, qui êtes-vous ? »), 19, 24 (Ainsi donc, pour en revenir à notre sujet... »), 27-28 (« À propos de fiancés, nous parlerons »), 36 (« Revenons à nous... »). Il est clair qu’il cherche à la séduire. Ce jeu de la séduction pourrait se rendre par des regards, des sourires, des poses avantageuses, des tentatives pour se rapprocher, des clignements d’yeux, un changement dans la voix, plus veloutée… 9. Truffaldin ne se montre pas vraiment respectueux envers Pantalon. Il adopte bien les codes du valet en apparence (l’expression soumise « vos seigneuries », l’admiration du début), mais il ne répond pas à sa question de la ligne 3. Il prend le contrôle de la scène en posant lui-même les questions (lignes 4-5 et 9), refuse encore une fois de se plier à l’interrogatoire de Pantalon (« Doucement, doucement, pas de brutalités », l. 14) et joue sur les mots quand il feint de lui obéir (« Je suis le serviteur de mon patron », l. 23). Il le traite avec condescendance (« Le pauvre vieux ! », l. 42), le néglige, alors qu’il est manifestement le maître pour parler plutôt à la servante et prend lui-même 92 © Magnard, 2006 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 93 à la fin la décision de se retirer (« Si vous permettez… », l. 59-60). Une de ses répliques (« le pauvre vieux », l. 42) ne s’adresse à aucun autre acteur, mais traduit les pensées du personnage et s’adresse au public. C’est un aparté. Goldoni invente là un personnage de valet séducteur, sûr de lui, gouailleur et insolent. Aux élèves de traduire physiquement la chose. On pourra leur demander d’inventer la silhouette de ce Truffaldin, de le faire bouger, s’arrêter, s’asseoir, s’adresser à un partenaire… 10. Lignes 49-51, Truffaldin est stupéfait : il a quitté Federigo Rasponi quelques heures auparavant bien vivant, et ne connaît pas cette histoire d’assassinat. Les autres n’ont plus eu de ses nouvelles depuis la lettre leur annonçant sa mort et mettant fin au projet de son mariage avec Clarice. Truffaldin croit qu’on lui annonce que son maître est mort entre le moment où il lui a donné l’ordre d’annoncer sa visite et sa conversation avec Pantalon. On peut parler ici de quiproquo. Sa réplique des lignes 49-53 est au début un aparté, puis ensuite il s’adresse à Pantalon : c’est bien parce que Panatalon n’entend pas toute la réplique que le quiproquo peut continuer. Pour conclure 11. Cet extrait montre bien que le texte théâtral est constitué de répliques et de didascalies, que le seul échange des répliques fait progresser l’histoire et construit les personnages. Il montre aussi qu’il existe des conventions de l’écriture théâtrale (mise en page, apartés), que tout – texte, jeu, décor, costumes – est fait pour rendre les choses claires pour le public, destinataire de toute réplique. 12. Voir jouer une scène plutôt que la lire permet de comprendre aussitôt le caractère d’un personnage (l’insolence de Truffaldin) et ses intentions (séduire Sméraldine). C’est souvent le seul moyen aussi de percevoir le comique de la scène. 2. Rire au théâtre Le comique de mots et le comique de situation p. 169-170 LECTURE Pour commencer 1. On laissera les élèves raconter le plus précisément possible une scène de film, de téléfilm ou de série télévisée comique à leurs yeux. On fera émerger alors le comique de caractère, de situation, de répétition, de mots... présent(s) dans leur choix La situation 2. Tandis que les Gantémouflon dorment, quelqu’un s’est introduit chez eux. Le bruit les réveille comme l’indiquent les didascalies : « Soudain le silence qui entoure le sommeil des époux est brisé par un bruit de pas inquiétant qui semble venir de derrière la porte de la chambre (qui n’est autre que la porte d’entrée puisqu’elle sépare ladite chambre du palier) ». Dans une telle situation, on s’attendrait que les personnages se lèvent pour aller voir, ou menacent l’individu, ou appellent la police au téléphone… Or, ils parlent… 3. Le désaccord entre les personnages porte sur le choix du mot juste pour qualifier ce bruit de pas. La discussion se clôt par le refus de Georges de prendre en compte les commentaires de sa femme. Puis il se rendort… 4. Ce décalage entre les événements et les réactions des personnages crée un effet comique lié à l’absurde de la situation. Le jeu sur les mots 5. Les Gantémouflon travaillent le cuir (l. 26 à 35) : leur nom rappelle gants et moufles, objets de peausserie, mais aussi mouflon, mammifère proche du bouquetin. 6. On relèvera les didascalies qui évoquent le réveil progressif de Georges : « dans un demi-sommeil » (l. 2), « dans un tiers de sommeil » (l. 4), « dans une miette de sommeil » (l. 6) et on demandera aux élèves de jouer leurs propositions. 7. Pour évoquer le bruit des pas, Marie-Gisèle utilise les verbes « couiner », « crisser », « recouiner » (l. 13), « crouiner » (l. 19). « Recouiner » est une Séquence 6 © Magnard, 2006 93 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 94 invention verbale transparente avec le préfixe indiquant la répétition, « crouiner » procède d’un mélange plus inventif (couiner-crier ?) que Georges semble considérer comme normal puisqu’il le reprend à son compte : le dérèglement langagier est partagé par les deux personnages. 