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6
Opérateurs d'interpolation
6.1 Interpolation sur un espace vectoriel réel de
dimension nie
Si E est un espace vectoriel réel, on note E ∗ son dual algébrique, c'est-à-dire
l'espace vectoriel constitué des formes linéaires sur E. On rappelle que si E est
de dimension nie égale à n, alors son dual est également de dimension n.
Lemme 6.1 Soient E un espace vectoriel réel de dimension n ≥ 1 et B =
(ei )1≤i≤n une base de E. Un système T = {ϕ1 , · · · , ϕn } de formes linéaires sur
E est libre dans E ∗ si, et seulement si, la matrice :


ϕ1 (e1 ) ϕ1 (e2 ) · · · ϕ1 (en )
 ϕ2 (e1 ) ϕ2 (e2 ) · · · ϕ2 (en ) 


G=

..
..
..
.
.


.
.
.
.
ϕn (e1 ) ϕn (e2 ) · · · ϕn (en )
est inversible dans Mn (R) .
Démonstration. Si B∗ = (e∗i )1≤i≤n est la base duale de B, on a alors pour
tout entier j compris entre 1 et n :
ϕj =
n
X
ϕj (ei ) e∗i ,
i=1
c'est-à-dire que t G est la matrice de passage de la base B au système T et ce
système est libre dans E ∗ si, et seulement si, la matrice t G est inversible, ce
qui équivaut à dire que G est inversible.
Dénition 6.1 Avec les notations qui précèdent, la matrice G = ((ϕi (ej )))1≤i,j≤n
est une matrice de Gram.
Étant donné un espace vectoriel réel de dimension n ≥ 1 et n formes linéaires
ϕ1 , · · · , ϕn sur E, on considère le problème d'interpolation suivant qui consiste
à déterminer pour tout vecteur y = (y1 , · · · , yn ) dans Rn un vecteur x dans E
tel que :
∀i ∈ {1, · · · , n} , ϕi (x) = yi .
(6.1)
155
156
Opérateurs d'interpolation
Théorème 6.1 Avec les notations qui précèdent, le problème (6.1) a une so-
lution dans E, pour tout y dans Rn si, et seulement si, le système T =
{ϕ1 , · · · , ϕn } est libre dans E ∗ . Dans ces conditions, pour y donné dans Rn , le
problème (6.1) a une unique solution dans E.
Démonstration. En désignant par B = (ei )1≤i≤n une base de E, tout
vecteur x ∈ E s'écrit x =
n
P
j=1
xj ej et pour tout i compris entre 1 et n, on a :
ϕi (x) =
n
X
ϕi (ej ) xj .
j=1
Dire que le problème (6.1) a une solution dans E pour tout y dans Rn est
équivalent à dire que pour tout y dans Rn le système linéaire :
n
X
ϕi (ej ) xj = yi (1 ≤ i ≤ n)
(6.2)
j=1
a une solution (x1 , · · · , xn ) dans Rn , ce qui est équivalent à dire que la matrice
G = ((ϕi (ej )))1≤i,j≤n de ce système est inversible, encore équivalent à dire que
T est une base de E ∗ .
Pour G inversible le système (6.2) a une unique solution, ce qui revient à
dire que le problème (6.1) a une unique solution dans E.
On suppose maintenant que le système T = (ϕi )1≤i≤n est une base E ∗ et
pour tout entier i compris entre 1 et n, on note Li l'élément de E déni par :
½
1 si j = i,
∀j ∈ {1, · · · , n} , ϕj (Li ) =
0 si j 6= i.
Théorème 6.2 Avec les notations et hypothèses qui précèdent, le système L =
(Li )1≤i≤n est une base de E et pour tout y dans Rn , la solution du problème
d'interpolation :
½
x ∈ E,
ϕi (x) = yi (1 ≤ i ≤ n) ,
est donnée par :
x=
n
X
yj Lj .
j=1
Démonstration. Si
entre 1 et n :
n
P
i=1
αi Li = 0, on a alors, pour tout entier j compris
αj = ϕj
à n
X
!
αi Li
= 0.
i=1
Le système L est donc libre et c'est une base de E, compte tenu de la dimension.
Interpolation sur un espace vectoriel réel de dimension nie
Pour y donné dans Rn , le vecteur x =
ϕi (x) = ϕi
à n
X
n
P
j=0
157
yj Lj est solution de :
!
yj Lj
= yi (1 ≤ i ≤ n)
j=1
et on sait que cette solution est unique.
On peut aussi remarquer que L est l'image réciproque de la base canonique
de Rn par l'isomorphisme u de E sur Rn déni par :


