Chapitre 10
M´ecanique des syst`emes ouverts
Tous les syst`emes ´etudi´es juqu’`a maintenant n’´echangeaient pas de mati`ere avec le milieu ext´erieur et avaient
une masse constante. Ce n’est, cependant, pas le cas de tous les syst`emes en mouvement. Une fus´ee, par exemple,
avance grˆace aux r´eacteurs qui ´ejectent des gaz. L’´etude de la propulsion va faire intervenir un syst`eme dit ouvert
car il ´echange de la mati`ere avec l’ext´erieur. C’est aussi le cas pour une lance `a incendie, un syst`eme d’arrosage
rotatif, etc. . . Mais les lois de la m´ecanique ont ´et´e ´etablies pour des syst`emes ferm´es. Comment les ´etendre aux
syst`emes ouverts ? C’est encore `a Euler que l’on doit la r´eponse.
10.1 Surface de contrˆole
Consid´erons le cas d’une fus´ee qui ´ejecte des gaz pour avancer. Comment d´efinir le syst`eme ´etudi´e ? Les gaz
qui sont sortis ne nous int´eressent plus. On choisit comme syst`eme d’´etude, la fus´ee et les gaz qu’elle contient
encore. Et comme il perd de la mati`ere, on parle de syst`eme ouvert.
Quelle mol´ecule de gaz sera incluse et quelle mol´ecule sera exclue ? O`u mettre la limite ? On d´efinit le syst`eme
`a l’aide d’une surface de contrˆole ferm´ee. Tout ce qui est `a l’int´erieur fait partie du syst`eme ´etudi´e, tout ce qui
est `a l’ext´erieur n’en fait pas partie. Il peut y avoir une part d’arbitraire dans la d´efinition du syst`eme ´etudi´e.
La surface de contrˆole peut ˆetre en mouvement ou immobile, elle peut aussi ˆetre d´eformable. Pour simplifier,
nous ne consid´ererons ici que des syst`emes ind´eformables. Oublions donc le cas du ballon de baudruche qui se
d´egonfle !
Dans le cas de la fus´ee, les gaz ´eject´es sortent. Pour un r´eacteur d’un avion par exemple, ou pour un tuyau
d’arrosage, il y a aussi de la mati`ere qui entre dans le syst`eme. Dans ce dernier cas, le fluide contenu dans ce
syst`eme est continuellement remplac´e.
D’une mani`ere g´en´erale, la surface de contrˆole est travers´ee par un flux de mati`ere entrant et/ou sortant. Sa
masse n’est donc pas forc´ement constante. Commen¸cons donc par faire un bilan de masse.
10.2 Bilan de masse
Consid´erons un tuyau avec de l’eau qui entre `a un bout et qui ressort de l’autre comme repr´esent´e sur la
figure 10.1. La surface de contrˆole est d´efinie par les sections en Seet Sset la surface lat´erale. Elle est repr´esent´ee
par un trait ´epais.
Consid´erons maintenant le fluide contenu dans cette surface de contrˆole `a la date t. A la date t+dt,ilse
sera d´eplac´e vers la droite sur le dessin. Cette masse de fluide qui se d´eplace forme un syst`eme ferm´e. Suivre
son mouvement rel`eve d’une description lagrangienne. En revanche, la surface de contrˆole, quant `a elle, reste
immobile et est ouverte. A la date t+dt, du fluide sera entr´e et sorti par les sections `a chacune des extr´emit´es.
Cette vision correspond `a une approche dite eul´erienne.
La masse du syst`eme ferm´e ne varie pas, alors que pendant un temps dt, la masse du syst`eme ouvert a vari´e.
De combien ? Consid´erons la section en entr´ee. Le volume de fluide qui entre pendant un temps dt est uedt Se
o`u ueest la vitesse relative du fluide en entr´ee par rapport au syst`eme que l’on suppose uniforme sur la section
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CHAPITRE 10. M ´
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EMES OUVERTS 97
Figure 10.1 – Ecoulement dans un tuyau. La surface de contrˆole est en noir. La mati`ere qui a p´en´etr´e dans
le syst`eme pendant le temps dt est `a gauche en rouge. La mati`ere qui est sortie du syst`eme pendant ce mˆeme
temps est `a droite en orange.