8. Dans sa dernière réplique, Georges utilise : – des énumérations : « escarpins, mocassins, bottes et souliers à semelles double piqûre » (l. 27), « une chaussure qui plisse, qui coince, qui craque ou qui bâille, une pantoufle qui souffle ou une espadrille qui braille » (l. 31-33) – des exagérations : « depuis Louis X le Hutin » (l. 28), « reconnaître à cent mètres, les yeux bandés et par mauvais temps » (l. 30-31). Ces énumérations et exagérations révèlent un personnage suffisant, prétentieux, sûr de lui. Pour conclure 9. Dans cet extrait, l’auteur utilise du comique de situation, en proposant pour ses personnages une réaction absurde, et du comique de mots, en jouant sur le nom des personnages, en procédant à des inventions verbales, en boursouflant le langage d’exagérations et d’énumérations, en personnifiant les chaussures (« un pas qui a quelque chose derrière la tête », l. 34-35). On peut aussi parler de comique de caractère, avec la suffisance dangereuse de Georges. On laissera les élèves creuser la veine du ridicule dans les choix des silhouettes (faux gros ventre pour Georges…), des costumes (bonnet de nuit…), des accessoires (boules Quies que Georges enlèverait...) Le comique de caractère p. 171-172 4. Père Ubu condamne les Nobles à chaque fois après s’être assuré de l’ampleur de leurs possessions, c’est donc un homme intéressé. 5. Ce goût obsessionnel de la possession se traduit dans les majuscules « MA », « MES » (l. 36-37). Utilisation correcte de l’adjectif possessif pour « MES biens », mais on attendrait plutôt « la liste » : c’est un personnage presque enfantin qui apparaît ici, un enfant gâté au pouvoir inquiétant car illimité. Pour conclure 6. Le comique est lié ici à l’outrance même du personnage, l’exagération de sa cruauté. Ce comique de caractère est renforcé par un comique de mots (inventions verbales qu’on fera relever, contraste entre le langage et la fonction). 3. Une farce de Molière On peut étudier cette pièce au fil du texte. Pour le travail que nous proposons ici, nous avons choisi de privilégier trois axes de lecture (la construction de l’histoire, le personnage de Sganarelle, la farce) à partir de scènes précises. Au préalable, on pourra demander aux élèves de lire l’ensemble de la pièce, téléchargeable sur le site Magnard (www.magnard.fr/lemedecinvolant), ou, au contraire, faire de cette lecture complète l’aboutissement de cette étude, pour dépasser une vision trop morcelée du texte. Comprendre la progression de l’intrigue / La construction de l’histoire p. 181 LECTURE Cette fiche porte uniquement sur les scènes 1, 10, 15 et 16 1. Père Ubu est investi de l’autorité : – lignes 2 et 5, il utilise le futur (proche et simple), signe que sa volonté ne peut que se réaliser – ligne 4, il utilise l’impératif (« amenez », « passezmoi ») – ligne 7, il questionne et on lui répond. 2. Ubu interroge cinq nobles et les condamne tous à passer à la trappe. Ubu les condamne à être jetés dans un trou tellement plein que les nobles sont empilés. Il répète « dans la trappe » (l. 17-18, 23, 28, 33, 47) et cette répétition, prévisible, fait rire. 3. Cette attitude témoigne de la cruauté du Père Ubu. Scène 1 1. Cette première scène met en place les personnages et leurs liens : – Sabine, à qui Valère vient se confier. – La cousine de Sabine, Lucile, dont Valère est secrètement amoureux. – L’oncle de Sabine et père de Lucile, Gorgibus qui a prévu pour sa fille un autre mariage, avec un certain Villebrequin. – Le valet de Valère, Sganarelle. On pourra proposer aux élèves d’analyser le nom 94 © Magnard, 2006 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 95 des personnages, puisqu’il s’agit bien de personnages types, présents dans tout le théâtre de Molière : Lucile, ou Lucie, la lumineuse (du latin lux), objet de l’amour, personnage type de jeune fille. Valère (du latin valere, être en bonne santé), jeune homme éclatant. Villebrequin, nom d’outil, qui n’apparaît pas dans la pièce mais sert seulement à la construction de l’histoire, comme un outil. Sganarelle, nom de valet de comédie. À partir des sonorités du nom Gorgibus, on fera travailler les élèves, en y associant des silhouettes possibles. 2. Cette première scène dévoile une histoire qui commence en pleine crise : Valère est amoureux, Lucile l’aime en retour, mais le père de Lucile a prévu pour sa fille un autre mariage sans tenir compte de ses sentiments, et la date de ce mariage approche. Même si les élèves sont gênés par la langue, on pourra leur demander de relever le champ lexical de l’amour : « épouse » (l. 3), « mariés » (l. 4), « aimé » (l. 5), « amour » (l. 5), « mariage » (l. 8), « épouser » (l. 14-15). 3. Il va s’agir dans toute la pièce de résoudre le problème découvert dans la scène 1. Sabine a imaginé un plan, qui repose sur le mensonge et le déguisement. Lucile fait semblant d’être malade, et un complice imite un médecin qui ordonnera un séjour à la campagne, loin de la surveillance paternelle, permettant ainsi un mariage secret. Le valet apparaît dès cette scène comme celui qui devra résoudre les problèmes du maître. 4. Cette scène nous révèle le caractère de Gorgibus, le père, dont Sabine évoque « l’avarice » (l. 6-7) (on rappellera le principe de la dot, au centre de la question du mariage au XVIIe) mais aussi la naïveté, voire la bêtise (« le bon vieillard, qui est assez crédule », l. 9 ; « Il n’y a rien de si facile à duper que le bonhomme », l. 20). Ce dernier détail est d’importance, l’homme sera donc facile à tromper. 