ϕ1 (x)


..
∀x ∈ E, u (x) = 
.
.
ϕn (x)
Sur l'espace vectoriel E = Rn [x] des fonctions polynomiales à coecients
réels et de degré au plus égal à n, on a les exemples classiques suivants de
problèmes d'interpolation, l'espace E étant muni de la base canonique B =
(ej )0≤j≤n , avec ej (x) = xj .
Exemple 6.1 (Interpolation de Lagrange) On se donne n + 1 réels deux
à deux distincts x0 < x1 < · · · < xn et pour tout entier i compris entre 0 et n,
on désigne par ϕi la forme linéaire d'évaluation en xi dénie sur E = Rn [x]
par :
∀P ∈ E, ϕi (P ) = P (xi ) .
La matrice de Gram correspondante est alors donné par :

1 x0 · · · xn0
 1 x1 · · · x n
1

G = ((ϕi (ej )))0≤i,j≤n =  .. .. . .
..
 . .
. .
1 xn · · ·



.

xnn
C'est une matrice de Vandermonde et son déterminant est donné par :
Y
(xj − xi )
det (G) =
0≤i<j≤n
(exercice 6.1). Comme les xi sont deux à deux distincts, ce déterminant est
non nul et avec ce qui précède on déduit que pour tout (y0 , · · · , yn ) dans Rn+1 ,
il existe un unique polynôme P tel que :
½
P ∈ Rn [x] ,
P (xi ) = yi (0 ≤ i ≤ n) .
Ce polynôme est le polynôme d'interpolation de Lagrange associé à(x0 , · · · , xn )
et (y0 , · · · , yn ) . Les polynômes de base Li sont donnés par :
n
Y
x − xj
Li (x) =
x − xj
j=0 i
j6=i
158
Opérateurs d'interpolation
et le polynôme d'interpolation de Lagrange s'écrit :
P (x) =
n
X
i=0
n
Y
x − xj
yi
.
x − xj
j=0 i
j6=i
Exemple 6.2 (Interpolation de Taylor) On se xe un réel a et pour tout
entier i compris entre 0 et n, on désigne par ϕi la forme linéaire dénie sur
E = Rn [x] par :
∀P ∈ E, ϕi (P ) = P (i) (a) .
La matrice de Gram correspondante est alors donné par :

1 a
 0 1!
´´
³³

(i)
G = ((ϕi (ej )))0≤i,j≤n = ej (a)
=  .. ..
 . .
0≤i,j≤n
0 0
···
an
· · · nan−1
..
...
.
···
n!



.

(i)
C'est une matrice triangulaire supérieure de termes diagonaux ei (a) = i!, son
déterminant est donc :
n
Y
det (G) =
i! 6= 0.
i=1
On déduit donc que pour tout (y0 , · · · , yn ) dans Rn+1 , il existe un unique polynôme P tel que :
½
P ∈ Rn [x] ,
P (i) (a) = yi (0 ≤ i ≤ n) .
Ce polynôme est le polynôme d'interpolation de Taylor associé au réel a et au
vecteur (y0 , · · · , yn ) . Les polynômes de base Li sont donnés par :
Li (x) =
1
(x − a)i
i!
et le polynôme d'interpolation de Taylor s'écrit :
P (x) =
n
X
yi
i=0
i!
(x − a)i .
C'est simplement le développement de Taylor-Lagrange d'ordre n en a d'un
polynôme de degré au plus égal à n.
Exemple 6.3 (Interpolation d'Hermite) On se donne n + 1 réels deux à
deux distincts x0 < x1 < · · · < xn , des entiers naturels α0 , α1 , · · · , αn , on
note :
n
X
αi
m=n+
i=0
et pour tout couple (i, k) d'entiers naturels avec i compris entre 0 et n et k
compris entre 0 et αi , on désigne par ϕi,k la forme linéaire dénie sur E =
Rm [x] par :
∀P ∈ E, ϕi,k (P ) = P (k) (xi ) .
Interpolation sur un espace vectoriel réel de dimension nie
159
Pour montrer que le problème d'interpolation correspondant a toujours une
solution il est équivalent de montrer que le problème correspondant à y = 0 a
pour unique solution la solution nulle, c'est-à-dire que le seul polynôme P tel
que :
½
P ∈ Rm [x] ,
P (k) (xi ) = 0 (0 ≤ i ≤ n, 0 ≤ k ≤ αi ) ,
est le polynôme nul. Si P est solution de ce problème, alors la condition
P (k) (xi ) = 0 pour tout entier k compris entre 0 et αi équivaut à dire que
P est divisible par (x − xi )αi +1 , on a donc :

