Un texte théâtral
2. On reconnaît un texte théâtral :
– aux mots « Acte », « Scène »,
– à la mise en page du dialogue (nom des person-
nages en majuscules précédant leurs interven-
tions), différente d’un dialogue romanesque,
– à l’utilisation de différents types de caractère
– au fait que le texte est constitué uniquement du
dialogue des personnages.
3. Les éléments en italiques, ou « didascalies »,
indiquent ici qui est le destinataire des répliques
(« à Truffaldin », « à Pantalon »), sur quel ton elles
sont prononcées (« bas », « soupirant »), ou de quels
mouvements des acteurs elles s’accompagnent
(« prenant congé », « tous manifestent leur étonne-
ment », « à part »). Elles sont destinées ici aux
acteurs qui incarnent ces personnages, et au met-
teur en scène qui doit régler la scène. On deman-
dera aux élèves de jouer leurs propositions, ce qui
leur permettra de constater que :
– le théâtre est bien un monde d’artifice : un acteur
qui parle bas doit être entendu des spectateurs, et
donc forcément des acteurs qui l’entourent, même
si les personnages incarnés eux sont censés ne
pas entendre : comment alors placer la voix ?
– la mise en scène clarifie le texte : où placer les
acteurs – nombreux ici – pour que personne ne
tourne le dos au public, et que les différents desti-
nataires des répliques de Truffaldin apparaissent
clairement au spectateur ? Comment signifier les
intentions des personnages par le corps (par exem-
ple, celle de prendre congé) ? Comment gommer
les déplacements et les mouvements inutiles pour
que reste ce qui est lisible ?
Comprendre la situation
4. Les didascalies indiquent au lecteur qui sont les
personnages présents. Le spectateur voit les
acteurs sur le plateau et comprend aux paroles
échangées que Clarice est la fille de Pantalon, et
Sméraldine une domestique. Il a pu auparavant
identifier grâce à leur costume : le docteur, la
domestique et sa riche maîtresse.
5. Truffaldin est un valet. Il le dit lui-même à la ligne
23 (« je suis le serviteur de mon patron ») et on le
comprend à son utilisation de la désignation « sei-
gneuries » (l. 1 et 19). Lignes 30-31, il affirme être
le valet de Federigo Rasponi, ex-fiancé de Clarice
que tous croyaient mort.
Pantalon lui demande son identité dès la ligne 3
(« Qui êtes-vous, l’ami ? »), repose la question ligne
13 (« Qui êtes-vous ? »), ligne 21 (« Voulez-vous dire
qui vous êtes ? »). Truffaldin y répond seulement
lignes 38-39 (« Je suis Truffaldin Batocchio »), pour
s’entendre répliquer « Peu m’importe de savoir qui
vous êtes » (l. 40) par celui-là même qui insistait
tant.
Ce double décalage produit un effet comique.
Décalage parce que Truffaldin fait dévier la conver-
sation, changement d’attitude de Pantalon parce
que l’identité du maître est devenue plus impor-
tante que l’identité du valet, qui vaut donc par sa
fonction, non par sa personne : au comique vient
donc se superposer une certaine cruauté dans les
relations sociales.
6. Truffaldin donne la raison de sa visite à la
ligne 26 (« C’est un étranger qui voudrait vous faire
une visite »), puis aux lignes 30 à 33 : il vient
annoncer l’arrivée de son patron et demander à
Pantalon s’il est prêt à le recevoir. La nouvelle de la
présence d’un Federigo Rasponi, bien vivant et
désireux de voir sa fiancée, vient ruiner les projets
de mariage de Clarice et de Silvio. Pantalon, qui a
donné son accord au précédent mariage puis s’est
engagé pour celui de Clarice et Silvio, se retrouve
dans une situation délicate.
7. À l’annonce de cette arrivée prochaine, Pantalon
est étonné (« Tous manifestent leur étonnement »,
l. 35). Il prend ensuite les choses en main pour
demander des explications, en homme responsa-
ble (l. 37) ; mais il refuse ensuite de croire en une
réalité aussi dérangeante (« J’ai peur d’avoir mal
compris », l. 41 ; « vous n’êtes qu’un fou », l. 44).
Le personnage de Truffaldin
8. Truffaldin s’adresse-t-il à Sméraldine aux lignes 9
(« Et vous, qui êtes-vous ? »), 19, 24 (Ainsi donc,
pour en revenir à notre sujet... »), 27-28 (« À propos
de fiancés, nous parlerons »), 36 (« Revenons à
nous... »). Il est clair qu’il cherche à la séduire. Ce
jeu de la séduction pourrait se rendre par des
regards, des sourires, des poses avantageuses, des
tentatives pour se rapprocher, des clignements
d’yeux, un changement dans la voix, plus veloutée…
9. Truffaldin ne se montre pas vraiment respec-
tueux envers Pantalon. Il adopte bien les codes du
valet en apparence (l’expression soumise « vos sei-
gneuries », l’admiration du début), mais il ne
répond pas à sa question de la ligne 3. Il prend le
contrôle de la scène en posant lui-même les ques-
tions (lignes 4-5 et 9), refuse encore une fois de se
plier à l’interrogatoire de Pantalon (« Doucement,
doucement, pas de brutalités », l. 14) et joue sur
les mots quand il feint de lui obéir (« Je suis le ser-
viteur de mon patron », l. 23). Il le traite avec
condescendance (« Le pauvre vieux ! », l. 42), le
néglige, alors qu’il est manifestement le maître
pour parler plutôt à la servante et prend lui-même
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© Magnard, 2006
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