5. Cette première scène apporte donc beaucoup d’informations, mais certaines sont déjà connues de Valère: le projet de mariage décidé par Gorgibus, les confidences de Lucile à Sabine. Par contre, Sabine dévoile ici à Valère, le stratagème de la fausse maladie, le projet du médecin complice. On voit bien que cette première scène sert à mettre en place le cadre de l’histoire pour que le spectateur-lecteur la comprenne, et que c’est à lui qu’étaient destinées les premières informations. On a donc défini, grâce aux questions 1 à 5, la notion de scène d’exposition. 6. Tous en scène ! Valère est un amoureux malheureux qui attend de Sabine des nouvelles de la femme aimée. On l’imagine dans un grand état de tension, d’énervement. Le but est d’amener les élèves à réfléchir à ce que l’acteur dit au-delà des mots, par son attitude physique et ses déplacements : l’affolement de Valère, ça peut être un acteur qui marche de long en large, ou au contraire qui se retrouve enfermé comme un lion en cage... Il peut aussi être immobile puisqu’il se sent paralysé et sans idée, il peut tourner autour de Sabine... On pourra également proposer aux élèves de comparer deux façons de commencer, selon que c’est Sabine qui rejoint Valère ou l’inverse : à quoi l’acteur qui attend l’autre peut-il occuper son personnage ? Scène 10 7. La scène 1 nous a appris que c’était Sganarelle, le valet, qui était chargé de résoudre le problème de Valère. La première réplique de Sganarelle (« Merveille sur merveille », l. 1) indique qu’il a bien réussi. On demandera donc aux élèves comment faire croire qu’on est médecin : quels gestes, quelles paroles, quel costume ont pu permettre d’en convaincre Gorgibus ? 8. Grammaire Cette belle satisfaction prend fin brutalement et laisse place à l’affolement, comme l’indique l’exclamation « Ah ! ma foi, tout est perdu » (l. 9-10). La didascalie indique qu’il a aperçu Gorgibus : on peut en conclure que Gorgibus l’a aperçu aussi alors qu’il ne porte plus son déguisement de médecin. 9. Sganarelle doit donc endormir la méfiance de Gorgibus et inventer une explication à son allure ordinaire. 10. Sganarelle s’adresse au public dans la dernière réplique, les élèves auront reconnu un aparté. Cet aparté annonce une nouvelle piste pour l’histoire, on avancera le mot de rebondissement. 11. Tous en scène ! On travaille ici sur les couleurs différentes que peut prendre une silhouette selon le sentiment dominant du personnage. On pourra demander aux élèves, d’exprimer, tout en marchant, par la silhouette, le doute, le bonheur, la colère, la haine, la peur… Scènes 15 et dernière 12. L’histoire se termine bien pour chacun des personnages : même si le mensonge de Sganarelle est découvert, Gorgibus pardonne à tous ceux qui l’ont trompé et autorise le mariage de Valère et Lucile, « ayant un si brave gendre » (l. 42). 13. Un tel changement d’attitude paraît étonnant, tout comme il est étonnant qu’il ne s’irrite pas d’avoir été dupé. On voit bien ici que Molière ne Séquence 6 © Magnard, 2006 95 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 96 s’embarrasse pas de vraisemblance et de logique : l’essentiel est que l’histoire se termine bien. On pourra énumérer les moyens qu’il utilise dans d’autres pièces pour parvenir à ce dénouement heureux (le médaillon, l’enfant volé et retrouvé…) et on définira les caractéristiques de la comédie. 14. Sganarelle, pour sauver le bonheur de son maître, a couru des risques : scène 15, ligne 32, il est question de le pendre. La vie du valet est de peu de poids à côté du bonheur des maîtres, on rappellera qu’il en va ainsi aussi dans les Fourberies de Scapin, par exemple. C’est son intelligence qui le sauve, et son éloquence, puisqu’il convainc Gorgibus de ne pas insister au risque de se ridiculiser (voir Scapin, utilisant le même procédé pour obtenir le pardon de Géronte dans la scène finale des Fourberies de Scapin). 15. Tous en scène ! L’objectif est de faire réfléchir les élèves à l’équilibre du plateau et au choix de la distance avec le public. La question se pose particulièrement dans une scène où tous les personnages sont présents et où il faut éviter la confusion. Analyser un personnage de théâtre / Un personnage, Sganarelle p. 182 Cette fiche porte uniquement sur les scènes 1 à 5. Scènes 1 et 2 1. Sganarelle est le valet de Valère, on l’append dans la première scène : « si vous faisiez habiller votre valet en médecin ? » (l. 19). Quand il s’adresse à lui, Valère l’appelle par son prénom (« Mon pauvre Sganarelle », l. 1) et le tutoie (« que j’ai de joie de te voir », l. 1), tandis que Sganarelle l’appelle « Monsieur » (l. 4) et le vouvoie (« employez-moi », l. 4). 2. Valère considère Sganarelle comme un imbécile : « C’est un lourdaud, qui gâtera tout » (l. 21). Il a du mépris pour lui, en raison de son rang de valet (« ce maroufle », l. 22). 3. Dans sa première réplique, Sganarelle semble confirmer le jugement négatif de son maître : ses compétences semblent singulièrement limitées et ne reposent nullement sur l’intelligence : « voir quelle heure il est à une horloge, voir combien le beurre vaut au marché, abreuver un cheval » (l. 6-7). 