Se. Et donc la masse de fluide qui entre pendant le temps dt est obtenue en multipliant ce volume par la masse
volumique e:dme=eSeuedt.
Si l’on d´efinit le d´ebit massique en entr´ee De
mcomme ´etant la masse de fluide entrante par unit´e de temps,
dme=De
mdt,avecDe
m=eSeue. Dans le syst`eme international d’unit´es, le d´ebit massique s’exprime en
kilogrammes par seconde. Il ne faut pas le confondre avec le d´ebit volumique qui s’exprime en m`etres cubes par
seconde.
On aurait pu trouver ce r´esultat `a partir de la d´efinition du vecteur courant, d´ej`a vu en ´electricit´e. En
d´efinissant je=eue, le d´ebit massique, `a l’instar de l’intensit´e de courant, correspond au flux de je,De
m=jeSe.
On a bien la mˆeme expression.
Attention, comme la surface de contrˆole peut se d´eplacer, c’est la vitesse relative par rapport `a la surface
qu’il faut prendre pour estimer le d´ebit. On la note u.
On peut faire exactement la mˆeme chose avec la masse perdue `a la sortie. Finalement, si l’on note Mla
masse du syst`eme ouvert d´efini par la surface de contrˆole, cette masse varie pendant un temps dt de
dM =mems=eueSedt susSsdt =(De
mDs
m)dt, (10.1)
o`u l’indice ecorrespond `a l’entr´ee et l’indice s, `a la sortie. Les vitesses ueet ussont des vitesses relatives par
rapport `a la fronti`ere. L’expression avec le d´ebit massique, Dm, est plus commode.
10.3 Bilan de quantit´e de mouvement
Pour ´etudier le mouvement d’un syst`eme ouvert, il nous faut g´en´eraliser la relation fondamentale de la
dynamique qui n’est valable que pour des syst`emes ferm´es. Pour cela, on va relier les quantit´es de mouvement
de ces deux syst`emes pour en d´eduire une nouvelle loi qui d´ecoule du th´eor`eme d’Euler pour les syst`emes ouverts.
CHAPITRE 10. M ´
ECANIQUE DES SYST `
EMES OUVERTS 98
10.3.1 Th´eor`eme d’Euler pour les syst`emes ouverts
Reprenons l’´etude du tuyau qui nous a servi `a faire le bilan de masse pour faire, cette fois-ci, un bilan de
quantit´e de mouvement entre les dates tet t+dt. L’eau qui est contenue dans la surface de contrˆole `a la date
ts’est d´eplac´ee `a la date t+dt. Le contenu de la surface de contrˆole constitue donc un syst`eme ouvert. En
revanche, l’eau qui ´etait contenue dans la surface et qui s’est d´eplac´ee, constitue, quant `a elle, un syst`eme ferm´e
auquel on pourra appliquer la physique apprise jusqu’`a maintenant.
A la date t, les syst`emes ouverts et ferm´es sont confondus, leurs quantit´es de mouvement sont ´egales,
~pf(t)=~po(t).(10.2)
Mais `a la date t+dt, ils di`erent. D’apr`es la figure 10.1, on a
~po(t+dt)=~pf(t+dt)Ds
mdt~vs+De
mdt~ve.(10.3)
On a suppos´e ici, que toute la mati`ere entrante a la vitesse ~veet toute la mati`ere sortante, la vitesse ~vs. Il s’agit
bien des vitesses absolues par rapport au r´ef´erentiel d’´etude ici. En revanche, pour les d´ebits, ce sont toujours
les vitesses relatives qu’il faut utiliser. Si la surface de contrˆole est immobile, ce sont les mˆemes vitesses. Pas si
elle se d´eplace.