 P ∈ Rm [x] ,
n
Q
α +1
 P (x) = Q (x) (x − xi ) i
i=0
et avec les degrés, on déduit que nécessairement P est le polynôme nul. On
déduit donc que pour tout
y = (y0,0 , · · · , y0,α0 , · · · , yn,0 , · · · , yn,αn ) ∈ Rm+1
il existe un unique polynôme P tel que :
½
P ∈ Rm [x] ,
P (k) (xi ) = yi,k (0 ≤ i ≤ n, 0 ≤ k ≤ αi ) .
Ce polynôme est le polynôme d'interpolation d'Hermite associé à (x0 , · · · , xn ) ,
(α0 , · · · , αn ) et y.
Les fonctions de base sont les fonctions Hi,k dénies, pour i compris entre 0
et n et k compris entre 0 et αi , par :

 Hi,k ∈ Rm [x]
½,
0 si (p, q) 6= (i, k) ,
(q)
(0 ≤ p ≤ n, 0 ≤ q ≤ αp )
 Hi,k (xp ) =
1 si (p, q) = (i, k) ,
et le polynôme d'interpolation d'Hermite s'écrit :
P =
αi
n X
X
yi,k Hi,k .
i=0 k=0
Pour α = (0, · · · , 0) , on retrouve les polynômes d'interpolation de Lagrange.
Pour α = (1, · · · , 1) , on a :
½
Hi,0 (x) = (1 − 2L0i (xi ) (x − xi )) L2i (x) ,
Hi,1 (x) = (x − xi ) L2i (x)
où les Li sont les polynômes de base de Lagrange (exercice 6.2).
Les polynômes d'interpolations dénis par :
½
P ∈ R2n+1 [x] ,
P (xi ) = yi , P 0 (xi ) = 0 (0 ≤ i ≤ n) ,
où les xi sont les racines du polynôme de Tchebychev Tn+1 , sont les polynômes
d'interpolation de Fejér-Hermite déjà rencontré au paragraphe 4.2, page 106.
160
Opérateurs d'interpolation
De manière plus générale, on se donne un intervalle réel I non réduit à un
point, n + 1 réels deux à deux distincts x0 < x1 < · · · < xn dans I, une famille
T = {θ0 , · · · , θn } de fonctions dénies sur I à valeurs réelles et on désigne par
E le sous-espace vectoriel de l'espace RI des fonctions de I dans R engendré
par T .
Pour (y0 , · · · , yn ) dans Rn+1 , le problème d'interpolation :