4. Sganarelle commence par refuser (« je suis assez votre serviteur pour n’en rien faire du tout », l. 11-12), la tâche lui semblant trop difficile (« et par quel bout m’y prendre, bon Dieu ? », l. 12). Il accepte finalement la proposition de Valère (« Laissezmoi faire [...] je vous réponds de tout », l. 30-31) quand celui-ci lui propose de l’argent (« je te donnerai dix pistoles », l. 14). C’est donc un homme intéressé. Il n’y a pas entre le maître et le valet affection et désir d’entraide ; au mépris de Valère répond l’indifférence de Sganarelle. Scènes 4 et 5 6. Sganarelle parvient bien à faire croire à Gorgibus qu’il est médecin : celui-ci le désigne par son titre (« Très humble serviteur à Monsieur le médecin ! », sc. 4, l. 9), acquiesce à ses propos absurdes (« J’en suis fort ravi », sc. 4, l. 16). Il obéit aussi à ses ordres (« Oui-da ; Sabine, vite, allez quérir de l’urine de ma fille », sc. 4, l. 27 ; « Vite, une table, du papier, de l’encre », sc. 5, l. 14 ; « si vous le trouvez à propos, je l’y ferai loger », sc. 5, l. 21) et lui demande conseil (« Monsieur le médecin, j’ai grand’peur qu’elle ne meure », sc. 4, l. 28). Pour construire son personnage de médecin, Sganarelle utilise le champ lexical de la médecine (voir fiche 3, question 6). On rappellera qu’au XVIIe siècle les connaissances des médecins français n’ont guère évolué depuis l’Antiquité, puisque les références absolues sont Hippocrate (460-377 avant notre ère) et Galien (131-201 avant notre ère), qui pense que la maladie est un dérèglement des humeurs. À la même époque, le médecin anglais Harvey découvre les principes de la circulation du sang, traités par le mépris par les médecins français qui continuent de tuer leurs patients par ignorance. On expliquera également le terme « humeur » (sc. 5, l. 8) : selon les théories médicales de l’époque, le corps humain contient quatre humeurs fondamentales (liquides sécrétés par certains organes) : le sang, le flegme, la bile jaune, la bile noire. La santé depend de leur équilibre. Pour faire croire à son statut de médecin, Sganarelle utilise d’autres outils : il veut ausculter sa malade (« Mais encore, voyons un peu », l. 21), feint de connaître le latin (l’enseignement de la médecine se fait en latin au XVIIe), se montre prétentieux (« je suis le plus grand, le plus habile, le plus docte médecin », l. 15 ; « Tous les autres médecins ne sont, à mon égard, que des avortons de médecine », l. 18-19 ; « moi, qui suis un médecin hors du commun », l. 35-36). Il parle aussi d’un ton péremptoire (« Il n’importe », l. 23 : « Ah ! qu’elle s’en garde bien ! » (l. 29) ; « Faites-la pisser copieusement », l. 40), observe et interprète les symptômes, pour en conclure son diagnostic (« Sentez-vous de grandes douleurs à la tête, aux reins ? », sc. 5, l. 4). 96 © Magnard, 2006 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 97 Des photos de la mise en scène de Dario Fo, les élèves pourront déduire qu’il porte aussi le costume du médecin du XVIIe siècle. Le déguisement a donc ici une fonction dramatique, puisqu’il fait avancer l’action. 7. Grammaire Scène 5, lignes 6-13, Sganarelle utilise principalement des phrases complexes. Il fait preuve ainsi d’une maîtrise du langage qu’on n’attendait pas du « lourdaud » décrit par Valère. 8. Dans ces scènes, Sganarelle se montre intelligent et adroit : il amène Gorgibus à la conclusion souhaitée : « Nous avons un fort beau jardin, et quelques chambres qui y répondent ; si vous le trouvez à propos, je l’y ferai loger. » (sc. 5, l. 20-21). 9. Gorgibus et Lucile s’adressent à Sganarelle avec beaucoup de déférence : ils le vouvoient, l’appellent « Monsieur ». C’est pour Sganarelle une revanche sociale, à laquelle la tromperie lui permet d’accéder. 10. Tous en scène ! Sganarelle cherche à impressionner son auditoire, à masquer son ignorance derrière des formules ronflantes. Pour conclure 11. Le personnage principal de cette pièce est bien Sganarelle, valet, socialement inférieur, méprisé de tous, qui trouve dans la ruse l’occasion de se faire une place, et de voir ses talents reconnus. Ces scènes le confirment bien, puisque c’est lui qui fait progresser l’action en obtenant de Gorgibus qu’il envoie sa fille à la campagne. C’est lui qui parle le plus, c’est de lui que les autres dépendent. On précisera aux élèves que Molière a fréquemment utilisé un personnage nommé Sganarelle dans ses pièces, et que c’est Molière lui-même qui jouait ce rôle (ce qui confirme donc son statut de personnage principal). On le rencontre dans Sganarelle ou le Cocu Imaginaire, L’École des maris, Le Mariage Forcé, Don Juan, L’Amour médecin, Le Médecin malgré lui. Mais son statut social change d’une pièce à l’autre : bon bourgeois souvent naïf et simpliste ou valet. Mais pas un valet subtil comme Scapin… Reconnaître les procédés comiques de farce / Une farce p. 183 Le titre de la pièce 1. Cette question permettra de vérifier que l’histoire est bien comprise, avec un titre en conformité avec l’intrigue : « Tout est bien qui finit bien », « Un habile valet », « Le triomphe de l’amour »… 2. Le médecin est un personnage respecté, détenteur du savoir, lié à la maladie et donc à la mort. À l’époque de Molière, son vêtement renforce cette image, car être médecin c’est en porter les signes : longue robe noire et collerette blanche, haut chapeau à boucle, il est un personnage sombre et imposant. 3. Dans les scènes 14 et 15, Sganarelle se comporte en acrobate, lui qui sort et rentre en sautant par la fenêtre. 4. Ainsi donc, ce médecin volant, c’est Sganarelle l’acrobate, qui met à mal la dignité du médecin, en en faisant un personnage de cirque. Le déguisement a alors une fonction satirique, puisqu’il permet de tourner en ridicule la profession de médecin. On pourra alors évoquer la dimension critique de la pièce, et rappeler que Molière a parlé des médecins toute sa vie, les ridiculisant pour lutter contre l’obscurantisme de ce siècle, où l’on ne sait que purger et saigner, ce dont le malade ne se remet généralement pas. Des mots en délire (scènes 4 et 5) 5. C’est Sganarelle-médecin qui parle le plus, pour impressionner Gorgibus, le noyer sous un flot de mots et masquer son ignorance. 