En soustrayant l’´equation `a la date t`a celle `a la date t+dt, il vient,
d~po
dt =d~pf
dt Ds
m~vs+De
m~ve.(10.4)
La relation fondamentale de la dynamique peut ˆetre appliqu´ee au syst`eme ferm´e et permet d’´ecrire que
d~pf
dt =X~
Fext.(10.5)
On en d´eduit, pour le syst`eme ouvert qui nous ineresse, que
d~po
dt =X~
Fext +De
m~veDs
m~vs.(10.6)
Cette relation correspond au th´eor`eme d’Euler pour les syst`emes ouverts.
En cas d’´ecoulement stationnaire, d~po
dt =~
0. On peut donc en d´eduire la somme des forces ext´erieures subies
par le syst`eme ouvert.
Voyons quelques applications classiques.
10.3.2 Tuyau rectiligne
Pour un tuyau rectiligne uniforme comme repr´esent´e sur la figure 10.1, le d´ebit et la vitesse d’´ecoulement
sont identiques en entr´ee et sortie en cas d’´coulement stationnaire. La masse du syst`eme est donc constante et
les termes additionnels de la relation d’Euler se compensent.
En revanche, si le tuyau n’est pas rectiligne, ~veet ~vsn’ont plus la mˆeme direction et ces termes ne se
compensent plus, mˆeme si les d´ebits et les normes des vitesses sont identiques. Il faut une force ext´erieure pour
modifier la quantit´e de mouvement de l’eau. Un tuyau souple se redressera. La fixation d’un tuyau non rectiligne
devra donc compenser la pouss´ee due `a l’´ecoulement.
10.3.3 Tapis roulant
Etudions maintenant un tapis roulant repr´esent´e sur la figure 10.2. Des objets tombent sur le tapis et sont
entraˆın´es. On supposera, pour simplifier, que le flux de mati`ere est constant, comme si c’´etait du sable, par
exemple.
Consid´erons donc, comme syst`eme ouvert, la surface de contrˆole repr´esent´ee sur la figure 10.2. Comme, `a
chaque instant, il y a autant d’objets qui entrent dans la surface de contrˆole que d’objets qui en sortent, la
masse du syst`eme ouvert ´etudi´e est donc constante. On notera donc Dmle d´ebit massique en entr´ee et en sortie.
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Figure 10.2 – Tapis roulant. La zone en pointill´es repr´esente la surface de contrˆole choisie.
Les objets arrivent dans la surface de contrˆole avec une vitesse verticale et ressortent avec une vitesse
horizontale. Une force a donc modifi´e leur quantit´e de mouvement. Que vaut-elle ?
Comme le mouvement est stationnaire, d~po
dt =~
0 et donc, en notant P~
Fext la somme des forces ext´erieures
appliqu´ees au syst`eme, on a, en appliquant la relation d’Euler,
~
0=X~
Fext +Dm~veDm~vs.(10.7)
En projetant sur l’axe horizontal, on obtient la force d’entraˆınement du tapis :
Fh=Dmvs.(10.8)
La vitesse de sortie correspond `a celle du tapis.
10.3.4 Application `a la fus´ee
Une fus´ee, de masse M, avance en ´ejectant des gaz avec une vitesse relative ~u. Contrairement aux exemples
pr´ec´edents, la surface de contrˆole est en mouvement et la masse de la fus´ee n’est pas constante. La situation est
donc un peu plus compliqu´ee.
Consid´erons le volume de la fus´ee comme syst`eme et commen¸cons par faire un bilan de masse. Il n’y a pas
de gaz qui p´en`etre et donc De
m= 0. La masse totale de la fus´ee varie et dM =Ds
mdt, comme on l’a vu. On
en d´eduit que Ds
m=dM
dt . Cela signifie que pendant un temps dt, la fus´ee ´ejecte dM.
En choisissant le r´ef´erentiel terrestre comme r´ef´erentiel d’´etude suppos´e galil´een, les gaz sont ´eject´es `a la
vitesse absolue ~v+~u,o`u~vest la vitesse de la fus´ee. Enfin, on va supposer que la seule force ext´erieure appliqu´ee
est le poids, M~g.