n
 θ= Pa θ ∈T,
j j
(6.3)
j=0

θ (xi ) = yi (0 ≤ i ≤ n) ,
a une solution si, et seulement si, le système linéaire :
n
X
θj (xi ) aj = yi (0 ≤ i ≤ n)
j=0
a une solution (a0 , · · · , an ) dans Rn+1 . Ce système a une solution pour tout
y dans Rn+1 si, et seulement si, la matrice de Gram G = ((θj (xi )))0≤i,j≤n est
inversible et cette matrice est inversible pour tout (n + 1)-uplet x0 , · · · , xn de
réels deux à deux distincts dans I si, et seulement si, le système T est un
système de Tchebychev sur I (théorème 3.2, page 74).
On suppose donc que T = {θ0 , · · · , θn } est un système de Tchebychev sur
I et on se donne n + 1 réels x0 , · · · , xn deux à deux distincts dans I. On note
DT (x0 , x1 , · · · , xn ) le déterminant de la matrice de Gram correspondante et
pour tout entier i compris entre 0 et n, on dénit la fonction Li par :
∀t ∈ I, Li (t) =
DT (x0 , · · · , xi−1 , t, xi+1 , · · · , xn )
.
DT (x0 , x1 , · · · , xn )
En développant ce déterminant par rapport à la ligne numéro i, on vérie que
la fonction Li est dans E et qu'elle vérie les conditions d'interpolation :
½
1 si j = i,
∀j ∈ {0, · · · , n} , Li (xj ) =
0 si j 6= i.
La solution dans E du problème (6.3) est alors donnée par :
θ (t) =
n
X
i=0
yi
DT (x0 , · · · , xi−1 , t, xi+1 , · · · , xn )
.
DT (x0 , x1 , · · · , xn )
Exemple 6.4 En prenant T = {e0 , · · · , en } avec ej (t) = tj , on a E = Rn [x]
et on retrouve les polynômes d'interpolation de Lagrange.
Exemple 6.5 En prenant T = {c0 , · · · , cn , s1 , · · · , sn } avec ck (t) = cos (kt) ,
sk (t) = sin (kt) , on a E = Pn (espace des polynômes trigonométriques de
degré au plus n). Le système T est de Tchebychev sur l'intervalle I = [0, 2π[
(exercice 3.6, page 93), donc pour toute suite (xi )0≤i≤2n de points deux à deux
Les opérateurs d'interpolation de Lagrange
161
distincts dans I et pour tout vecteur y dans R2n+1 , il existe un unique polynôme
trigonométrique P solution du problème d'interpolation :
½
P ∈ Pn ,
P (xi ) = yi (0 ≤ i ≤ 2n) .
Ce polynôme peut s'écrire :
P (x) =
2n
X
2n
Y
sin
yi
i=0
j=0
j6=i
sin
¡ x−xj ¢
2
¢
¡ xi −x
j
2
(exercice 6.3).
6.2 Les opérateurs d'interpolation de Lagrange
Pour ce paragraphe on se donne un intervalle réel fermé borné I = [a, b]
avec a < b et pour tout entier naturel non nul n, une suite (xn,i )0≤i≤n de réels
deux à deux distincts dans I.
Pour tout fonction f appartenant à C (I) , on note Ln (f ) le polynôme d'interpolation de Lagrange déni par :
½
Ln (f ) ∈ Rn [x] ,
Ln (f ) (xn,i ) = f (xn,i ) (0 ≤ i ≤ n) .
On a :
Ln (f ) =
n
X
f (xn,i ) Ln,i ,
i=0
avec :
n
Y
x − xn,j
Ln,i (x) =
(0 ≤ i ≤ n) .
x − xn,j
j=0 n,i
j6=i
L'opérateur linéaire Ln est un continu de C (I) dans Rn [x] avec :
kLn k = sup
x∈I
n
X
|Ln,i (x)|
i=0
(théorème 1.18, page 19).
La suite (λn )n≥1 = (kLn k)n≥1 est la suite des constantes de Lebesgue associées à la suite double (xn,i )0≤i≤n<+∞ .
On peut remarquer que Ln laisse invariant tous les éléments de Rn [x] (unicité du polynôme d'interpolation de Lagrange).