6. Vocabulaire Pour créer cette personnalité de médecin, Sganarelle utilise des mots appartenant au champ lexical de la médecine : « Hippocrate » (l. 12), « Galien » (l. 12), « malade » (l. 13), « médecin » (l. 15…), « cœur » (l. 20), « sang » (l. 23), « altération » (l. 24), « maladie » (l. 25), « urine » (l. 25), « egrotante » (l. 26), « ordonnance » (l. 30), « inflammation » (l. 31), « intestins » (l. 31)… 7. Sganarelle se sert du latin, langue de l’enseignement de la médecine ; seulement, Per omnia saecula saeculorum est un extrait de prière et non une formule de médecine. Il mêle également l’arabe (salamec, la paix soit avec vous), l’italien (signor si, oui monsieur), l’espagnol (Segnor, no, non monsieur). Visiblement, ce sont des bribes de phrases entendues par le valet sans qu’il les comprenne, et que le médecin utilise comme un écran de fumée, sans que Gorgibus se rende compte de rien. C’est donc bien le langage de la médecine qui est en cause ici, langage vidé de sens, incompréhensible pour celui qui l’entend mais aussi parfois pour celui qui l’utilise : le médecin est un charlatan, son discours des formules incantatoires. Séquence 6 © Magnard, 2006 97 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 98 8. Dans certains passages, le langage se dérègle sans que personne s’en aperçoive : – soit parce que ce sont des évidences : « Une personne ne se porte pas bien quand elle est malade » (sc. 4, l. 12-13), « Tant pis, c’est une marque que vous ne vous portez pas bien » (sc. 5, l. 3), « il n’est rien de plus contraire à la santé que la maladie » (l. 10-11) – soit parce que ce sont des aberrations scientifiques : « le sang du père et de la fille ne sont qu’une même chose ; et par l’altération de celui du père, je puis connaître la maladie de la fille » (sc. 4, l. 23-25) – soit parce que les mots n’ont plus aucun sens : « le plus docte médecin qui soit dans la faculté végétale, sensitive et minérale » (sc. 4, l. 15). Des corps très présents (sc. 4) 9. Cette question vise à faire comprendre que le jeu sert à clarifier le texte de théâtre, qui fonctionne comme un « texte à trou ». Si Sabine dit à Sganarelle « Hé ! ce n’est pas lui qui est malade, c’est sa fille » (l. 22), c’est bien parce qu’il a commencé à l’examiner. On pourra demander aux élèves de proposer des jeux de scène pour cette première « auscultation ». Sganarelle se justifie en avançant de pseudos théories médicales, dont les élèves pourront souligner l’absurdité manifeste. Gorgibus, lui, le croit, puisqu’il ne proteste pas et ne remet pas Sganarelle en cause à ce moment-là. C’est la bêtise de Gorgibus qui est ainsi soulignée, mais aussi la crédulité de tous les patients qui se fient aux discours des médecins, même quand ce sont des charlatans. 10. Sganarelle insiste lourdement sur l’idée d’uriner, à travers le mot « pisser » (six occurences des lignes 38 à 44), terme familier, en décalage avec l’image du médecin. L’insistance sur des fonctions « honteuses » du corps crée un effet comique. 11. Dans sa mise en scène de la pièce pour la Comédie-Française, Dario Fo faisait apparaître Sabine remplissant de vin blanc un pot de chambre. Cela correspond au moment où Gorgibus ordonne à Sabine d’aller chercher de l’urine de sa fille pour satisfaire la requête du médecin. Si Sganarelle déclare « elle n’est pas tant mauvaise, pourtant » (sc. 4 ; l. 31-32), c’est qu’il l’a goûtée. On demandera aux élèves de réagir, mais on leur signalera qu’au XVIIe, pour connaître l’état des humeurs, il fallait examiner, humer, voire goûter les excréments et l’urine du malade. Sganarelle semble, lui, prendre goût à la chose, c’est donc qu’il ne s’agit pas d’urine ! Une histoire qui s’emballe (sc. 14 et 15) 12. Sganarelle est « attrapé ce coup-là » (sc. 14, l. 10) puisque Gorgibus exige que Narcisse et son frère le médecin s’embrassent en sa présence, alors que c’est Sganarelle qui usurpe ces deux identités. Comme Gorgibus est parti à la recherche de Sganarelle-médecin en enfermant à clé chez lui Sganarelle-Narcisse, Sganarelle est donc dans l’embarras. 13. Sganarelle contourne le problème en sautant par la fenêtre, en s’échappant pour aller à la rencontre de Gorgibus, une fois son déguisement de médecin enfilé. 14. La tromperie est de plus en plus élaborée puisque Sganarelle joue les deux rôles par la fenêtre alternativement, en changeant de voix et de costume en quelques secondes. 15. Si depuis la scène 4, on pouvait parler de théâtre dans le théâtre, puisqu’un personnage s’y déguisait en un autre personnage, le dispositif de la scène 15 renforce cette notion : mensonge et illusion, changement de costume, et fenêtre qui cadre l’action comme une scène de théâtre pour le spectateur Gorgibus. Pour conclure 17. Dans les scènes 4, 14 et 15, Molière utilise du comique de mots (scène 4), du comique de situation (un maître trompé par son valet, un idiot se révélant plutôt malin, un piège se retournant contre son inventeur) et du comique de caractère (la naïveté de Gorgibus, annoncée dès la scène 1). Les acteurs peuvent accentuer ce comique, en prenant le public à partie, en accentuant la suffisance du faux médecin, en proposant un rythme très rapide pour les « passages de rôle » de Sganarelle, en mimant la dispute, en imaginant un dispositif pour rendre crédible la bagarre entre deux personnes… en jouant sur