L’application du th´eor`eme d’Euler, ´equation (10.6), conduit `a
d~po
dt =M~g+dM
dt (~v+~u).(10.9)
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EMES OUVERTS 100
Comme ~po=M~vet que, dans cet exemple, la masse Mvarie, il faut faire attention en d´erivant la quantit´e
de mouvement,
d~po
dt =Md~v
dt +dM
dt ~v . (10.10)
L’´equation d’Euler conduit donc `a
Md~v
dt =M~g+dM
dt ~u . (10.11)
Le terme dM
dt ~uapparaˆıt donc comme un “terme de pouss´ee”. Comme dM
dt <0et~uest oppos´e `a ~v, ce nouveau
terme tend bien `a accroˆıtre la vitesse de la fus´ee. Bien ´evidemment, la fus´ee ne va d´ecoller que si la force de
pouss´ee est plus forte que le poids.
En supposant que la pesanteur ~gest uniforme et que ~u, la vitesse relative des gaz ´eject´es, est constante,
ce qui n’est pas le cas dans la r´ealit´e, on peut int´egrer facilement l’´equation pr´ec´edente pour trouver la vitesse
finale de la fus´ee,
~vf=~vi+lnMf
Mi~u+~g t . (10.12)
Ce r´esultat porte le nom d’´equation de Tsiolkovski.
Avec les technologies actuelles, on peut montrer que l’on ne peut pas s’aranchir du champ de pesanteur de
cette fa¸con et qu’il est n´ecessaire d’avoir une fus´ee `a ´etage. C’est `a dire que les “boosters” sont largu´es quand
ils sont vides afin d’all´eger la fus´ee de masses inutiles. Un autre syst`eme prend alors le relais pour communiquer
une vitesse plus ´elev´ee `a une fus´ee plus l´eg`ere.
10.3.5 Cas d’un r´eacteur d’avion
Pour un avion, c’est di´erent, car de l’air entre dans les r´eacteurs avant d’ˆetre rejet´e avec une vitesse plus
´elev´ee. A cela s’ajoutent les gaz issus de la combustion que l’on va n´egliger. Ainsi, le d´ebit `a l’entr´ee est le
mˆeme qu’`a la sortie et la masse de l’avion est constante. On note le d´ebit Dmet la masse de l’avion M. Comme
pr´ec´edemment, on note ~ula vitesse relative des gaz `a la sortie et ~vla vitesse de l’avion.
On peut alors faire l’´etude dans le r´ef´erentiel de l’avion, qui n’est pas galil´een, ou dans le r´ef´erentiel terrestre,
qui l’est. Pour simplifier, on supposera qu’il n’y a pas de vent.
Etude dans le r´ef´erentiel de l’avion
L’avion est immobile dans son propre r´ef´erentiel et donc, ~po=~
0. Les gaz entrent `a la vitesse ~vet ressortent
`a l a v i t e s s e ~u. Il faut aussi prendre en compte les forces d’inertie. On a donc
d~po
dt =~
0=X~
Fext +Dm(~v)Dm~uM~a. (10.13)
Le dernier terme correspond `a la force d’inertie d’entraˆınement. Finalement,
M~a=X~
Fext Dm(~v+~u).(10.14)
Le dernier terme correspond la pouss´ee de l’avion.
Etude dans le r´ef´erentiel terrestre
On peut refaire la mˆeme chose dans le r´ef´erentiel terrestre, absolu. La vitesse des gaz `a l’entr´ee est nulle s’il
n’y a pas de vent. En revanche, `a la sortie, la vitesse absolue vaut ~v+~u. Il n’y a pas de force d’inertie. On a
donc d~po
dt =X~
Fext Dm(~v+~u).(10.15)
Comme on a n´eglig´e la contribution des gaz de combustion, dM
dt = 0 et l’on retrouve l’´equation (10.14).
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