Comme dans le cas des séries de Fourier le lien entre la convergence uniforme des polynômes d'interpolation de Lagrange et la suite des constantes
de Lebesgue est précisé par le résultat suivant où En (f ) = d (f, Rn [x]) =
inf kf − P k∞ est le degré d'approximation uniforme par des polynômes de
P ∈Rn [x]
degré au plus n de la fonction f.
162
Opérateurs d'interpolation
Théorème 6.3 Pour toute fonction f dans C (I) , on a :
∀n ≥ 1, En (f ) ≤ kf − Ln (f )k∞ ≤ (1 + λn ) En (f ) .
Démonstration. Avec Ln (f ) ∈ Rn [x] , on déduit que En (f ) ≤ kf − Ln (f )k∞ .
Pour toute fonction polynomiale P, on a :
kf − Ln (f )k∞ ≤ kf − P k∞ + kP − Ln (f )k∞ ,
avec :
kP − Ln (f )k∞ = kLn (P − f )k∞ ≤ λn kP − f k∞ .
On a donc :
∀P ∈ Rn [x] , kf − Ln (f )k∞ ≤ (1 + λn ) kP − f k∞
et en prenant pour polynôme P le polynôme vériant kP − f k∞ = En (f )
(corollaire 3.7 page 90), on obtient kf − Ln (f )k∞ ≤ (1 + λn ) En (f ) .
Avec le théorème de Weierstrass, on déduit que lim En (f ) = 0 et comme
n→+∞
dans le cas des séries de Fourier on a la condition susante de convergence qui
suit.
Corollaire 6.1 (Lebesgue) Si f est une fonction appartenant à C (I) telle
lim λn En (f ) = 0, alors la suite (Ln (f ))n∈N des polynômes d'interpolation
n→+∞
de Lagrange de f converge uniformément vers f sur I.
Dans le cas où les points xn,i sont équidistants dans l'intervalle I = [a, b] ,
soit :
b−a
xn,i = a + i
(0 ≤ i ≤ n) ,
n
en utilisant la paramétrisation x = a + t (b − a) de I avec t compris entre 0 et
n, on peut écrire les fonctions de base Ln,i de la façon suivante :
n
Y
t−j
n
(−1)n−i Y
(t − j) (0 ≤ i ≤ n)
Ln,i (x) = λn,i (t) =
=
i
−
j
i!
(n
−
i)!
j=0
j=0
j6=i
j6=i
et les constantes de Lebesgue sont données par :
λn = sup
n
X
|λn,i (t)| .
t∈[0,n] i=0
Théorème 6.4 Pour des points d'interpolation équidistants dans I, on a :
∀n ≥ 1,
2n
≤ λn ≤ 2n .
4n2
Les opérateurs d'interpolation de Lagrange
163
Démonstration. On a :
µ ¶¯
n ¯
X
¯
1 ¯¯
¯
λn ≥
,
λ
n,i
¯
2 ¯
i=0
avec, pour tout entier i compris entre 0 et n :
¯
¯
µ ¶¯
n ¯
Y
¯
¯
¯
¯
1
1
1
1
¯j − ¯
¯λn,i
¯=
¯
¯
¯
1 ¯¯ j=0 ¯
2 ¯ i! (n − i)! ¯¯
2¯
i
−
¯
2¯
¶
n µ
1
1
1 1Y
¯
¯
=
j−
.
1 ¯¯ 4 j=2
i! (n − i)! ¯¯
2
¯i − 2 ¯
¯
¯
µ
¶
µ
¶
n
n−1
¯
Q
Q
1
1 ¯¯
1
¯
j−
=
j+
≥ (n − 1)!
En tenant compte de ¯i − ¯ ≤ n et
2
2
2
j=2
j=1
on déduit que :
¯
µ ¶¯
¯
¯
(n − 1)!
1
1
¯λn,i 1 ¯ ≥
= Cni 2
¯
¯
2
i! (n − i)! 4n
4n
et :
n
1 X i
2n
λn ≥ 2
C =
.
4n i=0 n 4n2
Pour tout entier k compris entre 0 et n − 1 et pour tout réel t compris entre
k et k + 1 on a, pour tout entier i compris entre 0 et n :
k
n
Y
Y
1
|λn,i (t)| ≤
(k + 1 − j)
(j − k)
i! (n − i)! j=0
j=k+1
j6=i,
≤
j6=i,
(k + 1)! (n − k)!
n!
≤
= Cni .
i! (n − i)!
i! (n − i)!
Il en résulte que :
λn ≤
n
X
Cni = 2n .
i=0
Dans le cas où les points d'interpolation sont équidistants, on a donc lim λn =
n→+∞
+∞ et en utilisant le théorème de Banach-Steinhaus, on déduit le résultat suivant.
Théorème 6.5 Pour des points d'interpolation équidistants dans I, il existe
une fonction f dans C (I) pour laquelle la suite (Ln (f ))n≥1 ne converge pas
uniformément vers f sur I.