l’excès, qui fait partie de l’univers de la farce. VOCABULAIRE Des mots pour parler des personnages p. 184 Il nous a semblé que les élèves avaient des difficultés à parler des personnages par manque de vocabulaire plus que par difficulté de compréhension des textes. Ces exercices cherchent donc à mettre à leur disposition une palette de mots utiles 98 © Magnard, 2006 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 99 dans l’analyse d’un personnage, de théâtre comme de roman, avec cette spécificité du théâtre que l’élève doit déduire du seul dialogue cette analyse. ORTHOGRAPHE -é, -er, -ait, -ez ? p. 185 1. ◗ À travers cet enchaînement de phrases interrogatives, les élèves reconnaîtront un indécis. On peut leur proposer d’aller plus loin et de parler d’immaturité, voire de bêtise. ◗ Il s’agit de montrer aux élèves qu’ils peuvent comprendre l’essentiel d’une réplique même si le détail du vocabulaire ou la construction des phrases leur pose problème. À partir de « peu de choses qui me soient impossibles », « un génie assez beau », « on n’a guère vu d’homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi », les élèves construiront l’image d’un vantard. On leur rappellera qu’il s’agit de déduire des paroles et du comportement, et non de croire ce que chacun dit de luimême ou des autres, puisque ce même Scapin dit : « et je puis dire sans vanité », alors que le reste de ses propos prouve cette même vanité. ◗ Il est clair que c’est une amoureuse qui parle (« les tendres sentiments que vous pouvez avoir pour moi »), et une amoureuse qui s’adresse à celui qu’elle aime. Or, elle n’est pas dans la lamentation ni l’exaltation, mais dans l’analyse : « Je ne doute point que vos paroles ne soient sincères », « je crains un pouvoir qui combattra dans votre cœur... » On peut donc la définir comme lucide. ◗ À travers les paroles de Scapin, on découvre un homme malhonnête, mais aussi intelligent et doué pour la « mise en scène ». 2. b. Gorgibus se dit « ravi », et donc croit Sganarelle. Or celui-ci vient de proférer une énormité : « une personne ne se porte pas bien quand elle est malade » et une absurdité « le plus docte médecin de la faculté végétale, sensitive et minérale ». Il est donc crédule (= naïf) et sot. c. Quant à Sganarelle, il enchaîne des phrases complexes, utilise des références à deux médecins, des accumulations : il parle donc avec éloquence (= verve, adresse) et aplomb. 1. a. et b. On rencontre des : -é (1. confié – 5. parlé) participes qu’on peut remplacer par « pris » (« ma cousine m’a pris... », « pour vous dire que j’ai pris... ») -er (3. parler – 4. chercher), infinitifs qu’on peut remplacer par « prendre » (« il lui faudra prendre... », « allez-vite prendre ») -ez (2. Employez-moi – 2. envoyez-moi), impératifs qui donnent des ordres. 2. Valère désirait épouser Lucile, la fille de Gorgibus. Mais celui-ci avait prévu de la marier à Villebrequin, un riche vieillard, sans se préoccuper des sentiments de sa fille. Sabine et Valère cherchèrent donc à imaginer un plan pour duper Gorgibus. Comme la science des médecins impressionnait facilement ce père naïf, le valet Sganarelle, une fois déguisé en médecin, put le persuader d’envoyer sa fille à la campagne, où Valère pouvait la rencontrer, l’enlever et l’épouser plus facilement qu’en ville. L’amoureux espérait que ce plan fonctionnerait. 3. 1. On me l’a indiqué par bonheur. – 2. Il ne faut pas qu’elle s’avise de se laisser mourir sans l’ordonnance de la médecine. – 3. Je l’y ferai loger. – 4. Je me suis introduit chez lui et lui ai conseillé de faire prendre l’air à sa fille. 4. 1. Hé, Monsieur, vous voulez désespérer ce pauvre garçon ? – 2. Mais voyez l’impudence de ce coquin-là, de vous aller trouver pour faire son accord. Je vous prie de ne m’en pas parler – 3. Ma foi, vous parlez fort à votre aise. 5. 1. Je vous serai bien obligé, monsieur Gorgibus. – 2. J’ai parlé à votre frère. Il m’a assuré qu’il vous pardonnait. 3. 1er groupe : 1. lâche – 12. poltron – 16. peureux 2e groupe : 2. réfléchi – 11. logique 3e groupe : 3. impulsif – 8. violent – 14. passionné 4e groupe : 4. coléreux – 18. emporté 5e groupe : 5. attentif – 17. compréhensif 6e groupe : 6. bon – 9. gentil 7e groupe : 7. tranquille – 13. calme 8e groupe : 10. irrespectueux – 15. insolent PARCOURS D’ORAL Mettre en scène p. 186-187 1 • Donner vie au personnage Ce parcours propose des exercices de théâtre qui permettent peu à peu aux élèves d’affronter le regard des spectateurs, d’explorer la relation acteur-spectateur comme une relation de travail en commun et non de jugement, de découvrir aussi la liberté d’invention que possède l’acteur au-delà du Séquence 6 © Magnard, 2006 99 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 100 texte. Ce travail nécessite de l’espace, du temps (séance d’une heure et demie ou de deux heures) et la possibilité pour les élèves de s’isoler du groupe. On peut commencer par un exercice de concentration si l’on en sent le besoin (s’asseoir, fermer la main droite et l’ouvrir au ralenti, le plus lentement possible…), ou au contraire par un exercice d’échauffement (parcourir la salle rapidement, sans courir, sans tourner en rond, et en évitant l’autre au dernier moment…). On peut aussi considérer que cet exercice, très physique, tient lieu d’échauffement. Nous avons choisi de travailler d’abord la silhouette, sans texte support, pour rappeler que le corps est le premier outil du comédien, et que jouer est une pratique physique et non