164
Opérateurs d'interpolation
On rappelle que le polynôme de Tchebychev Tn+1 est déni sur I = [−1, 1]
par :
∀x ∈ [−1, 1] , Tn+1 (x) = cos ((n + 1) arccos (x))
et qu'il a n + 1 racines distinctes dans I données par :
µ
¶
2i + 1
xn,i = cos
π (0 ≤ i ≤ n) .
2n + 2
On note xn,i = cos (θn,i ) , avec θn,i =
0 et n.
2i + 1
π pour tout entier i compris entre
2n + 2
Théorème 6.6 Si les points d'interpolation sont les racines du polynôme de
Tchebychev Tn+1 , il existe alors une constante réelle α telle que :
∀n ≥ 2,
2
ln (n) ≤ λn ≤ α ln (n) .
π
Démonstration. Les fonctions de base Ln,i , pour i compris entre 0 et n,
peuvent s'écrire :
Tn+1 (x)
.
0
(x − xn,i ) Tn+1
(xn,i )
Ln,i (x) =
En écrivant Tn+1 (x) = cos ((n + 1) θ) , avec θ = arccos (x) ∈ [0, π] et en dérivant par rapport à la variable θ, on a :
0
sin (θ) Tn+1
(cos (θ)) = (n + 1) sin ((n + 1) θ) .
En tenant compte de sin ((n + 1) θn,i ) = (−1)i , on en déduit que :
0
0
Tn+1
(xn,i ) = Tn+1
(cos (θn,i )) =
(−1)i (n + 1)
.
sin (θn,i )
On peut donc écrire les fonctions de base Ln,i sous la forme :
Ln,i (x) = λn,i (θ) =
(−1)i sin (θn,i ) cos ((n + 1) θ)
n+1
cos (θ) − cos (θn,i )
et on a :
λn = sup
n
X
|λn,i (θ)| .
θ∈[0,π] i=0
En particulier, on a :
λn ≥
n
X
i=0
n
n
1 X sin (θn,i )
1 X
|λn,i (0)| =
=
cotg
n + 1 i=0 1 − cos (θn,i )
n + 1 i=0
µ
θn,i
2
¶
.
i πi
En utilisant la décroissance de la fonction cotg sur l'intervalle 0,
, on en
2
déduit que :
µ µ
¶¶
Z π
2 2
θn,0
2
λn ≥
cotg (θ) dθ = − ln sin
π θn,0
π
2
2
Les opérateurs d'interpolation de Lagrange
et avec :
µ
sin
on aboutit à :
θn,0
2
2
λn ≥ ln
π
¶
µ
≤
165
θn,0
π
=
,
2
4 (n + 1)
4 (n + 1)
π
¶
≥
2
ln (n) .
π
D'autre part, en écrivant, pour θ réel compris entre 0 et π et i entier compris
entre 0 et n, que :
µ
¶¯ µ
¶¯
θ − θn,i ¯¯
θ + θn,i ¯¯
|cos (θ) − cos (θn,i )| = 2 sin
¯sin
¯,
2
2
en utilisant l'inégalité :
¯
¯
¯ µ
¶¯
¯ 2 ¯ θ − θn,i ¯
¯
θ
−
θ
n,i
¯sin
¯≥ ¯
¯
¯ π¯ 2 ¯
¯
2
¯
¯
¯ θ − θn,i ¯
¯ ≤ π ) et la concavité de la fonction sin sur [0, π] qui permet
(on a ¯¯
2 ¯
2
d'écrire :
µ
¶
θ + θn,i
1
1
sin
≥ (sin (θ) + sin (θn,i )) ≥ sin (θn,i ) ,
2
2
2
on obtient la majoration :
|λn,i (θ)| ≤
π |cos ((n + 1) θ)|
n+1
|θ − θn,i |
(on a λn,i (θn,i ) = 1 et avec cos ((n + 1) θn,i ) = 0, on déduit que le membre de
droite de cette inégalité se prolonge par continuité en θn,i ).
Si θ ∈ [0, π] , il existe un entier k compris entre 0 et n tel que :
|θ − θn,k | = min |θ − θn,i | .
0≤i≤n
π
et pour tout entier i compris entre 0 et n,
2 (n + 1)
distinct de k, k − 1 et k + 1 :
On a alors |θn,k − θ| ≤
|θ − θn,i | ≥ |θn,i − θn,k | − |θn,k − θ| ≥ (|i − k| − 1)
π
.
n+1
Pour i compris entre k − 1 et k + 1, on utilise l'inégalité des accroissements
nis pour écrire :
|cos ((n + 1) θ)| = |cos ((n + 1) θ) − cos ((n + 1) θn,i )| ≤ (n + 1) |θ − θn,i | .
Ces inégalités nous donnent la majoration :
n
X
i=0
|λn,i (θ)| ≤
n
X
i=0
|i−k|>1
n
X1
1
+ 3π ≤ 2
+ 3π.
|i − k| − 1
i
i=1
166
Opérateurs d'interpolation
En notant γn =
n 1
P
− ln (n) , on aboutit à l'inégalité :
i=1 i
λn ≤ 2γn + 3π + 2 ln (n)