intellectuelle. ◗ Les élèves qui « bougent » testent tous en même temps la même partie du corps comme point de départ du mouvement. On leur annonce en cours de mouvement la nouvelle partie du corps qui servira de « moteur ». Il importe de leur laisser le temps de dépasser leur anxiété, leur réserve, de trouver des idées. On leur recommandera de ne surtout pas aller trop vite, pour approfondir dans la lenteur la qualité du mouvement et la maîtrise du corps. ◗ Il s’agit au départ d’exagérer, d’explorer à fond le mouvement, puis peu à peu de gommer l’excès pour arriver à une silhouette de théâtre. C’est à ce moment-là que les élèves-observateurs pourront chercher quel personnage rencontré dans les extraits ils rapprochent de ces silhouettes. Les élèves découvriront ici en quoi l’œil du spectateur est important pour progresser dans le jeu, puisqu’on ne peut voir l’effet produit par ce que l’on propose. On leur rappellera que le metteur en scène est aussi le premier spectateur et que son rôle est de faire le tri dans tout ce que trouve l’acteur lorsqu’il « cherche son personnage ». Les deux groupes intervertissent les rôles. Le passage au jeu avec texte est difficile : penser en même temps à dire le texte, à jouer les déplacements, à rendre les intentions et à conserver la silhouette trouvée pose problème. On peut dans un premier temps demander aux élèves de jouer les personnages et la situation, mais avec leurs propres mots ; et seulement ensuite de passer au texte. 2 • Varier le ton, jouer avec sa voix C’est un exercice très classique qui permet aux élèves de découvrir le décalage qui peut exister entre les mots et l’intention du locuteur, et combien le ton est parfois plus révélateur que le contenu des propos. Les élèves s’installent en cercle. Il est important qu’ils soient concentrés et ne laissent pas de blanc entre les interventions, enchaînant aussitôt. S’ils ont du mal à comprendre l’indication donnée, on peut leur fournir un exemple, ou leur recommander de s’inspirer de ce que feront leurs camarades. Il vaut mieux ne pas intervenir en cours de route, ne pas interrompre pour commenter avant la fin du tour. On veillera à ne pas commencer le tour de parole chaque fois par le même élève ; on peut s’amuser à donner d’autres lignes directrices dans ces manières de dire : en pleurant, en riant, en bâillant, en mangeant, avec un accent étranger… On leur demandera ensuite comment ils ont vécu l’exercice, quelles phrases, notamment, prenaient un sens particulier selon la manière dont elles étaient dites. 3 • Mettre en scène Nous avons choisi un texte contemporain, qui ne pose aucun problème de langue, mais pour lequel les élèves doivent tout inventer pour donner vie aux personnages et donner sens au dialogue. Il ne s’agit absolument pas de répondre aux questions de façon théorique avant de jouer, mais d’intégrer la réponse au jeu à chaque étape (on leur précisera qu’il n’y a pas de bonnes et de mauvaises réponses aux questions, et que les propositions finales peuvent être très différentes et toutes intéressantes). Les élèves peuvent travailler au choix à deux ou à trois (2 acteurs, ou 2 acteurs + 1 metteur en scène, si ce regard extérieur sur le travail et les propositions des acteurs est indispensable, bien qu’il ne soit pas facile à remplir pour un élève de 5e). On leur laissera le temps d’élaborer cette mise en scène avant de proposer leur travail au reste du groupe, en donnant des indications sur les étapes à suivre au fur et à mesure. Avant toute chose, les deux acteurs du groupe procéderont à une lecture très neutre du texte. → Étape 1 Qui parle ? Quelle silhouette (âge, démarche, costume, voix, trait de caractère principal...) mettre sur les noms de Livio et Sam ? Les acteurs choisissent, se familiarisent avec la silhouette qu’ils ont créée (ils la font bouger, se lever, faire la vaisselle, courir, s’endormir, se brosser les dents…) et jouent la scène en tenant compte de ce premier choix. → Étape 2 Où sommes-nous ? Il n’est pas question d’en chercher des indices dans le texte, mais de faire une proposition (un café, un parc, un hall de gare, une chambre d’hôpital, un commissariat de police, un cimetière, un plateau de télévision, la salle à manger de grand-mère…) Où le personnage se tient-il dans ce lieu ? De quels éléments ce lieu est-il constitué ? Il s’agit pour les deux acteurs de 100 © Magnard, 2006 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 101 visualiser le lieu dans lequel leur personnage doit évoluer. À eux ensuite de rejouer la scène. → Étape 3 Pourquoi chacun des personnages entre-t-il dans ce lieu ? Par où entre t-il ? A-t-il l’habitude d’y venir ? Lequel des deux y entre en premier ? Une fois ces choix fixés, les acteurs rejouent la scène. → Étape 4 Il ne s’agit pas de se cacher derrière un gadget, mais d’imaginer un objet signifiant pour le personnage, ou un élément qui vient enrichir la relation entre eux, ou un élément qui contribue à créer le lieu. Attention toutefois à ne pas se cacher derrière les meubles (les chaises et les tables, notamment). Les acteurs peuvent aussi faire le choix de se passer d’accessoires. → Étape 5 Au bout de combien de temps Sam prend-il la parole ? Que se passe-t-il entre les deux personnages avant qu’ils ne parlent ? Et surtout, POURQUOI Sam interroge-t-il Livio : il croit l’avoir entendu parler ? il a peur de la solitude ? ils sont avec d’autres personnes ? il est fou et entend des voix ? c’est son métier d’interroger ? il veut lui faire avouer qu’il le trompe avec sa femme ? il est furieux après lui parce qu’il l’a déconcentré dans la construction d’un château de cartes ?… POURQUOI Livio lui répond-il, et par une question : il se moque de lui ? l’autre l’impressionne ? il est poli ? il ne veut pas contrarier l’autre ? il ne comprend pas ce qu’on lui demande ?… Ce choix vient se rajouter aux autres, la scène est jouée encore une fois. → Étape 6 Le rythme de la scène est essentiel. Et surtout, l’idée qu’il y a du jeu en dehors des paroles, et donc des moments de silence qui ont du sens, des échanges de regard qui vont évoluer la relation plus que les mots... Aux élèves d’inventer cette part du jeu. Reste à connaitre le texte, et à répéter ce résultat final pour mieux se l’approprier, avant de le présenter aux autres. → Étape 7 Il s’agit de former un œil de spectateur, comparer des mises en scènes, en demandant aux élèves de dépasser leur classique « c’était bien »… On leur propose donc ici des outils d’analyse et on leur demande d’observer : 1. La relation aux autres, spectateurs ou partenaire : le regard, la position des corps, la façon dont on a tenu compte du partenaire dans le jeu, dont on a réagi à ses paroles ou ses déplacements… 2. La création du personnage : la concentration, la silhouette, le texte, le trait de caractère essentiel qui structure le personnage. 3. La prise en compte de l’espace : on insistera surtout sur la suppression des déplacements inuti- les et on montrera combien une réplique prend de force quand elle est dite par un acteur solidement installé sur ses deux pieds. Après la proposition de travail du groupe d’acteurs, on demandera aux spectateurs de rendre compte de ce qu’ils ont vu, puis on donnera quelques conseils pour améliorer le travail et les acteurs rejoueront leur scène en tenant compte de ces conseils. Si l’on veut noter ce travail, c’est lors de cette dernière étape qu’il est le plus judicieux de le faire. BILAN Molière, Les Fourberies de Scapin p. 188-189 QUESTIONS Le personnage de Géronte 1. Dans ses deux premières questions, Géronte se parle à lui-même. Cela révèle un homme tourmenté, en proie au doute, à l’embarras. Mais en même temps, ces répliques s’adressent aussi au public, destinataire de toute réplique. On les appelle des apartés. 2. Tout au long de cette scène, Géronte cherche à faire avouer à son fils ce qu’il a bien pu faire. Pour cela, il utilise des phrases impératives (« Parlons un peu d’affaire », l. 7 ; « Tenez vous », l. 14) et interrogatives (« Qu’est-ce donc qu’il s’est passé ici ? », l. 18 ; « Qu’avez-vous fait dans mon absence ? », l. 20). Le comique de la scène 3. D’après les didascalies, Léandre court vers Géronte, qui l’évite : il y a là du comique de situation, lié à des attitudes contradictoires. 4. Léandre utilise pour répondre à son père des phrases interrogatives (« Et quoi ? », l. 13 ; « Comment ? », l. 15 ; « Ce qui s’est passé ? », l. 19). Elles traduisent son embarras (il ne sait ce que sait exactement son père et ne veut pas se dévoiler), sa gêne (il croyait son père dans l’ignorance de ses actes) et aussi sa peur (dire la vérité lui semble impossible, il ne peut ici affronter le désaccord avec son père). Elles traduisent aussi son incapacité à inventer, son manque de repartie. Cette tactique provoque l’exaspération du père (« Ce n’est pas moi qui veux que vous ayez fait, mais qui demande ce que c’est que vous avez fait », l. 22-23), mais le tient aussi en échec (l’interrogatoire n’ira pas plus loin). Séquence 6 © Magnard, 2006 101 p091_102_S6 18/07/06 14:35 Page 102 5. On peut parler de comique de mots dans les répliques suivantes : « Regardez-moi entre deux yeux » (l. 16), « Ce n’est pas moi qui veut que vous ayez fait, mais qui demande ce que c’est que vous avez fait » (l. 22-23). 6. Ces deux questions sont assez ouvertes : on peut considérer que Léandre l’a emporté, puisque son père n’en sait pas plus qu’auparavant. On peut aussi considérer que Géronte a repris la main sur son fils, puisque à nouveau il lui dicte sa conduite et que Léandre semble le craindre, lui qui n’ose rien avouer. Ce père qui vocifère et gesticule sans rien obtenir est un père ridicule ; mais ce père inquisiteur (il fait subir à son fils un interrogatoire) et froid (il refuse d’embrasser son fils : son autorité bafouée est plus importante que son bonheur de revoir son fils après si longtemps) est aussi un père terrifiant. Bibliographie Thierry COLIGNON et Christine MONNET, Molière et ses personnages, Mango Document. Dario FO, Le Gai Savoir de l’acteur, l’Arche, 1990. Alain HÉRIL et Dominique MÉGRIER, 60 Exercices d’entrainement au théâtre, Retz, 1992. Sylvie JEDYNAK, Maîtres et Serviteurs, CRDP MidiPyrénées, 1997. Anne UBERSFELD, Lire le théâtre, Collection Sup lettres Belin, 1996. RÉÉCRITURE 7. LÉANDRE – Ah ! mon père, que j’ai de joie de te voir de retour ! GÉRONTE – Doucement. Parlons un peu d’affaire. LÉANDRE – Souffre que je t’embrasse, et que… GÉRONTE – Doucement, te dis-je. LÉANDRE – Quoi ? Tu me refuses, mon père, de t’exprimer mon transport par mes embrassements ! GÉRONTE – Oui ! Nous avons quelque chose à démêler ensemble. LÉANDRE – Et quoi ? GÉRONTE – Tiens-toi, que je te voie en face. LÉANDRE – Comment ? GÉRONTE – Regarde moi entre deux yeux. LÉANDRE – Hé bien ? GÉRONTE – Qu’est-ce donc qui s’est passé ici ? LÉANDRE – Ce qui s’est passé ? GÉRONTE – Oui. Qu’as-tu fait de mon absence ? LÉANDRE – Que veux-tu, mon père, que j’aie fait ? 102 © Magnard, 2006