et avec lim γn = γ (la constante d'Euler), on déduit qu'il existe un réel α tel
n→+∞
que λn ≤ α ln (n) pour tout n ≥ 2.
En utilisant le théorème de Jackson (théorème 5.13, page 142), on déduit
alors le résultat suivant, analogue à celui obtenu dans le cadre des séries de
Fourier.
Théorème 6.7 (Dini-Lipschitz) Si, pour tout entier n ≥ 1, les points d'in-
terpolation sont les racines du polynôme de Tchebychev Tn+1 sur I = [−1, 1] et
si f ∈ C (I) vérie une condition de Dini-Lipschitz, alors la suite (Ln (f ))n≥1
des polynômes d'interpolation de Lagrange de f correspondants converge uniformément vers f sur I.
Démonstration. Avec le théorème de Jackson, on a :
µ
En (f ) λn ≤ 2ωf
2π 2
n+2
¶
¡
α ln (n) ≤ 2α 1 + 2π
2
¢
µ ¶
1
ωf
ln (n) → 0,
n→+∞
n
ce qui entraîne la convergence uniforme sur I de la suite (Ln (f ))n≥1 vers f.
Le résultat précédent s'applique pour une fonction de classe de Hölder,
lipschitzienne ou de classe C 1 sur I.
Pour des points d'interpolation quelconques, chaque opérateur de Lagrange
Ln est continu de C (I) dans Rn [x] et laisse stable les éléments de Rn [x] , on
peut donc utiliser le théorème de Kharshiladze et Losinski (théorème 5.18,
page 150) pour déduire le résultat suivant.
Théorème 6.8 (Faber) Si (xn,i )0≤i≤n<+∞ est une suite de points de l'inter-
valle compact I telle que pour tout n ≥ 1 les points xn,i pour 0 ≤ i ≤ n sont
deux à deux distincts dans I, alors en notant pour tout entier naturel non nul
n, Ln l'opérateur de Lagrange sur C (I) associé aux points (xn,i )0≤i≤n , on a :
∀n ≥ 1, λn = kLn k ≥
ln (n)
2 (π + 2)
et il existe une fonction f dans C (I) pour laquelle la suite (Ln (f ))n≥1 ne
converge pas uniformément vers f sur I.
Remarque 6.1 De manière un peu plus précise, on peut montrer (voir [11])
qu'il existe une constante α telle que pour tout choix des points d'interpolation
xn,i dans l'intervalle I, on a :
λn ≥
2
ln (n) − α.
π
En choisissant pour points d'interpolations les racines du polynôme de Tcheby2
chev Tn+1 , on a λn v ln (n) , c'est-à-dire que ce choix est l'un des meilleurs.
π
Les opérateurs d'interpolation de Lagrange
167
Dans le cas où la fonction f est de classe C n+1 , on peut donner une expression
de l'erreur d'interpolation f − Ln (f ) en tout point de l'intervalle I, les points
d'interpolation étant quelconques. Précisément on a le résultat suivant où, pour
n ≥ 1, πn+1 est la fonction polynomiale dénie par :
πn+1 (x) =
n
Y
(x − xn,i ) ,
i=0
les xn,i étant des points deux à deux distincts dans I.
Théorème 6.9 Soit f une fonction de classe C n+1 sur l'intervalle I. Pour
tout x dans I il existe un point cx appartenant à I tel que :
f (x) − Ln (f ) (x) =
1
πn+1 (x) f (n+1) (cx ) .
(n + 1)!
Démonstration. Si x est l'un des points xn,i , alors f (x) − Ln (f ) (x) =
πn+1 (x) = 0 et tout point cx ∈ I convient. On se donne donc un point x ∈
I \{xn,0 , · · · , xn,n } . On désigne par Px le polynôme d'interpolation de Lagrange
associé à la fonction f et aux points xn,0 , · · · , xn,n , x. Ce polynôme est déni
par :

 Px ∈ Rn+1 [t] ,
Px (xn,i ) = f (xn,i ) (0 ≤ i ≤ n) ,

Px (x) = f (x) .
On vérie facilement que :
Px = Ln (f ) +
f (x) − Ln (f ) (x)
πn+1 .
πn+1 (x)
La fonction gx = f − Px est alors de classe C n+1 sur l'intervalle I, nulle en
n + 2 points distincts (x et les xn,i ), le théorème de Rolle itéré (exercice 6.6,
(n+1)
(cx ) = 0,
question 1) nous dit alors qu'il existe un point cx ∈ I tel que gx
ce qui compte tenu de :
Px(n+1) =
s'écrit :
f (n+1) (cx ) −
f (x) − Ln (f ) (x)
(n + 1)!
πn+1 (x)
f (x) − Ln (f ) (x)
(n + 1)! = 0
πn+1 (x)
ou encore :
f (x) − Ln (f ) (x) =
1
πn+1 (x) f (n+1) (cx ) .
(n + 1)!
Avec Maple la fonction interp permet le calcul des polynômes d'interpolation de Lagrange. Les instructions qui suivent nous permette de calculer le
1
polynôme d'interpolation de Lagrange de la fonction f : x 7→
associé
1 + 25x2
à une subdivision régulière de l'intervalle [−1, 1] .
168
Opérateurs d'interpolation
InterpolationLagrange :=proc(f,a,b,n)
local t,X,Y ;
X :=evalf([seq(a+k*(b-a)/(n-1),k=0..n-1)]) ;
Y :=map(f,X) ;
unapply(collect(interp(X,Y,t),t),t) ;
end :
f :=x->1/(1+25*x^2) ;
P :=InterpolationLagrange(f,-1,1,10) ;
plot([f,P],-1..1,thickness=[2,0],color=black) ;
La gure 6.1 nous donne le résultat obtenu.
1
0.8
0.6
0.4
0.2
–1 –0.8 –0.6 –0.4 –0.2 0
0.2 0.4 0.6 0.8
1
–0.2
Fig. 6.1 Graphes de f et P
Le phénomène d'oscillation constaté aux bords de l'intervalle est le phénomène de Runge. Ce phénomène peut aussi être constaté avec la fonction
f : x 7→ |x| − |x − 1| associé à une subdivision régulière de l'intervalle [−2, 2] .
6.3 Les opérateurs de Bernstein sur F
Dans un premier temps, on se xe un entier naturel non nul n et on note
(xi )0≤i≤2n la suite de réels dans I = [0, 2π[ dénie par :
∀i ∈ {0, 1, · · · , 2n} , xi =
2iπ
.
2n + 1
Du fait que le système T = {c0 , · · · , cn , s1 , · · · , sn } est de Tchebychev sur I
(exercice 3.6, page 93), on déduit que pour toute fonction f ∈ F il existe un
unique polynôme trigonométrique P ∈ Pn tel que :
∀i ∈ {0, 1, · · · , 2n} , P (xi ) = f (xi ) .
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